EDMOND DIERICKX
Organiste et compositeur
(1880 - 1952)



Edmond Diérickx (coll. E. Delahaye, DR)
Edmond Diérickx
( coll. E. Delahaye ) DR

Né à Roubaix le 10 août 1880, Edmond Diérickx nous a quittés le 6 mai 1952.

L'histoire d'Edmond Diérickx, c'est d'abord une leçon de courage. Celle d'un homme qui a surmonté et mis à profit un handicap : celui d'être mal-voyant.

Rien en effet ne le prédestine à la carrière qui sera la sienne. Admis à l'âge de douze ans à l'Institut des jeunes aveugles de Ronchin en raison d'une insuffisance visuelle, il va y découvrir la musique "avec le ravissement d'un élu entrant au paradis", comme l'a joliment écrit Jean Odoux. Il est vrai qu'à l'époque, l'Institution passe pour être "une véritable pépinière d'organistes et de compositeurs".

L'histoire d'Edmond Diérickx c'est aussi l'histoire d'une fidélité sans failles à un clocher, d'un titulariat d'une longévité exceptionnelle.

Roubaisien d'origine, tourquennois d'adoption, Edmond Diérickx a officié aux orgues de Saint-Christophe un demi-siècle durant, de 1901 à 1952. Et il n'est que l'exode et la maladie pour l'avoir tenu éloigné de ses claviers. "Durant la guerre de 14, rappelait son neveu, le Chanoine Honoré, il y venait à pied depuis Roubaix où il habitait alors".

L'histoire d'Edmond Diérickx, c'est encore l'histoire des multiples rencontres qui, au fil de sa vie, vont l'enrichir musicalement, intellectuellement, humainement, spirituellement.

Il y a Julien Koszul, directeur du Conservatoire de Roubaix, dont l'Institut de Ronchin s'est attaché les compétences. Julien Koszul, qui ne fut sans doute pas étranger à la nomination du jeune homme à la tribune de Saint-Christophe. En tout cas, c'est à cet organiste de grand talent qu'Edmond Diérickx soumet, en 1912, les plans du nouvel orgue de la paroisse.

Voici Marie-Thérèse Honoré, qu'il épouse en 1909. Pour la seconde fois, son cœur est tourquennois. Ils chemineront côte à côte plus de quarante années.

A Saint-Christophe, sa voie se trouve tracée par le "Motu Proprio" sur la Musique Sacrée que promulgue Pie X en 1903, texte par lequel le souverain pontife exhorte à faire prier "sur de la beauté". A la veille de la Première Guerre, Edmond Diérickx trouve un allié de poids en la personne de Charles Wattinne, le nouveau maître de chapelle. L'homme est ambitieux et entend hisser la paroisse au premier rang des maîtrises et lutrins du diocèse !

Leur entente sera parfaite, et tous deux seront pour beaucoup dans la tenue à Tourcoing du Congrès général de Musique sacrée en 1919. En marge de cette manifestation à laquelle il convient également d’associer le nom de l’abbé Paul Bayart, un jeune organiste à la technique étourdissante se fait entendre à Saint-Christophe. Son nom fera le tour du monde ; il s'appelle Marcel Dupré.

Plus tard, d'autres musiciens, et non des moindres, comme Louis Vierne, venu toucher l'orgue de Saint-Christophe en 1934, Joseph Bonnet, Jean Langlais, croiseront la route d'Edmond Diérickx. Quant aux correspondances nourries d'un Fernand de La Tombelle ou encore d'un Charles Tournemire, celles-ci sont là pour témoigner de l'estime dans laquelle ces maîtres réputés tenaient l'organiste de Saint-Christophe.

En décembre 1928, Albert Paris succède à Charles Wattinne, se trouvant dès lors étroitement associé à la vie musicale de la paroisse et à la créativité de son organiste. En 1931, la première audition de l'oratorio "Panis Vitae" au Congrès Eucharistique National de Lille constitue l'un des temps forts d'une nouvelle collaboration, qui allait s'avérer, elle aussi, exceptionnelle. Après avoir pris connaissance de la partition, Charles Tournemire écrit à Edmond Diérickx : "Je suis heureux de vous dire que j'admire beaucoup votre œuvre : grandeur et haute poésie mystique, écriture splendide. Je vous le dis sincèrement."

C'est à l'occasion du 10e anniversaire du sacre de Mgr Liénart, qui fut curé de Saint-Christophe à Tourcoing d'août 1926 à novembre 1928, que sera donnée en ce lieu le 4 décembre 1938 la première audition tourquennoise de la Messe "Pour chanter Notre-Dame", créée le 24 juillet précédent en clôture du Congrès Marial de Boulogne-sur-Mer. Mais si cette messe, appelée d'abord Messe "Ave Maris Stella", ne paraît qu'en 1938, presque toutes les parties qui la composent avaient subi l'épreuve du feu à la tribune de Saint-Christophe. Son auteur s'était d'abord essayé au "Gloria", initialement écrit pour 3 voix mixtes et quatuor solo, "Gloria" qu'il signe en pleine guerre le 15 octobre 1916, et qu'il fait exécuter dès 1918.

L'existence du Chœur Mixte de Saint-Christophe ne fut pas en effet sans influer sur l'orientation du compositeur, qui destinera à la voix, et à ses multiples combinaisons, l'essentiel de son œuvre. Et sans doute peut-on regretter que l'organiste n'ait pas davantage écrit pour son instrument.

