Joseph BONNET
(1884 – 1944)

Joseph Bonnet
Joseph Bonnet
( coll. Martial Morin ) DR

 

Nous avons connu Joseph Bonnet peu après sa sortie du Conservatoire, l'avons suivi au cours de sa brillante carrière et nous honorons d'avoir été de ses amis.

Joseph Bonnet, vers 1910
Joseph Bonnet, vers 1910
( photo Musica, coll. DHM ) DR

Né à Bordeaux, le 17 mars 1884, initié dès l'enfance au culte de la musique et de l'orgue par son père1, organiste de Sainte-Eulalie et par Paul Combes2, organiste de Notre-Dame, il manifeste des dons exceptionnels et, à quatorze ans, est titulaire des tribunes bordelaises de Saint-Nicolas, puis de Saint-Michel. Un premier récital attire sur lui l'attention de Charles Tournemire qui lui prodigue conseils et leçons. Il s'engage à dix-huit ans pour accomplir son année de service militaire et, sitôt libéré, il est présenté à Guilmant qui l'admet d'enthousiasme dans sa classe du Conservatoire.

On sait que Louis Vierne, précédemment ad latus de Widor, avait été maintenu dans cette fonction par son éminent successeur. Nous extrayons de ses « Souvenirs », publiés par les Amis de l'Orgue, les lignes qui suivent : "Pourvu d'une solide culture musicale, Joseph Bonnet se fit tout de suite remarquer à la classe par un tempérament tout à fait hors pair de virtuose ; Guilmant et moi nous ne nous y trompâmes pas. Il y avait là, pour l'avenir, un organiste de grande envergure, d'une conscience scrupuleuse, d'une probité absolue, doué de la plus noble des ambitions, celle qui consiste à toujours vouloir le mieux. Il apportait au cours un travail « brossé sur toutes les coutures », comme me disait Guilmant. Il devint aussi un excellent improvisateur, au sûr métier, exprimant un idéal d'une grande pureté dans une langue claire et bien choisie." Louis Vierne définit ensuite les caractéristiques du jeu de Joseph Bonnet dont il sera parlé au cours de cet article. Et il conclut ainsi : "Je crois que c'est lui qui a conservé la plus pure tradition de Guilmant."

"Sans être plus doué et plus virtuose que beaucoup d'autres, nous dit notre ami Alexandre Cellier, Guilmant a laissé le souvenir de l'exécutant le plus complet et intelligent de tous : rythme parfait, « legato » impressionnant, mise en valeur musicale d'une conscience incomparable... Tout en faisant preuve de la plus bienveillante impartialité vis-à-vis de tous ses élèves, notre Maître ne cachait pas sa prédilection pour les qualités et surtout la conviction de Joseph Bonnet et le citait en exemple à ses condisciples."

Avant même d'avoir obtenu son Premier Prix, la tribune de Saint-Eustache étant vacante (Henri Dallier avait pris à l'orgue de la Madeleine la succession de Gabriel Fauré, nommé Directeur du Conservatoire), Joseph Bonnet, sur le conseil de son maître, concourt le 23 mars 1906 pour l'obtention de ce poste de choix et est proclamé vainqueur à l'unanimité d'un jury composé de Guilmant, d'Indy, Gigout, Tournemire et Vierne. Alexandre Cellier, qui assistait comme tireur de jeux les quatre concurrents, nous a rapporté que Guilmant avait fait observer à ses collègues combien l'orgue de Saint-Eustache, à cette époque lourd et mal alimenté en vent, avait sonné plus nettement sous les doigts de Joseph Bonnet que sous ceux des autres candidats, et cela grâce à son souci constant de rigueur rythmique. Une des caractéristiques de son talent était en effet cette autorité rythmique qui conférait à son jeu une clarté et une puissance singulières. Nous l'avons entendu en 1910, au cours d'un séjour de vacances qu'il faisait en Vaucluse chez un de nos parents, consacrer de longues heures à travailler sur un médiocre harmonium à pédalier, dans l'esclavage du métronome et dans un « tempo » très lent, des Allegros de Sonates en trio et des Fugues de J. S. Bach. Ce n'est qu'après cette régulation minutieuse de son « legato » et de son « staccato » qu'il se considérait en droit de prendre les libertés nécessaires à l'expression de son émotion personnelle ; c'est en grande partie par ce moyen qu'il évitait la confusion si fâcheuse du jeu de tant d'organistes et dominait l'inertie congénitale de son instrument. Mieux qu'aucun de ses émules, et sans l'adjuvant de puissantes sonorités, il donnait aux grandes Fugues de J. S. Bach l'aspect d'un fleuve impétueux et calme s'écoulant entre des fortes digues et, dans le « stretto », s'en libérant pour déboucher en pleine mer.

