VLADIMIR DYCK (1882-1943)

Vladimir Dyck
Vladimir Dyck, novembre 1903
Musica 1904, coll. DHM )

Vladimir Dyck en juin 1911, lors de l'obtention de son Prix de Rome
( photo Musica )
Le 19 mars 1882 à Odessa, en Ukraine, Guénia Jan Keleva accouchait d’un cinquième enfant. C’était un garçon prénommé Vladimir. Le père de l’enfant, Leibich Dyck, était douanier au port. Quelques années plus tard, en 1905, il vivra les événements au cours desquels la population d’Odessa soutint la révolte du cuirassé Potemkine. Les époux Dyck étaient alors loin de se douter qu’un jour leur rejeton concourrait pour l’obtention du Grand Prix de Rome français !

On raconte que c’est sur recommandation de Rimski Korsakov, dont il était peut-être l’élève, que Vladmir Dyck vint parfaire ses études musicales au Conservatoire national supérieur de musique de Paris. Quoiqu'il en soit il arrive en France en 1899 et entre dans cet établissemeent l'année suivante, où il obtient un premier prix d'harmonie en 1904 dans la classe de Taudou et fréquente celle d'accompagnement au piano de Paul Vidal. Quelque temps plus tard il devient l'élève de composition de Charles-Marie Widor et par décret du 5 février 1910 se fait naturaliser français afin de pouvoir se présenter au concours de composition de l’Institut. L’année suivante il décroche un deuxième Second Grand Prix de Rome, derrière Claude Delvincourt (premier Second Grand Prix), son camarade de cours chez Widor, et Paul Paray (Premier Grand Prix), élève de composition de Vidal. Le sujet du concours était la scène lyrique Yanitza, d’après l’œuvre de Georges Spitzmuller1.

C’est le mardi 2 mai 1911, au château de Compiègne, qu’avait eu lieu la première mise en loge des candidats au Prix de Rome avec MM. Dyck, Déré, Delvincourt, Scotto, Camus, Boucher, Raphaël, Charley, Saint-Aulaire et Dupré, élèves de Charles-Marie Widor, et MM. Paray, Delmas, Kriéger, Mignan, Lermyte et Matignon, élèves de Paul Vidal. Après cette première épreuve, le 9 mai, MM. Massenet, Saint-Saëns, Paladilhe, Th. Dubois, Faure et Widor, tous membres de la section musique de l’Institut, assistés de MM. Huë et Büsser, jurés supplémentaires, avaient admis à prendre part à la seconde mise en loge d’une durée de trente jours, à compter du 18 mai,  MM. Dyck, Paray, Delvincourt, Mignan, Delmas. Seuls les trois premiers furent finalement récompensés par un prix décerné solennellement le 30 juin. La cantate Yanitza de Vladimir Dyck était interprétée pour l’occasion par Melle Demougeot et MM. Campagnola, Dupré et Gresse. La presse de l’époque soulignait son talent et ses dons, mais, devenu hors concours par son âge, il ne put se présenter l’année suivante afin de tenter de remporter le Premier Grand Prix.

Parmi ses nombreux élèves de piano à Paris, il eut notamment Henriette Poincaré, la femme du Président de la république et Madame Caillaux, l’épouse du ministre et président du Conseil. C’est cette dernière d’ailleurs qui assassina le 16 mars 1914 d’un coup de revolver Gaston Calmette, le directeur du Figaro qui venait de publier des lettres mettant en cause sa vie intime ! Une autre des élèves de Vladimir Dyck, Suzanne Bloch, devint son épouse et lui donna une fille prénommée Nicole.


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Couverture et première page du poème patriotique Alsace, lève-toi!, pour chant et piano, composé par Vladimir Dyck, sur un poème de Pierre de Chasseloire, lors de la première guerre mondiale. Paris, éd. Dardilly
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Couverture et première page de la partition Le Sous-Préfet aux champs, de Vladimir Dyck, sur un texte dAlphonse Daudet, créé par A. Chabert, du Théâtre de l'Athénée. Edition par l'auteur, Paris, 1919
( Coll. famille Dyck )    Page de la partition plein format

Carte de visite autographe de Vladimir Dyck
( Coll. famille Dyck )

S’étant essayé dans divers genres, le catalogue de ce compositeur comporte des musiques variées. On y trouve notamment une comédie lyrique, Le Sous-préfet aux champs (1919), des Historiettes pour piano (op. 28) éditées chez E. Galet, un chant patriotique dédié aux Alsaciens lorrains et composé au cours de la première guerre mondiale : Alsace lève-toi (F. Durdilly), des Fêtes juives, données en première audition chez Lamoureux le 26 janvier 1935, et également toute une série de musiques de films écrites sous le pseudonyme de Dri Mival  (anagramme de son prénom) : A travers champs, Footit, Parisette, Tartarin, Prince Charmant, Théodora, Paysages aimés (1927), Douglas, Africa (1928), Vénus Astarté (1929)2.