A propos de "Consolatrix Afflictorum", sa dernière œuvre pour orgue composée en 1947, Jean Langlais, son dédicataire, m'écrivait en novembre 1980 : "[…] Quant à la très jolie pièce à moi dédiée, je l'ai jouée en première audition à Sainte-Clotilde en présence du distingué compositeur, et je reste fidèle à l'intérêt que je pris en apprenant cette œuvre, poétique et fort bien écrite aussi […]". Jean Langlais inscrivit cette pièce au programme du récital qu'il donna à Saint-Christophe le 3 novembre 1951.

L'histoire d'Edmond Diérickx, c'est enfin celle d'un musicien "aux multiples facettes". Esprit curieux et cultivé, celui-ci n'aura eu de cesse que d'explorer de nouveaux sentiers. Dès lors, il ne faut pas s'étonner de trouver, voisinant avec l'œuvre religieuse, quelques arrangements ou harmonisations de chansons populaires, parfois réalisés à la demande de son ami Jules Watteeuw, des musiques de scène, des mélodies, ou encore certaines musiques plus "légères", qu'il publiera sous un pseudonyme.


Etienne DELAHAYE

Les lecteurs intéressés peuvent se reporter à l'ouvrage que l'auteur a consacré à ce musicien, publié en 2002 par la Société Historique de Tourcoing et du Pays Ferrain (n° spécial 32), disponible auprès de la Médiathèque André-Malraux de Tourcoing : mediatheque@ville-tourcoing.fr

 

Messe solennelle d'Edmond Dierickx
Paru en 2016 : Edmond Dierickx, Messe solennelle “Pour chanter Notre-Dame”, à 4 voix mixtes avec accompagnement d’orgue (pédale ad libitum), couverture et préface
(Santilly, Editions Les Escholiers, novembre 2016)



Edmond Dierickx : quelques articles de presse

 

 

« Au grand orgue, grand et bel instrument dépouillé par l'ennemi de ses tuyaux de façade, mais qui a conservé son ancien buffet (construit en 1750 par les facteurs J.-B. Frémat et Philippe-Joseph Carlier de Saint-Amand, et les menuisiers lillois Labre père et fils), l'organiste actuel de Saint-Christophe, M. Edmond Dierickx, se révéla excellent accompagnateur et exécutant remarquable nous avons particulièrement goûté son interprétation des pièces de Frescobaldi, de Palestrina et de J.-S. Bach. »

(La Vie et les Arts liturgiques, novembre 1918, p. 1098)

 

« L'Académie des Jeux floraux de Cherbourg vient de décerner deux premiers prix à Mme Bogé de Cherbourg et à M. Edmond Dierickx de Tourcoing, auteurs de deux études ayant pour titre « Parallèle entre Marie-Magdeleine et la Vierge de Massenet. »

(Le Ménestrel, 11 juillet 1924, p. 320)

 

« Le concert spirituel s'annonce comme devant avoir un brillant succès. L'oratorio Panis Vitae de M. Edmond Dierickx se présentant sous une forme originale et alliant la musique grégorienne à la musique moderne sera d'un grand intérêt à en juger par l'entrain que mettent à l'interpréter chanteurs et chanteuses. »

(Le Grand Echo du Nord de la France, 20 juin 1931, np)

 

« Cet après-midi, en l'Aula maxima de l'Université catholique, S. Em. le cardinal légat présida une assemblée générale et un concert spirituel au cours duquel fut exécuté, pour la première fois, l'oratorio Panis Vitae, de M. l'abbé Bavant et de M. Edmond Dierickx, oratorio pouvant se jouer à la façon d'un mystère du moyen âge et qui est comme un commentaire littéraire et surtout musical de l'Office du Saint-Sacrement. »

(Le Figaro, 5 juillet 1931, p. 3)

 

« Une Semaine grégorienne, réservée aux dames (directrices et chanteuses de schola, institutrices, dames catéchistes, etc.) est organisée au Monastère de Marlagne, à. Wépion-sur-Meuse. (Belgique), sous la direction de M. l'abbé Paul Bayart, avec le concours de M. Edmond Diérickx, organiste de Saint-Christophe, à. Tourcoing. On y parlera spécialement : 1° des règles générales d'interprétation pour le chant et pour l'orgue ou l’harmonium ; 2° de la. formation et de la direction des chœurs. »

(La Semaine religieuse du diocèse de Cambrai, 1er juillet 1933, p. 309)

 

« [les choeurs mixtes de St Christophe] ont prêté leur concours à l'exécution du « Panis vitae », fragment de l'Oratoire [sic] eucharistique du maître Edmond Dierickx, qui tenait à cette occasion le grand orgue : page puissante, émouvante où les choeurs et les orgues, que soutiennent trompettes et trombones, évoquent les constructions idéales d'une cathédrale sonore. »

(Le Grand Echo du Nord de la France, 13 avril 1937, p. 6)

 

« Dans le domaine du concert, notons, le samedi 10 avril, la visite d'Enesco, le grand violoniste, accompagné d'un excellent pianiste, M. François Cholé, dont l'intelligence artistique et la technique assouplie ont été fort appréciées. Le lendemain, Concert Spirituel des plus intéressants, en l'église du Sacré-Coeur; avec beaucoup d'à-propos, on juxtaposait aux thèmes grégoriens les para- phrases musicales qui en dérivent tour à tour, pages d'orgue ou ensembles vocaux, parmi lesquels des fragments du remarquable oratorio Panis Vitae d'Edmond Dierickx, de Tourcoing. »

(Le Ménestrel, 23 avril 1937, p. 133)

 

Collecté par Olivier Geoffroy

(juillet 2020)


 


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