Revue de presse relative aux orgues Fermis père et fils

puis « Fermis & Persil »


 

 

Le chef-d'œuvre de ces facteurs d’orgues fut sans conteste l'orgue de l'église Saint-François-Xavier de Paris en 1879. Mais on leur doit aussi d'autres instruments construits entre 1868 et 1880 (Saint-Volusien de Foix, église du Saint-Sauveur de Pékin en Chine, église Saint-Eloi de Forges-les-Eaux en Seine-Maritime).

 

« Nous lisons dans l'Ariègeois : « L'orgue de l'église Saint-Volusien a été inauguré jeudi 26 août. Après la bénédiction de l'orgue par Mgr l’évêque de Pamiers, M. Edouard Batiste, professeur au Conservatoire, organiste de St-Eustache, a fait entendre, dans une séance des plus intéressantes et avec des morceaux de différents caractères, toutes les ressources d'un magnifique instrument. Les noms de Bach, Beethoven, Mendelssohn, Lemmens, inscrits sur le programme, ainsi que des morceaux de sa composition, avaient fait pressentir le genre de M. Edouard Batiste, soit comme instrumentiste, soit comme compositeur. On ne s'était pas trompé, en effet, et l'on peut affirmer que M. Edouard Batiste est de l'école de ces grands maîtres. Il s'est tenu à la hauteur de la grande réputation qui l'avait précédé à Foix. La vision de Sainte-Cécile, de Lebouc, admirablement chantée et divers choeurs par l'Orphéon Fuxéen, dont le mérite est si souvent proclamé dans les concours, n'ont pas peu contribué à l'éclat de la solennité.

Le lendemain, M. Massis, organiste de Saint-Sernin à Toulouse, a bien voulu donner une nouvelle séance et faire apprécier, à ses compatriotes, son réel talent, notamment dans sa magnifique composition intitulée l'Orage. C'est pour nous un devoir de relater l'opinion émise par MM. Batiste, Massis, Scheurer, organiste de la cathédrale de Carcassonne, Garriga, organiste titulaire, formant, avec plusieurs autres artistes, le jury pour la réception de l'orgue : « Les experts choisis par la fabrique de Saint-Volusien, après avoir fait subir au nouvel orgue toutes les épreuves les plus sévères et les plus concluantes, ont reconnu l'instrument excellent et coté bien au-dessous de sa valeur. A l'unanimité, le jury a rendu un éclatant hommage à la perfection de son nouveau mécanisme qui est très « souple, très ingénieux et établi avec une pureté de main d'oeuvre au-dessus de tout éloge. Honneur donc à la maison Leroy et Legendre, de Paris, dirigée par MM. Fermis, artistes du plus grand avenir. »

(Le Ménestrel, 5 septembre 1869, p. 318-319)

 

« MM. Fermis et Persil -Témoin des efforts surhumains que M. Barker avait tentés pour arriver à ce résultat, M. Fermis, élève et continuateur de M. Barker, n'eut plus désormais qu'une pensée, remplacer le fluide électrique par un fluide simplement élastique, l'air comprimé, qui est incomparablement plus facile à distribuer d'une manière continue. Le problème n'était pas facile ; mais M. Fermis est jeune, intelligent, d'une nature forte, de cette race béarnaise éminemment solide, et il a complètement réussi témoins ses grandes orgues de Saint-Volusien à Foix, ceux de la maison mère des Frères, à Paris, celui de l'église Saint-François-Xavier, et enfin celui qu'il a exposé au Champ-de Mars. Comme l'a écrit M. Moigno, - une autorité dans la matière - « L'orgue de M. Fermis est, enfin, devenu un organisme rationnel dont le vent ou l'air comprimé est seul le moteur et l'âme. »

L'orgue exposé est un petit chef-d'œuvre du style gothique le plus fin, le plus délicat, le plus pur. Ce qui nous le rend particulièrement digne de recommandation, c'est que, seuls de tous les exposants MM. Fermis et Persil, introduisent dans la facture des éléments nouveaux qui, au point de vue pratique, en font comme le couronnement de tous les essais tentés jusqu'à ce jour.

