Le jeu musical auprès de personnes âgées dépendantes

 

La musique donne une âme à nos cœurs,
des ailes à notre pensée
et un essor à l'imagination
Platon

 

La musique est une expression primordiale de notre culture. C’est un moyen d’expression qui, en théorie, associe trois éléments : la mélodie, l’harmonie et le rythme. Elle est un fait social subi ou choisi et quand la maladie fait surface, que les mots manquent souvent, la musique, à travers le jeu, peut produire un effet de catharsis et apporter un certain apaisement. Et pourtant les spécialistes sont unanimes : la substance du jeu musical est toute imprégnée de hasard. Il en va ainsi des instruments de percussion qui sont le catalyseur du jeu rythmique. Effectivement, ces objets sonores appartiennent au monde réel, mais sont doués en même temps de propriétés mystérieuses qui les rattachent à un autre monde, parallèle au premier et irréductible à lui.

La nécrose des processus démentiels démontrent que les personnes concernées peuvent encore "jouer" et ressentir des myriades d’émotions et que s’ils "jouent", que l’animateur joue également, il y a alors du jeu : Ego ludo, ergo ludus est.

Animer autour de la pulsation peut être une solution non négligeable pour l’animateur, qui se sent parfois désarmé face à cette pathologie qu’est la maladie d’Alzheimer.

Dans le domaine du rythme musical, on appelle pulsation l'accent intervenant de manière cyclique au début de chaque temps. La régularité de la pulsation garantit donc l'égalité des temps, et par conséquent, un certain tempo. Précisons que lorsqu'on dit "la pulsation", on désigne habituellement l'ensemble des battements d'un morceau ou d'un passage donné. Au niveau d’une animation type rythmique, c’est elle qui va donner vie à l'activité. La pulsation groupale, c’est toutes les pulsations individuelles intégrées qui vont donner le véritable ciment permettant la construction créatrice du groupe.

Cette technique s’applique tant en groupe qu’en individuel. On la destine plus particulièrement à des personnes âgées éprouvant des difficultés de verbalisation et de communication. Dans le cas d’une application en groupe, il est conseillé de limiter le nombre de participants à six.

Les instruments utilisés sont très éclectiques et vont du plus simple au plus élaboré dès l’instant où ils produisent du son et qu’ils sont de type rythmiques : tambourins, claves, castagnettes, maracas, grelots, triangles sistres, tubes résonnants, wood-blocks, octo-blocks… Par manque de moyens, ces instruments peuvent être le résultat de différents travaux de bricolage.

Au cours de mon expérience au sein d’Etablissements d’hébergements pour personnes âgées dépendantes, j’ai remarqué combien le rythme, son enveloppe sonore suscitait des impressions de calme quand celui-ci était lent ou des sentiments de vigueur, d’excitation lors d’une rythmique plus rapide. De plus, le son provenant des instruments induit le mouvement que cela soit un balancement à peine perceptible d’un pied ou d’une tête, l’agitation d’un bras, d’une main (…). Tant que le son génère une certaine motricité volontaire ou involontaire, il est positif d’observer encore la flamme qui sommeille dans ces personnes.

Dans le bon fonctionnement de cette activité, il est préférable d’avoir une salle spacieuse dotée d’une bonne acoustique avec un cadre précis d’intervention : même lieu, même jour, horaires fixes.

Le choix des instruments est primordial car il dépend des objectifs opérationnels de l’animateur : couleurs, timbres divers peuvent enrichir la qualité de la production sans oublier la quantité par rapport aux nombres de participants.

Cette technique musicale s’appuie dans la méthode active en musicothérapie, qui donne la possibilité de faire, d’agir en mobilisant les énergies positives et les inspirations créatrices. Les jeux musicaux et sonores qui en résultent font appel à l’attention, l’écoute, la vigilance et à la mémoire. Le son et ses paramètres sont au cœur de ces jeux : l’intensité, dont la maîtrise facilite le contrôle des pulsions ; la durée, reflet du partage et du temps ; la hauteur, qui situe le son dans l’espace avec les notions de haut et bas ; le timbre, qui permet de prendre conscience de la différence.

