CHARLES MAGIN
(1881-1968)


Charles Magin, peint par  A. Guidat, 1930.
Charles Magin entouré de son épouse Hélène Magin, née Germain et de sa fille Elisabeth Magin,
en vacances à Brienz, près d'Interlaken (Suisse), après 1945

( Coll. O. Geoffroy )
Portrait de Charles Magin à l'orgue du Sacré-Cœur de Nancy peint par Armand Guidat en 1930, actuellement entreposé au presbytère de l'église du Sacré-Cœur de Nancy
( photo O. Geoffroy )

 

Charles Magin
Charles Magin à l'orgue de l'église du Sacré-Cœur de Nancy, vers 1945
( coll. Olivier Geoffroy )

Fils de Jacob et Ernestine Magin, Charles était le seul garçon d’une famille de cinq enfants. Son père, originaire d’Allemagne, opta pour la France et c’est ainsi que, le 29 mars 1881, le petit Charles vit le jour à Altenstadt, dans le Bas-Rhin. La famille déménagea à Lunéville, en Meurthe-et-Moselle. Jacob y trouve un emploi d’homme de peine. A l’âge de huit ans, en revenant de la fontaine avec une carafe d’eau, Charles fait une chute, brise le récipient, s’entaille et perd l’œil droit. Sa mère meurt à l’âge de trente-cinq ans et les filles, Isabelle, Elisabeth, Anna et Joséphine entrent à l’Orphelinat d’Haroué, pour soulager la tâche d’un père resté seul et sans argent.

Le " petit Charles ", ainsi que l’appelaient ses parents est envoyé comme pensionnaire à L’Institution des Jeunes Aveugles, rue de Santifontaine à Nancy. Fondée en 1852 par le chanoine Nicolas Gridel (1801-1885), ancien curé de la cathédrale de Nancy, cette école donnait aux non voyants une solide formation intellectuelle et musicale. Outre la possibilité de devenir accordeurs de piano ou professeurs de musique, l’étude de l’orgue, en particulier leur permettait de trouver une situation comme employé d’église et leur garantissait une relative autonomie financière.

Choral de Charles Magin
Première page manuscrite du Choral en fa majeur pour grand orgue de Charles Magin, dédié "A Monsieur l'abbé Matte, souvenir bien sympathique". L'écriture est celle dudit abbé, professeur au Petit Séminaire, sous la dictée de l'auteur, ca 1950
( oeuvre inédite, déposée à la Sacem, copie O. Geoffroy )

Il apprit tout d'abord le piano, instrument dont il perfectionnera plus tard la technique avec Albert Harnisch, d'origine suisse et ancien élève de Widor au Conservatoire de Paris. Il se tourna ensuite vers l’orgue sous la conduite d’Henri Hess, premier prix de la classe de François Benoist.

Extrêmement doué, Magin remporta les premiers prix de solfège, d’harmonie, de contrepoint, de piano et d’orgue. En 1898, il eut la faveur de faire un stage d’une année à Paris où il reçut les conseils de Louis Vierne et Charles-Marie Widor.

Dès son retour à Nancy, il fut nommé, à dix-huit ans, professeur de piano, d’orgue et d’harmonie à l’Institution des Jeunes Aveugles de Nancy. C’est là qu’il guida les premiers pas du jeune Gaston Litaize. Reconnaissant, ce dernier n’oublia jamais de rendre visite à son ancien maître lorsqu’il passait par Nancy.

En 1902, il est nommé organiste de la nouvelle Basilique du Sacré-Coeur fondée par le chanoine Henri Blaise. Après avoir accompagné les offices sur un harmonium, il peut toucher en 1905 un orgue de chœur de 20 jeux suivi deux ans plus tard d’un grand orgue de 16 pieds en montre comptant 48 jeux dont deux de 32 pieds.

