Théophile Gautier, sa famille et la musique

 

Théophile Gautier
(photo Nadar/coll. BNF-Gallica) DR.

 

Ce poète et littérateur français, en dehors de son Capitaine Fracasse, n’est plus guère lu de nos jours. Cependant les spécialistes savent bien qu’il a joué un rôle de tout premier plan dans l’histoire des courants littéraires du XIXème siècle. Parti du romantisme, il évolua vers une vision aiguë du monde et une description parfaite des sensations pour devenir le modèle d’une nouvelle génération de poètes qui se réclamèrent bientôt de lui : Baudelaire, Banville, Flaubert, Leconte de Lisle. Il est alors le maître de la poésie nouvelle qui s’affirme dans le Parnasse contemporain (1866) avec, en plus de ceux déjà nommés, José-Maria de Heredia, Sully Prudhomme, François Coppée, Léon Dierx, Catulle Mendès... Les parnassiens réagissent contre le romantisme sentimental symbolisé par Musset. Ils ont le culte de la perfection formelle : l’art doit être cultivé pour lui-même, l’art est désintéressé, il est doit être indépendant de la morale et de la politique. L’artiste ne doit connaître qu’un culte, celui de la beauté. C’est Théophile Gautier qui écrit d’ailleurs dans la préface de Mademoiselle de Maupin « Il n’y a de vraiment beau que ce qui ne peut servir à rien ; tout ce qui est utile est laid » .... Dans son recueil de poésies, le plus célèbre d’ailleurs, Emaux et Camées (1852) il exprime avec délicatesse, sous une forme cristalline, les divers aspects du monde extérieur. Parmi la cinquantaine de pièces, il en consacre quatre à des Variations sur le Carnaval de Venise, qui sont de véritables variations musicales par leur rythme, leur mélodie, leurs accords et leur construction. On trouve également dans ce même recueil une Symphonie en blanc majeur, qui est une transposition d’art tentée par l’auteur, une variation musicale sur toutes les nuances, tous les reflets du blanc, un essai de correspondance entre sensations, impressions et sentiments.

 

Visiblement Théophile Gautier, qui a choisi l’art pour l’art, n’est pas insensible à la musique. Dans ses poèmes il soigne la rime et s’efforce d’adopter des sonorités évocatrices. Tout comme un Messiaen, il transpose des sensations visuelles en impressions musicales.

 

Théo, ainsi appelé familièrement par ses amis, et qui dans sa jeunesse était persuadé qu’il était né pour être peintre1, fréquentait assidûment le monde musical. Dans les années 1850-1860, il recevait dans son appartement de la rue Rougemont toute une pléiade d’artistes parmi lesquels figuraient notamment le corniste virtuose Eugène Vivier2 et le compositeur Ernest Reyer3. Il écrivit plusieurs livrets, dont la Péri (1843), Gemma (1854), Saccountalâ (1858) ... et Giselle (1841) que mettra en musique la même année Adolphe Adam4. Ce ballet romantique, quoique souvent critiqué par certains pour sa musique un peu trop populaire, mais qui contient cependant quelques idées de choix comme le thème de Giselle effeuillant la marguerite, est toujours régulièrement joué par toutes les grandes compagnies.

 

Giuditta et Giulia Grisi, 1835
(coll. BNF-Gallica) DR.

Le 22 juin 1841, jour de son vingt-deuxième anniversaire, la danseuse italienne Carlotta Grisi5, qui à l’âge de cinq ans dansait déjà au théâtre de la Scala de Milan, connut un véritable triomphe sur les scènes parisiennes avec la création de Giselle. Théophile Gautier, dont la liaison avec Eugènie Fort6 était terminée depuis peu, en tomba amoureux mais cet amour restera toujours platonique, bien qu’il confessa un jour qu’elle avait été le véritable et le seul amour de sa vie ! Carlotta avait deux soeurs : Marina Grisi, également danseuse, qui après son mariage se retira de la scène, et Ernesta Grisi cantatrice, sa sœur aînée. C’est ainsi que notre poète, à l’hiver 1844, devint l’amant de cette dernière qui resta sa fidèle compagne durant une vingtaine d’années. Sans doute avait-il été séduit par sa voix chaude de contralto, ses grands yeux et son allure distinguée. Peut-être est-ce aussi sa ressemblance avec Carlotta qui l’attira ?7

