Quelques œuvres de Georges Migot vues au travers des revues spécialisées


 

 

(Photo Henri Manuel/Société du Petit Parisien, 1928 ) DR.

 

Né à Paris le 27 février 1891 et décédé le 5 janvier 1976 à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine), Georges Migot, élève au Conservatoire de Paris de Gédalge, Widor, Guilmant, Vierne, d'Indy a écrit une œuvre abondante, abordant pratiquement tous les genres. Il fut également l'auteur de plusieurs ouvrages musicologiques et effectua des séries de conférences sur la musique. Professeur à la Schola Cantorum de Paris à partir de 1937, il sera plus tard (1949) Conservateur du Musée instrumental du Conservatoire de Paris.

 

 

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Coupure de presse de l'hebdomadaire Chanteclerc,
édition du 30 août 1930 (DR.)

« L'intérêt du concert résida dans Cinq Mouvements d'Eau. pour quatuor à cordes, de M. Georges Migot, par quoi débutait le concert ; l'« atonalité » la plus imprécise s'y marie d'une façon intéressante à un souci d'unité tonale; encore que le troisième mouvement recèle quelques traces de debussysme, l'oeuvre, par la qualité d'indépendance mélodique et rythmique entre les instruments, possède une couleur singulière : chacun de ceux-ci s'élève, puis s'efface selon ce même désordre apparent auquel semble obéir le pinceau d'un Chinois lançant en tous les sens des lignes d'où se dégage peu à peu un paysage d'eau d'un charme mystérieux. »

(Le Ménestrel, 9 décembre 1921, p. 492)

 

« Grâce au même raffinement orchestral les Sept Petites Images du Japon de Georges Migot — autrefois écrites pour piano et chant — gagnaient en pittoresque, en animation : des premières poésies que nous avions connues d'abord, nous pensions à de vifs petits drames en équilibre entre deux coups brefs de batterie. »

(Le Ménestrel, 1er février 1924, p. 44)

 

« Le Paravent de laque de M. Georges Migot est l'oeuvre d'un artiste sincère et averti qui en cinq courtes « Images », ne bavarde jamais vainement et trace en quelques traits décisifs un tableau original et délicat. Un motif qui passe à travers toutes ces pièces leur donne l'unité thématique, la langue harmonique en est d'un séduisant modernisme, l'orchestration finement ouvragée. »

(Lyrica, avril 1924, p. 269)

 

« De M. Georges Migot, nous entendîmes un Hommage à Thibaud de Champagne, cinq monodies où la ligne sonore est absolument isolée de tout contexte harmonique et qui renouent ainsi la tradition du chant grégorien : tant il est vrai que, sous prétexte de faire nouveau, on s'évertue souvent à remonter fort loin en arrière, comme si l'art n'était qu'un éternel recommencement. Le recul, ici, était justifié par l'hommage rendu à un des plus fameux trouvères français qui illustrèrent, précisément, cette vocalise issue de l'église. Mais ces monodies ne parurent guère susceptibles aujourd'hui, en se libérant de l'harmonie, de se suffire à elles-mêmes en vue de créer musicalement l'atmosphère et l'expression. Elles furent chantées avec un art subtil par Mlle Madeleine Greslé. »

(Le Ménestrel, 27 février 1925, p. 102)

 

« La Fête de la Bergère, de Georges Migot, a, par contre, rallié tous les suffrages par l'originalité d'un ballet curieusement conçu par J. Lemierre et l'agrément d'une musique qui ne doit rien à personne. L'oeuvre fut écrite d'après les Trois Epigrammes du même auteur, dont nous connaissons la réduction pour piano déjà publiée, et qui furent joués par l'une de nos grandes associations symphoniques. Avec l'appoint d'un scénario de ballet, elle prend toute sa signification. Une orchestration vive et spirituelle anime les fermés dessins, les libres contrepoints des lignes souples. Des résonances imprévues et : dues au dispositif hardi des registres choisis justifient, à n'en pas douter, les perpétuelles recherches acoustiques de G. Migot. L'aérienneté de cette musique apparaît vraiment rare, en dépit de sa solidité constructive. Le mouvement pastoral et la fantaisie finale où fusent les sémillantes épinicies des grands oiseaux de rêve ont particulièrement plu. »

(Le Ménestrel, 22 mai 1925, p. 232)

 

« Suivait la Fête de la Bergère, ballet de M. Georges Migot. J'avoue, à ma honte, n'avoir pas très nettement saisi l'affabulation de cet acte, au cours duquel une cage contenant un oiseau joue un rôle qui m'a semblé prépondérant, mais obscur. La musique, oeuvre d'un compositeur de valeur et justement apprécié, offre le mélange, assez fréquent aujourd'hui, de parties mélodiques et presque droites venant se heurter soudain à des sonorités agressives et peu en harmonie, si j'ose ainsi parler, avec les premières. »

