L’HUMOUR DANS LA MUSIQUE ET CHEZ LES MUSICIENS

 

 

On entend parfois l’expression "musique sérieuse" employée pour désigner toute musique en dehors de la musique dite "de variété". Tout comme les termes "musique classique" ou "grande musique" cette dénomination ne veut rien dire. Il y a la bonne et la mauvaise musique et dans la vraie musique tout peut s'exprimer : la joie comme la tristesse, la gaieté comme la mélancolie, le sourire comme les larmes.

 

Le compositeur ou l'interprète qui se prend trop au sérieux devient ennuyeux. Des œuvres musicales de valeur font preuve de beaucoup d'humour, et de grands musiciens n'ont pas dédaigné la plaisanterie sans que l'Art en ait souffert.

 

QUELQUES ANECDOTES :

 

L'humour est parfois involontaire : combien d'auditeurs n'ont-ils pas assisté aux gesticulations un peu forcées du chef d'orchestre qui dans sa fougue heurte son pupitre de sa baguette et en envoie voltiger un morceau parmi les premiers violons ou dans les premiers rangs du public.

 

Humour un peu plus noir : on me rapportait l'histoire vraie de ce violoncelliste parti au Canada avec son pianiste pour une série de récitals. Le soir du premier concert, sous les applaudissements, il entre en scène d'un pas décidé, portant son violoncelle et son archet, se prend les pieds dans le fil du micro, s'étale de tout son long et sur son précieux instrument réduit en miettes devant un public médusé ! Triste tournée aussitôt achevée à peine commencée. On pense à l'humour, tout à fait volontaire cette fois, et aux facéties de Maurice Baquet accompagné de son violoncelle célèbre.

 

L'ignorance en matière de musique provoque parfois des réparties cocasses : il y a bien des années un Curé d'une paroisse parisienne reprocha à un organiste débutant, qui me remplaçait, de prendre une tonalité trop élevée pour accompagner tel cantique. Honnête, le jeune organiste s'excusa en avouant qu'il ne savait pas transposer à vue ; et le Curé de lui répondre : "Si vous ne savez pas transposer, au moins, jouez un ton plus bas !"

 

DICTONS et PROVERBES :

 

C'est à la suite des comédies de Molière et peut-être même de son Malade Imaginaire qu'est né le dicton "chanter comme un siphon d'apothicaire". Les dictons et les proverbes utilisent parfois avec humour des noms d'instruments de musique : "Mener une vie de joueur de flûte", "Boire comme un sonneur de cloche", "Le tonnerre est le tambour des escargots". Les escargots sortent en effet pendant les pluies d'orage car le tonnerre semble les appeler comme le tambour appelle les soldats. Pour dépeindre quelqu'un qui a eu les inconvénients d'une affaire sans en avoir touché les profits, on dira : "Les autres ont dansé, il a payé les violons." Jadis, pour indiquer qu'il était légitime de préférer la calme existence des moines à la rude vie des soldats, on disait : "Mieux vaut se lever à cloche qu'à trompette". On connait l'expression "disparaître sans tambour ni trompette", ou bien "secret comme une trompette" pour désigner une personne incapable de garder une confidence ; ou bien encore ce dicton malicieux "On ne voit dans le monde que trois sortes de gens : les trompeurs, les trompés et les trompettes".

 

L'ARGOT CHEZ LES MUSICIENS et LES JEUX DE MOTS :

 

Dans toutes les activités musicales, un certain langage parfois plein d'humour et proche de l'argot a été utilisé ou l'est encore. Ainsi, l'orchestre c'est la "scierie", les violonistes, altistes, violoncellistes "scient" ou "grattent" ou "raclent". Les instrumentistes à vent "canardent" ou "couaquent". Dans le déchiffrage d'un morceau difficile d'exécution, on "nage". Une fausse note devient une "brioche" ou, plus grave, "un pain". Si l'on joue d'oreille, on appelle cela jouer "à la feuille" ou "à l'œil".

 

Humour noir, pour évoquer le décès d'un musicien, on disait (et peut-être dit-on encore) d'un instrumentiste à cordes : "il a dévissé son archet", d'un instrumentiste à vent "il a craché (ou avalé) son embouchure", d'un percussionniste "il a crevé son tambour", d'un organiste "il a crevé son soufflet". Le violon s'appelle "le crin-crin", le violoncelle "le jambonneau", l'orgue "le biniou" ou "la commode" ; quant au contrebassiste, il "rabote l'armoire" et le guitariste "gratte" sa guitare.

 

Lorsque le piano commence à prendre son essor et à devenir à la mode, il eut ses partisans et ses détracteurs. En 1774, Voltaire écrivait : "Le piano-forte n'est qu'un instrument de chaudronnier en comparaison du clavecin." On disait que Paris était devenu "Pianopolis" (polis, en grec, veut dire ville) et les parisiens étaient soit des "pianomanes", soit des "pianophobes". Un humoriste de l'époque disait : "Le piano est comme l'huître, une fois ouvert, il ne se referme plus !". L'expression "accordeur de piano" désignait, dans certains cas, l'amoureux un peu trop entreprenant par allusion au jeu délié des doigts sur le clavier. Enfin, dans le langage hippique, quand un cheval trotte d'une manière irrégulière, on dît qu'il "joue du piano".