 

La famille Grisi, de Milan, comptait encore parmi les siens d’autres musiciennes de grand talent : Giuditta (1805-1840), mezzo-soprano acclamée sous le règne de Louis-Philippe, qui épousa le Comte Barni. Bellini a écrit pour elle le rôle de Roméo dans I Capuleti ed i Montecchi (Venise, mars 1830). Et Giulia, sa sœur, (1811-1869), soprano, surnommée « la jolie Grisi » qui fut adulée par le public parisien à l’égal de la Malibran. Cousines de Carlotta, Ernesta et Marina, elles étaient arrivées à Paris en 1832 pour être engagées au Théâtre-Italien. Le 16 octobre de cette année Giulia débutait dans Sémiramide de Rossini. Quatre années plus tard, elle épousait Gérard de Melcy, mais ce mariage fut rompu et elle se liait alors avec le ténor Giovanni Mario (1810-1883) avec lequel elle partait en tournée aux USA en 1844. Elle terminait ses jours à Londres, après avoir quitté la scène en 1861... Il ne faut oublier également de citer la célèbre contralto italienne Josephina Grassini (1773-1850), tante de Giuditta et de Giulia, qui, après avoir chanté à Milan devant Bonaparte, en 1800, devint sa maîtresse.

 

Judith Gautier, 1900
(photo Nadar/coll. BNF-Gallica) DR.

Théophile Gautier eut deux filles de sa liaison avec Ernesta Grisi. L’aînée, Judith, est née le 24 août 1845 dans le neuvième arrondissement parisien. A cette époque, son père était en Algérie où il se livrait à sa passion pour les voyages. Filleule de Maxime du Camp, elle grandit dans un monde artistique des plus bouillant en cette seconde moitié du XIXe siècle. Elle fréquenta ainsi Gérard de Nerval, Flaubert, Baudelaire, les deux Dumas, les Goncourt... Devenue femme de lettres, dans sa maison de Neuilly, elle accueillait sans cesse des peintres, gens de lettres, journalistes, musiciens, sculpteurs. Tout ce petit monde d’artistes bigarrés l’influença sans aucun doute dans ses goûts littéraires, notamment après sa rencontre avec un mandarin chinois. C’est ainsi qu’elle publiait en 1867 le Livre de Jade, qui est un recueil de poésies inspirées ou traduites d’originaux chinois, l’année suivante un roman Le Dragon impérial, pittoresque tableau des agitations intérieures de la Chine, et qu’elle devint une révélatrice du monde oriental avec tous ses mystères et ses fascinations. Admiratrice de Wagner, elle lui inspira d’ailleurs une passion enflammée et lutta fougueusement pour l’introduction de son œuvre dans notre pays. Membre de l’académie Goncourt, elle épousa, le 17 avril 18668 à Neuilly-sur-Seine l’écrivain et poète parnassien Catulle Mendès (1841-1909), à propos duquel Guy de Maupassant écrira : « Poète aux intentions mystérieuses, frère d’Edgar Poe et de Marivaux, compliqué comme personne, et dont la plume, soit qu’il fasse des vers, soit qu’il écrive en prose, est souple et changeante à l’infini. » On relève plus particulièrement dans son œuvre deux essais : Richard Wagner (1866) et L’œuvre wagnérienne en France (1899), ainsi que les livrets d’opéra Gwendoline (1886), mis en musique par Emmanuel Chabrier, et Isoline (1888) mis en musique par André Messager

 