(Lyrica, juin 1925, p. 547)

 

« Des deux nouvelles oeuvres de M. Georges Migot, l'une un chant accompagné d'une harpe, l'autre, Ordre au Soleil pour voix, harpe, célesta, contrebasse, gong et cymbale, nous préférâmes celle-ci, remarquant combien l'inspiration de M. Migot s'est toujours rafraîchie en empruntant ses sujets à l'art extrême-oriental : il est, dans cette oeuvre, d'heureux moments où le célesta allié à la harpe viennent se détacher sur un fond bruissant de gong et de cymbale, tandis qu'à la basse se tord, tel un serpent, la voix grave de la contrebasse ; mais il est d'autres moments où M. Migot, sachant qu'il dispose d'un gong et d'une cymbale, en abuse quelque peu et gâte ainsi ses meilleurs effets. »

(Le Ménestrel,11 décembre 1925, p. 512)

 

« C'est alors qu'intervinrent Trois Chants écrits par M. Georges Migot sur des poèmes de M. Tristan Derême, Le premier évoque, nous assure-t-on, « une vision charmante ». Nous ne l'eussions jamais deviné ! Le second dit « Nous nous taisons », ce qui n'est malheureusement pas exact. Le troisième est censé évoluer dans le calme, et le poète y « songe à son amie endormie ». Quel bruyant réveil pour l'infortunée ! Nulle trace de mélodie dans ces enchaînements de notes heurtées, mais qu'accompagne - soyons juste ! — une orchestration curieusement neurasthénique... J'oubliais de vous confier que les poèmes ainsi sonorisés sont envers. Vous en doutez, peut-être ? En ce cas, oyez :

Des feuilles tombent.

Lune Coutumière.

Décor banal.

Tourterelles, crépuscule...

Vous n'êtes pas convaincu ? Seriez-vous donc à ce point insensible à la grâce du mètre, à l'imprévu de la rime ? »

(Le Ménestrel, 11 mars 1927, p. 110)

 

« La Suite en trois parties pour piano et orchestre de M. Georges Migot m'a semblé plus longuement développée qu'en a coutume ce compositeur, véritablement artiste et intellectuel. Fidèle à son esthétique, il ne dit rien d'inutile, s'interdit toute digression et s'efforce par un accent décisif, une touche appropriée d'éveiller une sensation chez l'auditeur. Les thèmes nets apparaissent et vont, au cours des trois parties, se combinant, se transformant, quasi classiquement, en une forme délicatement ouvragée, en une diversité harmonique et rythmique réellement inventive, enchâssés en une parure instrumentale finement sertie. »

(Lyrica, mars 1927, p. 934)

 

« Vint ensuite Prélude pour un poète de M. Georges Migot. Pièce courte, d'allure sereine où perce néanmoins à mille détails l'angoisse et l'émotion initiatrices de l'éclosion des oeuvres. La pensée est jolie et M. Georges Migot a su la parer des plus heureuses alliances de timbres, souvent audacieuses, jamais provocatrices. »

(Le Ménestrel, 14 juin 1929, p. 273)

 

« Rien de ce qui sort de la plume de M. Georges Migot, fin et sincère artiste qui suit fidèlement son esthétique, ne saurait manquer d'intérêt. Ennemi de toute rhétorique il trace d'une main sûre de rapides tableaux dans lesquels, avec un sens aigu des proportions, il n'expose que les choses essentielles ; celles qui ont une signification précise, absolue. Ses Deux Préludes témoignent qu'il sait ne pas être uniquement cérébral, qu'il possède à un degré éminent la sensibilité, le rythme, le goût et qu'il excelle à ciseler délicatement une parure orchestrale en se contentant d'un nombre restreint d'instruments. »

(Lyrica, février 1930, p. 1543)

 

« M. Georges Migot, artiste de race, s'attachait jusqu'ici en de brèves pièces, à la concision et à la subtilité. Il change sa manière et apporte avec la Jungle une large fresque décorative aux couleurs vibrantes ; il décrit la marche d'un troupeau d'éléphants à travers la forêt vierge, le pas pesant des pachydermes, la féerie sauvage et luxuriante de la végétation. L'orgue apporte à l'orchestre, dans lequel il tient une place très curieuse, l'appoint de ses sonorités personnelles qui, le compositeur le démontre, ne sont pas exclusivement de caractère religieux. »

(Lyrica, janvier 1932, p. 2123)

 

Photo X...
(revue Zodiaque, 1991, consacrée à "la musique religieuse de Georges Migot") DR.