Virtuose reconnu, il inaugura plusieurs instruments lorrains. Voici deux témoignages de son talent rapportés par son suppléant le docteur Jean Racadot :

De jeunes mélomanes avaient un jour entendu la Fantaisie et fugue en sol mineur de Jean-Sébastien Bach à la radio. Membres de la chorale, ils questionnèrent Charles Magin afin de savoir ce qu’il pensait de cette musique. Selon la conception en vogue à l’époque, il répondit que pour lui les œuvres de Bach étaient monotones et tenaient plus des exercices destinés à délier les doigts des apprentis que d’un répertoire de concert véritablement sérieux ! Les jeunes gens insistèrent en lui demandant s’il avait joué cette pièce. Il répondit qu’il l’avait étudié étant encore élève. Finalement, pour la sortie de la messe, il prépara les jeux et exécuta de mémoire et sans une faute ces pages complexes du Cantor de Leipzig !

Son oreille et sa mémoire musicales particulièrement développées lui rendirent bien des services comme cette fois où pour un mariage on lui demanda d’accompagner la Messe de César Franck. Conscient du travail important que demandait l’apprentissage d’après la version en braille de l’accompagnement qu’il n’aurait sans doute plus jamais à jouer, il demanda à son suppléant de la déchiffrer pour lui. Après avoir pris quelques notes pendant l’audition, il put la jouer intégralement, sans un oubli !

Verbum Supernum de Charles Magin
Fragment de la pièce liturgique pour la Fête-Dieu, Verbum supernum, de Charles Magin, dédicacée "à Monsieur l'abbé Claude Musquin", publiée dans la revue "Musique Sacrée - l'Organiste", n° 4 , mai 1952, PC 22 MS
( coll. D.H.M. )

En 1952, à l’occasion du centenaire de l’Institution des Jeunes Aveugles, on avait promis la Légion d’Honneur à Charles Magin... mais il ne reçut jamais le ruban, des personnalités du ministère ayant estimé qu’il n’était pas prioritaire.

Il faut également signaler que Charles Magin fut professeur d’orgue et d’harmonium au petit séminaire de Nancy où des prix étaient remis en fin d’année aux élèves les plus méritants.

En février 1957, très fatigué par cinquante-huit années d’enseignement, il fait valoir ses droits à la retraite tant à l’Institution des Jeunes Aveugles qu’au Petit Séminaire. Il obtient le grade d’Officier des Palmes académiques reçu lors d’une cérémonie à la salle Poirel et continue de jouer au Sacré-Coeur jusqu’au lundi de Pâques où victime d’une congestion pulmonaire, il juge préférable d’obéir à son médecin et de céder sa place à Guy Jeaugey, également non voyant et ancien pensionnaire de l’Institution.

Il accepte encore volontiers de se rendre au Conservatoire de Nancy à l’occasion des examens de fin d’année. Invité plusieurs années de suite par Marcel Dautremer, directeur, à faire partie du jury pour les classes d’orgue et d’harmonie, il surprend par son jugement net, son attention et sa grande bienveillance. Il est également chargé d’écrire quelques morceaux pour les examens de lecture à vue.

C’est le 20 avril 1968 qu’il décède à l’âge de quatre-vingt-sept ans. Bon père de famille (deux enfants André et Elisabeth), bon pédagogue, il suscitait l’admiration de tous. Lorsque les futurs mariés venaient au presbytère s’enquérir des qualités de l’organiste qui jouerait pendant la cérémonie, Louis Gall, le sacristain de la Basilique s’empressait de préciser " Maître Magin, bien sûr, Premier Grand Prix de Rome !", ce qui n’était pas tout à fait exact !

Outre de nombreux cantiques, messes et motets, il écrivit pour l’orgue un grand Choral en sol dièse mineur, un Lauda Sion (deux pièces difficiles données à plusieurs reprises au concours de la classe d’orgue du Conservatoire de Nancy), un Ubi caritas, un Pange lingua et une Suite symphonique " Jeanne d’Arc ". Pour l’harmonium, plusieurs pièces pour la revue L’Organiste, des paraphrases sur des chants à la Vierge, des Elévations, des offices complets intitulés Louons le Dieu Sauveur.

Très humble, Charles Magin n’a jamais recherché la notoriété. Sa personnalité transparaît dans ses œuvres, en particulier dans les pièces aux registrations douces pour orgue ou harmonium. Les Elévations et Communions, très poétiques, ou les paraphrases grégoriennes sur des chants à la Vierge, par exemple, constituent une évocation sonore assez fidèle du caractère de leur auteur.