 

La voix du chanteur est décrite avec des mots évocateurs : on parle d'une voix cuivrée, d'un timbre argentin, d'une voix d'or ou de sons cristallins. Un jour qu'à l'opéra on parlait d'une diva dont la bouche semblait s'ouvrir démesurément lorsqu'elle chantait, une de ses collègues et néanmoins amie répliqua : "Que voulez-vous ainsi elle peut se parler à l'oreille."

 

Dans le langage populaire on décrit ainsi l'anatomie de l'homme : les jambes sont "la paire de flûtes", les pieds "les boîtes à violon", le ventre "le bedon", les oreilles "les cymbales", les dents "les touches de piano", le nez "le trombone" ou "la trompette", la langue "le grelot" et les cheveux "les baguettes de tambour".

 

UN PEU DE VOCABULAIRE :

 

Demeurons dans le domaine du vocabulaire en citant quelques définitions spirituelles et pittoresques du "Petit lexique à l'usage des critiques" que Bernard Gavoty nous propose avec tant d'humour dans son recueil de souvenirs intitulé Anicroches.

 

Chef d'orchestre : Bien qu'il soit le seul à ne jouer d'aucun instrument dans l'orchestre, c'est lui seul qu'on applaudit à la fin du morceau.

Instrumentistes : Musiciens d'orchestre. Ils ne quittent pas leur partition des yeux, pour être moins gênés par les gesticulations du chef.

Première audition : Cérémonie au cours de laquelle on joue pour la dernière fois l'œuvre la plus récente d'un compositeur.

Bis :  Raffinement de cruauté par lequel on prolonge un supplice qui n'a que trop duré.

Confrère : Personnage sans talent qui fait inexplicablement le même métier que vous.

Double-croche : Comme le violoniste Lucien Capet définissait ce signe musical devant quelques personnes : "Oh ! Monsieur, jouez-m’en une !", supplia une dame aguichée.

Ouvreuses : Préposées à la fermeture des portes au nez des retardataires.

 

Dans ce même recueil de souvenirs, Gavoty cite ce chef d'orchestre toujours inondé de sueur que, par allusion au poème symphonique Mort et Transfiguration de R. Strauss on avait surnommé "mort et transpiration". A propos d'un autre chef d'orchestre bien connu, Georges Sébastian, Gavoty rapporte cet amusant dialogue :

 

- Monsieur, demande Sébastian en s'adressant au tuba-solo, voulez-vous me donner à nouveau votre do grave ?

- Je veux bienng ! (Ici le tuba-solo avale l'extrémité de son instrument et souffle de toutes ses forces. On entend : beuh).

- Bien. Maintenant, reprend Sébastian, donnez-moi le do dièse. Ecarlate, le tuba-solo se congestionne de nouveau et l'on entend : beuh ! Aucune différence entre les deux notes.

- Alors, lance Sébastian, dans ces conditions, faites ce que vous voudrez !

 

On sait que le Musée Grévin avait reproduit une statue de cire de Bernard Gavoty qui lui avait valu quelques moqueries et plaisanteries dont il souriait lui-même, et il avait reçu de son ami Fred Goldsbeck, époux d'Yvonne Lefébure, ces quelques vers qu'il était censé déclamer lui- même :

 

Mon papier, Messieurs les juges, sera fin.

Voici : musicographe, on m'a mis au Grévin

J'avoue être content : c'est la consécration,

Et de ma tâche encore amplification

Puisque dorénavant, quoiqu'il me plaise écrire,

Au roi de la critique, on répondra : "Oui Cire"!

 

LES LETTRES DE L’OUVREUSE :

 

Restons dans le domaine du critique musical. A la fin du siècle dernier, parut dans Le Figaro une correspondance hebdomadaire signée "l'Ouvreuse du Cirque d'été". Les Lettres de l'Ouvreuse firent sensation dans le monde musical. Avec une verve étourdissante et une perspicacité étonnante, "l'Ouvreuse" distribuait l'éloge et le blâme. D'énormes calembours voisinaient avec les jugements les plus fins. Edmond Appia en cite quelques-uns dans ses études musicologiques De Palestrina à Bartok. Nous lui empruntons quelques lignes savoureuses. Parlant de Judex, oratorio de Gounod, "l'Ouvreuse écrit » : "Dans son Judex surabondent les mélodies mystico-sensuelles, affreusement jolies. En composant leur musique d'église, Berlioz songeait au public, Gounod songeait aux femmes, Haendel seul songeait à Dieu". Au sujet de Prométhée de Gabriel Fauré, on peut lire : "Dans les salons avancés, dans les cours de chant à la mode, on va piailler ces pages puissantes ou adorables. Heureux éditeurs ! Malheureux compositeur !".

 

A propos d'un célèbre chanteur de l'époque : "Maurice Faure, toujours émouvant a chanté Plaisir d'amour comme il eut dit : "Messieurs, la famille !" Sur Massenet : "Le maître vient d'écrire de la musique de scène pour Phèdre : rien ne manque à la gloire de Racine".