« Les trois pièces extraites du Zodiaque de M. Georges Migot (le Taureau, la Vierge et le Capricorne) sont d'un rang nettement plus élevé. Ce sont des études pour piano destinées à mettre en valeur les ressources si diverses de cet instrument trop souvent employé comme un complément ou même un ersatz de l'orchestre. La musique de M. Georges Migot est toujours intéressante, car elle dénote un effort sincère pour traduire une idée nouvelle en employant des formules nouvelles. Je ne crois pas qu'il ait voulu nous faire entendre ici la musique des espaces infinis que Pascal croyait silencieux, ni davantage qu'il ait songé au symbolisme médiéval des signes du Zodiaque (ces signes figurant les douze apôtres, alors que les saisons représentaient les quatre évangélistes). A-t-il écrit une musique dont la signification secrète ne puisse être comprise que des seuls astrologues ? Je ne le pense pas non plus. Cependant, ces trois pièces m'ont paru presque trop intellectuelles et avoir été composées avec un excès de recherches qui sacrifie l'inspiration au désir de trop bien faire. Celle que je crois la mieux réussie des trois est la Vierge où l'écriture garde toute sa transparence et sa pureté. »

(Le Ménestrel, 24 mars 1933, p. 126)

 

« Voici maintenant, en la personne de M. Georges Migot, une autre vedette, si j'ose m'exprimer ainsi, de la maison de la rue St-Honoré. Même ceux qui peuvent discuter les tendances très particulières, l'esprit peut être plus pictural et poétique qu'exclusivement musical des œuvres de Migot, s'accordent, je pense, à rendre hommage à sa multiple activité, à son désir de renouvellement. Il les atteste une fois de plus aujourd'hui en nous offrant la petite partition de ces Sept petites images du Japon pour chant et orchestre dont la subtile liberté épouse étroitement les paroles du texte les pièces séparées de ces Poèmes du Brugnon dont je vous ai dit déjà la diversité d'accent ; trois Nocturnes Dantesques pour piano où s'exprime, dans un langage qui semble souvent appeler l'orchestre, une incontestable force de suggestion poétique enfin un Lexique de certains termes utilisés en musique que je n'ai pas malheureusement la place d'examiner ici en détail, mais qui contient maintes vues originales et pénétrantes. »

(L'Art musical, 10 janvier 1936, p. 210)

 

« Société Nationale (11 janvier.) — Le Trio ou Suite à trois de M. Georges Migot se détache nettement de ce bouquet de cinq premières auditions que présentait la Société. Il s'en distingue autant par la forme, qui est celle d'un compositeur de race et qui force l'estime, que par l'inspiration : cette violence véhémente, tour à tour désespérée, sarcastique et toujours tragique, qui se donne cours au long de quatre mouvements de valeur inégale, mais tous attachants, appartient à la meilleure veine de l'auteur. »

(Le Ménestrel, 17 janvier 1936, p. 22)

 

« PSAUME XIX (Georges Migot). — L'Abbé Sylvain Pons écrit dans la Vie Catholique du 30 avril 1932 au moment de l'édition du Psaume XIX : « Le Psaume de Migot est d'une ample et majestueuse coulée. Migot utilise une version française faite directement sur le texte. Le majestueux unisson du début sera bientôt développé par une polyphonie de plus en plus serrée et reviendra, dans la suite de l'ouvrage comme un thème unificateur. D'un bout à l'autre les nuances du texte sont traduites par la musique qui glorifie le Seigneur avec la diversité même de la création, et, comme le soleil dans la magnifique image du psalmiste, parcourt l'univers d'une extrémité à l'autre, jusqu'au repos extatique, pianissimo. »

(L'Art musical, 4 décembre 1936, p. 225)

 

« Tout autre est le caractère du Psaume XIX de M. Georges Migot. Ecrit primitivement pour choeur, orchestre et orgue, il a été depuis réinstrumenté par l'auteur ; seuls de l'orchestre subsistent un quintette à cordes, la harpe et la batterie. C'est sous cette forme qu'il fut présenté au concert qui nous occupe. Dans cette œuvre puissante, le sentiment religieux s'exprime d'une façon parfois dramatique. Dès le début, c'est un déchaînement sonore dans lequel la batterie ne joue pas le moindre rôle. Par la suite, le ton de ce Psaume reste généralement véhément. Vers la fin, le calme est curieusement ramené par un trille confié à l'orgue et le morceau s'achève dans le recueillement. L'impression qui s'en dégage est imposante, encore que certains effets eussent peut-être gagné à être employés avec plus de parcimonie. »

(L'Art musical, 25 décembre 1936, p. 288)

 

« Au cours d'une réunion privée qui vient d'avoir lieu chez M. et Mme Georges Michel, M. Georges Migot a exposé la genèse de son Oratorio d'après le Sermon sur la Montagne, dont M. Robert Franc a chanté quelques fragments. Tout en suivant le plan général des Béatitudes auquel il ajoute, d'ailleurs, de fort personnelles et fort poétiques conceptions symbolistes, M. Georges Migot, dans sa musique, ne s'écarte pas de l'atmosphère musicale qu'il a toujours réalisée et qui semble avoir trouvé ici son maximum d'intensité; la souple ligne des vocalises, aux continuelles transformations, s'enroule éperdument autour des paroles divines répétées par le choeur, se confond avec celles des cordes tandis que l'orgue les soutient. Il était malaisé, au cours d’une audition aussi fragmentaire, de réaliser exactement l'ensemble de cet oeuvre dont on peut cependant dès maintenant prévoir l'importance dans la production de l'auteur. »