Un jeune homme qui porte un nom connu dans le monde politique, M. Eugène Persil, petit-fils de l'intègre ministre de Louis-Philippe, témoin des efforts de M. Fermis, des obstacles surmontés, et amené par son goût artistique à apprécier les heureuses innovations de l'inventeur, voulut l'aider à les produire et apporter à son œuvre un double concours en s'y associant. Tous ceux, et ils sont nombreux à Paris, qui savent quelles traditions d'honneur se conservent dans la famille de l'ancien garde des sceaux, se féliciteront de voir le nom de M. Persil prendre place parmi les plus connus et les plus estimés de la grande industrie parisienne. »

(Le Figaro, 22 mai 1878, p. 2)

 

« Jeudi dernier, autre inauguration solennelle d'un orgue monumental construit par MM. Fermis et Persil pour l'église Saint-François-Xavier sur commande de la ville de Paris. Foule énorme et splendide programme dont nous parlerons dimanche prochain. Le beau Pater noster de Niedermeyer, magistralement chanté par Faure et la première audition du psaume 112 écrit par M. Ch. M. Widor pour choeurs, deux orgues et deux orchestres dirigés par M. Colonne, ont surtout fait sensation. »

(Le Ménestrel, 2 mars 1879, p. 111)

 

« Nous avons promis à nos lecteurs de leur donner quelques détails complémentaires sur l'inauguration du grand orgue de Saint-François-Xavier. L'importance musicale de cette séance, dont toute la presse s'est occupée, mérite bien en effet une mention spéciale. En dehors des organistes chargés de faire valoir l'instrument de MM. Fermis et Persil, un orchestre complet et de nombreux choristes étaient réunis sous la direction de M. Colonne et du maître de chapelle de la paroisse, M. Dardet. Notre illustre chanteur Faure, trop rarement entendu à Paris depuis quelques années, avait gracieusement consenti à rehausser l'éclat de cette solennité artistique par la renommée attachée à son magnifique talent. Il a interprété l'O fons pietatis d'Haydn, le Pater noster de Niedermeyer — cette belle page de musique religieuse qui, à n'en pas douter, aura la fortune du Lac — avec un sentiment exquis de simplicité et de grandeur ; aussi ces deux morceaux ont produit une sensation profonde. — M. Vergnet, de l'Opéra, a parfaitement chanté l'Ave Maria, de Cherubini, et les choeurs, après l'exécution du Tu es petrus de Palestrina, auquel nous regrettons qu'on ait ajouté un accompagnement, se sont fait remarquer dans le Tantum ergo de S. Bach. Le psaume Laudate pueri, de M. Widor, écrit pour la circonstance, avec choeurs, orchestre et deux orgues, a produit un effet saisissant. Les trombones et trompettes, qui reprennent alternativement au grand orgue et au choeur le même fragment mélodique, de plus en plus serré, ont contribué à donner à ce morceau une vigueur éclatante. Enfin un Ave verum, de M. A. Renaud, confié au bel organe de M. Vergnet et aux pathétiques accents du violon de M. P. Viardot, a fait très bonne impression. Comme organiste titulaire, M. Renaud a joué l'entrée et la sortie ; ce jeune artiste aura un jour sa place marquée parmi nos bons organistes. Et maintenant, faut-il dire avec quelle incontestable autorité MM. Franck, Widor et Gigout ont fait entendre l'orgue ? Aucun d'eux n'a failli à la tâche indiquée : — M. Franck, en exécutant un cantabile en si majeur, si fort apprécié à la séance du Trocadéro où il a eu les honneurs du bis ; M. Widor, en jouant avec sa virtuosité habituelle d'importants fragments de ses originales symphonies pour orgue, et M. Gigout, par l'audition de son andantino cantabile (transcrit de l'orchestre) et sa magistrale interprétation du final d'un concerto de Haendel avec cadence improvisée.