Nous rappellerons à ce propos l'heureuse comparaison que nous avons lue sous la plume du philosophe Jacques Chevalier entre "l'organiste qui tisse le son avec le silence, et le canut lyonnais qui tisse la trame avec la chaîne." Elle s'applique exactement au toucher de Joseph Bonnet.

Il se montrait également l'héritier des traditions de Guilmant par son souci et son art de la registration. Non content de composer ses programmes et de préparer ses exécutions avec un soin extrême, il étudiait les conditions acoustiques des nefs ou des salles où il était appelé à se faire entendre et comprendre. Ainsi, après la réfection de son orgue de Saint-Eustache, pour adapter ses registrations aux nouvelles ressources de l'instrument, il les a minutieusement refaites avec le concours d'une de ses élèves préférées, Mlle Geneviève de la Salle3. La console des claviers de Saint-Eustache étant fortement engagée sous le corps principal de l'orgue, l'exécutant ne s'entend pas assez nettement pour être assuré de l'équilibre et de la portée de ses sonorités. Pendant de longs jours, Joseph Bonnet, placé « au point optimum » de la nef, a écouté Mlle de la Salle échantillonner toutes les œuvres de son répertoire et, par le téléphone reliant le chœur à la tribune, il a corrigé inlassablement et fixé ses nouvelles registrations.

Joseph Bonnet, recto d'une carte postale
Verso de la carte postale de Joseph Bonnet
Photo carte postale (édition Costallat) de Joseph Bonnet, adressée le 18 novembre 1929 à son collègue Bernard Loth, maître de chapelle de Saint-Etienne-du-Mont et Secrétaire de l'Union des Maîtres de Chapelle et Organistes
( coll. DHM )

Autre souvenir personnel. Vers 1912, le grand violoniste belge, Eugène Ysaye, avait porté son choix sur Joseph Bonnet pour exécuter à la salle Gaveau, avec accompagnement d'orgue, la Chacone de Vitali. On sait que cette œuvre, comportant une longue suite de variations, laisse, surtout accompagnée au piano, une impression de redondance et de monotonie. Nous revoyons, à plus de trente ans de distance, la puissante stature d'Ysaye, debout à côté de la console de l'orgue, exécutant de mémoire, dans un style d'une noblesse incomparable, cette œuvre célèbre. Nous entendons la version organistique concertante, établie par Joseph Bonnet avec une variété et un à-propos dans la registration qui en soutenaient constamment l'intérêt ; et lorsque se sont alliées dans une triomphale péroraison les sonorités largement étalées du violon et celles, jusqu'alors contenues, du « tutti » de l'orgue, nous avons vécu une minute inoubliable, tellement nous nous sentions haussés sur un sommet de la musique par l'union du Roi et du Pape des instruments, et par deux Maîtres dont les éloquences et les émotions se conjuguaient miraculeusement.