Cette union ne dura guère et dès 1874 le couple se séparait. Catulle Mendès poursuivit alors sa liaison avec Augusta Holmès, débutée d’ailleurs durant son mariage. Celle-ci, élève préférée de César Franck, admirée par Wagner, Gounod, Liszt et Saint-Saëns, courtisée par Rodin, Frédéric Mistral, Pierre Loti et Stéphane Mallarmé passait pour être la fille d’Alfred de Vigny9. Elle avait déjà donné à Catulle deux enfants : Raphaël, né en mai 1870 et Hughette10, née le 1er mars 1872. Plus tard naîtront en juin 1876 Claudine11, le 12 septembre 1879 Hélyonne12 et un fils Marthian mort en bas âge. Seule Claudine avait des prédispositions pour la musique. Elle apprit le piano et le violon au Conservatoire et s’essaya même à la composition13... Catulle Mendès, après sa liaison avec Augusta Holmès, épousa en secondes noces la poétesse Jeanne Mette14 (1867-1955), conférencière et critique dramatique de La Presse, de laquelle il eut un autre fils Jean, tué sur le front le 23 avril 1917, à l’âge de vingt ans. Enfin, il eut encore un fils avec la comédienne et actrice Marguerite Moreno (1871-1948).

 

Judith mourut le 26 décembre 1917 en son domicile la villa « Le Pré des Oiseaux » à Dinard, sans laisser de postérité.

 

Augusta Holmès, vers 1885
(photo A. Taponner/coll. Paris, Bibliothèque Marguerite Durand) DR.
Catulle Mendès, 1900
(photo Nadar/coll. BNF-Gallica) DR.

Estelle Gautier, la seconde fille de Théophile et d’Ernesta Grisi, naquit le 27 novembre 1848 également dans le neuvième arrondissement parisien au domicile de ses parents, rue Rougemont. Autant sa sœur Judith avait le caractère turbulent et bohème des Grisi, autant celui d’Estelle ressemblait à celui de sa famille paternelle issue de la bourgeoisie. Elle était calme et menait une petite vie tranquille d’épouse dévouée et de mère attentive. Bien qu’en bons termes, les deux soeurs ne se fréquentaient guère... Le 15 mai 1872 à Neuilly-sur-Seine Estelle épousa Emile Bergerat (1845-1923). Romancier, poète et journaliste, il fut chroniqueur du Voltaire et du Figaro, et plus tard membre de l’académie Goncourt. C’était l’opposé de Catulle Mendès : doté d’une grande autorité morale, il n’appartenait à aucune tendance littéraire alors en vogue et vivait en bon bourgeois réfléchi. Sans doute est-ce ce côté trop prudent et pondéré qui ne plaisait guère aux frères Goncourt qui relatent dans leur Journal15, à la date du dimanche 2 juin 1872 :

 

« Rien ne me donne l’idée de l’infériorité de la femme comme l’aveuglement bête et bas de ses coups de cœur. Comment une créature belle comme la fille de Gautier, et avec une intelligence dans cette beauté, peut-elle s’éprendre d’un goujat comme Bergerat ? La crapulerie du nouveau marié est telle que la sœur de Théo, qui a vu dans la maison la fine fleur des bohèmes et des gens mal élevés, dit qu’elle n’a jamais rencontré « une âme aussi peu monsieur ».

 

Théo lui-même est assez choqué pour ne vouloir le laisser sortir, le laisser se produire dans la société qu’il voit, avant de l’avoir fait passer, dans le huit-clos, à un cours d’éducation et de bonnes manières. »

 

Estelle, morte au cours de l’été 1914 à Saint-Lunaire (Ille-et-Vilaine) et Emile Bergerat laissèrent deux enfants : Théo et Herminie. Celle-ci en épousant, au début de notre siècle, le célèbre ténor David Devriès rentrait ainsi dans une famille où la musique était vénérée et pratiquée au même degré que l’était la poésie chez les Gautier.

 

Emile Bergerat, 1919
(photo Agence Meurisse, Paris/ coll. BNF-Gallica) DR.

Rosa Devriès, née van Os, la première musicienne connue de cette famille d’artistes lyriques était une chanteuse hollandaise fort distinguée, née à La Haye, le 12 avril 1824, morte le 31 mars 1889 à Rome. Fétis16 raconte qu’elle commença par chanter dans les cafés, avant de devenir choriste au Théâtre-Royal de la Haye, puis de parfaire son éducation musicale à Paris aux frais du roi Guillaume II. Elle partit ensuite pour les Etats-Unis, où elle resta plusieurs années, s’installa à Londres en 1856, et enfin effectua d’importantes tournées à Turin, Milan, Barcelone, Naples et en Allemagne. Douée d’une voix admirable, doublée d’un talent dramatique incontestable, cette artiste a laissé cinq enfants qu’elle eut de son mariage avec David Moïse Devriès (1816-1872), lui-même chanteur lyrique, issu d’une famille d’Amsterdam. Quatre de leurs enfants firent à leur tour une carrière dramatique de tout premier ordre :