En terminant notre compte rendu, félicitons les organisateurs de ce programme, MM. Persil et Fermis, — ce dernier, inventeur d'un système pneumatique qui remplace par l'air comprimé les moyens ordinaires de transmission ; non-seulement ils ont doté la capitale d'un orgue important, mais ils ont procuré aux amis de l'art religieux — et l'énorme foule qui se pressait au dedans et au dehors de l'église ont prouvé qu'ils sont nombreux — l'occasion d'entendre l'une de ces imposantes manifestations musicales dont Paris reprend le goût comme au temps de Lesueur et Chérubini. »

(Le Ménestrel, 9 mars 1879, p. 118)

 

« L’église Saint-François-Xavier est en liesse sainte et artistique. On inaugure solennellement et à grand orchestre, le soir, l’orgue monumental construit pour la Ville de Paris par MM. Fermis et Persil. L’orchestre et les chœurs de l’Opéra et du Conservatoire, au nombre de deux cent vingt exécutants, étaient dirigés par M. Dardet, maître de chapelle de l’église. Cette solennité avait attiré une foule prodigieuse, qui n’a pas regretté son voyage dans les parages lointains du boulevard des Invalides.

Faure a chanté merveilleusement, divinement, devrais-je dire, le Pater Noster de Niedermeyer, avec accompagnement de chœurs et orchestre et O fons pietalis d’Haydn. M. Vergnet a chanté l'Ave Maria de Cherubini et l'Ave Verum de Gounod, avec accompagnement de violon par Paul Viardot.M. Albert Renaud, organiste titulaire, M. Widor ont tour à tour exécuté différents morceaux sur le grand orgue et ont pu en faire apprécier les remarquables et multiples qualités.

Cet orgue, qui ne comprend pas moins de quatre mille quatre cent vingt-six tuyaux, douze grands chœurs-pédales, treize grands chœurs, etc., etc., fait le plus grand honneur à leurs constructeurs, MM. Fermis et Persil. Elève de M. Barker, qui s’occupa si spécialement de régulariser la transmission électrique dans les orgues, M. Fermis, tout en conservant le levier pneumatique, s’efforça de remplacer le fluide électrique par un fluide simplement élastique, l’air comprimé qu’on trouve partout, et qui est incomparablement plus facile à distribuer d’une manière continue. Le problème n’était pas facile ; cependant, M. Fermis l’a complètement réussi. Son système est déjà appliqué sur deux grandes orgues, celui de l’église Saint-Volusien, à Foix (Ariége), et celui de la maison-mère des Frères de la rue Oudinot. La simplicité et l’élégance du mécanisme, l’installation facile sous un volume très réduit de l’ensemble et des détails de la construction, la douceur extrême du doigté, la sûreté et la rapidité de l’attaque de tons et de chacun des tuyaux, voilà ce qui caractérise le nouvel et magnifique instrument de Saint-François-Xavier. »

(Le Sportsman, 1er mars 1879)

 

« UNE INAUGURATION D’ORGUE

L’inauguration solennelle de l’orgue monumental de l’église Saint-François-Xavier, construit par MM. Fermis et Persil, a eu lieu le jeudi 27 février dernier, à huit heures du soir. L’église était pleine et un très-grand nombre de personnes n’ont pu trouver à se placer, car il s’agissait d’entendre des artistes remarquables dans l’interprétation d’œuvres choisies. Mais, avant de parler de ceux-ci, disons un mot du héros de la fête, de l’orgue magnifique créé par MM. Fermis et Persil. On ne se doute pas, généralement, de tout ce qu’exige de connaissances diverses l’art de la construction de ces gigantesques instruments auprès desquels tous les autres ne sont, pour ainsi dire, rien. Il a des puissances telles qu’il peut lutter avec les orchestres et les dominer, car lorsqu’il déchaîne ses vagues sonores, il semble tout engloutir sous elles ; tout disparaît, et il règne en maître. C’est un océan d’harmonies. Il faut une véritable science pour agencer, selon les lois voulues, les innombrables organes qui le constituent.