 

On devait plus tard découvrir que sous la signature "L'Ouvreuse du Cirque d'été", se cachait l'écrivain très boulevardier Gauthier-Villars dit Willy, le collaborateur de la série Claudine de Colette ! Se dépeignant lui-même, toujours sous la signature de l'Ouvreuse, il écrivait malicieusement : "Grand fumiste sous le ciel bleu, travaillé par la dégradante harmonie du calembour, il dépose d'épouvantables jeux de mots le long des partitions les plus respectées."

 

MUSICIENS DE L'EPOQUE CLASSIQUE :

 

Molière, dès qu'il rencontre Lully, discerna aussitôt son génie comique et son sens de l'humour. C'est ainsi qu'il lui demanda de composer les intermèdes musicaux du Mariage forcé, de Monsieur de Pourceaugnac, du Bourgeois gentilhomme et bien d'autres comédies-ballets. Lully, acteur, était bouffon né. Lors d'une représentation du Bourgeois gentilhomme à Saint-Germain-en-Laye en présence du roi Louis XIV, Lully jouait le rôle du Muphti. Son physique s'y prêtait à merveille et il s'était affublé d'un immense turban en sorte que son visage semblait se trouver au milieu de son ventre. L'envie de rire était générale dans le public mais le roi, de fort méchante humeur et manifestement plongé dans ses pensées et ses soucis restait impassible : aussi nul n'osait céder à l'envie de rire pourtant générale. Lully redoubla de cocasseries et, à la suite d'une poursuite effrénée avec Monsieur Jourdain, il sauta dans le clavecin de l'orchestre, y entrant jusqu'à mi-corps et fit mille cabrioles en achevant de le briser comme s'il ne pouvait en sortir. Le Roi enfin riait aux larmes et toute la salle avec lui. C'est ainsi que Lully obtint un titre supplémentaire et douze cents livres de pension !

 

C'est à peu près à la même époque que Molière écrivait : "La plupart des femmes d'aujourd'hui se laissent prendre par les oreilles ; elles sont cause que tout le monde se mêle de musique."

 

Haendel, force de la nature, avait été surnommé, de son vivant, "La brute enchanteresse" par un caricaturiste anglais qui le représentait foulant aux pieds une banderole portant l'inscription : Pension, Bénéfices, Noblesse, Amitié. Haendel qui savait aussi maîtriser souverainement ses violences, son emportement, ses colères, ne manquait pas d'humour non plus. Se trouvant, un soir de concert devant une salle à peu près vide, il disait : "Ma musique en sonnera bien mieux."

 

Joseph Haydn tout au long de son existence laborieuse sut garder un cœur simple et un humour ingénu. A quelqu'un qui lui reprochait de n'avoir pas su exprimer dans sa musique l'aspect tragique de certains textes religieux, il répondait simplement : "Puisque Dieu m'a donné un cœur joyeux, il me pardonne de le servir joyeusement." On connait les circonstances dans lesquelles Haydn écrivit sa Symphonie des Adieux. Il la composa en guise de pétition pour exprimer au prince Esterhazy (dont il dépendait) les plaintes des musiciens de l'orchestre retenus, cette année-là, plus tard encore que de coutume, loin de Vienne et de leur famille. Au Final, selon la partition, on vit le cor, le hautbois souffler les bougies de leur pupitre et quitter sans bruit la salle, suivis bientôt du basson, des violoncelles, des violons. Seuls restèrent à leur place, dans une demi-obscurité, deux violons qui achevèrent mélancoliquement l'œuvre. Haydn fut le dernier à partir. Le prince l'interpellant lui dit qu'il avait compris la requête des musiciens et qu'ils pourraient rejoindre Vienne dès le lendemain.

 

Inaltérable bonne humeur et malice pleine d'humour, on retrouve ce même caractère dans sa Symphonie des jouets ou dans la symphonie La Surprise qu'il composa en Angleterre. S'apercevant que le public anglais aimait les mouvements vifs mais sommeillait souvent devant les adagios trop calmes, Haydn voulut lui jouer un tour. Il composa pour cette symphonie un andante d'une extrême douceur ; tout à coup, au milieu d'un pianissimo le plus suave, un éclatant coup de timbales et un fortissimo de tous les instruments réveillèrent brusquement les auditeurs endormis.

 

Mozart est connu pour ses réactions pleines d’une gaieté continue, espiègle ou féroce, tendre ou railleuse. Sa correspondance livre certains traits malicieux. N'écrit-il pas un jour à sa sœur : "Mille baisers sur ton admirable figure de cheval" et une autre fois : "Primo, une paire de soufflets, secundo, une paire de mornifles, tertio, une paire de gifles, quarto, une paire de claques, quinto, une paire de calottes, sexto, une paire de taloches".

 

Une autre fois avec quel humour ne juge-t-il pas un musicien prétentieux nommé Graf : "Il juche toutes ses paroles sur des échasses et, généralement, ouvre la bouche avant de savoir ce qu'il va dire. Quelque fois, elle se referme avant d'avoir rien eu à dire."

 

Dans une certaine lettre il signera : "Chevalier de l'Eperon d'or et, dès que je serai marié, de la Double Corne." Dans sa musique, Mozart témoigne parfois de la même verve sans limites. Pour un vieil ami corniste amateur, il compose un concerto copié avec des encres de toutes les couleurs avec, sur les portées, des interjections variées : "âne... veau... toqué... oh, quel couac… Hélas, malheur à moi... allons, respire un peu... aïe, courage, ça va finir... respire un peu... fini ! Dieu soit loué..."

