VICTOR GALLOIS
(1880 – 1941)



Vers 1930
(coll. CNR Douai) DR.

 

repères biographiques…

 

 

1880, le 16 mars à quatre heures du matin : naissance à Douai (Nord), 6 rue des Huit-Prêtres, de Victor-Léon Gallois, fils d’Alexandre Gallois, 32 ans, marchand de papier à Douai, et de Sophie Vanville.

 

1889, le 19 octobre, Douai : décès à l’âge de 40 ans d’Alexandre Gallois, père de Victor, en son domicile 17 rue de Valenciennes.

 

1890 : au cours de cette décennie, tout en étant scolarisé à l’Ecole des Frères (Institution Saint-Jean) de Douai, débute des études musicales à l’Ecole nationale de musique de sa ville natale, sous la direction d’Albert Gillet (1863-1946), professeur de hautbois et de clarinette, et de Paul Cueneleare (1851-1923), directeur de l’établissement depuis 1881, ancien élève du Conservatoire de Paris et directeur-fondateur de la « Société des concerts symphoniques du Conservatoire de Douai ». Il y obtient plusieurs prix : solfège, piano, clarinette, harmonie.

 

1896 : entre au Conservatoire national de musique de Paris, où il suivra notamment les classes d’harmonie de Xavier Leroux, puis de contrepoint et fugue de Charles Lenepveu.

 

1898 : 2e prix d’harmonie.

 

1901 : se présente au Conseil de révision, bureau de recrutement de Cambrai : est ajourné pour « faiblesse » et classé en 1903 dans les services auxiliaires. Son signalement porté sur les registres matricules le décrit ainsi : taille 1,64 mètre, cheveux châtains, sourcils châtain clair, yeux gris bleu, front bas, nez épaté, bouche moyenne, menton rond, visage ovale.

 

1902 : 1er prix de contrepoint et fugue.

 

1902-1903 : durant l’été est pianiste dans l’orchestre du Café Lafargue aux Sables-d’Olonne.

 

1903 : mélodie Pensées grises, poésie de Henry de Guérin (Marseille, M. Déramond).

 

1904 : en compagnie de Philippe Gaubert, Raymond Pech, Hélène Fleury, Raymond Saurat et Paul Pierné concourt pour le Prix de Rome avec la cantate Médora d’Edouard Adenis. Son œuvre n’est pas récompensée.

 

1905, juin : se présente à nouveau au Concours de Rome avec Marcel Samuel-Rousseau, Philippe Gaubert, Louis Dumas, Abel Estyle et Ferdinand Motte-Lacroix. Sa scène lyrique Maïa, paroles de Fernand Beissier, d’après Le Spahi de Pierre Loti, reçoit le 1er Grand Prix, devant Samuel-Rousseau, Gaubert et Dumas.

 

Dimanche 16 juillet 1905, réception de Victor Gallois, 1er grand prix de Rome : la voiture se rendant à l'Hôtel de Ville (DR.)

1905, juillet : Le quotidien Le Radical (édition du samedi 15 juillet 1905) nous apprend que la ville natale de notre lauréat du Prix de Rome lui fait fête à son retour : « La ville de Douai se prépare à faire un accueil enthousiaste à un de ses enfants, M. Victor Gallois, grand prix de Rome pour la musique. M. Gallois sera reçu le dimanche 16, dans sa ville natale, avec une solennité joyeuse ; un cortège triomphal ira le prendre à la gare ; la « famille Gayant », les célèbres fantoches douaisiens qui sont de toutes les kermesses, figureront dans ce cortège par lequel M. Gallois sera conduit à l'hôtel de ville ; là, il recevra aubade de la musique municipale pendant que les sociétés la Lyre, les Mélomanes et les Dames de la ville exécuteront des œuvres de M. Lenepveu, qui fut le professeur de M. Gallois. »

 

1905, décembre : départ pour la Villa Médicis à Rome, où il est pensionnaire durant 4 années. Durant son séjour ses « envois de Rome » consistent en :