L’orgue de MM. Fermis et Persil ne comprend pas moins de 4,406 tuyaux. C’est une forêt à laquelle correspondent de nombreux claviers, des pédales de combinaisons, d’accouplement, de renversements du clavier, de transposition ; des registres à l’infini et une richesse de jeux admirable. Il y a dix jeux de mutation et de fournitures, des effets de crescendo, un effet de tonnerre — ceci est de rigueur pour satisfaire beaucoup de gens — et des effets de trémolo. En un mot, l'instrument est complet et ne le cède en richesse à aucun autre. —

Nous venons de dire qu’il se compose de 4,406 tuyaux ; l’orgue de la Madeleine en a seulement 2,882 ; celui de Saint-Denis en compte 4,506, soit une centaine de plus que l’orgue de Saint-François-Xavier. Celui-ci est donc digne de marcher de pair avec ses aînés les plus renommés. Les organistes chargés de le faire valoir étaient MM. Albert Renaud, organiste titulaire, Widor, organiste du grand orgue de Saint-Sulpice, Gigout, organiste de Saint-Augustin, et G. Franck, organiste du grand orgue de Sainte-Clotilde. Notre école a pris une envergure superbe depuis quelques années, grâce aux études sérieuses auxquelles se sont livrés les artistes laborieux qui se sont fait un nom parmi nous comme organistes. Ce grand art semblait ne pas devoir sortir de l’Allemagne : l’Italie l’a toujours ignoré et nous paraissions rester indifférents à ce que les gens compétents nous racontaient des merveilles d’outre Rhin.

Mais nous ne dormions pas cependant et, peu à peu, notre horizon s’est agrandi, parce que nous nous sommes élevés, et, aujourd’hui, c’est nous qu’on peut envier à l’étranger. Où trouver une pléiade aussi complète que celle que possède Paris ? Les Guilmant, les Saint-Saens, les Widor et tant d’autres. La Toccata e Fuga, en ré mineur, de J.-S. Bach, a été exécutée, par M. Albert Renaud, avec un grand style, c’est-à-dire avec le plus parfait respect du mouvement et du caractère du morceau. De toutes les pièces d’orgue exécutées ce soir-là, c’est celle qui nous a le plus frappé et qui nous a le plus entièrement satisfait. Il y a une telle grandeur, une telle majesté dans les œuvres de Bach qu’on en est saisi et que l’admiration se prolonge longtemps encore : le charme dure, et tout ce qu’on entend ensuite s’en trouve amoindri, quoi que l’on en ait. M. Renaud a joué pour la sortie une Toccata de M. Ch. M. Widor, dont l’allure allègre nous a plu infiniment. Nous préférons cette page aux autres œuvres du même auteur qui figuraient sur le programme, même au psaume 112, qui a été rendu avec un luxe d’instruments vraiment extraordinaire.

