Notules sur la vie et quelques œuvres de Maurice Delage


 

(photo Roger-Viollet) DR.

 

Maurice Delage, mélodie Madras, 1er poème des Quatre poèmes hindous
Consultez la partition de 2 pages en pleine grandeur

(in Le Figaro, supplément littéraire du dimanche, 20 juin 1914) DR.

Né le 13 novembre 1879 à Paris, mort dans cette ville le 19 septembre 1961, Maurice Delage, après avoir travaillé dans une agence maritime parisienne, puis à Boulogne-sur-Mer en tant que Sous-Commissaire de marine où on le trouve en 1899, décida de se consacrer entièrement à la musique. A cette époque, il jouait déjà habilement du piano et du violoncelle qu’il avait appris en autodidacte. Devenu élève particulier de Maurice Ravel avec lequel il resta ami, celui-ci sera l’un des deux témoins à son mariage célébré à Paris en 1923 avec Nelly Guérin-Desjardins (1884-1964) ; le second témoin, Suzanne Roux était l’épouse du compositeur et musicologue Roland-Manuel (1891-1966) autre disciple et ami de Ravel. Dans ses compositions, peu nombreuses mais d’une rare qualité (mélodies, pages pour piano, musique de chambre, poèmes symphoniques), on perçoit parfois l’influence de l’Extrême-Orient, souvenir de ses voyages en Inde et au Japon et quelquefois celle de Debussy. Membre du groupe artistique « Les Apaches » aux côtés de Ravel, il put y rencontrer et fréquenter notamment Stravinsky, Chadeigne, Inghelbrecht, A. Roussel, F. Schmitt et Ricardo Vinès. Méconnu de nos jours, c’est principalement son ensemble de mélodies Quatre poèmes hindous (Madras, Lahore, Bénarès, Jeypur), pour soprano, deux flûtes, hautbois, deux clarinettes, harpe et quatuor à cordes (op. 3, 1912), créés à Paris le 14 janvier 1914 en même temps que les Trois poèmes de Mallarmé de Ravel et les Trois poésies de la lyrique japonaise de Stravinsky, qui restent attachés à son nom. [DHM]

 

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« Concerts Thérèse Vié, 16 juin.

Les Quatre Poèmes Hindous, de Maurice Delage, peut-être la seule oeuvre moderne (avec le Rossignol) dont l'exotisme n'ait pas de caractère factice mais réponde à quelque chose d'intimement vécu, à une expression irrésistible de l'être : qualité mélodique, souplesse des rythmes, instrumentation personnelle prêtent à cette oeuvre une matière d'une beauté rare (en particulier dans la deuxième pièce, Lahore). Mme Thérèse Vie en fut une intelligente interprète, habile à surmonter les nombreuses difficultés techniques. »

Maurice Delage en compagnie de Maurice Ravel, en 1930
(coll. BnF-Gallica) DR.

(Le Ménestrel, 23 juin 1922, p. 276)

 

 

« De M. Maurice Delage, nous entendîmes, chantés, comme le Rossignol, par Mlle Ada Sari, Trois Poèmes qui, en réalité, se réduisent à deux : Roses d'octobre et l'Alouette. Élève de M. Maurice Ravel, M. Delage témoigne de la même concision subtile que son maître, avec moins d'originalité. Il a fait preuve, en tout cas, d'une discrétion un peu excessive en se limitant à ces deux courtes pièces, dont la seconde fut bissée. Si, hanté par le génie de Wagner, trop de compositeurs eurent souvent tendance à imposer à leurs auditeurs des oeuvres prétentieuses, d'une ampleur indigeste, beaucoup d'autres, aujourd'hui, étriquent trop volontiers la musique en la ramenant à la conception du tableautin et même du minuscule objet d'étagère. »

(Le Ménestrel, 11 mai 1923, p. 215-216)

 

 

« Concert Koussevitzky (8 novembre).