1ère année (1906) : Quatuor pour trio à cordes et piano ; Six mélodies,

2ème année (1907) : Esquisses italiennes, suite d’orchestre en 4 tableaux : Paysage, Partie de campagne à âne, Nocturne, Fête des vendanges, dont 2 seront édités plus tard pour harmonie chez Gras ; Poème élégiaque pour orchestre ; Agnus dei (motet pour chœur et orchestre),

3ème année (1908) : Allegro symphonique ; Le Moulin silencieux, opéra (fragment, 1er acte) ; La Nuit, sur des paroles de Charles Grandmougin (chœur à 4 voix mixtes avec accompagnement d’orchestre, édité en 1909 chez Henry Lemoine),

4ème année (1909) : Messe à quatre voix mixtes pour soli, chœurs, orchestre et orgue (5 parties : Kyrie, Gloria, Credo, Sanctus, Agnus dei) publiée à Paris, Imprimerie de Chaimbaud (1910) et arrangement pour chant et piano d’après la basse chiffrée de l’air N’implorez plus…, extrait de la cantate Isis de Nicolas Bernier (édition à Paris en 1912 chez A. Durand et Fils).

 

1906 : publication à Paris, chez Henry Lemoine : Gaminerie, gavotte pour piano, Sérénade pour piano, Tarentelle pour piano, mélodie Ressemblance, poésie de Sully Prudhomme, Solitude pour violoncelle et piano, Pensée grise pour flûte et piano.

 

1906, novembre et décembre : tournées de concerts organisées par la direction des Concerts Paul Boquel, avec Berthe Auguez de Montalant (soprano), Lucien Durosoir (violon) et Victor Gallois (piano), à Charleville (16 novembre), Saint-Omer (20 novembre), Alençon (28 novembre), La Roche-sur-Yon (5 décembre), Toulouse (12 décembre)… Parmi les œuvres données : les mélodies Chanson de Barberine et Ressemblance par la soprano et l’auteur, et les pièces pour piano Sérénade et Tarentelle interprétées par l’auteur.

 

1908 : publication à Paris, chez Henry Lemoine : mélodies Chanson de Barberine, poésie d’Alfred de Musset, Intermezzo, poésie de Ch. Dumas, Soupir, poésie de Sully-Prudhomme.

 

Victor Gallois, Chanson de Barberine, poésie d'Alfred de Musset, pour chant et piano, 1908 (Paris, H. Lemoine, 1913/coll. BnF-Gallica)
Fichier MP3 Fichier audio par Max Méreaux, avec transcription pour clarinette et piano (DR.)

1908, 10 décembre : soirée de gala au Théâtre municipal de Douai en l’honneur de Victor Gallois au cours de laquelle sont donnés son poème symphonique Nocturne et sa scène lyrique Maïa interprétée par Mlle Disley (chanteuse légère), M. Ariel (ténor) et M. Périssé (baryton).

 

1909, décembre : retour à Paris où il s’installe 64 rue Saint-Lazare dans le neuvième arrondissement.

 

1910 : remporte le Prix Pinette délivré par l’Institut de France aux Prix de Rome qui ont bien rempli leurs engagements (rente de 3000 francs pendant 4 ans).

 

1910 : mélodie pour ténor Cocorico, poésie de Jean Renouard (Paris, Manzi, Joyant et Cie).

 

1910, mars : pour la clôture de la cinquième saison de la « Société des concerts populaires » de Douai, elle fait entendre la suite d’orchestre Esquisses italiennes de Victor Gallois, sous la direction de Paul Cuenelaere, puis la Symphonie militaire de Haydn.

 

1910, novembre : Dans sa dernière séance, l'Académie des Beaux-Arts lui décerne le prix Beulé, de quinze cents francs, destiné au pensionnaire musicien, sculpteur ou peintre, qui, étant à sa dernière année de séjour à la Villa Médicis, aura fait, cette année-là, l'envoi de l'œuvre jugée la meilleure par l'Académie. (Le Ménestrel, 19 novembre 1910).