Qu’on en juge ! Deux orgues, deux orchestres et des chœurs formant un ensemble de deux cents exécutants ! L’effet produit a été formidable. L’orchestre placé dans la tribune donnait la réplique à celui qui se trouvait dans le chœur ; les trombones faisaient éclater leur voix puissante dans cette nef qui frémissait et semblait ne pouvoir contenir les flots de cette marée sonore qui se succédaient sans cesse ; puis toutes ces puissances réunies en un ensemble suprême ont produit une sensation presque lumineuse, si l’on peut dire ainsi. Mais ce n’était qu’une sensation, un transport passager, produit par cette opulence de moyens musicaux. Pour nous, l’œuvre ne répond pas à l’importance de l’armée qu’on y a employée. M. Ch. M. Widor a exécuté un allegro avec variations, de sa cinquième symphonie, ainsi que l'allegretto de la sixième. M. E. Gigout a dit un andantino cantabile, transcrit de l’orchestre, de sa composition, et le finale du concerto en sol mineur de Hændel, œuvre magnifique. M. C. Franck a joué un cantabile en si majeur, dont il est l’auteur. Nous n’avons pas besoin d’insister sur le talent de ces artistes si remarquables. Il n’y a pas d’organistes médiocres. Ils sont ou excellentissimes ou mauvais ; pas de milieu. Ces messieurs, tout le monde le sait, appartiennent à la catégorie glorieuse des meilleurs parmi les bons. Le concours de M. Faure n’était pas le moindre attrait pour la masse des auditeurs. Il a chanté un Pater noster, de Niedermeyer, avec chœur et orchestre. Cette œuvre est sagement écrite, mais ne se distingue par aucune qualité transcendante. M. Faure l’a chantée d’une voix ferme et sonore, et avec la sobriété de nuances exigée par le caractère même de cette prière, pleine de simplicité. Il a admirablement interprété un O fons pietatis, de Haydn, également avec chœur et orchestre. Quelle belle page que cette composition ! et quelle pureté de formes ! L’assistance a été vivement impressionnée en écoutant la belle inspiration du compositeur et l’artiste distingué qui la faisait si bien valoir. M. Vergnet, de l’Opéra, a chanté, de sa belle voix de ténor, un Ave verum, de la composition de M. Albert Renaud, avec violon solo dont la partie a été tenue par M. Paul Viardot avec distinction. L’Ave Maria, de Chérubini, n’a pas été moins bien dit par M. Vergnet. L’orchestre et les chœurs étaient dirigés par M. Dardet, maître de chapelle de l’église. Citons encore M. E. Schmeltz, maître de chapelle et organiste de Saint-Lambert, par qui a été touché l’orgue d’accompagnement : cette mention lui est bien due. Les chœurs et l’orchestre, il faut même dire les orchestres, ont parfaitement bien fonctionné. M. Colonne a conduit avec autorité le psaume 112, de M. Widor, dont nous avons déjà parlé plus haut. Les chœurs ont dit, sans accompagnement, un Tu es Petrus, de Palestrina. Nous nous sommes demandé si c’était bien là du Palestrina d’origine et si l’on n’avait pas touché un peu à la distribution harmonique des parties. Quoi qu’il en puisse être, c’est une inspiration pleine d’élévation et de charme. Cette cérémonie, qui avait réuni toutes les sommités du faubourg Saint-Germain, un grand nombre d’illustrations artistiques et politiques, et à laquelle n’ont pu trouver place près de deux mille personnes, bien que l’église en puisse contenir au moins huit mille, avait ce caractère de grandeur inhérent à toute solennité où l’orgue élève sa voix majestueuse pour faire résonner les pompeuses et immenses inspirations des Bach et des Hændel. H »

(La France chorale, 16 mars 1879)

 

« De tous les instruments l'orgue est le roi, sans contredit. C'est l'interprète le plus complet de la grande musique d'église ou de concert. C'est tout un orchestre sous la main d'un seul homme. Dire maintenant quel fut son inventeur, comment il a progressé, depuis la flûte de Pan jusqu'aux magnifiques instruments actuels, cela serait trop long, d'autant plus que nous avons à parler aujourd'hui d'une transformation nouvelle et importante de l'orgue opérée par une découverte qui produit dans la fabrication de cet instrument une véritable révolution.