 

Mozart a composé aussi une Plaisanterie musicale où il s'efforce de truffer sa musique de fautes d'harmonie et de contrepoint. Un jour encore, il se trouvait dans un couvent à Rome et ses amis l'avaient présenté à la communauté comme un musicien capable d'écrire sur n'importe quel sujet une musique sublime. Un père Capucin lui proposa alors comme sujet d'inspiration sa barbe. Mozart le prit au mot et composa dans un style châtié un quatuor vocal intitulé Venerabilis barba capucinorum, Amen (Qu'elle est vénérable la barbe des Capucins). Le génie fait bon ménage avec l'humour !

 

AUX XIX° et XX° SIECES :

 

Avançons dans le temps. L'humour ne va pas manquer parmi les musiciens du XIX° siècle et du début de notre siècle jusqu'à nos jours, jusqu'à la musique "d'avant-garde" qui en manque tellement que c'en est drôle...mais nous verrons cela plus loin...

 

Que l'on me permette de citer d'abord la description d'un orchestre en pleine action que l'on peut lire dans Fontbrune, roman récent de Brigitte Le Varlet dont l'action se situe vers 1820 ; description moqueuse et caricaturale mais non dépourvue d'humour d'une spectatrice étrangère à la musique :

 

"L'orchestre attaque l'ouverture. Il était dirigé par un personnage aux allures de corbeau en équilibre sur une branche, dont je craignais à chaque instant que la fougue ne le précipite au bas de son perchoir. Il plongeait en avant avec des gestes vifs du poignet, avait des glissements de la main puis de petites secousses comme s'il agitait une houppette. Un violoniste profitait de chaque instant de répit pour retirer le petit linge qu'il tenait entre son épaule et son instrument, et s'en éponger avant de le remettre en place. Au fond, un jeune homme sans doute peu vaillant tenait un triangle dont il ne jouait que rarement. Son voisin, à la harpe, n'avait pas non plus gros travail à fournir mais enlaçait son instrument avec tant d'amoureuse ardeur que je lui pardonnais volontiers."

 

Mais retrouvons nos célèbres musiciens en ce XIX° siècle :

 

Gioacchino Rossini avait une passion pour Mozart. C'était son dieu. Il disait que Mozart avait fait l'enchantement de sa jeunesse, le désespoir de son âge mûr et la consolation de sa vieillesse. Il n'y a pas à chercher longtemps pour apprécier cet humour plein de finesse qui caractérise le style de Rossini particulièrement dans le Barbier de Séville et le Duo des chats. La première représentation du Barbier fut le four le plus mémorable et fut troublée par mille incidents burlesques et imprévus : une corde de la guitare d'Almaviva saute..., un chat errant traverse la scène, etc... Bref le public insulte Rossini impassible et serein devant son pupitre de chef d'orchestre. Après la représentation, la créatrice du rôle de Rosine se précipite pour le consoler mais quand elle arrive chez Rossini, il dormait paisiblement.

 

L'humour mordant de Luigi Cherubini est moins connu. Un jour que Bonaparte, premier Consul, lui faisait des reproches sur sa musique, Cherubini lui répondit : "Citoyen Consul, mêlez-vous de gagner des batailles et laissez-moi faire mon métier auquel vous n'entendez rien !"

 

Hector Berlioz avait aussi un grand talent littéraire comme en témoignent ses ouvrages importants et ses critiques pleines d'humour parfois cinglant. De Saint-Saëns encore tout jeune il disait : "Ce jeune homme manque singulièrement d'inexpérience". Pas très optimiste, il répondait à son ami l'académicien Elwart venu prendre de ses nouvelles : "Si je savais que tu devais parler à mon enterrement, j'essaierais de ne pas mourir..."

 

Jacques Offenbach, l’auteur des Contes d’Hoffmann, cette œuvre pleine de verve et de bonne humeur et de tant d'autres de la même veine, organisait chaque vendredi chez lui des réceptions qui réunissaient les célébrités de l'époque, artistes, écrivains, journalistes ; c'était les "Vendredis d'Offenbach". En 1857, on y fêta joyeusement la fin du monde, annoncée comme prochaine mais... remise sine die. La polka des mirlitons y fut dansée par Léo Delibes, Jonas, Duprato, Ludovic Halévy et autres camarades. "Les 132 couplaies de celles d'Egypte, complainte fantaisiste et attristante du jeune About" furent détaillés "vu l'incapacité musicale de l'auteur par le jeune Hector Crémieux", capable de "racheter la fausseté des sons par la pureté des intentions". On assista enfin ce soir-là, à "ces exercices de force et d'agilité" que constituait "la lutte d'Offenbach contre les difficultés de la prononciation française".