 

1910, 22 décembre, jeudi à 14 heures : dans la grande salle du Conservatoire de Paris, audition publique des envois de Rome de Victor Gallois : Allegro symphonique, La Nuit, Esquisses italiennes et la Messe à 4 voix mixtes. Soli chantés par Mme Auguez de Montalent (soprano), Mme Suzanne Thévenet (alto), MM. Rodolphe Plamondon (ténor) et Georges Mary (basse), chœurs et orchestre sous la conduite de Henri Büsser et à l’orgue Paul Fauchet.

 

1912 : termine son drame lyrique en 3 actes Le Moulin silencieux, livret de Jean Renouard d’après le drame de Suderman, commencé à Rome en 1908, qu’il soumet à Albert Carré, directeur de l’Opéra-Comique, mais cette œuvre ne sera jamais montée.

 

1913 : mélodie L’Enfance, poésie de Victor Hugo (Paris, Maurice Sénart).

 

1914, juillet : inauguration à Douai, place L’Hériller, du monument Jean Bologne (sculpteur né à Douai en 1529) par le Sous-Secrétaire d’Etat aux Beaux-Arts Albert Dalimier. A l’issue de la cérémonie est exécutée la Cantate à Jean Bologne de Victor Gallois, paroles de Mme Demont-Breton.

 

1914, juillet :  concert à Honfleur au cours duquel se produit, entre autres artistes, Berthe Auguez de Montalant, accompagnée au piano par Victor Gallois dans plusieurs de ses mélodies : Evocation, Au seuil de l’Eglise, Sérénade.

 

1914, guerre contre l’Allemagne : figure parmi les prisonniers civils du département du Nord internés en Allemagne, à Holzminden. Une liste dressée par les Allemands en 1915 le mentionne à la « baraque 44 ».

 

1915 : publication à Paris aux Editions Ricordi de trois mélodies sur des poésies de Jean Renouard : Au seuil de l’Eglise, dédicacée « à Madame Jean Renouard », Evocation, dédicacée « à Madame Thérèse Lechevallier-Chevignard » et Sérénade.

 

1917 : libéré, prend la succession de Paul Cuenelaere à la tête de l’Ecole nationale de musique de Douai.

 

1918 : Pris comme otage civil avec dix autres personnalités douaisiennes en représailles pour avoir exécuté des variations sur la Marseillaise et les hymnes alliés à l’orgue durant des cérémonies religieuses. Il est envoyé en Lituanie, au camp de Milejgany. Plus tard, dans un article paru dans Le Journal de Fourmies, édition du dimanche 5 mars 1922, Léon Pasqual, président de la « Commission interministérielle des prisonniers de guerre, prisonniers politiques et des otages », rappelle ce triste épisode :

 

« [] La rigueur de la température, le manque de nourriture, l’absence totale d’hygiène, les mauvais traitements, la vermine, ne tardèrent pas à faire sentir leurs ravages sur les hommes parqués à Milejgany. Un mois après leur arrivée dans ce lieu de misère et de désolation, quinze d’entre eux, parmi lesquels deux présidents à la Cour d’appel de Douai et des industriels hautement considérés, avaient trouvé successivement la mort ; onze nouveaux décès se déclaraient encore pendant les mois qui suivirent et vingt-quatre autres après le retour : soit quatre-vingt-six victimes de la barbarie allemande. Malgré leurs souffrances physiques et morales, hommes et femmes furent admirables. Ils conservèrent dans les destinées de la Patrie une foi farouche qui frappait de stupeur leurs bourreaux eux- mêmes. Ils étaient la rançon de la France, ils se sont montrés digues de cette haute et sainte mission de souffrance pour le pays. Pendant que M. Guilbaut, aujourd’hui président de l'association qu’ils ont fondée à leur rentrée en France, organisait ces réunions où tous ces malheureux reprenaient, sous les tempêtes de neige et de vent glacé, nos vieilles chansons du Nord, pendant que, M. Victor Gallois, prix de Rome, fondait une chorale, que MM. Beltere, professeur au Lycée de Tourcoing, l'abbé Delarra, supérieur du collège de Fourmies, Chatteleyn, avocat à Roubaix, Bonduelle, avocat à Lille, l’abbé Leleu, rompaient la monotonie effroyable des journées sans fin par des conférence empreintes de l'amour de la France et du patriotisme le plus élevé, M. Emile Ferré rédigeait, lui, L’Echo du Nord et des Steppes et écrivait, à la face des Allemands [] »