Ce fait s'est produit à propos d'un concours ouvert pour la fabrication du grand orgue du l'église St-François-Xavier, à Paris. Quatre concurrents s'étant présentés, la commission, composée d'ecclésiastiques et de savants, tels que M. Lissajous, professeur et célèbre acousticien, MM, Bazin et Batiste, professeurs au Conservatoire etc., fut d'avis que deux concurrents devaient être signalés à l'attention de l'administration, M. Cavaillé-Coll et M. Permis. La commission de la Ville de Paris décida, à l'unanimité, qu'il y avait lieu de recevoir définitivement l'orgue construit par M. Fermis. L'emporter sur un concurrent tel que l'illustre Cavaillé-Coll, c'était un triomphe qui devait tenir à une cause extraordinaire. C'est, en effet, ce qui avait lieu. Le rapport constatait que l'instrument établi par M. Fermis était bien plus considérable que celui qu'il s’était engagé à exécuter par sa soumission, et rendait hommage au désintéressement de son auteur. Mais ce n’était pas tout. M. le comte du Moncel, ingénieur et membre de l'Académie des sciences, établissait dans son rapport à la commission de réception, que les orgues de St-François-Xavier, telles que les avait fabriquées M. Fermis, étaient disposées dans un système tout à fait nouveau. Le constructeur, afin de supprimer les transmissions mécaniques délicates et encombrantes qui relient les touches des claviers aux soupapes et tuyaux sonores, les avait remplacées par des actions pneumatiques effectuées à travers des tubes au moyen de l'air comprimé. Le principe sur lequel s'est fondé M. Fermis est celui des sonneries et télégraphes pneumatiques. Il introduit sous les diverses séries de tuyaux de grosseurs différentes des courants d'air comprimé, qui s'y introduisent par l'abaissement des touches sous les doigts de l'organiste. Dans les orgues ordinaires ces claviers se trouvaient reliés mécaniquement aux conduits des courants d'air par des tirants et des vergettes. Ce sont ces transmissions encombrantes et susceptibles d'être influencées par les variations atmosphériques que M. Fermis a remplacées par des courants d'air comprimé qui réalisent les mêmes effets, mais dans de meilleures conditions. Par ce nouveau moyen, un effort représenté par un poids de 300 à 600 grammes n'en exige plus que 30 ou 40. Les tubes plus ou moins longs, contournés ou réunis en faisceau, formant la transmission mécanique entre les claviers et les divers tuyaux de l'orgue, n'exigent, d'un autre côté, que très peu de place.

A cet effet, M. Fermis a établi une soufflerie spéciale dont le jeu est déterminé par l'abaissement des touches des claviers correspondants et agissant sur des soufflets ou leviers pneumatiques qui ouvrent les soupapes des gravures, un récipient d'air comprimé est commun à tous les soufflets. Le même système est appliqué au jeu des registres.

Dans l'orgue de Saint-François-Xavier, il y a quatre claviers : Un clavier de récit, Un clavier de grand-orgue, Un clavier dit positif, Et un clavier de pédale.

Les avantages de l'orgue de M. Fermis comme mécanisme sont donc de supprimer les transmissions encombrantes, de faciliter la répétition beaucoup plus rapide d'une même note, d'effectuer d'un seul coup l'effet des combinaisons des jeux à la suite d'une préparation des tiroirs, sans déplacer la main, de permettre de réagir avec quatre claviers comme si l'on en avait douze, de fournir avec l'orgue les effets d'un orchestre, de pouvoir appliquer le système aux orgues ordinaires, et enfin d'être d'un prix moins élevé que les systèmes ordinaires.

MM. Delibes et Gigout ont confirmé, au point de vue musical et artistique, le jugement de la commission de réception. « Variété de jeu, soins particuliers apportés à la nature de chacun d'eux, ampleur et puissance des fonds, sonorité du grand chœur, nombreuses pédales de combinaisons offrant de multiples effets, les uns fort ingénieux, les autres tout à fait nouveaux et facilitant le jeu de l'organiste en lui créant des ressources nombreuses pour l'exécution de la musique écrite, ainsi que pour l'improvisation », tels sont les mérites constatés par ces connaisseurs éminents.

Le célèbre abbé Moigno a aussi rendu hommage à la simplicité et à l'élégance du mécanisme, à l'installation facile de l'instrument, sous un volume très réduit, à la douceur du doigté, à la rapidité de l'attaque et aux économies réalisées par M. Fermis.