Olivier GEOFFROY
Agrégé de l’Université

Note : La famille Magin est enterrée au cimetière de Préville (Nancy), sépulture n° 3964, localisation F1PB gauche. Charles Magin, 87 ans, a été inhumé le 22 avril 1968. Hélène Magin-Germain, 83 ans, son épouse, née en 1876, a été inhumée le 8 octobre 1959. Elisabeth Magin, 75 ans, née en 1917 a été inhumée le 16 décembre 1992 (ancienne institutrice à l'école Charlemagne de Nancy). André Magin, 86 ans, né en 1915, a été inhumé le 20 février 2001 (ancien instituteur à Tucquegneux, Meurthe-et-Moselle, Pays-Haut).

 

Charles Magin et la presse

 

Voici quelques articles parus dans différentes revues en rapport avec des publications d’œuvres ou des concerts donnés par Charles Magin :

En 1902, à l’Institution des Jeunes Aveugles de Nancy :
" M. Magin donna une nouvelle preuve de son talent dans l’exécution de la Fugue en ut de Bach ".

[La Semaine religieuse de Nancy, 1902, p. 1011]


« Publication de mariages :
Charles-Jakob Magin, professeur de musique et organiste à l'Institution des Jeunes Aveugles, rue de Santifontaine, 6 et Marie-Hélène Germain, employée de commerce à Cosnes (Nièvre), de fait et de droit à Nancy. »
(L'Est républicain, 9 novembre 1907, p. 2)
[NDLR : confusion du journal concernant la ville de Cosnes : il s’agit en réalité de Cosnes-et-Romain situé en Meurthe-et-Moselle et non de Cosnes dans la Nièvre]

En 1908, parution d’un Ave Maria pour soprano ou ténor avec accompagnement de violon et orgue [Nancy, Dupont-Metzner, 1908] :

" Il est dû à notre jeune et distingué organiste, M. Charles Magin, professeur de musique à l’Institution des Jeunes Aveugles. M. Magin est un des meilleurs élèves de feu M. Henri Hess, organiste de la Cathédrale de Nancy et c’est à la mémoire de son regretté maître que, reconnaissant, il a dédié cette nouvelle oeuvre.

Elle est digne du maître et fait honneur à l’élève.

La phrase en fa majeur est pieuse et simple comme il convient. Le texte a été respecté, et sauf les mots Ave Maria qui reviennent après Dominus tecum, il n’y a pas de ces fatigantes et inutiles répétitions que condamnent à la fois le bon goût et les règles liturgiques.

La redite de nunc et in hora mortis nostrae s’explique par l’insistance dans une telle prière. La félicitation : Benedicta tu in mulieribus... est dite joyeusement et légèrement par une modulation en la majeur, et le ton initial revient pour l’imploration : Sancta Maria... avec la mélodie du début.

L’accompagnement est léger sans être sautillant et suit le chant sans l’alourdir... une partie de violon ad libitum peut ajouter à l’effet. Le rythme est à ¾ lent.

Cet Ave Maria est écrit pour soprano ou ténor et se maintient dans l’étendue moyenne de ces voix ; il est facilement accessible.

M. Magin se révèle en cette oeuvre, comme dans sa Messe du Sacré-Coeur, dédiée à M. le chanoine Blaise et dont nous aurons un jour à parler, un compositeur de sérieuse école, tant au point de vue de la mélodie que de l’harmonie. Il est moderne sans exagération, avec toutes les solides qualités d’un classique.

Profitons de la circonstance pour le féliciter des effets grandioses, délicats et variés qu’il tire des 48 jeux de notre excellent grand orgue, auquel le maître Widor a trouvé une si réelle valeur. M. Magin, soit dans les pièces qu’il interprète, soit dans ses improvisations, nous apparaît comme ayant hérité du talent de son maître et nous nous félicitons qu’il nous soit demeuré attaché, quand il aurait pu, s’il avait voulu, prendre à la Cathédrale la place laissée vacante par le décès de M. Hess. M. Magin, malgré sa modestie, s’affirmera et prendra une des premières places parmi les organistes lorrains.

Nous recommandons donc cet Ave Maria à toutes les personnes qui veulent chanter " quelque chose " de vraiment religieux et musical. Elles trouveront ce morceau au prix de 1 fr. 25 net, à la maison Dupont-Metzner qui l’a soigneusement édité, chez l’auteur aux Jeunes Aveugles et aussi à notre magasin d’objets de piété. "

[Le Nouveau Labarum, octobre 1908, p. 157-58.]