 

Marcel Devriès : né en 1849 à Bruxelles, décédé en 1923 à Courbevoie (Hauts-de-Seine) et rentier de son état, il épousa Cécile Dardignac (1852-1934). Ce sont les parents de David, l’époux d’Herminie Bergerat, ainsi que de 6 autres enfants dont Jeanne Devriès-Leininger (1880-1923), chanteuse, Paul Devries (1888-1956) qui a été élève de l’Ecole de musique Niedermeyer et plus tard à Paris directeur musical du Théâtre de la Gaité Lyrique et Charles Devriès (1894-1979), pilote aviateur et industriel.

 

Jeanne Devriès17. Née le 6 mars 1845 à Paris et morte en 1924, chanteuse, elle obtint de vifs succès au Théâtre-Lyrique de Paris, puis au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles. Elle se maria en 1875 à Paris au ténor Etienne Dereims (1845-1904), qui débutait à l’Opéra-comique en 1877, dans le Cinq-Mars de Gounod...

 

Fides Devriès. Née le 22 avril 1852 à la Nouvelle-Orléans, élève de Duprez, elle débuta au Théâtre-Lyrique en 1869, avant de séjourner à la Monnaie de Bruxelles, puis d’entrer à l’Opéra de Paris en 1871. En 1874 elle renonçait pour quelques temps au théâtre, à la suite de son mariage avec un dentiste, M. Adler, pour réapparaître au Nouveau Théâtre Italien et chanter à l’Opéra la 200éme d’Hamlet en 1883. Mais quatre ans plus tard elle se retirait définitivement de la scène après avoir joué le rôle d’Elsa dans l’unique représentation de Lohengrin donnée le 3 mai 1887 à l’Eden-Théâtre. Sa beauté, sa distinction naturelle et le charme de sa voix contribuèrent grandement à son énorme succès surtout dans les rôles de Marguerirte de Faust et d’Ophélie d’Hamlet.

 

Maurice Devriès, né en 1854 à New-York et décédé en 1919 à Chicago, fut lui aussi un chanteur renommé, en débutant sa carrière dans le rôle de Marcellus d’Hamlet, en mai 1889 à l’Opéra, avant de se produire à Liège, Bruxelles, Chicago et New-York. Interprétant les plus grands rôles du répertoire classique, il a également créé Salammbô, Thaïs, Frédégonde...

 

Enfin Hermann Devriès, autre frère de Marcel, Jeanne, Fidès et Maurice fit aussi une brillante carrière de chanteur. Né à New-York, comme Maurice, le 25 décembre 1858, mort à Chicago le 28 avril 1949, il fut en effet une célèbre basse américaine. Après avoir travaillé à Paris avec Jean-Baptiste Faure, il débuta à l’Opéra, puis chanta à l’Opéra-Comique, à Bruxelles, Marseille et Aix-les-Bains, avant de se produire au Metropolitan Opera en décembre 1858 puis de créer son propre studio à Chicago en 1900...

 

La belle-mère d’Herminie Bergerat, Cécile Dardignac, avant d’épouser Marcel Devriès, avait été mariée en premières noces à Fritz Büsser. Celui-ci fut quelques temps suppléant d’Ignace Leybach18 aux grandes orgues de la cathédrale Saint-Etienne de Toulouse. Un enfant vint de cette union : Henri Büsser19, futur membre de l’Institut, élu au fauteuil de Gounod et de Pierné en 1938, président de l’Académie des Beaux Arts en 1947 et en 1956, auteur notamment d’une Messe de Saint Etienne composée à la mémoire de son père et dont la 1 ére audition eut lieu le 25 novembre 1936 en l’église Saint-François-de-Sales.  Ami de Verdi, Gounod, Delibes, Debussy, Widor, d’Indy et Chabrier, il est sans aucun doute un « musicien français » caractérisé par un style souple, aérien, délicat, qui n’exclut pas le charme et l’humour.