 

D'autres fêtes s’affirmèrent dignes de celle-là : un bal costumé avec Bizet et Nadar en bébés, Delibes en pioupiou, Gevaërt en Peau-rouge, Gresse en cuisinier tenant en main sa poêle à frire enfin Gustave Doré faisant une entrée sensationnelle en marchant sur ses mains. Ce fut aussi une exécution triomphante d'une Symphonie de la basse-cour avec cris et gloussements variés avec "solo de petit chien dont on a par mégarde froissé la patte." On avait baptisé ces joyeux participants "Compagnie d'Assurances mutuelles contre l'ennui". Un autre soir, on refusa du monde pour la représentation de Faust de Gounod avec cette distribution originale : Faust et Méphistophélès respectivement incarnés par les peintres Détaille et Berne-Bellecour, et Marguerite par Albert Wolff. "L'orchestre" était composé d'un piano et d'un cornet à pistons avec Victorin Joncières qui jouait et dirigeait. Joncières devait célébrer en ces termes la verve, l'esprit d'Offenbach : "Il a pu écrire de la "petite" musique mais c'était un grand musicien. Rossini l'appelait le "Mozart des Champs Elysées".

 

Emmanuel Chabrier faisait preuve d'une gaieté débordante ayant toujours à la bouche des plaisanteries truculentes mais, sous son aspect de boute-en-train, il cachait une légère mélancolie et beaucoup de tendresse. "Ma femme, mes enfants et cette imbécile de musique, il n'y a que ça" disait-il.

 

Vincent d'Indy qui l'aimait beaucoup l'avait surnommé "L'Ange du Cocasse". Sa musique témoigne de son humour plein d'intelligence et même de son goût pour la grosse farce. Sur un livret de Verlaine, il composa une opérette Fisch-ton-Kan. Et puis il faut citer La Joyeuse marche, la Ballade des gros dindons, la Pastorale des petits cochons roses, la Villanelle des petits canards, les Pièces pittoresques, la Bourrée fantasque. Tout en contraste, voici l'une de ses dernières réflexions : Frappé, à l'âge de cinquante et un ans, d'une paralysie générale qui devait l'emporter, il écrit "C'est triste de penser qu'il ne vous reste plus qu'à lutter contre une maladie qui tôt ou tard aura raison de vous".

 

Henri Büsser (1872-1973), encore un musicien un peu trop oublié et dont j'ai goûté l'humour alors qu'il était presque centenaire, rapporte deux charmantes anecdotes sur son maître Charles Gounod qu'il vénérait. Un jour le cocher du fiacre que Gounod venait d'emprunter lui dit : "Monsieur Gounod, je suis fier d'avoir conduit l'auteur de Faust." Et Gounod de répliquer : "Mon ami, vous avez de l'allure, vous auriez fait un bon chef d'orchestre. " Un autre jour Gounod rentrait chez lui à pied quand un orgue de Barbarie se mit à jouer l'air déjà célèbre Faites- lui mes aveux... dans un mouvement vertigineux. "Eh ! mon ami, s'écria Gounod, pas si vite ! Tenez, laissez-moi tourner la manivelle", et, ce faisant, il reprit plus lentement l'air interrompu. "Voici le mouvement et sachez que j'en suis l'auteur" ajouta-t-il en souriant et en remettant une pièce au bonhomme ébahi. C'est aussi Gounod qui disait en jugeant certains jeunes musiciens qui déjà voulaient faire abstraction de leurs aînés : "Plus de pères, rien que des fils."

 

Camille Saint-Saëns, ce compositeur si méconnu dont on rappelle souvent les féroces satires, savait aussi - ô combien - faire preuve d'humour dans ses écrits comme dans sa musique. Le Carnaval des Animaux contient dans des pages si concises autant d'intelligence et de talent que de tendresse et d'humour : cocasserie géniale. Faut-il rappeler dans "Tortues" le thème effréné, au ralenti, d'Orphée d'Offenbach, dans "l'Eléphant" la caricature de la Valse de Sylphe de Berlioz, dans "Fossiles" la parodie de sa Danse macabre ou encore dans "Pianistes" classés parmi les animaux, les fausses notes volontaires.

 

C'est Saint-Saëns qui donnait cette définition de la fugue : composition musicale dans laquelle les différentes voix entrent successivement et qui se joue souvent à l'orgue pour la fin d'un office religieux ; quand toutes les voix sont rentrées, tous les fidèles sont sortis". Saint-Saëns, alors organiste de l'église de la Madeleine à Paris, a lui-même rapporté ces anecdotes : "Il y avait une légende, j'étais un musicien sévère, austère, et l'on avait fait croire au public que je jouais continuellement des fugues. Si bien qu'une jeune fille, en passe de se marier, vint me supplier de ne pas jouer à sa messe de mariage. Il est vrai qu'une autre me demanda de faire entendre des marches funèbres, elle voulait pleurer à son mariage et n'en ayant nulle envie elle comptait sur l'orgue pour lui faire venir les larmes aux yeux". "Un jour, un des vicaires de la paroisse se mit à m'endoctriner sur ce point : Le public de la Madeleine, me dit- il, est composé en grande majorité de personnes riches qui vont souvent à l'Opéra-Comique ; elles y ont contracté des habitudes musicales qu'il convient de respecter. Monsieur l'abbé, lui répondis-je, quand j'entendrai dire en chaire le dialogue de l'Opéra-Comique, je ferai de la musique appropriée, mais pas avant." En ce temps-là, on était gai à la salle Favart.