(L'Art musical, 19 février 1937, p. 474)

 

Olivier Geoffroy

(février 2021)

Fichier MP3 Georges Migot : Oratorio l’Annonciation
Voir aussi la page Coups de coeur



Gabriel Bender : Un entretien avec Georges Migot en 1946

 

 

Si vous avez le goût de la spéculation — ne confondons pas spéculation et spéculation, le goût de la première décroît avec l’intérêt que l’on porte à l’autre — un entretien avec Migot est une évasion. Vous l’aiguillez sur une voie d’apparence plate et commune. Aussitôt elle s’éclaire, s’élève, atteint aux sommets et, toujours plus haut, traversant l’insondable mystérieux, touche à Sirius et vous fait épouser son point de vue de sérénité. Et vous pouvez renouveler l’expérience en variant les sujets, vous ne serez jamais déçus. Vaste culture, foi dans son art, puissance de rayonnement mais d’abord grande sensibilité, voilà, semble- t-il, les armes principales de Migot, encore qu’il faille ajouter, comme il le préconise lui-même la « volonté d’analyse de cette sensibilité ». Il sait, en effet, où il veut aller et comment il doit y aller. Pour tout dire, il a des théories — cf. « Essais pour une Esthétique générale », « Appogiatures résolues et non résolues » — et on le lui a reproché. Mais il est combattant, sur le plan national et militaire comme sur le plan de l’esthétique, et j’ai relevé dans son « Rameau », compositeur qui avait aussi des théories et des détracteurs, cette réponse savoureuse : « On ne fait pas de théories si l’on n’a pas d’œuvres à réaliser. On n’établit pas de défense ou d’explication lorsqu’on n’a rien à défendre ou à expliquer. »

 

Tel n’est pas le cas de Migot dont les œuvres totalisent 70 heures de musique, on ne peut citer que les principales, en regrettant qu'elles aient souvent pris un chemin détourné pour arriver jusqu’à Paris. Certaines, même, lyriques et chorégraphiques, sont connues des Monégasques, des Japonais, des Suisses, des Nantais et demeurent ignorées des mélomanes parisiens. Quelques titres : Le Zodiaque, douze études de concert pour le piano, Premier Livre d’orgue, La Jungle (orgue et orchestre), Suite (piano et orchestre), Suites (violon et orchestre, harpe et orchestre), Trio, Quatuor ; 5 Mouvements d’eau, Le Livre des Danceries, Le Paravent de laque, les Agrestides (orchestre), Prélude (orchestre), Le Rossignol en amour (opéra), des œuvres pour toutes les combinaisons instrumentales imaginables, de nombreuses mélodies dont les 11 Poèmes du Brugnon, des Monodies pour voix seule, etc., etc.

 

Mais, dis-je à Georges Migot, le lecteur trouvera dans le « Guide du Concert » des notices sur presque toutes ces œuvres et aussi dans le livre écrit avec ferveur par Pierre Wolff ou dans celui que René Aigrin va publier sur votre musique religieuse. Précisons donc votre production pendant la guerre.

 

En ces années d’occupation, je me suis retiré de la vie musicale publique pour me livrer à d’autres occupations qui alternaient avec ma mission pédagogique à l’Institut de Musique de Poitiers. Et, j’ai aussi œuvré. Vous voulez des titres ? Des mélodies sur des poèmes de Pourtal de Ladevèze ; Sonate pour le piano qui est aussi une sonate pour orchestre ; 5 Etudes pour la main droite, en forme de Suite ; Le Livre d’Anne-Marie, inventions à une voix pour les enfants ; 3 Nocturnes pour le piano ; Trio d’anches ; Trio à cordes ; Sonate flûte et piano ; Eve et le Serpent pour flûte seule ; Chœurs a cappella : 8 voix de femmes, Cloche d’Aube ; Double chœur mixte sur un poème de Péguy ; Madrigal ; 6 Tétraphonies, un oratorio : L’Annonciation, et un autre oratorio : La Passion qui dure deux heures et dont la Radio va donner quatre épisodes, n’en pouvant donner plus : une trentaine de minutes.

 

L’inspiration religieuse tient une place considérable dans votre œuvre.