 

Ainsi, Herminie Bergerat, petite-fille de Théophile Gautier et de la cantatrice Ernesta Grisi, fille et nièce d’écrivains et poètes (Emile Bergerat, Judith Gautier, Catulle Mendès) par son mariage avec David Devriès élargissait davantage son horizon en devenant la femme d’un chanteur, la cousine d’un compositeur de grand renom (Henri Büsser) et la nièce par alliance de toute une dynastie de célèbres cantatrices et chanteurs, les Devriès !

 

David-Etienne-Joseph Devriès, naquit le 14 février 1882 à Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne). Décédé en 1936, il fut tout d’abord élève de l’Ecole Niedermeyer, de 1894 à 1897, où il reçut notamment les précieuses leçons de Gustave Lefèvre. L’un de ses frères, Paul, sera également élève dans cette école de musique en 1896. Leur demi-frère Henri Büsser les avait précédés de deux années. David poursuivit ensuite ses études musicales au CNSM de Paris, dans les classes de Lhérie et de Duvernoy et fit ses débuts lors de la création d’Astarté de Xavier Leroux, en février 1901, au Palais Garnier. Mais c’est surtout à l’Opéra-Comique qu’il mena une carrière jalonnée de succès à partir de 1904. Parmi tous les rôles interprétés citons ceux de Gérald dans Lakmé, Don José dans Carmen, Wilhelm dans Mignon, Rodolphe dans La Bohême, le rôle-titre dans Les Contes d’Hoffmann... Il s’est produit également au Manhattan Opera House de New-York, au Covent Garden de Londres, au Théâtre de la Monnaie de Bruxelles, ainsi qu’à Monte-Carlo...

Daniel, dit Ivan Devriès20, fils de David et d’Herminie, décédé le 17 janvier 1997, fut à son tour musicien. Né le 17 septembre 1909 à Saint-Lunaire (Ille-et-Vilaine), il avait commencé par étudier le chant avec son père, et le piano avec R. Lortat, puis l’harmonie avec Samuel-Rousseau et Aimé Steck, la fugue et le contrepoint avec Georges Caussade au CNSM de Paris, tout en poursuivant ses études classiques au Lycée Pasteur... C’est Ivan Devriès qui fonda la profession de metteur en ondes en rentrant à l’ORTF en 1936. Pendant près de 40 ans, jusque 1976 il assura ainsi la mise en ondes des principales émissions musicales, comme le festival d’Aix-en-Provence notamment. Grand Prix musical de la Ville de Paris (1961), admirateur de Debussy et de Bartok, il est considéré comme un musicien « indépendant », affilié à aucune école, bien qu’il flirte parfois avec un langage atonal. On lui doit de la musique instrumentale (un Concerto pour petit orchestre et percussion, des Variations sur une danse de Slavonie, Trois mouvements symphoniques, un Concerto pour violon...), de la musique vocale (Trois poèmes de Paul Eluard pour chant et piano, Cinq Rondeaux de Ch. d’Orléans pour baryton et orchestre de chambre...) et de la musique pour le théâtre : Le clou aux maris (d’après Eugène Labiche) pour 12 musiciens (1ére version, 1961), puis pour grand orchestre (2éme version, 1963), un ballet-cantate Feu secret (d’après Erromango de P. Benoît) et de nombreuses partitions de musique de scène pour l’ORTF. Ivan Devries avait épousé en premières noces la violoniste Eliane-Elise Martel, née le 5 octobre 1918 à Hérépian (Hérault), décédée le 7 juin 1982 à Genève, puis en deuxième noces, Gabrielle Rossi, également violoniste, née le 19 octobre 1915 à Nice, morte le 4 novembre 2001 à Colombes (Hauts-de-Seine).

 

A la cinquième génération depuis Rosa Devriès, Anik Devriès, née en 1938 à Paris, la fille d’Ivan née du premier mariage, exerce à son tour une profession touchant la musique étant docteur en musicologie (ingénieur de recherches au CRS). Elle est décédée en 2021 et est notamment l’auteur, avec son mari, du Dictionnaire des éditeurs de musique française (Genève, 1979-1988) et a épousé François Lesure (1923-2001)21, également musicologue, conservateur en chef du département de la musique à la Bibliothèque Nationale, de 1970 à 1988, directeur de la collection de musique ancienne Le Pupitre , ancien président de la Société française de musicologie, directeur de la collection Patrimoine (Costallat) et éditeur entre autres des oeuvres complètes de Debussy et d’une biographie critique de ce compositeur (Fayard)...