 

Restons encore avec Camille Saint-Saëns. Dans une de ses nombreuses lettres à son cher ami Gabriel Fauré, il lui indique non sans humour comment il devra le remplacer au grand orgue pour les offices de la messe et des vêpres. La lettre est agrémentée d'un dessin de sa plume :

"- Après le Credo, l'orgue touche l'offertoire à l'Orate fratres, l'organiste songe sérieusement à finir ; quand les enfants de chœur remuent, l'orgue s'arrête. L'organiste s'essuie.

- Après la Bénédiction : sortie. L'organiste va déjeuner chez Richard Lucas.

- A 2h13 minutes les vêpres. Verset à chaque psaume, Hymne, Magnificat, Benedicamus en fa. Récréation.

- A 4h moins 17 minutes, on rentre pour le Salut...

- Après le psaume final, sortie définitive"

 

(Et au bas de la page, Saint-Saëns a dessiné en bâtons un homme dévalant les marches de l'escalier de la tribune.)

 

Dans une autre lettre adressée également à Gabriel Fauré, son ancien élève rappelons-le, Saint-Saëns lui présente en vers ses vœux de bonne année (1892) :

 

"Monsieur Gabriel Fauré,

"Le bon an je vous souhaite,

"De l'ergot jusqu'à la crête

"En Ut, en Sol, même, en Ré !

"Votre nom soit admiré !

"Du succès gagnez le faîte

"Et que la gloire vous fête !

"Soyez partout adoré !

 

"Sur mon rocher solitaire

"Quand je regarde en arrière

"Loin, bien loin dans le passé,

"J'y trouve plus d'une larme ;

"Mais un souvenir me charme :

"C'est de vous avoir bercé.

 

Saint-Saëns n'avait que dix ans de plus que Fauré et celui-ci avait seize ans lorsqu'il entra dans la classe de son cher Maître à l'Ecole Niedermeyer.

 

Gabriel Fauré aussi savait manier l'humour. Un jour on lui demandait quel était le tempo exact de sa mélodie Clair de Lune et Fauré de répondre : "Cela dépend, quand la voix est laide, je presse..."

 

Digne de Saint-Saëns ou de Fauré, cette réflexion à propos d'un pianiste qui se distinguait par son jeu particulièrement sec. Ce pianiste se lance, un soir, dans le Concerto en la de Schumann qui demande tant de délicatesse et qu'il exécute avec une brillante sécheresse. Rafales d'applaudissements dans les premiers rangs d'orchestre, longs coups de sifflet aux balcons, "ce qui démontre, susurre une dame spirituelle, qu'à l'orchestre on aime ce pianiste et qu'aux balcons on aime Schumann !"

 

Pour demeurer dans la lignée de Saint-Saëns et Fauré n'oublions pas André Messager, élève de ce dernier. Quel humour et quelle finesse dans Fortunio, Véronique, Les P'tites Michu, Coups de Roulis et bien d'autres œuvres !

 

La première audition de la Petite Suite de Claude Debussy fut accueillie avec succès mais un ami du compositeur vint lui dire : "Je crois que les critiques seront assez sévères pour votre œuvre de jeunesse." A quoi Debussy répond : "Stéphane Mallarmé n'a-t-il pas dit "Un critique est une personne qui se mêle de ce qui ne le regarde pas."

 

Plus tard, Erik Satie dira : "Je n'attaque jamais Debussy, les debussystes seuls m'incommodent."

 

On peut s'attarder un peu à Erik Satie, le roi de l'humour en tout genre ! Que dire de son humour grinçant ! Il a tout fait pour déconcerter ses contemporains. Comment prendre au sérieux un musicien qui intitule ses œuvres : Véritables préludes flasques (pour un chien), "Embryons desséchés, Trois morceaux en forme de poire, En habit de cheval, Pièces froides. On ne sait jamais de qui Satie se moque, de lui-même ou de ses contemporains ? N'a-t-il pas écrit : "Tout le monde vous dira que je ne suis pas un musicien. C'est juste. Dès le début de ma carrière, je me suis de suite classé parmi les phonometrographes... j'ai plus de plaisir à mesurer un son que je n'en ai à l'entendre. Le phonomètre en main, je travaille joyeusement et sûrement. Que n'ai-je pesé et mesuré ! Tout de Beethoven, tout de Verdi. Au phonopeseur, un fa dièse ordinaire, très commun, atteignit 93 kilos, il émanait d'un fort gros ténor dont je pris le poids... Je crois pouvoir dire que la phonologie est supérieure à la musique."

 

Se plaçant de plus en plus en marge de la musique officielle et pratiquant cette fois l'humour cruel, il lance ce mot : "Ravel refuse la Légion d'Honneur, mais toute sa musique l'accepte."

 

Tout à l'inverse, humour serein, humour subtil, Paul Dukas mérite bien d'être cité, ne serait-ce que par son Apprenti Sorcier, chef d'œuvre qui d'emblée parcourut le monde.

 

Camille Chevillard était un chef d'orchestre à juste titre très réputé jusqu'à sa mort en 1923. D'une autorité incontestée, d'une intelligence très vive, d'un goût très sûr, il avait succédé à Lamoureux, son beau-père et Paul Paray lui succéda à son tour aux Concerts Lamoureux. A propos de Florent Schmitt, Henri Büsser raconte dans son livre De Pelléas aux Indes Galants ce souvenir amusant : "Florent Schmitt avait écrit une très importante musique de scène pour Antoine et Cléopâtre de Shakespeare. Au cours des répétitions, Chevillard, coiffé de son éternel melon, car il craignait les courants d'air, arrête soudain l'orchestre et, soulevant son chapeau, il dit aux musiciens "Messieurs, voici un accord parfait d'ut majeur, saluons-le." Et Florent Schmitt de s'écrier du fond de la salle : Attendez, attendez, je vais l'enlever..."