 

La création artistique est une mission de nature spirituelle dont les œuvres sont les messages. Ils révèlent un peu de l’Eternité qui est en nous parmi tous les « passagers » que nous vivons. Ils sont le fruit d’une mystique musicale et non d’une mystique appliquée à la musiquece qui faisait dire au pianiste hollandais Iskar Aribo que je n’avais pas de musique profane. Toute œuvre qui n’aide pas à relever le niveau spirituel des hommes est une œuvre anecdotique. L’œuvre véritable n’est jamais profane, alors même que le sujet n’en est pas religieux. Elle l’est en son objet secret : la Vie, l’Amour, le Divin, les trois mobiles créateurs éternels affirmant le lyrisme, sans quoi il n’y a pas d'œuvres grandes, aussi bien dans leurs proportions que dans leur efficience émotive. Alors, mais alors seulement, on dépasse les recherches rythmiques, harmoniques ou de timbres pour elles-mêmes, et l’on atteint à cette mélodie continue qui est le signe de l’inspiration et permet de réaliser des structures sonores de longue durée en chacune des parties qui les composent.

 

Nous touchions aux sommets et cependant - c’est ce qui est merveilleux chez Migot - nous n’avions pas perdu contact avec le réel, avec le possible. Sans doute, si j’avais insisté, m’eût-il montré les relations qui existaient entre son « mysticisme musical » et sa théorie d’écriture à trois dimensions ; horizontale, verticale et en profondeur, et aussi avec sa position de musicien français sautant allègrement par-dessus l’épisode classico-romantique allemand, peur tendre la main à Rameau et aux contrapontistes, et renouer ainsi la filiation nationale. Il y avait là motifs à de nouveaux élans ascensionnels du musicien, mais je n’en ai pas profité. Saisi par le non-conformisme de sa déclaration où il montrait la primauté de la mélodie sur le rythme à une époque où le rythme est roi, c’est sur ce terrain brûlant que j’ai orienté Georges Migot. Et, comme il n’est pas de ceux à qui la parole a été donnée pour cacher leur pensée, il ne s’est pas dérobé. Sa réponse est même, je le constate après coup, joliment aphoristique :

 

Ce qui distingue la musique des autres arts, ce n’est pas le rythmetous les arts obéissent au rythmemais le son. C’est le mélo, la mélodie qui empêche le rythme d’entraîner la musique hors de la musique. Ayant dépassé les simples concepts musicaux, on peut atteindre à la musique même... Le rythme doit être au service de la mélodie et non celle-ci au service de celui-là. Le rythme c’est l’orateur qui pense pour nous, alors que le mélo c’est le livre qui oblige à penser... Chaque époque préfère tout d’abord ceux qui satisfont ses besoins immédiats et passagers, à ceux qui lui font accomplir une étape ascensionnelle, purificatrice. Le temps seul remet tout en place : le passager comme le durable.

 

Et, l’entretien prit fin sur cette évocation du temps dont la béquille, comme chacun sait, accomplit plus de besogne que la massue d’Hercule.

 

Vous dirai-je, après cela, que Georges Migot naquit à Paris le 27 février 1891 d’une famille franc-comtoise ; qu’il fut l’élève de Gedalge et de Widor, de Guilmant et de Vierne ; qu’il remporta les prix de ceci et de cela, de l’Académie et d’ailleurs ; et que son revers de veston s’orne du ruban rouge. Qu’importe ! Mais, j’aimerais vous signaler qu’entre autres activités, il dirige une collection d’ouvrages intitulée « Cahiers de la Musique française » où paraîtra son « Lexique sur quelques termes musicaux » qui a considérablement grossi depuis sa publication dans le Guide du Concert. J’aimerais vous rappeler qu’on a plaisamment créé le « Groupe du Un » pour lui tout seul en trois personnes, à savoir : 1) Migot-musicien, 2) Migot-peintre, 3) Migot-esthéticien ; les deux premières menant une existence indépendante et la troisième fournissant aux deux autres les conditions techniques de leurs créations. J’aimerais, vous parler de sa vie intense, fébrile, avec ses échappées vers la nature lui permettant- d’écrire au calme les œuvres qu’il a conçues et longtemps portées, selon une habitude, semble-t-il, ancestrale, puisque Migot est un vieux mot picard ou wallon qu’Hazfeld définit : « lieu où l’on garde les fruits jusqu’à la maturité. » J’aimerais insister sur le caractère de la solitude qu’il chérit et qui n’est pas le dédaigneux odi profanum vulgus abstentionniste, et sur la nature de son esprit dont la richesse n’est pas d’avoir beaucoup retenu mais d’avoir beaucoup pensé. J’aimerais... J’aimerais.

 

Mais encore une fois ; qu’importe ! Pour Migot, comme pour tous les hommes de sa trempe, « son œuvre est son histoire et sa bibliographie véritable ».