L'abbé Moigno termine son rapport technique par ces paroles caractéristiques : « Le succès de M. Fermis est complet, c'est un véritable triomphe, nous nous réjouissons grandement à la pensée de voir disparaître du sein des grandes orgues cette forêt de tiges bruyantes qui compliquaient énormément leur mécanisme et de les voir disparaître avec une grande économie de place et de frais inutiles. L'orgue de Fermis est enfin devenu un organisme rationnel dont le vent ou l'air comprimé est le seul moteur et l'âme ». Telle est la magnifique découverte réalisée par la maison Fermis et Persil, 49, boulevard Montparnasse, à Paris.

Ces beaux travaux n'ont pas manqué de lui valoir des récompenses importantes, parmi lesquelles nous citerons la médaille d'argent, récompense de lère classe à l'Exposition universelle de 1878. L. Brunéo. »

(Le Panthéon de l'industrie, 22 juin 1879, p. 235-236)

 

« Restauration du grand Orgue de Saint-Volusien de Foix.

Cet orgue, fourni en 1868 par la maison Fermis et Leroy, est le premier construit d'après le système Fermis. Les espérances qu'avait fait naître cette nouvelle facture n'ont pas été confirmées par l'expérience de dix années de service. En effet, une réparation importante a dû être faite à cet instrument.

Pour exécuter ce relevage, qui a exigé six mois de travail, deux facteurs s'étaient trouvés en présence : M. Fermis et M. Carel, organiste de Saint-Volusien. Le conseil de fabrique confia à ce dernier cette tâche délicate. L'opération une fois commencée se compliqua par la découverte de défauts majeurs dans l'ossature de l'instrument : les charpentes mal équilibrées menaçaient d'effondrement, et il fallut, au milieu de nombreuses difficultés qu'un homme de l'art seul pouvait entrevoir et surmonter, opérer l'armature de toutes les pièces de la charpente, et cela à travers des porte-vent, des mécanismes, des soupapes, des sommiers, etc. De cet état de choses provenait un défaut général dans les aplombs des sommiers ; le jeu des mécanismes était enrayé, et les mille petits soufflets qui constituent le système Fermis ne recevaient plus la part du vent qui devait leur revenir : de là des jeux annihilés ou parlant mal.

La boîte d'expression elle-même ne fonctionnait plus depuis longtemps qu'imparfaitement ; les effets de crescendo et de decrescendo y étaient nuls, et le trémolo se traduisait par un tapage que seuls les lapins savants savent produire.

En outre, un défaut déjà signalé par la commission qui présida à la réception de cet instrument, était à corriger. A cet effet, il a fallu calculer quel était l'effort nécessaire à chaque centimètre cube dans les petits soufflets qui font fonctionner notes et registres. L'opération a donné 67 grammes de pression pour chaque centimètre cube contenu dans les registres de l'instrument, et il a été reconnu qu'un effort représenté par le poids de 11 grammes par centimètre cube était suffisant pour les soufflets de chaque note.

La grande soufflerie se trouvait amplement approvisionnée d'air pour produire cette pression, tandis que la soufflerie à vent fort ne pouvait point fournir le vent aux registres, le générateur cubant moins que l'ensemble des soufflets-registres qu'il doit alimenter.

Le facteur a donc été obligé d'établir un nouveau soufflet à vent fort : excellente idée qui a donné les meilleurs résultats ; car les jeux de l'orgue, qu'on ne pouvait mettre en marche que lorsque le soufflet à vent fort était plein, fonctionnent, aujourd'hui, en tout état de cause, et l'organiste peut, à son aise, préparer ses combinaisons et choisir ses effets.

Le public fuxéen, et notamment les connaisseurs, sont unanimes à reconnaître que cette réparation majeure est fort bien réussie.

Le jour de Pâques on a pu juger de l'amplitude des sons de ce bel instrument, des effets de crescendo et de decrescendo d'un caractère saisissant, et de l'action complète des pédales et de l'énergie avec laquelle les accouplements se faisaient sentir.