Fragment de la partition du Chant de l'espérance Hatikva, sur un thème juif,
harmonisé par Vladimir Dyck
(coll. JHM)
qui deviendra plus tard l'hymne de l'état d'Israël.
Fichier MP3    Hatikva
(ZaH''L - Orchestra / TV Israel - Copyright : TV Israel - haGalil '98)

Hatikva

On doit également à Vladimir Dyck l'harmonisation d'un chant sur un thème juif : Hatikva, chant de l'Espérance (Editions Salabert, Paris, New-York, 1933), qui deviendra plus tard l'hymne national de l'Etat d'Israël au moment de sa création le 15 mai 1948, et la transcription et arrangement pour 4 voix d’hommes de la mélodie Nocturne composée en 1884 par César Franck, sur une poésie de L. de Fourcaud. Cette version fut publiée par Enoch en 1900, l’année même de l’entrée de Vladimir Dyck au Conservatoire ; il était à cette époque, bien qu’à peine âgé de 20 ans, directeur des Chorales du P.L.M. et des " Allobroges ".

Transcription et arrangement pour 4 voix d’hommes, par Vladimir Dyck, de la mélodie Nocturne de César Franck
( Coll. D.H.M. )

Résidant avec sa famille dans un appartement situé 79 avenue de Breteuil, Vladimir Dyck fut arrêté par la Gestapo en même temps que sa femme et sa fille. C’était au moment du bombardement de Hambourg par la RAF. Le 30 juillet 1943 ils furent tous trois envoyés à Auschwitz par le convoi 58 au départ de Bobigny. Ils sont morts quelque temps plus tard dans ce sinistre camp de concentration, sans que l’on puisse jamais connaître un jour la date précise de leur disparition.

L’un de ses petits neveux, Jacques Carpo, a été directeur de l’Opéra de Marseille jusqu'à sa mort arrivée en 1990, et sa nièce, Berthe Kal, mezzo-soprano, une chanteuse professionnelle renommée. Elle a notamment créé La Petite sirène, opéra de chambre en 3 actes de Germaine Tailleferre (ORTF, 30 septembre 1960, Orchestre lyrique de l'ORTF sous la direction de Michel Le Comte), Notes prises à New-York (cycle de 10 mélodies pour soprano et piano) de Jean-Jacques Werner, avec Georges Delvallée (Société Nationale de Musique, Salle Cortot à Paris, 19 mai 1965), Chant après chant pour six batteurs, voix et piano, de Jean Barraqué (28e Festival de Strasbourg, 23 juin 1966, avec André Krust, piano et les Percussions de Strasbourg, sous la direction de Charles Bruck) et L'Oiseau inaugural, cantate n° 3 pour mezzo-soprano et orchestre de chambre (poème de Hughes Labrusse) de Jean-Jacques Werner (ORTF, 22 mai 1970, Orchestre de chambre de l'ORTF dirigé par l'auteur). Elle a été également la principale interprète, avec Nadine Denize, des Quatre Mélodies sur le poème de Cante Jondo de Federico Garcia Lorca d'Edith Lejet (1965) et a enregistré avec l'Orchestre de chambre de l'ORTF et Marcel Couraud l'opéra Ma tante Aurore ou le roman interrompu d'Adrien Boieldieu (1963, Philips 456 655-2), ainsi que la Comedy on the bridge de Bohuslav Martinu, avec l'Orchestre lyrique de l'ORTF et Jean Doussard (novembre 1969, Le Chant du Monde).

Denis HAVARD DE LA MONTAGNE 3

 

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1) Georges Spitzmuller (1867-1925) est l'auteur de nombreux romans (Les Fiançailles rouges, La Petite cantinière, Poil-de-Brisque, Héliodora en Atlantide...) Deux de ses poèmes : Cléanthis (d'après la Matrone d'Ephèse, de Verconsin) et L'Emeute ont été mis en musique par Edmond Malherbe (1912). Il est également le librettiste, avec Maurice Boukay, de la farce musicale en 3 actes Panurge composée par Massenet (d'après l'œuvre de Rabelais) et donnée en première audition au Théâtre lyrique municipal de Paris en avril 1913. [ Retour ]

2) A cette époque où le cinéma parlant n'était pas encore né (il n'apparaîtra qu'au début des années trente), la musique jouait un rôle primordial. Elle réclamait une grande habilité d'écriture de la part du compositeur qui devait en effet adapter son œuvre au fil des images projetées. L'école française du cinéma des années vingt était prestigieuse et ses cinéastes furent parfois qualifiés d'impressionnistes : Abel Gance, Louis Feuillade, Henri Pouctal, Marcel L'Herbier, Germaine Dulac... [ Retour ]

3) Nous remercions vivement Madame Anaïs Duperron, arrière petite-nièce du compositeur, de nous avoir communiqué certains renseignements familiaux nécessaires à la rédaction de cette notice. [ Retour ]

 


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