 

(in Le Guide du Concert, décembre 1946)

collection et numérisation DHM



Entretien de Georges Migot avec Gabriel Bender en 1956

 

La ferveur de créer

 

 

 

Georges Migot aura soixante-cinq ans le 27 février prochain. Un anniversaire. Plutôt une étape car l'âge n’existe plus. Les centenaires deviennent la norme. La vieillesse : un simple « préjugé arithmétique ». Ou mieux, il n’y a plus que deux âges, selon l’affirmation d’un naturel de Tahiti notée par V. Se-galen et retenue par Migot : « Tant qu’on a un cœur qui sait aimer, et puis quand on n’aime plus. »

 

Voilà qui laisse encore à notre compositeur, dont l’activité ne s’est, d’ailleurs, pas ralentie — il souhaite maintenant de trouver la possibilité matérielle d’écrire un grand ouvrage lyrique — de longues années d’ardente création.

 

Mais l’« étape » est d’importance. Elle a permis la réalisation d’un ensemble d’œuvres impressionnant : symphonies, musique de chambre, pièces instrumentales et vocales, une chaîne d’oratorios, etc... Un total qui dépasse deux cents œuvres et toutes ont figuré sur des programmes. De quoi alimenter cent-vingt heures d’audition.

 

Cette production, même en ne l’envisageant que quantitativement, ne devrait-elle pas susciter des hommages, voire une consécration ? Des critiques y penseront sans doute, dont le rôle ne se réduit pas, comme le mien, à celui de « notateur ».

 

Faut-il, en tête de cet entretien — c’est une tradition — donner quelques renseignements biographiques ? On les a lus partout.

 

Georges Migot, Parisien de naissance, est de souche franc-comtoise. A quatorze ans, il a écrit un « Noël » que l'on chante encore. A dix-huit ans : son « Paravent de laque »... Il a été, en diverses branches de la musique, l’élève de Gedalge, Widor, Vierne... Il a remporté les prix Lili Boulanger, Lepacelle, Halphen, Blumenthal... Ou, plus pittoresque et d’un symbolisme savoureux : « Migot ou migoe, vieux mot wallon ou picard, qu’Hatzfeld définit : lieu où l’on garde les fruits jusqu’à la maturité. »

 

Tout cela ne compte guère :

 

A mon âge, on ne se raconte plus, ou du moins, je ne me crois pas encore assez vieux pour cela... Ma vie ? C’est la musique. Toute journée sans écrire est journée perdue pour moi, puisque sans elle U n’y a pas d’ascension intérieure...

 

Chacun se fait des jours à sa mesure, disait Barrés. •

 

Autre tradition à laquelle un compositeur n’échappe pas : « Comment travaillez-vous ? » Réponse :

 

A mon sens, il n’y a qu’une seule façon de travailler : se mettre à œuvrer seulement lorsqu’on reçoit en soi comme un ordre, à la fois inattendu et impératif. La nature de l’œuvre entrevue possible oriente alors l’être vers la façon de vie intérieure qui convient à cette œuvre...

 

— C’est une mystique...

 

Peut-être. Mais qu’importe ! Trouver l’idée créatrice de musique devient comme une façon, non seulement de penser, mais de vivre. Son « formuler », sa composition vient d’un ailleurs pour ainsi dire initiatique, révélant des symboles musicaux représentables par des sons. L’imagination créatrice trace de nombreuses routes, mais obéit à un ordre qui les fait se rencontrer en ce carrefour où l’œuvre attend sa réalisation. Avant la création : tout savoir. Et tout oublier lorsqu’on œuvre.

 

Pour mesurer ce « tout savoir », il ne faut pas oublier que la curiosité de Migot est universelle. Il ne ressemble en rien à ces musiciens qu’un confrère peu charitable comparait à des « oursins à un trou ». Comme les grands artistes du moyen âge et de la Renaissance, il dispose de plusieurs moyens d’expression : peinture, sculpture, poésie. Il a écrit des ouvrages d’esthétique bouillonnants d’idées originales, de conceptions neuves. Philosophe et métaphysicien, il a médité sur l’humain et sur le divin. Dans cette culture, la musique tient évidemment la première place. Il a orienté particulièrement ses recherches vers le moyen âge, la Renaissance, les anciens luthistes, Rameau à qui il a consacré un livre. Mais il n’ignore ni Fauré, ni Debussy, ni Schœnberg.

 

Schœnberg ne l’ignorait pas non plus. J’ai lu, sous la plume de Maurice Chattelun, que Schœnberg ayant entendu, à Vienne en 1936, la Suite pour violon récitant et orchestre de Migot écrivit à S. Pulman qui avait dirigé le concert : « Cette musique (de Migot) est celle que je cherchais depuis trente ans. »

 

Malgré ce témoignage flatteur, Migot n’a pas adhéré au dodécaphonisme. « Les théories a-t-il dit, doivent naître de l'analyse d’une œuvre et non en être le mobile créateur. » Il reste membre du groupe du « Un » que l’on a opposé au « Groupe des Six ». Les exégètes les plus fervents de son œuvre n’y ont pas trouvé trace d'une influence. On ne peut le rattacher, cet œuvre, à aucun des courants esthétiques partis de la sensualité, de la sensibilité, du sentiment de l’intelligence ou de la « cérébralité ». Il m’a déclaré :

 

On m’a déjà reproché affectueusement de me tenir en dehors de ces « courants ». Quand on croit avoir quelque chose à dire, et que l’on attribue à ce quelque chose le sens d’un « message », on ne peut vivre au milieu de ces « courants ». L’art, si l’on veut en être l’humble et honnête serviteur, n’est fait que de nobles sacrifices.