 

En 1909, à la Toussaint :

" Les offices aussi ont été particulièrement solennels et attrayants. A la Grand’messe, l’exécution de la messe si harmonieuse de Gruber, avec accompagnement d’orchestre, l’exécution de la merveilleuse cantate de Bach, aux Vêpres, les psaumes en faux-bourdons, le tout très finement étudié et mis au point le plus parfait par le groupe des choristes et des chanteuses de la paroisse sous la direction de M. Magin et des deux vicaires, ont formé un ensemble musical digne des plus grandes cathédrales. Et en vérité, à ce point de vue, nous n’avons rien à envier à personne. "

[Le Nouveau Labarum, novembre 1909, p. 95.]

 

La fête de la maîtrise du Sacré-Coeur en 1912 donna l’occasion à Charles Magin d’user de sa plume pour transcrire en un article les impressions ressenties lors de l’audition :

" Le dimanche 30 juin, la Maîtrise paroissiale, à l’occasion de sa fête annuelle, a exécuté avec art et expression des chants d’une réelle beauté et d’un profond sentiment religieux ; mais aussi, d’une interprétation vraiment peu facile.

Parmi les oeuvres entendues, il faut citer un superbe Adoro te devote (adaptation à un choral de J.-S. Bach) ; et les remarquables faux-bourdons de l’abbé Perruchot. Mais, celle qui a été particulièrement goûtée : c’est la Messe brève (Missa brevis) de Palestrina, le célèbre compositeur du XVIè siècle, surnommé par ses contemporains " le prince de la musique et des musiciens ".

Missa brevis, à 4 voix mixtes, est écrite dans le style sévère et ardu du contrepoint fugué et du canon ; c’est ce qui en fait la difficulté.

Le thème du sujet est proposé par une seule partie ; puis, à la deuxième mesure, une seconde partie attaque le contre-sujet (appelé aussi contrepoint), celui-ci s’alliant au sujet principal tout en conservant un rythme particulier. Ensuite, les deux autres parties entrent successivement, exposant, à leur tour, le sujet et le contre-sujet.

Bientôt, les thèmes se resserrent, se mélangent, se croisent d’une partie à l’autre, se renversent, sont dits en valeurs brèves par une voix, pendant qu’une autre les dit en valeurs longues, etc. Et, malgré ces transformations et ces renversements, on reconnaît toujours le thème initial, ou l’un de ses fragments.

Tout cela forme un ensemble excessivement compliqué, mais très agréable à l’oreille, parce que très chantant. On peut dire de chacune des voix : C’est une calme et pieuse mélodie.

La mise au point d’un tel chef-d’oeuvre exige une fort longue préparation et une patience inlassable ; aussi, faut-il louer grandement M. l’abbé Ledain et les personnes de bonne volonté qui constituent la Maîtrise paroissiale, du travail intense qu’ils ont fourni pour apprendre, nuancer et assembler cette messe intéressante. Ils ont, d’ailleurs, été récompensés de leur labeur, car l’exécution a été parfaite à tous points de vue, et de l’avis de tous, c’est un véritable tour de force accompli par M. l’abbé Ledain et ses excellents fidèles chanteurs.

Ch. Magin,

Organiste de la Basilique du Sacré-Coeur.  "

[Le Nouveau Labarum, juillet 1912, p. 31.]

« Enfin, voici la physionomie sympathique de M. Charles Magin, compositeur et organiste réputé, exécutée par M. Armand Guidat. Bien composé et peint avec une sincérité et une adresse éloquente, cette toile signale des progrès très marqués en observation et en technique. »

(L'Est républicain, 3 novembre 1930, p. 3)

En 1931, paraît Ave Maria, une première série de cinq pièces pour harmonium (Nancy, SAEM, 1931) :

" La méditation des mélodies liturgiques a inspiré de belles pages à MM. Guilmant, Tournemire, Quignard, aux chanoines Chabot et Collard ; M. Magin s’inscrit à la suite de ces maîtres, et nous offre, sous le titre de Ave Maria (le cahier 15 fr.) une première série de cinq pièces pour harmonium, développant des fragments de timbres bien connus des mélophiles, comme Ave Virgo speciei, Tota pulchra es, Salve Mater...