 

1918, 6 octobre : de retour de captivité, arrive à Evian (Haute-Savoie) dans un train avec 500 autres prisonniers civils internés dans différents camps allemands. Le 8 octobre est au dépôt de triage d’Annecy (30e Régiment d’infanterie) et est dirigé sur le DTI de la 1ère Région, 6e régiment de Hussards. En permission du 12 octobre au 11 novembre, passée à Arles, il est convoqué le 13 novembre au 141e Régiment d’infanterie et passe à la 20e Section de l’Etat-Major à Paris. Démobilisé le 21 mars 1919, il habite alors 13 bis rue d’Aumale à Paris 9e pour quelques mois.

 

1920 : Revenu à Douai, reprend la direction du Conservatoire par arrêté du 25 août. Y enseignant également l’harmonie et le contrepoint, il aura parmi ses élèves et au fil des années le violoniste de jazz Michel Warlop, le compositeur Henri Dutilleux, le chef d’orchestre Georges Prêtre, la soprane Claudine Collard…

 

1921, samedi 19 mars, à 20h, Lille : dirige le 270e concert de la « Société des Concerts Populaires » de Lille, avec le concours de Geneviève Dehelly, pianiste des Concerts Lamoureux : 5e Symphonie de Beethoven, Concerto en la pour piano de Schumann et des œuvres de Borodine et Berlioz. Fondée par Paul Martin en 1877, cette Société est dirigée successivement par Paul Viardot, Emile Ratez, Alfred Cortot, Séchiari, Victor Gallois, Francis Casadesus et Edouard Surmont en 1927.

 

1921, le 2 août à la Mairie de Douai et à l’église Saint-Jacques : mariage avec Marguerite Lambilliotte, née le 26 avril 1884 à Douai, fille de Georges Lambilliotte, docteur en médecine, et de Laure Bailey. C’est en déportation en Lituanie à Milejgany que Victor Gallois a connu le Dr Lambilliotte, qui y décédera des suites d’une maladie le 4 février 1918, à la veille de ses 60 ans. Le couple, qui sera sans enfant, s’installe alors 6 rue Ferdinand Dutert à Douai.

 

1921, 28 septembre, Paris, grande salle du Conservatoire : concours pour la place d’organiste de l’orgue Schyven de l’église Saint-Jacques de Douai, restauré par Abbey (44 jeux), qui a été pillé par les Allemands. Le jury est composé d’Eugène Gigout (organiste de saint-Augustin), Henri Dallier (organiste de la Madeleine), Jean Huré (ancien organiste de Saint-Séverin) et Victor Gallois (directeur du Conservatoire de Douai, représentant la paroisse Saint-Jacques).

 

1921, 3 décembre : premier grand concert de l’Harmonie de Douai ressuscitée par Victor Gallois, sous sa direction, avec le concours d’Edouard Flament (basson) : 1er Concerto pour basson, quintette à cordes, hautbois et cors de Mozart et œuvres de Chopin, Debussy et Liszt interprétées au piano par Gallois. Cette Harmonie municipale (créée en 1907) comptait avant-guerre parmi les plus célèbres de France ; durant la guerre les Allemands volèrent tous les instruments. Avec cette formation, il remportera plusieurs succès lors de concours organisés par la Fédération des Sociétés musicales du Nord et du Pas-de-Calais.