 

Sans doute y aura-t-il encore des musiciens dans les générations suivantes et c’est tant mieux, car ces dynasties d’artistes sont de véritables trésors pour le patrimoine culturel de notre pays.

 

Denis Havard de la Montagne

(1997, révision en juillet 2022)



Les frères Goncourt, 1854
(photo A. Tournachon et Nadar/coll. BNF-Gallica) DR.

1 Fils de Pierre Gautier, percepteur des impôts, qui plus tard prendra sa retraite à Montrouge (Hauts-de-Seine), Théophile est né le 30 août 1811 à Tarbes. Il fit ses études au Collège Charlemagne, à Paris, où il se lia d’amitié avec Gérard de Nerval qui resta toujours son ami. Au sortir de cette école, il entra dans l’atelier du peintre Louis Rioult (1790-1864), mais comprit rapidement qu’il n’était pas fait pour cet art. Il se tourna alors vers la poésie en devenant un fervent admirateur de Victor Hugo. Il est mort le 23 octobre 1872 à Neuilly-sur-Seine.

2 Eugène-Léon Vivier (1821-1900), élève de Gallay, parvenait à produire 2 ou 3 sons simultanés sur son cor. Cette extraordinaire manière de jouer est toujours restée inexpliquée ! Il est probable qu’il chantait un son en jouant l’autre et que le 3e son était un son résultant. (Hugo Riemann, Dictionnaire de Musique, 2éme édition française, remaniée et augmentée par Georges Humbert, Lausanne, librairie Payot et Cie, 1913, p.1076).

Jeanne Mette
(photo Chéri-Rousseau et Glauth, Paris) DR.

3 Ernest Reyer (1823-1909), compositeur distingué et critique musical de talent, membre de l’Institut, bibliothécaire de l’Opéra, est l’auteur d’opéras, de mélodies et d’oeuvres chorales. Il débuta en 1850 avec une ode-symphonie, Le Sélam, sur un texte de Théophile Gautier et collabora de nouveau avec ce dernier pour son ballet Saccountalâ représenté en 1858. (Pour plus de détails voir les dictionnaires de Riemann, Honegger, Baker, Vapereau...)

5 Carlotta Grisi (1819-1899), danseuse, chanteuse, reçut notamment des conseils de la Malibran et les leçons du chorégraphe Jules Perrot qui lui donna une fille, Marie-Julie. Elle parut d’ailleurs sous le nom de Madame Perrot, au théâtre de la Rennaissance à Paris dans le ballet-mélodrame des Zingari en 1841 où elle dansait et chantait à la fois. Plus tard, elle fréquenta le danseur Lucien Petipa, puis Léon Radziwill, un prince polonais qui lui donna à son tour un enfant et l’accueillit sur les rives du lac Léman.

6 Théophile Gautier et Eugènie Fort eurent un fils, Théophile, né le 24 avril 1836. Littérateur, il fut successivement sous-préfet d’Ambert (Puy-de-Dôme), chef du bureau de la Presse au Ministère de l’Intérieur (1868), puis secrétaire particulier de l’ancien Ministre de Napoléon III, Eugène Rouher. Il a plusieurs fois suppléé son père au feuilleton du Moniteur.

7 Certains détails sur les relations de Théophile Gautier et la famille Grisi sont empruntés au remarquable ouvrage, que nous recommandons chaudement à nos lecteurs, de Joanna Richardson, Judith Gautier, traduit de l’anglais par Sara Oudin (Paris, Seghers, 1989, 321 pages). Nous remercions à cette occasion M. Philippe Havard de la Montagne, spécialiste de Balzac et de Rétif de la Bretonne, de nous avoir signalé l’existence de ce livre.