 

Voilà qui ne simplifiera pas la tâche des musicographes de l’avenir, s’ils n’ont pas perdu la manie des étiquettes.

 

... Après quels détours, la conversation s’est- elle fixée sur les « jeunes ». Peu importe ! Ce fut un intermède d'actualité :

 

Les « Jeunes » ? Parlons de ceux qui ne sont pas morts à trente ans et attendent soixante-dix ans pour être enterrés tant en eux n’habite plus la plus belle réalité : la ferveur de créer des œuvres.

 

Si nos associations symphoniques n’y peuvent rien, du moins la radio permet-elle à ces jeunes de se faire entendre. C’est une audience qui n’avait pas cette importance dans notre jeune temps.

 

Ceux qui, parmi ces jeunes, sont des musiciens, selon le sens que nous donnons à ce mot (suis-je un « pompier » ? Je ne le crois pas), ont par contre comme concurrents une pléiade de musiciens d’une autre nature qui, grâce à des recherches de X et d’Y, de gammes, de sons, de rythmes, de bruits mis à la disposition de tous, peuvent devenir compositeurs, sans avoir besoin d’initiation créatrice (formule connue), en quelques leçons. Et c’est ainsi que, sans être un parfait compositeur du centre de l’Afrique, ou du Thibet, ou d’Europe, on peut être classé comme musicien par ceux qui craignent d’être jugés ataraxiques, par ceux qui ne se préoccupent pas de la différence existant entre une note et un son, entre un rythme et un bruit.

 

Malgré cela, que les jeunes œuvrent avec espoir, car le temps met peu à peu toute œuvre à sa place, malgré certaines erreurs de vue : Spontini, Auber, etc...

 

On ne peut parler des Jeunes sans songer à leur avenir ni à l’avenir de la musique : l’un et l'autre se confondent. Selon Migot, cet avenir sera ou, du moins, devrait être une succession de retours :

 

Retour à la musique qui est chant et non acrobaties sonores et rythmiques. Retour à la matière sonore propre. Retour au lyrisme qui est sa vie (il ne s’agit pas du bel canto ou d’autres effets). Retour au « rythme intérieur » de l’œuvre, éloignant de l’obsession des rythmes. Retour à la musique qui permet aux interprètes, instrumentistes et vocaux, de chanter, sans être des candidats de solfège supérieur lequel conduit à des virtuosités dont la musique n’a pas besoin. Retour à la musique qui est entre les notes et non sur celles-ci, lesquelles ne sont que les jalons de son parcours. Ce qui nous amène à constater que plus il y a d’intervalles sur une échelle sonore, moins il y a de place pour la musique. L’échelle de l’octave est si subdivisée qu’elle évoque une échelle de bois de deux mètres qui aurait soixante barreaux !... Retour aux échelles modales. Elles servent, depuis des siècles, à l’expression de la musique française... Retour à la musique n’obéissant pas à des propositions de gymnastes danseurs... Retour à la musique où les mots (sons) ne seront pas surchargés d’adjectifs (rythmes, harmonies, timbres, exotisme, etc ...).

 

Alors la langue sonore retrouvera cette intensité à la fois lyrique et fervente et dépouillée des oripeaux sonores dont on la recouvre.

 

— Faisant d’une pierre deux coups, vous venez, sans le vouloir évidemment, de donner implicitement d’utiles indications d'ordre esthétique et technique sur votre œuvre. Marc Honegger les complète quand il écrit : « Déniant à l’œuvre d’art le droit d’être une expérience, Migot marquera dans l’histoire de l’art musical la réaction contre le chromatisme systématique ou la division du demi-ton pour avoir redonné sa priorité à la voix humaine. Il retrouve la source de la grande ligne mélodique libre et constamment renouvelée, la clef d’une écriture polyphonique perdue depuis des siècles et le sens d’une architecture puissamment construite. » Mais l’harmonie ?

 

L’harmonique des sons remplace pour moi l’harmonie des accords. Je ne puis croire à l’identité de la matière sonore et de la musique qui s’en dégage... Mon langage musical prolonge et renouvelle — sinon ce ne serait pas art mais archéologie — près de huit siècles de musique française. Continuité et renouvellement technique et esthétique qui me sont une force, mais qui parfois ont pu détourner, par leur nature ethnographique, certaines compréhensions de mes œuvres. Toutefois leur chant continuera à convaincre ceux qui savent entendre...