 

1922, 12 novembre : inauguration du grand orgue Cavaillé-Coll de la collégiale Saint-Pierre de Douai (68 jeux, 4 claviers et pédalier) par Louis Vierne et Alexandre Delval, organiste de la paroisse. Au cours de la cérémonie est notamment joué un chœur pour voix mixtes de Victor Gallois : Prière, « composé et exécuté à Saint-Pierre, à Douai, pendant la guerre », par la Société chorale « La Lyre » de Douai dirigée par P. Allouchery. (Mémoires de la Société centrale d’agriculture, sciences et arts du département du Nord, 4e série, t. 1, 1911-1922, pp. 541-563)

 

1923 : refondation de l’Orchestre symphonique du Conservatoire de Douai.

 

1924 : mélodie A Inès, poésie de Marceline Desbordes-Valmore, dédicacée « à Madame Henri Robin » (Paris, Henry Lemoine & Cie).

 

1928, 24 novembre à 15h45 : au cours d’un concert retransmis à la T.S.F. (Radio-Paris) est donnée la mélodie Solitude de Victor Gallois.

 

1929 : fondation de l’« Association des directeurs des Ecoles et Conservatoires nationaux de France » par Francis Bousquet (Roubaix) et la collaboration de Gallois (Douai), Witkovski (Lyon), Niverd (Tourcoing), Mariotte (Orléans), Massis (Troyes), Le Boucher (Montpellier) et Maurat (Saint-Etienne). Le 1er Congrès, présidé par Gallois, se tient les 27 et 28 décembre à la Salle Pleyel auquel assistent également les directeurs de conservatoire Camus (Amiens), Rullant (Brest), Dequin (Caen), Lély (Cambrai), Gémont (Clermont-Ferrand),Françaix (Le Mans), Delaunay (Metz), Siné (Perpignan), Ganay (Rennes), Brart (Tarbes), Kunc (Toulouse), Gravrand (Tours). L’Association présente trois vœux au Sous-Secrétaire d’Etat aux Beaux-Arts : les jeunes appelés élèves d’un conservatoire devraient faire leur temps dans la ville où est situé leur conservatoire ; demande à l’Etat d’une subvention totale de trois millions ; constitution d’un Conseil supérieur des Conservatoires qui servirait de truchement. (Comoedia, 29 décembre 1929).

 

1932, 16 octobre, Douai, église Notre-Dame : inauguration du nouvel orgue du facteur Delmotte (de Tournai), 28 jeux répartis sur 2 claviers et pédalier, par l’abbé Jacquemin, lauréat de la Schola Cantorum de Paris, maître de chapelle au Séminaire de Floreffe (Belgique) et Victor Gallois.

 

1933, 12 décembre : à la T.S.F., Radio P.T.T.-Nord Lille, diffusion de la messe en la collégiale Saint-Pierre de Douai, avec la chorale « La Lyre ». Entre autres œuvres au programme : un Sanctus de Victor Gallois

 

1936, lundi 13 juillet : à Douai, square Notre-Dame, inauguration d’un monument dû au sculpteur Descatoire, élevé à la mémoire de la poétesse Marceline Desbordes-Valmore, en remplacement du monument enlevé et détruit par les Allemands, au cours de laquelle est exécutée la cantate Les cloches du soir, chœur à 4 voix mixtes et orchestre, de Victor Gallois, sur des vers de la poétesse.

 

1938, dimanche 25 décembre, collégiale Saint-Pierre de Douai : à 12h00 diffusion à Radio P.T.T .-Nord Lille de la Messe de Sainte-Cécile de Gounod par la chorale « La Lyre », avec chœur, orchestre et orgue. Alexandre Delval est au grand orgue, Victor Gallois à l’orgue de chœur. Au programme également des fragments de L’Enfance du Christ de Berlioz, le choral Ta Tête vénérée de Bach et Rédemption, pour chœur, orchestre et orgues.