Mais revenons en arrière pour retrouver Joseph Bonnet, couronné en 1906 par un Premier Prix d'orgue à l'unanimité du jury du Conservatoire, après de brillantes épreuves d'improvisation et une splendide exécution du final de la Grande Fantaisie de Liszt sur le Choral du Prophète. Dès lors s'ouvre pour lui une magnifique carrière de concertiste. Entre temps, il reçoit d'André Gedalge des leçons de contrepoint et de composition, et écrit ses célèbres Variations de concert, qui seront choisies comme morceau de concours par le « Collège Royal des Organistes de Londres » et « The Guild of American organists de New-York ».

Nous nous rappelons aussi un concert avec orchestre qu'il donna en 1908 à Marseille, où sa jeune maestria provoqua l'enthousiasme délirant d'un public généralement indifférent à l'orgue et à sa littérature, et où il exécuta en bis un Matin Provençal, qu'il avait écrit la veille, pour traduire l'impression lumineuse et mouvementée produite sur lui par le spectacle et le tumulte du grand port méridional.

Car dans le feu de la jeunesse et la conscience des audaces que lui permettait son habileté technique, Joseph Bonnet a présenté au début de sa carrière le double aspect d'un organiste d'église, soumis sans doute aux convenances liturgiques, et d'un organiste mondain, romantique, voire romanesque. Nous ne donnons à cette qualification d'organiste mondain aucun sens péjoratif. Accueilli dans les salons dotés d'un orgue, il y venait travailler commodément et assidûment ; mais entouré et encensé par ses hôtes, il lui arrivait, pour satisfaire à leur goût, de demander à son instrument l'expression des passions humaines les plus orageuses. (Encore que, dans ces cadres profanes, on entendit moins de « musique de salon » que dans certaines églises). Nous nous souvenons de la large part qu'il faisait alors dans son répertoire aux œuvres romantiques, notamment à certaines pages de Schumann pour piano-pédalier, dont l'Esquisse n° 3 en fa mineur, qu'il interprétait avec une fougue irrésistible et qui n'était pas précisément d'une écriture organistique. Mais le chœur des sirènes, qui aurait enchanté un artiste d'une moindre trempe que la sienne, ne l'a pas fait dévier longtemps de la voie austère que sa conscience et sa volonté de perfection lui ordonnaient de suivre. Au demeurant, organiste liturgique ou romantique, il n'a jamais varié dans son respect pour son instrument, pour les auteurs qu'il interprétait et dans sa sévérité envers lui-même.

Nous passons rapidement sur sa nomination en 1911, après la mort de Guilmant, au poste d'organiste de la Société des Concerts du Conservatoire, sur ses succès de virtuose à Paris et dans toute la France, sur ses tournées en Europe et en Amérique du Nord. Soulignons que, en 1918, après deux ans passés aux Armées, il est envoyé en mission officielle aux Etats-Unis, pour y contrecarrer l'influence des artistes allemands et autrichiens. Un triomphe constant l'accompagne au cours de plus de cinq cents récitals ; ses succès lui valent la croix de chevalier de la Légion d'honneur et l'Amérique lui confie la fondation des classes d'orgue de l'Université de Rochester, New-York. (Il y délégua pendant treize ans un autre éminent élève de Guilmant, Abel Decaux.)

Nous nous réservons de parler ultérieurement de son œuvre de compositeur. Bien qu'elle date d'une époque de sa carrière où il cherchait sa voie, elle mérite que nous nous y arrêtions, bornons-nous en attendant à noter que Louis Vierne en a loué "la facture soignée, l'écriture élégante et, à l'occasion, la réelle poésie."