8 Témoins de la mariée, Flaubert et le publiciste Julien Turgan ; du marié, Villiers de l’Isle Adam et Leconte de Lisle.

9 Tryphina-Anna-Constance Shearer, épouse de Charles-Dalkeith Holmes, officier de cavalerie, rencontra Vigny pour la première fois en 1827 à Dieppe. Bertrand de la Salle dans son Alfred de Vigny (Paris, Fayard, 1963) avance que ce n’est cependant pas avant 1840 que l’on peut supposer l’existence d’une liaison entre l’Anglaise et le poète.

10 Hughette (1872-1964), l’aînée des filles, épousa à la fin de 1896 l’écrivain Gabriel Caillard-Belle (1870-1949), bien que Catulle Mendès eut souhaité la voir mariée avec son grand ami Georges Courteline.

11 Claudine (1876-1937) se maria peu de temps après sa sœur Hughette avec le poète Mario de La Tour Saint Ygest.

12 Hélyonne (1879-1955), la cadette, a épousé en 1898 le romancier Henri Barbusse (1873-1935) auteur du Feu, œuvre réaliste sur la vie des combattants de la Première Guerre mondiale et d’ouvrages militant en faveur du communisme.

13 Sur Augusta Holmès se reporter au livre de Gérard Gefen Augusta Holmès l’outrancière (Paris, Pierre Belfond, 1987, 277 pages).

14 Primitive-Jeanne Mette, divorcée en premières noces de Louis Boussac (1851-1931), marchand de draps qu'elle avait épousé à Paris le 18 novembre 1886, est la mère du célèbre industriel Marcel Boussac (1889-1980) et de l’homme de lettres Robert Boussac (1887-1948) père de l’organiste Daniel Boussac.

15 Edmond et Jules de Goncourt, Journal, Paris, Robert Laffont, 1956, 3 vol., collection Bouquins.

16 Voir le supplément (tome I, page 267) de la Biographie universelle des musiciens de François-Joseph Fétis.

17 Sur les Devriès voir également les deux ouvrages de Jean Gourret, quoique non exempts d’erreurs : Nouveau dictionnaire des chanteurs de l’Opéra de Paris, du 17éme siècle à nos jours, Paris, éditions Albatros, 1989 ; et Dictionnaire des cantatrices de l’Opéra de Paris, idem, 1987.

18 Ignace-Xavier-Joseph Leybach (1817-1891), pianiste, organiste et compositeur, élève d’orgue de Wachenthaler, organiste de la cathédrale de Strasbourg, puis de Pixis, Kalbrenner et Chopin à Paris, succéda à Justin Cadaux aux claviers des orgues de la métropole de Toulouse en 1844. Pianiste renommé, il a publié un grand nombre de morceaux de salon et de fantaisies pour piano, très en vogue à l’époque. On lui doit également une volumineuse méthode d’orgue en 3 volumes.

19 Henri-Paul Büsser, né le 16.1.1872 à Toulouse, décédé le 30.12.1973 à Paris, dans sa cent-deuxième année, Grand prix de Rome en 1893, fut chef d’orchestre à l’Opéra-Comique, puis à l’Opéra avant de devenir le directeur de l’Opéra-comique. Professeur de contrepoint, puis de composition au CNSM de Paris, il était également organiste et exerça à Sainte-Marie-des-Batignolles, à Saint-Cloud, où il succédait à Gounod en 1892, et à Notre-Dame, où il suppléa Vierne durant la Première Guerre mondiale. Il avait épousé la cantatrice et professeur de chant au CNSM Yvonne Gall (1885-1972)

20 Courtes notices biographiques sur le compositeur Ivan Devriès in Marc Honegger, Dictionnaire de la musique, Paris, Bordas, 1970 (tome I, p.273) et Théodore Baker - Nicolas Slonimsky, Dictionnaire biographique des musiciens, traduit de l’américain par Marie-Stella Pâris, Paris, Robert Laffont, 1995 (tome I, p.1009).

21 Sur François Lesure voir notice in Honegger, op. cit., tome II, p. 632 et in Théodore Baker..., op. cit., tome II, p.2393, et sur Anik Devriès la Revue de musicologie, tome 108, 2022, n° 1, p. 135-144 (nécrologie par Laurent Guillo).

 

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