 

1940, mai : en raison des bombardements allemands qui détruisent notamment son domicile et le Conservatoire, quitte Douai pour se réfugier à Beaujeu, capitale historique du Beaujolais.

 

1941, 24 mars : mort d’un cancer à Beaujeu à l’âge de 61 ans ; obit solennel en la collégiale Saint-Pierre de Douai le 14 mai ; concert en son honneur au Théâtre municipal le dimanche 22 juin avec des œuvres du défunt. Plus tard, la Ville de Douai baptiste l’une de ses rues du nom de Victor Gallois.

 

1958, 4 juillet : décès à la Pierre-Bénite (Rhône) de son épouse Marguerite Lambilliotte âgée de 74 ans.

 

Quelques autres œuvres non citées supra : Stances de départ pour orchestre, Elégie pour violon et piano, Vieux conte pour hautbois et piano, Menuet pour piano, les mélodies Berceuse, Memento et Tu ne dois plus, et un chœur à 4 voix mixtes et orchestre : Les Sirènes.

 

Denis Havard de la Montagne

(septembre 2018)

 

 


 

Un Prix de Rome : Victor Gallois

 

 

Nous ouvrons la fenêtre sur le balcon tournant du boulevard. Et, le regard perdu dans le ciel gris, un vrai ciel de Flandre dont les nuages lourds enveloppent les toits d'où montent les fumées avec des floconnements de ouate bleue, nous, causons.

 

Oh ! comme ils fleurent bon le pays, ces mots patois qui, d'eux-mêmes, s'en viennent aux lèvres dans l'évocation hâtive et silencieuse des heures passées côte à côte sur les bancs de l'Ecole de musique, — « Ch' Dauphin », comme l'appellent les Douaisiens, — où toute notre vraie jeunesse est restée enfouie. En un instant, la vie insouciante que nous y vécûmes ensemble, durant dix années, se déroule à nos yeux. «Ch' Dauphin !» Que de souvenirs à ce seul nom ! Que de fois, par les clairs matins de mai, nos petites âmes de huit ans, penchées sur les cahiers barbouillés d'encre violette, ont rêvé d'école buissonnière impossible devant les fenêtres larges ouvertes sur les jardins des maisons voisines, pleins de soleil, de fleurs et de pépiements d'oiseaux ! Oh ! le bon temps. Que de choses amusantes à conter ! Les caricatures entre les portées du tableau noir; les consignes du dimanche passées à dévisser les serrures ou à gratter les vitres dépolies ; les minutes d'angoisse dans l'attente des décisions du jury à chaque concours ; les réconfortants:  " Mon gros, je suis content, la lecture à vue a bien marché » du professeur ; les luttes, les joies et le triomphe, enfin, de cette année 1896, où Victor Gallois, reçu au Conservatoire de Paris, quittait définitivement « Ch' Dauphin » pour aller, un peu honteux et ému, dans la salle des fêtes de l'Hôtel de Ville, aux applaudissements d'une foule enthousiaste, recueillir la gerbe prodigieuse de ses lauriers...

 

A présent, la pluie, une pluie fine et serrée, la pluie mauvaise des jours de spleen, commence à tomber. Et, soudainement triste, avec un pli amer au coin des lèvres, l'artiste, si peu expansif d'ordinaire, me rappelle la journée d'octobre, où il fit son entrée dans la capitale :

 

— Oh! une journée du genre de celle-ci, plus laide encore, affreuse, avec du gâchis éclaboussant les panneaux de voitures, des flaques de boue s'épaississant vers les ruisseaux, en longues traînées luisantes. Un temps à croire, comme dit Daudet, que Paris entier va s'enfoncer et disparaître sous cette tristesse de sol fangeux. Oui, l'envahissement de tout par toutes les souillures, c'est cet accueil-là que réservait, à mes seize ans provinciaux, ce Paris du diable, où mon destin allait s'accomplir. Et depuis, après une dyspepsie qui me tint huit mois éloigné de tout travail, que de rancœurs, d'humiliations, de révoltes, de désespérances, pendant les premières années ici ! Je me suis longtemps souvenu de cet après-midi d'octobre :

 

     Ah! que d' chagrins, que d'jours mauvais

     Sans car', sans bécots, sans asiles,

     Que d' goujats cruels, d'imbéciles,

     Si tu savais, si tu savais...