L’organiste du Sacré-Coeur est un classique, qui sait à l’occasion faire appel aux combinaisons harmoniques modernes.

Les paraphrases musicales où l’on note d’intéressants fugatos trouveront leur place à l’offertoire des fêtes de la Sainte Vierge ou à l’entrée d’un office marial ; elles n’effrayeront pas, encore qu’elles doivent être travaillées, un organiste de moyenne force. Ave Maria est écrit pour orgue sans pédale. "

[La Semaine religieuse de Nancy, 1931, p. 644-45.]

 

Toujours en 1931 paraît à la SAEM un Stabat Mater pour chœur et orchestre :

" Par ses dimensions, ce Stabat est réservé aux concerts spirituels ; comme l’œuvre est dédiée à M. Bachelet [(1864-1944), Grand Prix de Rome et directeur du Conservatoire de Nancy], il est permis d’espérer qu’on l’entendra au Conservatoire, peut-être au dernier des concerts de la saison, où le programme fait une large place à la musique d’inspiration religieuse, et les Nancéiens seront heureux d’applaudir le brillant organiste du Sacré-Coeur. "

[La Semaine religieuse de Nancy, 1930, p. 9.]

 

Le 25 janvier 1932, à l’Institution des Jeunes Aveugles de Nancy :

" A l’orgue, le maître Magin soutenait, dirigeait, commentait avec autorité, l’exécution d’une messe à deux voix mixtes, oeuvre récente, d’une écriture sévère, d’une inspiration vraiment liturgique, due à l’organiste de Notre-Dame de Versailles, M. Quignard. "

[La Semaine religieuse de Nancy, 1932, p. 85.]

 

En 1932, parution du Choral en sol # mineur pour orgue :

" Cette pièce, très décorative, dédiée à M. Thirion, professeur d’orgue au Conservatoire, vient de paraître ; elle est d’une lecture et d’une exécution assez difficiles ; aussi, les organistes ne la travailleront-ils pas sans profit. "

[La Semaine religieuse de Nancy, 1934, p. 542-43.]

 

Le 2 octobre 1932, Magin inaugura les travaux d’agrandissement de l’orgue d’Uckange, en Moselle :

" La bénédiction solennelle des nouvelles orgues d’Uckange, sorties des ateliers de la maison Haerpfer de Boulay, avait attiré, dans cette accueillante localité, un grand nombre d’amis de l’orgue et de la musique sacrée. Le choeur paroissial, bien stylé, fit montre, sous la savante direction de M. Krier, de hautes capacités grégoriennes et polyphoniques. On en jugera par le programme qui, à côté des chants liturgiques du jour, comprenait des compositions de Zachariis, Stollewerk, Van Durme, Perruchot et Fabre.

M. Magin, organiste et professeur de Nancy, inaugura les nouvelles orgues, en donnant, avec une technique impeccable, des oeuvres de Haendel, J.-S. Bach, Couperin, Dandrieu, C. Franck, Widor, Vierne, Gigout et Magin. Dans une allocution de circonstance, M. l’Archiprêtre de Hayange parla de l’extension qu’a pris, dans notre pays, l’industrie de l’orgue, et fit ressortir le rôle merveilleux de cet instrument au service de l’art sacré.

Les nouvelles orgues d’Uckange, par leur incomparable précision, la beauté de leurs sons et le nuancé si fin et si varié de leurs registres, font honneur à leur constructeur, M. Haerpfer de Boulay. "

[Revue Saint-Chrodegang, 15ème année, n° 1, 1932-33, p. 15.]