 

En 1935, Paul Claudel vient d'écrire son poème sur Jeanne d'Arc et le remet à Arthur Honegger qui va en écrire la musique pour en faire son chef d'œuvre Jeanne au bûcher. Le poète explique à son ami compositeur avec force détails comment il imagine la musique sur son texte. Honegger écoute attentivement et il enchaîne : "En somme, je n'ai plus maintenant qu'à écrire la musique."

 

Igor Starvinsky non plus ne manquait pas d'humour. Certaines de ses œuvres le montrent, en particulier Pulcinella ou l'Histoire du Soldat. Evoquant les quelques trois cents concertos de Vivaldi dans lesquels, il est vrai, il y a beaucoup de redites, il disait "Vivaldi n'a pas composé 300 concertos, il a écrit 300 fois le même." Un jour qu'il se trouvait en Finlande, on lui demanda "Que pensez-vous de Sibelius ?" Stravinsky sembla réfléchir un moment et finit par répondre. "Moi ? je ne pense jamais à Sibelius."

 

Proche de nous, il faudrait encore citer Prokofiev (Pierre et le Loup), Georges Auric (Les Fâcheux), Francis Poulenc (Chansons gaillardes, les Biches), Darius Milhaud, Henri Sauguet, Jacques Ibert ; tous ces compositeurs apportent souvent dans leurs œuvres une note spirituelle et malicieuse.

 

Mais la place nous manque pour développer davantage ces variations sur l'humour dans la musique et chez les musiciens... Humour burlesque, truculent, loufoque, comique ou cocasse, humour noir, humour mordant, grinçant, féroce, cruel, humour involontaire, ingénu, humour tendre, poétique, humour génial ou détonnant, humour moqueur et malicieux, humour espiègle et argotique...

 

REGARD SUR LA MUSIQUE D’AVANT-GARDE :

 

En guise de postlude, je voudrais évoquer certaines musiques "d'avant-garde". Mais est-ce encore de la musique? S'il n'y a pas trace d'humour et de sourire dans ces "recherches expérimentales", nous pouvons -sans méchanceté- en faire, et sourire aux dépens des commentaires, du vocabulaire, des titres qui accompagnent et qui annoncent ces chefs d'œuvre du bruit plus ou moins organisé... Humour au second degré, humour involontaire...

 

"Musique moderne, a dit Jean Gabriel Domergue, ainsi nommée parce que, même quand elle aura vieilli, elle ne sera jamais ancienne..." Il est facile, dans n'importe quel art, de se placer à tout prix à l'avant-garde et de le "faire moderne" en se démarquant systématiquement de tout ce qui nous a précédés. Il est plus difficile de créer un "système qui puisse durer".

 

Ces musiques à système sont tombées dans l'oubli ou n'attirent provisoirement que les snobs. Quelles sont-elles ? Musique atonale, musique dodécaphonique, musique sérielle, musique concrète (la plus "drôle" puisqu'elle représente un savant mélange de sonorités instrumentales à des bruits courants tels que moteurs, piqués d'avion, casseroles, bouchons de champagne, rails de chemin de fer, marteaux-piqueurs etc..), musique électronique, musique stochastique, musique algorythmique (qui nécessite un ordinateur faisant apparaître des "événements sonores simples ou composés" ! Gavoty ajoute : "appareil qui permet à volonté de calculer les feuilles d'impôt d'un Premier Ministre ou de composer une symphonie !), musique aléatoire qui permet à l'interprète de choisir, au dernier moment, dans des "réservoirs de notes", des "réservoirs de rythmes", des "réservoirs de formes" la matière d'une sorte d'improvisation.

 

Ces compositeurs (?) ne font pas seulement appel à des séries de sons extraordinaires, à des magnétophones fabuleux ou autres ordinateurs monstrueux, mais aussi à des instruments classiques "transformés". En 1950, John Cage a fait la démonstration d'un "piano-préparé", insérant entre les cordes et la table d'harmonie des gommes, des clous, des vis, des plaques de métal, des bouts de bois ou de caoutchouc, il transformait ainsi le piano en véritable engin à percussion !... Sans commentaires.

 

Amusons-nous encore avec quelques titres de ces chefs d'œuvre : Symphonie des Silences, Concerto pour une veuve sourde (joué à Londres sur deux pianos muets), Metastasis, Concerto pour une porte qui grince, Orphée 53, Symphonie pour un homme seul, Etude aux casseroles.

 

La plupart de ces productions sont accompagnées d'un joyeux commentaire dont on peut entendre d'ailleurs de temps à autre un spécimen sur France-Musique et dont voici deux échantillons :

 

"Dans mes Métastasis, écrit Xenakis, les douze sons et les six intervalles tempérés déterminent une certaine conception de la ligne mélodique, qualification sous laquelle il faut comprendre un type de sonorité faite de glissandi tangentiels qui se développent sur toute l'étendue des instruments à cordes créant ainsi de nouveaux espaces musicaux d'une densité variable et utilisant de la sorte toute la continuité du spectre sonore."