Nous en venons à l'heure où sa réputation mondiale s'affirme avec le plus d'éclat où, cédant aux impératifs de sa vie intérieure, il renonce à la composition, subordonne sa transcendante virtuosité à un culte plus fervent des Maîtres qu'il interprète, se fait le champion de l'orgue liturgique et de la doctrine de Solesmes. Cette épuration de son idéal artistique n'a été ni soudaine, ni due à l'influence de tel ou tel directeur de conscience ; elle lui a été imposée par la seule conviction qu'il trouvait dans l'accord de ses croyances religieuses avec la beauté et la pompe liturgique, une source de paix et une vraie satisfaction d'âme. Evolution, ascension réfléchie, et qui, se produisant à l'apogée de sa renommée, porte incontestablement la marque de la sincérité et du renoncement. De ce jour, la vie artistique de Joseph Bonnet est inspirée et informée par sa foi. Devant ses claviers, il prend figure d'un officiant accomplissant un rite solennel. Cette attitude que certains de ses émules et de ses auditeurs ont qualifiée de « pontifiante », l'onction quasi sacerdotale avec laquelle il parle de son art, s'accordent cependant avec le respect religieux qu'il porte à son instrument et avec sa piété envers les Maîtres qu'il interprète.

Dans le privé, l'attitude de Joseph Bonnet n'a rien d'affecté ; sa conversation est enjouée, émaillée de traits d'humour ; ses jugements sont modérés, sauf lorsque, si peu que ce soit, il juge offensée « sa vérité » artistique (Chaque artiste a en effet la sienne, la met en action et la défend comme il l'entend.) Il est alors saisi d'une sainte colère et, baissant la voix, il la traduit par un froid mépris.

Parmi les preuves que nous avons eues de son indépendance de caractère, nous rappellerons que sa stricte obédience de musicien d'église ne l'a pas empêché de se montrer, lors du décès de Louis Vierne, parmi les plus acquis à l'idée d'une pétition tendant à obtenir que la tribune de Notre-Dame fût mise au concours. Estimant que l'avenir de notre Ecole d'orgue était en cause, que le droit de prétendre à ce poste de première importance artistique et nationale ne pouvait être refusé à de jeunes confrères dont il estimait le talent, se souvenant qu'à vingt-deux ans il s'était soumis à des épreuves transcendantes pour être nommé à une des tribunes parisiennes les plus enviées, il s'est montré des plus ardents partisans de cette pétition, a agi vigoureusement sur quelques hésitants et s'est offert en accord avec M. Henri Büsser, Président de l'Association des Anciens Elèves du Conservatoire et le Président des Amis de l'Orgue, à représenter les organistes dans une audience demandée au Cardinal de Paris.

A son culte ardent pour J. S. Bach, Joseph Bonnet joint une vive admiration pour Titelouze, Grigny, Clérambault, Couperin le Grand. Il s'intéresse aux anciens Maîtres italiens, (il a publié chez Sénart une édition des Fiori musïcali de Frescobaldi) ; aux vieux Maîtres espagnols, dont la manière rude et dépouillée s'assortit à l'austère piété de Saint Jean de la Croix. Ses critériums dans le choix des œuvres qu'il interprète sont en premier lieu leur « contenu dévotieux », puis leur possibilité de soumission aux exigences liturgiques. Imprégné d'une culture classique et latine, épris de l'art médiéval, il séjourne fréquemment à Solesmes où, dit-il, "on respire l'air des hauteurs" ; il se fait un bréviaire de l'Année Liturgique de Dom Guéranger, et s'inscrit comme oblat bénédictin. Il contribue à la fondation de l'Institut grégorien de Paris, y professe un cours d'orgue supérieur et en est le président jusqu'à son dernier jour. Son dévouement à l'art grégorien lui a valu la Croix de Chevalier de Saint-Grégoire le Grand.