1942 : « Au Conservatoire - Le 2ème concert de l'abonnement.
Il y avait, au dernier concert du Conservatoire, matière à satisfactions variées Les amateurs de beaux ensembles vocaux purent applaudir une chorale de composition solide et homogène ; celle de Saint-Joseph, qu’entraîne et dirige un musicien excellent, M. l'abbé Timmermans Ceux qui apprécient la virtuosité se sont complus à écouter la harpe délicieuse de Mme Mercier professeur au Conservatoire. Enfin, les fervents de l'orchestre ont eu - outre le suave Prélude de Lohengrin, toujours entendu avec plaisir - quelques premières auditions.
L'une d'elles était une ouverture, La Croix, composée par M. Charles Magin, organiste de la basilique du Sacré-Coeur, pour le drame de La Passion. Sa large structure comporte une partie sombre et agitée et qui fut rendue avec véhémence par les tutti de l'orchestre, et un rappel angoissant et plaintif du thème liturgique de la Semaine Sainte : O crux ave. L'élan d'amour mystique d'une âme chrétienne en fait la beauté.
La seconde pièce de M. Magin était destinée A servir d'entr'acte à la représentation du Lys de France. Elle dépeint les sentiments de « Jeanne d'Arc prisonnière » et croyons-nous, évoque la pensée qu'a la Vierge de Domremy vers ses champs paternels, l'idylle lorraine de sa pure enfance. Cette page, inquiète et douloureuse est empreinte d'autre part de beaucoup de fraîcheur. Elle fut fort applaudie.
Le Stabat du même auteur a déjà été exécuté à la salle Poirel. Il était encore donné dernièrement, le Vendredi-Saint, à l'église Saint-Joseph. La Schola de cette paroisse a différencié avec variété ce qu'il y a de touchant et d'expressif dans les strophes de la prose latine. Plus que dans les pièces précédentes M. Magin semble ici pénétré des harmonies neuves de la polyphonie moderne, tout en rappelant par instants la noblesse de style des grands maîtres de la Renaissance. Les choeurs se sont distingués, ainsi que Mlle Depardieu, soliste au timbre émouvant, et à l'orgue, Mlle Lescoffier, 1er prix du Conservatoire. »

(L'Echo de Nancy, 12 novembre 1942, p. 3)

 

Voici, pour conclure, l’extrait d’un poème écrit par André Magin (1915-2001), le fils du compositeur (qui date par erreur la construction du grand orgue en 1904 -en réalité : 1907-) :

" Pendant un demi-siècle et trois autres années,
Charles Magin, mon père, a honoré son Dieu
Et décollé les âmes des terrestres pensées
Par la magie des sons d’un orgue prestigieux.

Charles-Marie Widor, le maître bien connu,
Avait, en ce temps-là, donné le coup d’envoi.
Le siècle avait quatre ans et papa fut promu
Titulaire d’un orgue aux quarante-huit voix.

Sous les voûtes sonores de notre Sacré-Cœur,
Sa musique a donné des ailes aux prières
De croyants non contraints de réciter en chœur,
Sous l’ordre d’un clerc, des textes lapidaires.

Même des incroyants venaient dans notre église
Et leur cœur hermétique aux saintes oraisons,
S’ouvrait pour un instant au Beau qui divinise
Quand mon père faisait ses improvisations. "

               A. Magin       Caroli filius

Olivier Geoffroy



Evocations de Charles Magin dans le Télégramme des Vosges

Quelques articles extraits de ce périodique

« le gala des gueules cassées

Le colonel Picot, dont la parole, d’une éloquence si simple et si vraie, émeut profondément, dit quelle admiration il a vouée sur le champ de bataille à ses héroïques compagnons d’armes et comment il est frappé maintenant de leur détresse, généralement ignorée. C’est pour la faire connaître qu’il parcourt la France, demandant non pas la charité d’un jour, mais la fondation sociale, durable, qui leur est due.

« Nous avons voulu, pour les « Gueules cassées », s’écrie-t-il, au milieu des applaudissements, ce que les nouveaux riches ont obtenu après la guerre : un château ! » Aussitôt après ces paroles pleines de cœur et d’élan, un film, impressionnant, du service cinématographique de l’armée fut passé à l’écran, avec un accompagnement d’orgue de M. Magin, l’habile organiste de la basilique du Sacré-Cœur.

M. Magin coopéra aussi à l’exécution superbe de la Marche triomphale de Déjanire de Saint-Saëns, par la musique du 26e R.I., dirigée par M. Taëllmann, et qui fut très goûtée également dans le Prélude die Messidor de Bruneau. Le beau programme dont nous avions annoncé les différents numéros se déroula ensuite. »

(20 juin 1927, p. 4)

 

« les concours du conservatoire : orgue

La classe d’orgue est une de celles qui, dans l’ensemble, offre la meilleure tenue. La pratique de cet instrument difficile exige, en effet, outre une technique parfaite des claviers manuels et du pédalier, une culture musicale sérieuse. L’exécutant ne doit pas ignorer l’harmonie ni même l’art, à la fois abstrait et positif, de la fugue.