 

Combien de nous l'ont dit avant Jehan Rictus... L'histoire du Petit-Chose, vois-tu, est celle de beaucoup d'entre nous... J'étais si peu préparé à cette lutte pour la vie... Quel apprentissage. J'ai bien cru que je n'y résisterais pas et, s'il me fallait la recommencer, ah ! grand Dieu! non, non, non...

 

Et, à l'entendre ainsi ponctuer ce « non », tandis que sa main, après avoir, d'un geste coutumier, relevé la moustache, monte jusqu'au front comme pour en écarter quelque vision douloureuse qui s'obstine à l'obscurcir, je sens, oui certes, je sens bien que ces cœurs brisés, ces passés qui saignent, ces calvaires à l'usage des poètes, sont autre chose que des façons de parler...

 

La pluie a presque cessé ; de grands rais de soleil, sortis tout d'un coup des nuages, la traversent, allument les vitres des maisons, les enseignes dorées, se mirent dans les feuilles humides, glissent sur les manteaux cirés des cochers, versent partout un peu de cette gaieté fragile qu'on savoure à la hâte entre deux averses :

 

— Comment veux-tu que je garde rancune du mal qu'il m'a fait à ce Paris inconscient, irresponsable, capricieux comme une jolie femme, coquet au point de changer dix fois de toilette dans la même journée ? N'est-on pas obligé de l'aimer malgré soi ? Il a une façon si drôle, en minaudant, de solliciter le pardon de ses méfaits. Et puis, tout cela est bien loin, si loin que je n'y veux plus penser !

 

A vrai dire, je n'en ai ni l'envie ni le temps. Mes leçons, mes accompagnements, mon bagage de romances, de mélodies, de chœurs, de poèmes symphoniques, d'orchestrations ardues, m'obligent à un travail quotidien excessif que je ne regrette pas, puisqu'il est l'entraînement du grand prix de Rome. En plus, je suis si content de composer, de m'assimiler l'âme du poète pour matérialiser — musicalement parlant — l'image ou le sentiment intérieur que son vers exprime, oui, je suis si content de créer. Car, si peu cyraniens que nous soyons, — les temps héroïques sont passés, — comme l'enchifrené de Rostand, c'est notre âme que nous transcrivons sur le papier. Et, quand j'ai fini l'une de ces « musiquettes » où j'ai mis, sincèrement, tout mon cœur, plus que moi-même, quand je suis « vidé », — pardon ! mais, à ces moments-là, je suis sûr qu'il ne me reste plus un atome de cervelle, — si je veux oublier mon extrême fatigue, reprendre des forces, me retrouver, renaître, revivre, je n'ai qu'à m'asseoir au piano et, tout seul, sans que personne ne me voie ou m'entende, religieusement, comme un avare palpant, agenouillé, ses écus, me jouer moi-même. Je suis Flamand et un Flamand neurasthénique. Toutes mes compositions sont d'un triste ! Alors, souvent, il m'arrive de pleurer en m'écoutant. C'est enfantin, c'est bête ; mais, que veux-tu ? c'est encore là ma meilleure récompense et je ne connais pas de félicitations, aussi sincères soient-elles, qui vaillent l'approbation émue et discrète, la joie des larmes que je pleure ainsi. Oui, j'adore le triste ; je n'admets point la vie, la joie, l'amour sans une pointe d'amertume. Le Lamartine de Graziella, le Musset des Nuits, le Musset qui a perdu sa force, sa gaieté, sont mes auteurs préférés...

 

André Picquet

(Les Annales politiques et littéraires, 23 juillet 1905)




 

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