 

Gavoty ajoute : "Bobine de l'amateur en quête de "Glissandi tangentiels"...ou du spectre sonore !"

 

Autre commentaire, parfait charabia :

 

"La parallaxe des asymptotes est constamment contrariée par le jeu du champ magnétique créé par les lignes de force qui s'inscrivent entre les coordonnées bg et ad, déterminées elles-mêmes par les fonctions tangentielles (encore ! c'est une manie !) de l'équation fondamentale qui sert de base à l'œuvre."

 

Ouf ! On est loin de la musique...mais on s'amuse bien !

 

Enfin, relisons quatre jugements à l'égard de cette musique qui n'en a que le nom, paroles pleines d'humour.... et de consolations :

 

"Espèce de parade, appareils médiocres, aimable laisser-aller de tout un bric-à-brac sonore. La musique concrète ne peut même pas, dans le domaine des gadgets, faire concurrence aux fabricants d'effets sonores qui travaillent dans l'industrie américaine du film." (P. Boulez)

 

"Contrairement à Debussy qui produisait une technique en faisant de la musique, ces compositeurs d'aujourd'hui, dans leur généralité, cherchent à produire de la musique en pratiquant une certaine technique. L'évolution de cette musique contemporaine s'interprète comme le passage d'un art intuitif à un art scientifique qui, par là même, cesse d'être un art..." (E. Ensermet)

 

"C'est d'avoir joué inconsidérément avec la science, c'est de l'avoir incorporée à la musique qui n’a rien à en faire, c'est en retirant la parole à l'âme humaine et en interrogeant les ordinateurs que les musiciens ont tué la musique. Il est très probable que dans cinq cents ans, une civilisation qui succédera à la nôtre dira : "Mais comment est-ce qu'on a pu concevoir des trucs pareils ?" (A. Malraux)

 

"Depuis trente ans et plus, j'assiste, par métier, à la plupart des concerts de musique contemporaine. Qu'ai-je perçu, la plupart du temps ? Des borborygmes, des éclats, des cris stridents, des chocs brutaux ou cristallins des bruits suspects, des écroulements d'assiettes dans des tubes de zinc, des chuintements de bidets engorgés, des déclics, des hurlements, des dissonances barbares, d'incompréhensibles onomatopées, des silences interminables, des gadgets dignes de l'ancien Médrano, des canulars, des tentatives de "non-musique" admirablement récompensées...bref, un arsenal d'effets sonores détachés de toute finalité humaine." (B. Gavoty)

 

CODA :

 

Terminons cette fois ce long voyage à travers l'humour dans la musique et chez les musiciens avec une légère dose d'humour franc et massif, grâce à Gérard Hoffnung (1925-1959). Pour nos lecteurs qui n'ont pas écouté ses enregistrements ou qui n'ont pas assisté au Hoffnung-Festival à Londres, j'emprunte à Alain Pâris quelques lignes de la notice qu'il lui a doctement consacrée dans le Dictionnaire des Interprètes :

 

"L'histoire de l'humanité retiendra, parmi ses œuvres impérissables, un Concerto pour tuyau d'arrosage et orchestre (écrit pour ses potes âgés), le Concerto popolare ou Concerto pour achever tous les autres (y a-t-il un médecin dans la salle?), la première audition de la véritable et authentique Symphonie la Surprise de Haydn (on peut jeter l'autre au panier), les Contes d'Hoffnung, la création de "Léonore 4" récemment redécouverte dans un carton à chapeaux... et une sublime et originale transcription d'une Mazurka de Chopin pour 4 tubas dont la grâce aérienne est devenue proverbiale." Et l'auteur du Dictionnaire ajoute : "Cette épidémie de créativité musicale est hélas ! demeurée strictement circonscrite aux Iles Britanniques. Dieu sauve la Reine !"

 

Joachim Havard de la Montagne

(1985)

 

Sources :

 

Voyage musical au pays du passé, Romain Rolland (Hachette, 1920)

Offenbach, R. Brancour (Laurens, 1929)

Plaisir de la Musique, Roland-Manuel (Seuil, 1950)

De Pelléas aux Indes Galantes, H. Büsser (Arthème Fayard, 1955)

De Gounod à Debussy, R. Pitrou (Albin-Michel, 1957)

De Palestrina à Bartok, Ed. Appia (Flammarion, 1964)

Correspondance de Saint Saëns avec Fauré, J.-M. Nectoux (Heugel, 1973)

Anicroches, B. Gavoty (Buchet-Chastel, 1979)

Dictionnaire des Interprètes, A. Pâris (Robert Laffont, 1982)

Bulletins Musica et Memoria de l'Association Elisabeth Havard de la Montagne

.... et quelques souvenirs personnels de l’auteur.






Coquille sur une épreuve de l'édition du
Sextuor d'Henri Challan
trouvée sur le site web de Trevco Music Publishing
(D.H.M., 2023)
 

Relancer la page d'accueil du site MUSICA ET MEMORIA

Droits de reproduction et de diffusion réservés
© MUSICA ET MEMORIA

Web Analytics