M. Louis Thirion, le distingué professeur, peut former de tels concurrents, car aux qualités de l’exécutant impeccable il joint celles d’un musicien dont la renommée a dépassé les limites de notre province. Les membres du jury, sous la présidence de M. Bachelet, étaient MM. J. Bonnet, l’organiste éminent de Saint-Eustache à Paris ; l'abbé Charpentier, maître de chapelle à Saint-Léon-IX ; Magin, organiste de la basilique du Sacré-Cœur ; Pierre Bretagne, compositeur ; Gutton, membre de la commission de surveillance ; Bohême, Dhérin et Souron, membres du comité d’enseignement ; Victor Adrien, critique musical ; Beaucautin, organiste.

Deux concurrents étaient élèves de l’Institution des Jeunes-Aveugles et tous deux avaient, comme morceaux au choix, des pièces de l’organiste de Notre-Dame de Paris, M. Louis Vierne, lequel est également privé de la vue. Le morceau imposé : « Matin provençal », composition imagée, pittoresque, appelant une curieuse registration, de M. Joseph Bonnet, a particulièrement convenu au jeu brillant et varié de M. Robert Bastien, qui enleva, à l’unanimité, son premier prix.

Un autre premier prix est attribué à Mlle Chantal-Cardronnet, qui possède bien le jeu lié de l’orgue. Mlle Cardronnet, 2ème prix en 1926, voit ainsi récompensés des mérites de premier ordre et un patient et tenace labeur.

M. Jean Marck, qui n'avait eu, en 1926, qu’un 2ème accessit, a fait d’étonnants progrès. Son jeu est posé, net, dépouillé. Il tire parti, non sans autorité, des ressources de l’instrument. Sa « Fantaisie en ut », de César Franck, fut particulièrement remarquable. Au prochain concours, nous sommes en droit d’attendre de lui un fort brillant premier prix. Enfin, M. Charles Dufresne (1er accessit) est aussi très bien doué ; il manque encore un peu du relief à son interprétation, mais l’acquis, déjà, est considérable. »

(20 juin 1927, p. 4)

 

« les concours du conservatoire : orgue

Les épreuves ont repris, mardi, à 10 heures.

Les concours d’orgue ont subi pas mal de vicissitudes au Conservatoire. Ils avaient lieu autrefois sur le petit instrument à. deux claviers qui maintenant, a son emploi au théâtre, et cela forçait les concurrents à une gymnastique préjudiciable à l’exécution. C’était néanmoins l’âge d'or à côté de ce qu’il advint lorsque la salle Poirel fut momentanément privée d’orgue. Alors on vit (car pour entendre, c’était une autre affaire !) des malheureux s’escrimer sur un gros harmonium à pédalier. A tour de rôle les élèves se relayaient au soufflet.

Enfin, vint le magnifique instrument qui participe avec tant d’autorité et de ressources brillantes aux concerts symphoniques et à certaines solennités officielles, à Nancy... Et bien, malgré ces fortunes diverses, il y eut toujours une grande homogénéité dans la valeur des artistes affrontant les épreuves. Des organistes fort bons furent formés au Conservatoire, qu’ils aient joué sur le petit orgue d’autrefois, ou sur le gros harmonium, ou sur le beau Cavaillé-Coll-Mutin-Convers. Cela tient à ce que si l’instrument changea, le professeur, le Maître, lui, resta toujours le même.

Des générations d’organistes, sérieux et capables, ont, en effet, reçu les leçons de M. Louis Thirion, qui, ainsi qu’on le sait, est un musicien complet, pianiste aussi bien que compositeur. Cette année encore, le concours fut d’un niveau supérieur. Le jury toutefois n’a pas cru devoir décerner la première récompense. Cela tient sans doute à ce que les concurrents sont jeunes et qu’un complément d’études ne peut être qu’avantageux aussi bien à leur technique qu’à leur musicalité.