Le grand jeu a surtout été remarqué ; les jeux de récit ont quelque chose de délicat et de sonore, qui remplit l'âme des auditeurs d'une pieuse émotion. La voix humaine, jeu souvent mauvais par sa nature, y est bien à sa place et parfaitement égale. L'harmonie de l'instrument a été traitée avec soin, malgré les obstacles toujours naissants au fur et à mesure que le travail de réparation avançait.

En somme, l'instrument de Saint-Volusien est une belle voix d'orgue ; mais l'extrême fragilité du système sur lequel la partie mécanique est basée, parait nécessiter la présence d'un organiste spécial, possédant, comme M. Garel, plus que des notions de facture.

Nous adressons nos félicitations à cet organiste, pour l'intelligence dont il a fait preuve dans l'exécution du travail considérable qu'il vient de terminer si heureusement, et pour ses qualités artistiques, qui sont dignes des plus sympathiques encouragements. »

(L'Ariégeois, 3 avril 1880, p. 1-2)

 

Collecte : Olivier Geoffroy

(mars 2023)

 

 

NDLR. : Le facteur d’orgues Joseph Fermis (1836-1889), originaire d’Auterive (Haute-Garonne) est actif de 1866, date à laquelle, alors installé à Clamart en région parisienne, il dépose avec son père un brevet pour un système de transmission tubulaire à des sommiers et registres, à 1885, année où, résidant à Paris, sa société est placée en faillite. Il est formé en premier lieu par son père Sylvain François Fermis (1812-1880), menuisier à Auterive puis à Paris, qui travaille un temps avec le facteur Charles Verschneider dont il construit au début des années 1860 le buffet de l’orgue pour son nouvel établissement fondé avec Charles Barker. Tout d’abord organiste du Cavaillé-Coll de l’église Saint-Gilles à Rieumes (pris de Toulouse) à la fin des années 1850 et début 1860, Joseph Fermis se perfectionne dans la facture auprès de « Barker & Verschneider » et en 1866 avec son père, tous deux dirigeant la Maison parisienne Leroy et Legendre, construisent un orgue pour Pékin (30 jeux), puis en 1868 le grand orgue pour l’église Saint-Volusien de Foix (Ariège). Entre temps, demeurant 87 rue de Sèvres à Paris, ils sont déclarés en faillite le 15 décembre 1866. Dans les années 1870, fréquentant le négociant et entrepreneur de menuiserie Eugène Persil (1853-1894), fils d’un notaire et petit-fils de l’homme politique et ministre de la justice sous la Monarchie de Juillet Jean Persil (1785-1870), ils s’associent ensemble. Après avoir obtenu une médaille d’argent à l’Exposition universelle de 1878 à Paris, par acte sous seing privé en date du 24 janvier 1879, tous trois forment une société anonyme sous la dénomination de « Compagnie générale française pour la fabrication des grandes orgues d’église (système Fermis et Persil) » au capital de deux millions de francs. Située d’abord 46 rue de Provence, cette société transfère en 1880 son siège 15 rue du Départ, mais dès le 21 décembre 1883 un liquidateur est nommé par le Tribunal de Commerce de la Seine, puis déclarée en faillite par ce même tribunal le 12 décembre 1885. On doit à Fermis & Persil la construction en 1879 du grand orgue de Saint-François-Xavier à Paris et l’année suivante celui de l’église Saint-Eloi à Forges-les-Eaux (Seine-Maritime), offert à la paroisse par la baronne de Montalent et dont le fils, Raoul de Montalent, élève de César Franck et de Marmontel au Conservatoire de Paris, est le premier titulaire durant un demi-siècle (1880 à 1930)… Signalons également que Fermis père et fils comptèrent parmi leurs collaborateurs Firmin Fermis (1841-1923) frère cadet de Joseph, lui-même facteur d’orgue et électricien. (DHM)

 

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