Le jour où sera représenté le Ballet de l'Avenir de M. Maurice Delage, l'affabulation de M. Louis Laloy donnera certainement leur plein sens aux complexes intentions dont témoigne l'Ouverture de l'oeuvre. Une vaste ambition synthétique y est incluse. Au début, en leur discordance, les « bruits de l'usine » ; mais, en raison, sans doute, du « fantastique » qui est en eux, et aussi de la « forte pulsation » régulière des « mécanismes » sous-jacents, une possibilité d'harmonie s'élance, et bientôt s'élargit en accueils d'amour et de rêverie, puis en curiosités qui rejoindront la nature et feront se déployer de nouvelles formes de solitude. En même temps, à travers tout cela, par la seule mise en oeuvre technique, et indépendamment du prétexte littéraire choisi, s'affirme une synthèse d'un autre ordre : remarquable combinaison d'éléments musicaux européens et asiatiques.

Des trois Poèmes pour chant et orchestre, qui mirent ensuite en plein relief d'autres aspects du talent de M. Delage, le plus accompli semble être celui qui prolonge la musique imitative déjà enfermée par Du Bartas dans les quatre vers de l'Alouette. »

(Le Ménestrel, 16 novembre 1923, p. 479)

 

 

« Le défaut des sept Haï-Kaï de Maurice Delage est différent. Des pièces de Louis Durey paraissaient trop longues ; celles de Delage sont, trop courtes. La déclamation a beau en être extrêmement juste et l'orchestration fort ingénieuse, elles n'arrivent point à créer l'ambiance nécessaire avant la dernière mesure. Ici comme souvent un petit arrêt est inévitable, ne fût-ce que pour mettre une sourdine aux cordes, le charme est constamment rompu. Ces pièces délicieuses sont plutôt de celles qu'il faut lire chez soi, pour son plaisir ; on peut alors on goûter pleinement la rareté d'écriture. A vrai dire, je préfère ses oeuvres moins courtes et notamment cette admirable Mélodie que Delage a écrit, sur un poème de Toulet et qui tarde trop à paraître au concert. »

(La Semaine à Paris, 21 décembre 1928, p. 49)

 

 

« Concerts Straram, jeudi 2 mars.

Nous avons pu entendre, en première audition, Contrerimes de M. Maurice Delage, pages dont la clarté, l'élégance d'écriture et la belle pâte orchestrale — solide mais sans enflure — sont d'un musicien de talent et de goût. M. Maurice Delage est un élève de Maurice Ravel. Le premier morceau, Prélude, par son côté féerique, poétique, rappelle en effet la manière lumineuse et d'une légèreté de rêves de l'auteur de Ma mère l'Oye et de Daphnis et Chloé. Le second (hommage à Manuel de Falla) fait songer beaucoup (nul doute que M. Maurice Delage ne l'ait fait exprès) à l'Amour Sorcier. Le troisième morceau est une danse vigoureuse et bien scandée, qui change d'aspect « comme le vent change d'humeur » (nous dit le programme). En somme, avec un choix heureux de moyens, M. Delage parvient à créer de la musique pure, simple et belle, qui affirme des dons harmonieusement développés et disciplinés. »

(Le Ménestrel, 10 mars 1933, p. 105-106)

 

« TROIS CHANTS DE LA JUNGLE (Maurice Delage). — 1) Chil (le Vautour), mélange de chant et de déclamation dans une couleur tonale basée sur un mode hindou (gamme d'ut avec si bémol ; le mi, tierce, indifféremment bécarre ou bémol ne change pas l'impression pour une oreille européenne de dominante du ton de fa). Sans aucune modulation, sans conclusion non plus, jusqu'au der- nier accord, sans tierce. 2) Maktah (Berceuse phoque), extrait, comme le précédent, du « Livre de la Jungle » de Kipling. Rythme balancé à 6/4. La sonorité est naturellement plus estompée et ne semble pas procéder harmoniquement du mode cité plus haut. 3) Themmangée (Chant et Danse du Tigre). Les paroles, complètement arbitraires, transcrivent phonétiquement un langage se rapprochant du dialecte « Tamoul ». On revient ici au mode hindou (gamme de ré majeur avec fa bécarre). L'orchestre d'accompagnement comprend : flûte (petite fl.), hautbois (cor Anglais), clarinette, basson, cor, 2 timbales, tambourin, tambour provençal, quintette à cordes. »

(L'Art musical, 6 décembre 1935, p. 115)

 

Collecte : Olivier Geoffroy

(mars 2021)


 

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