 

Mais je parle comme si j’étais déjà comme le beau sculpteur Pompon qui, à soixante-dix ans passés, se voyant consacré par son « Ours blanc », me disait : « Tu vois, Migot, je suis vieux maintenant : on me salue comme un grand sculpteur. »

 

— Migot est, depuis longtemps déjà, salué comme un grand musicien. Il n’a pas, à notre connaissance, d’« ours blanc », mais le temps, ce béquillard qui n’est jamais pressé, n’aura que l’embarras du choix pour asseoir sa consécration. Peut-être s’arrêtera-t-il à ces grandes fresques religieuses qui, plus que d’autres œuvres, ont sans doute motivé cette remarque d’un critique : « Migot précède son temps d'une génération car il annonce le retour du spirituel à la musique » : parmi les plus récentes, son «  Saint-Germain d’Auxerre », créé par la Radio, ou son « Requiem », que l’on édite actuellement, ou dans le domaine de la musique instrumentale, cette « Cinquième Symphonie » pour les vents seuls qui lui a été demandée pour participer, en novembre dernier, à la célébration de l’anniversaire de Sainte Cécile en la cathédrale de Roubaix... L’« Univers Migot » — le mot n’est pas de moi — est extrêmement vaste et varié, encore oublie-t-on souvent ou laisse-t-il lui-même oublier des œuvres anciennes, lyriques et chorégraphiques créées à Monte-Carlo (1923), Genève (1926) ou Nantes (1937).

 

Et puis son « univers », Migot l’enrichit chaque jour, l’esprit tendu vers une « Eternité vivante » :

 

Continuer à œuvrer parce que j’ai la conviction que bientôt nous sortirons de cette ambiance actuelle où l’on traîne la musique... Continuer à œuvrer pour la rejoindre en son vrai domaine... Continuer pour formuler peu à peu mon classicisme hors de tout pastiche... Continuer à me considérer le serviteur d’un art qui peut rejoindre le divin.

 

 

Quelques œuvres de Georges Migot :

 

Théâtre : Cantate d’amour, opéra de concert. Contes de fées, opéra-chorégraphie. La Fête de la Bergère (Th. Bériza, 1925). Hagoromo (Monte-Carlo, 1923). Mystère orphique, polyphonie chorégraphique. Le Paravent de laque. Le Rossignol en amour, opéra de chambre.

 

Musique religieuse : L’Annonciation, oratorio. La Mise au tombeau, oratorio. Noëls. La Passion, oratorio. Psaume XIX. Saint-Germain d’Auxerre, oratorio. Le Sermon sur la montagne, oratorio.

 

Orchestre : Les Agrestides. Trois Cinés-Ambiance. Une danse par l'orchestre. Dialogue. Six Epigrammes. Trois Guirlandes sonores. La Jungle. Livre des danceries. Préludes. Deux Pièces piano principal, voix et orch. Prélude, Salut et Danse. Suite piano principal. Suite violon récitant. Suite harpe principale. Symphonies. Tombeau de Du Fault.

 

Chant et orchestre : Berceuses chantées. Chants. Elégie à Clymène. Petites images du Japon. Poèmes du Brugnon.

 

Musique vocale et de chambre : Six Tétraphonies. Deux Stèles.

 

Chant : Cantate d’amour, opéra de concert. Les Nativités, chœurs mixtes et orch. Dix Quatuors vocaux mixtes a cappella. Chœurs. Vocalises. Mélodies. Duos.

 

Musique de chambre : Trios. Quatuors. Quintette.

 

Piano : Ad usum Delphini. Calendrier. Epigrammus. Livre d’Anne-Marie. Nocturnes. Préludes. Sonate. Sonatine. Zodiaque. Danse de Bérénice 4 mains. Prélude 2 pianos.

 

Cordes : Dialogues, Estampie, Madrigal, La Malouve (v. et p.). Prélude (v. seul). Livre des danceries (2 v. et p.). Prélude, Cochevis (2 v.). Préludes (v. et fl.). Suite (v. et vile). Dialogue, Suite (v. et orch.). Dialogues, Madrigal (vlle et p.).

 

Orgue : Premier livre. Six Préludes, Sonate, Tombeau de N. de Grigny, La Jungle (org. et orch.).

 

(in Le Guide du Concert, février 1956)

collection et numérisation DHM



Association des Amis de l'oeuvre et de la pensée de Georges Migot

Président-fondateur : Henri Sauguet
Président d'honneur : Henri de Montpesat, prince de Danemark (†)
Président : Emmanuel Honegger
Siège social : 1 rue du Clabaud, 67500 Haguenau
Site internet : www.georgesmigot.info
mail : honegger.emmanuel@wanadoo.fr


 

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