Marié à Mlle Geneviève Turenne, dont le souci constant fut de créer autour de lui une ambiance favorable à son activité professionnelle et de le seconder dans son apostolat artistique, ils habitent avec leurs deux enfants un petit hôtel d'Auteuil. Lorsque ses tournées de concerts lui en laissent le loisir! il y invite quelques amateurs d'orgue pour leur présenter avec commentaires ses dernières trouvailles dans le répertoire ancien et moderne. Son studio a pour parure principale un orgue de trois claviers conçu pour l'étude de toute la littérature de l'instrument ; une large place y est faite à une riche iconographie de l'orgue et des Maîtres qui l'ont illustré ; deux grandes toiles d'époque y représentent, la plume à la main et l'épée au côté, Clérambault et François Couperin. Dans une vitrine sont de précieux documents anciens : une édition originale de Titelouze, un Antiphonaire, une Histoire, de Troubadours, l'Art de toucher le clavecin, de François Couperin, y voisinent avec les Pensées de Pascal, la Vie de Saint Benoît, les portraits de Frescobaldi, Haendel. Mozart, etc. Tout s'harmonise dans cette demeure avec sa vie laborieuse et méditative et témoigne de son goût épuré.

Joseph Bonnet (extrait d'un programme de concert en 1941)
Joseph Bonnet, photo apposée sur programme concert du 6 février 1941 au Detroit Institute of Arts, organisé par "The Catholic Organists'Guild of the Archidiocese of Detroit"
( coll. DHM ) DR

La guerre ouvre le dernier stade de sa féconde carrière. En novembre 1939, en janvier 1940, il n'hésite pas à aller donner des récitals en Belgique, en Suisse et en avril, dans les Balkans, où pèse lourdement l'influence allemande, pour y faire passer le souffle artistique de la France. On l'applaudit à Zagreb, Belgrade, Sofia. Non content de se faire entendre dans de brillants récitals, il parle à la radio de Belgrade en ardent défenseur de l'Art français.

En juin 1940, après avoir mis les siens en sécurité dans le sud-ouest, il revient à Paris où il a promis son concours dans une cérémonie organisée par la Croix-Rouge. Le 10, deux jours avant l'entrée des Allemands, il joue pour la T.S.F. à Saint-Eustache les trois Chorals de Franck. Il peut ensuite, par miracle, quitter Paris pour aller remplir son rôle d'ambassadeur de l'art français en Amérique du Nord. Il a en effet signé avant la guerre un contrat pour une tournée de concerts dans ce pays et ne veut pas manquer à sa parole ; le ministre des Affaires étrangères le lui demande d'ailleurs instamment. Il débarque à New York avec sa famille le 16 septembre. En trois mois, il donne soixante récitals. Au cours des réceptions qui les suivent, tout on parlant d'art de musique, il sert son pays en montrant à ses hôtes le visage de la vraie France, et en leur redonnant confiance dans son destin. De New York, il nous écrit en 1941 : il a donné des récitals au profit de nos prisonniers et d'œuvres françaises. Le nom de Jean Alain figure sur ses programmes. Il veut être exactement informé des épreuves et des deuils que la guerre a fait subir à ses confrères, car il se propose de susciter en leur faveur la générosité américaine. (Après sa mort, sur la demande de Mme Joseph Bonnet, « The Guild of American organist » a institué une « Joseph Bonnet memorial fund » qui a apporté à la caisse de secours des Amis de l'Orgue une contribution de cent cinquante mille francs, immédiatement répartis.)

L'entrée des U. S. A. dans la guerre lui interdit de regagner la France. Son cœur d'ardent patriote en est profondément affecté. Mais on lui demande officiellement de persévérer dans sa mission, d'ailleurs complètement désintéressée, car il l'accomplit sans aucune aide. Il professe dans divers collèges et Universités. Il est nommé organiste de « l'Art Museum » de Worcester. Par des récitals admirablement conçus, préparés et variés, il se fait le messager de l'Art français jusqu'à la côte du Pacifique. Cette noble et inlassable activité l'éprouve sérieusement dans sa santé. Mais le gouvernement du Canada lui demandant de créer une classe d'orgue au Conservatoire de Montréal, il accepte cette mission avec joie. (Son excellent élève, Conrad Bernier, lui a succédé dans cet enseignement.) Aspirant au repos, il passe l'été 1944 au Canada, dans un modeste hôtel de Sainte-Luce-sur-Mer. C'est là que, le 2 août, subitement terrassé, il meurt saintement après quatre heures d'agonie.