 

Mise en place de la pulsation

Principe: les personnes sont invitées à utiliser des instruments de percussion pour entrer en relation avec l’animateur et et/ou entre eux par le médiateur qu’est le son, sans oublier que la notion de plaisir est essentielle ; créer ses propres pulsations afin d’extérioriser un état ; sortir des voies de communications habituelles pour en ouvrir d’autres ; temps de verbalisation libre après l’activité ci cela est possible pour arriver à l’expression parlée d’une expression sonore.

Dispositif : individuel ou groupal.

Durée moyenne : 15mn à 30 minutes maximum suivant le degré de désorientation.

Population : toutes avec des savoir-faire différents suivant le public.

Matériel : un instrumentarium varié quant aux dimensions musicales, aux différentes cultures et aux rapports au corps : timbres, dimensions, formes, modalités de contact;


Quelques instruments (coll Florent Puppis)

Rôle de l’animateur : participation à la production sonore avec les participants ; mise en place du cadre des activités : formulation des consignes, choix des jeux ; insuffler un caractère dynamique durant l’animation et la structurer.

Disposition : se placer en cercle de manière à être vu et entendu par tout le groupe et permettre au son de bien circuler ; installer les instruments choisis au centre du cercle sur une table basse ou à même hauteur des personnes.

Déroulement :

* Présentation de l’activité, des participants, des repères quotidiens (J/M/A).

* Découverte de l’instrument : l’animateur peut nommer les instruments stimulant ainsi la mémoire procédurale et peut ensuite faire une courte démonstration. Puis il demande aux participants de faire un choix ; en cas de difficultés, prendre deux instruments dans la main et, face à face, demander de nouveau le choix entre les deux.

* Exploration de l’instrument : chacun fait connaissance avec son instrument et son utilisation. "Essayez d’écouter les sons de votre instrument, vous pouvez le secouer, le gratter…!" Puis chacun présente son instrument. Un rythme simple est donné par l’animateur qui est repris par l’ensemble du groupe, chacun le fait à son tour. Par le regard, l’animateur invite chacun à dialoguer tour à tour ce qui implique que tout participant devient animateur. Enfin l’animateur crée un rythme et chacun vient se rajouter quand il le désire ; ceci amène à la création groupale et vers une improvisation d’ensemble. Temps de verbalisation

Pour le bon déroulement de cette activité musicale, il est important de :

- travailler sur des rythmes simples n’excédant pas 4 temps,

- laisser toujours au centre des instruments en plus,

- proposer le changement d’instruments au cours de l’animation.

Les jeux sonores peuvent être variés suivant les objectifs. Il est possible d'utiliser les différentes caractéristiques musicales : lent / rapide ; doux / fort ; aigu / grave …

Toutes les expériences institutionnelles ont montré comment la musique réactive revitalise les personnes âgées dépendantes. L’expérience clinique du professeur J. Touchon, à l’unité de vieillissement cérébral au CHU de Montpellier, nous a révélée que, parfois, les capacités musicales sont particulièrement bien préservées, laissant persister des possibilités parfois étonnantes au sein de la fonction musicale. C’est ainsi, par ces méthodes dites actives, que l’on a pu remarquer que le niveau d’anxiété de ces personnes diminuait et, avec lui, la consommation de tranquillisants et d’hypnotiques. Ne dit-on pas que la musique adoucit les mœurs !

Toujours est-il que l’acquisition de cette technique musicale a pour objectif de mettre l’accent sur la manière dont "l’outil musique" peut être un moyen privilégié dans le lien relationnel où souvent un monde d’incompréhension, de perte de repères, d’hermétisme galopant accélèrent notre négativisme d’animateur.

Cet espoir sonore, dans sa fonction étayante, nous montre la voie d’un chemin où toutes les petites notes s’assemblent et se rassemblent pour ne former qu’un dans un plaisir partagé, un moment où l’on se sent exister…

Florent PUPPIS

musicothérapeute clinicien
directeur délégué à l'animation, Groupe Korian
f.puppis@groupe-korian.com

 

 

Bibliographie :

- Edgar Willems, Le rythme musical, Puf
- Edgar Willems, Les bases psychologiques de l’éducation musicale, Pro Musica
- Roland de Candé, L’invitation à la musique, Seuil
- Rolando Benenzon, Manuel de Musicothérapie, Privat
- Schaeffer R. Murray, Le paysage sonore, Lattès
- Robert Frances, La perception de la musique, Puf
- Gérard Nicollet et Vincent Bruno, Les chercheurs de son, Alternative

 


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