GUY MORANÇON
organiste, chef d’orchestre, compositeur
(photo M. Gérard) DR.
(coll. Hervé Désarbre) DR.
Au grand orgue de Notre-Dame des Victoires
(photo J.L. Parienté) DR.
Il m’est triste d’annoncer la disparition, le 25 novembre 2025 à Paris, de Guy Morançon, qui fut avec André Fleury l’un de mes deux maîtres. Il aurait eu 98 ans le 5 décembre. Organiste, chef d’orchestre et chef de chœur, compositeur, il était pour moi une référence, la figure emblématique du vrai musicien.
L’organiste, qui s’est produit dans le monde entier, et nous laisse d’impérissables témoignages, comme son intégrale des Sonates de Mendelssohn, était un maître des couleurs. Sa Provence natale est terre de lavande, de pistou, sans oublier la marjolaine et le serpolet ; et bien la façon de registrer de Guy Morançon, d’aller chercher la bonne couleur sonore, des alliances de jeux inattendues, tout cela répondait à ce même souci de rehausser les œuvres, de les faire chanter, et de les faire souvent découvrir sous un jour nouveau. Quant au transcripteur pour orgue d’œuvres orchestrales, pour piano ou encore de mélodies, cette façon de faire oublier la destination originale des œuvres l’inscrit dans une grande tradition qui va de Haendel à Vierne, de Lefébure-Wély à Fleury, de d’Anglebert à Liszt.
Quant au compositeur, son souci n’était pas de faire moderne et c’est en cela qu’il reste actuel, et qu’il est même indémodable. Son langage ne comporte aucun truc destiné à ancrer artificiellement son œuvre dans notre époque, car il est avant tout celui de la sincérité. Avec ses Noëls, pour orgue, joués désormais et enregistrés dans le monde entier, pour quintette à vent ou pour orchestre d’harmonie, Guy Morançon est resté volontairement dans une certaine tradition de style car, pour lui, disait-il, « leur conserver leur caractère d'origine est un peu les célébrer comme on fait, par exemple, pour les petits santons d'argile crue, si personnels, si expressifs, si originaux, et pourtant lointains descendants des célèbres Tanagra ». Il m’a fait l’honneur et l’amitié de me dédicacer plusieurs Noëls pour orgue et ses Variations sur le Veni Creator, ainsi que La Tarasque, cantate-fantaisie en style classico-folklorico-moderno-humoristico-poétique pour chœur mixte, piano, orgue à tuyaux et percussion, un petit joyau.
Ses maîtres principaux ont été Marcel Prévot, Alexandre Cellier, Marcel Dupré, Louis Fourestier, Paul van Kempen, Carl Schuricht, Elisabeth Brasseur, Pierre Revel, Louis Saguer et Olivier Messiaen. Avouez qu’on ne peut partir mieux armé dans la vie. Olivier Messiaen avait d'ailleurs confié : Guy Morançon, quel plaisir d’écrire le nom d’un vrai musicien ! Sait-on que Guy avait donné la première intégrale française d’Elias, de Mendelssohn ; un descendant du compositeur était dans l’assistance. Quand il a déménagé, il m’a offert son fameux harmonium-pédalier, sur lequel il a tant répété et qui était l’instrument, souvent, des cours que j’avais avec lui. Je vais désormais, chaque jour, penser à lui en posant doigts et pieds sur cet harmonium. Lorsque j’arrive sur un orgue qui n’est pas ce qu’on peut appeler un chef-d’œuvre et que je ne sais pas trop comment registrer, de prime abord, je pense chaque fois à Guy en me disant : comment ferait-il ? Et la registration me vient.
Aujourd’hui, je suis donc vraiment triste, mais je me dis qu’il va continuer d’être parmi nous avec sa musique, qui n’est jamais loin de mon pupitre. (Re)découvrez ses fameux Noëls, ses trois pièces pour orgue, sans oublier son Concerto pour orgue et cordes qui est inexplicablement peu joué, alors qu’il s’agit-là d’une des très belles pièces concertantes pour orgue du XX° siècle. Il y a aussi ses magnifiques pièces vocales, ou pour guitare, sa Messe des bergers de Provence. Et ne manquez pas d’aller écouter La nuit merveilleuse, pour orchestre d’harmonie, sur des noëls provençaux, interprétée par la Musique de la Garde républicaine, dirigée par le commandant Frédéric Foulquier.
Ces quelques lignes sont un peu décousues, j’en suis conscient, mais puissent-elles parvenir néanmoins à exprimer l’admiration et l’affection que j’avais pour lui. Je salue tout aussi affectueusement son épouse et ses deux fils.
Hervé Désarbre
Organiste du Val-de-Grâce à Paris
NDLR : Guy Morançon, né à Marseille, tout d’abord élève d’orgue et contrepoint de Marcel Prévost à Marseille, avant de rejoindre le Conservatoire de Paris et l’Institut grégorien, a débuté très jeune sa carrière de musicien dans sa ville natale. A 12 ans, il est organiste de la chapelle du Saint Enfant Jésus (1939), puis en 1944, à 17 ans, il est titulaire du grand orgue de l’église Saint-Théodore. Une fois installé à Paris, il est nommé maître de chapelle et organiste de l’église Notre-Dame de Lourdes à Chaville (Hauts-de-Seine). Enfin, en juin 1957, il devient maître de chapelle et organiste du chœur de Notre-Dame-des-Victoires avant de succéder en 1986 à Micheline Lagache au grand orgue Kern de cette église. A son actif également la fondation à Paris en 1948 de l’« Ensemble vocal de l’Ile sonante » (formation de voix de femmes), en 1950 à Marseille d’un autre ensemble « Les Baladins de la chanson » avec un répertoire allant de la musique de la Renaissance au negro spirituel, en 1962 à Paris « Les Chœurs Jean-Baptiste Lully » qu’il dirige durant 15 ans, et de 1982 à 1991 il assure la direction du Conservatoire Nadia Boulanger (Paris IXe), puis est nommé inspecteur adjoint de la musique pour la Ville de Paris (1991 à 1993). Comme compositeur, on lui doit de nombreuses pages pour piano et pour orgue, des œuvres orchestrales, de la musique de chambre, des musiques de scène, ainsi que des partitions vocales profanes et religieuses N’oublions pas aussi maints arrangements et harmonisations, bon nombre d’écrits (entre autres une plaquette de 16 pages (1974) consacrée au Grand orgue de Notre-Dame des Victoires à Paris) et une discographie étoffée.
D.H.M.
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(DR.) |
(photo Christian Breau) DR. |
(coll. DHM) DR. |