Son désir était exaucé. "Si je mourais au Canada, avait-il dit, ce serait un peu la France."

Son service funèbre, célébré le 4 août, est, comme il l'avait souhaité, strictement grégorien, sans que l'orgue se fasse entendre. Un mois passe, et le 2 septembre, sur l'invitation du Prieur de Saint-Benoit-du-Lac (Canada), après un office chanté par les moines, l'oblat bénédictin Joseph Bonnet est inhumé dans le cimetière de ce monastère. Sur son cercueil, porté par huit religieux convers, s'étale un drapeau français et sont posés deux bouquets de fleurs des champs.

Ainsi s'est achevée, dans l'effacement de l'humilité chrétienne, la magnifique carrière d'un des Maîtres les plus applaudis et les plus justement célèbres de notre Ecole d'Orgue. Elle présente, nous semble-t-il, le caractère de servitude et de grandeur qu'Alfred de Vigny a attribué à la vie du soldat, "ce prisonnier royal." Elle nous offre en effet un très noble exemple de conscience, de soumission et de fidélité. L'abîme qui parfois sépare l'Art de l'Artiste s'en trouve comblé.

Béranger de Miramon Fitz-James4 (1875-1952)
Cofondateur en 1927 avec Norbert Dufourcq des Amis de l'orgue
Directeur de l'Académie de Marseille (1943)

Fichier MP3 Joseph Bonnet, Berceuse, pièce n° 6 des Douze pièces pour grand-orgue, op. 10 (Paris, Leduc, 1913). Cette partition porte la dédicace “Au Marquis Melchior de Polignac” et indique la registration suivante : Récit : Voix céleste, Gambe – Grand-orgue : Flûte 8 – Pédale : Bourdons 16 et 8, claviers accouplés.
Fichier audio par Max Méreaux (DR.)
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1) Georges Bonnet (1857-1939), élève de la Maîtrise de la cathédrale Saint-André de Bordeaux, débute sa carrière d'organiste dans sa ville natale dès l'âge de 13 ans comme organiste accompagnateur à Sainte-Croix et Notre-Dame, puis est nommé à Saint-André. Il tient également l'orgue de Sainte-Eulalie avant de venir s'installer à Paris en 1919, auprès de son fils qu'il supplée à Saint-Eustache jusqu'en 1926. Cétait aussi un pianiste talentueux. (NDLR) [ Retour ]

2) Paul Combes (1858- ?), élève de l'Ecole Niedermeyer, professeur également d'Henri Sauguet, après avoir débuté en 1880 à l'orgue de Notre-Dame de Bergerac, a occupé plusieurs postes d'organiste à Bordeaux et principalement celui de Notre-Dame durant 20 ans (1901 à 1921). On lui doit des pièces écrites pour son instrument. (NDLR) [ Retour ]

3) Geneviève de la Salle (1904-1993), élève de Louis Vierne, Maurice Sergent et Joseph Bonnet à la Schola Cantorum de Paris (1920 à 1930), enseigne plus tard l'orgue à l'Ecole supérieure de musique César Franck, parallèlement à une carrière d'organiste à l'église Saint-Médard (Paris), puis à partir de 1956 à l'église Saint-Louis de Fontainebleau. (NDLR) [ Retour ]

4) Cet article est précédemment paru pour la première fois dans la revue L'Orgue, n° 43 (avril-juin 1947), organe de l'Association "Les Amis de l'orgue". Nous remercions vivement son actuel rédacteur en chef, François Sabatier, de nous avoir autorisé à reprendre ces lignes. Les personnes intéressées par L'Orgue, qui paraît toujours, peuvent contacter le siège social : 178 rue Legendre, 75018 Paris ou revuelorgue@free.fr (NDLR) [ Retour ]

Oeuvres de Joseph Bonnet
Oeuvres de Joseph Bonnet éditées chez Leduc à Paris
( coll. DHM ) DR

 


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