C’est un aveugle, M. Charles Dufresnes (premier accessit en 1927) qui s’impose par une exécution intelligente et diversifiant bien les « voix » de la grande « Fugue en la mineur » de J.-S. Bach. Bonne exécution aussi, quoique peut-être un peu froide par instants, de la première partie de la « Pièce Symphonique » de César Franck. M. Ch. Dufresnes remporte un deuxième prix. M. Marck, qui avait eu cette récompense l’année dernière, l’aurait méritée encore cette année si le règlement n’interdisait les rappels. Il ne semble pas s’être élevé, d’ailleurs, au-dessus du niveau du concurrent précédent.

M. Robert Antoine s’est surtout distingué dans son morceau au choix : la « Toccata » de la « Suite Gothique » de Boëllmann, qu’il a jouée en virtuose, avec de belles amplifications sonores, d’une façon, en général, vibrante et vivante. Le Bach plus inégal, et le déchiffrage (une jolie antienne de M. Magin, dit-on) pris dans un mouvement trop lent. Le jury a décerné à ce musicien d'avenir un premier accessit.

Il était, ce jury, composé de MM. A. Bachelet, Adrien, Van Bedaf, Bohême, Bretagne, Beaucantin, l'abbé Charpentier, Gutton, Jacquot, le docteur Lamy, Mlle Lair, MM. Magin, Pantin, Sadler. »

(21 juin 1928, p. 4)

 

« les concours du conservatoire : orgue

M. Louis Thirion forme, depuis de longues années déjà, au Conservatoire, des organistes vraiment dignes de ce nom et ne présente pour le concours de sa classe, que ceux ou celles qui lui semblent propres à mettre en valeur des qualités intéressantes.

L’orgue est un des plus beaux instruments qui soient, mais c’est aussi l’un des plus difficiles à manier. La technique : les deux mains sur plusieurs claviers, les deux pieds au pédalier, nécessite une précision grande dans la virtuosité, et qui plus est, un réel effort physique et une attention soutenue Le style doit être noble et dépouillé, puisque la littérature de l’instrument ne comprend que des œuvres de grands maîtres L’oreille, enfin, doit guider l’exécutant dans le mélange et l’opposition du timbre cette orchestration de l’orgue qui se nomme la registration. ...Et il y a même, avec les accouplements de daviers, les entrées des jeux, le maniement de la boîte expressive, tout un côté mécanique qui par lui-même, n’est pas de l’art, mais sans lequel l’art des organistes ne saurait exister. Quelle complexité ! Mais aussi quelle splendeur dans le résultat !

Cette splendeur, il semble bien que M. Robert Antoine l’ait, à flots, répandue, lorsqu’il exécuta le Final de La 7ème Symphonie, du maître Ch. M. Widor. Du fond et du brillant. Judicieux choix du timbre. Excellente, avait été aussi l’interprétation du « Landa Sion », de M. Magin, morceaux de concours très élégant d’écriture et dont nous reparlerons, joué avec tact et mesuré, graduation ménagée des effets, virtuosité de la cadence, majestueux rendu de l’allargando final. La lecture fut aussi très bonne. Elle consistait en une Canzonetta doucement mélancolique, également de M. Magin, l’intervention de certains intervalles harmoniques peu usités, rendait cette lecture assez périlleuse.

Si nous suivons l'ordre du programme, nous trouvons Mlle Marie-Léonie Fournier, qui mit plus de lourdeur dans l’exécution — très convenable pourtant — du morceau imposé. Mlle Fournier concourait pour la première fois. Quelque hésitation dans le déchiffrage, mais une vraiment jolie ligne, fine et spirituelle, dans le morceau au choix : Prélude en mi majeur, de Saint-Saëns. A son aise dans le « Lauda Sion », Mlle Madeleine Philippe exécuta la Fantaisie en la majeur, dans un mouvement un peu lent. Cette pièce nécessite, à tout moment, des changements de clavier et de registres, qui tendent à entraver la marche de son développement. Mais elle a de délicieux passages, l'exécution aussi.

Ce n'est pas la première fois que Mlle Annie Picavet se fait remarquer dans les concours du Conservatoire. Elle nous montre cette fois que, contrairement à l’opinion reçue, les instruments à archet et ceux à clavier ne sont pas incompatibles quand c’est une musicienne qui les pratique. Douée, travailleuse, Mlle Picavet doit nécessairement arriver. Son concours de 1930 est déjà très intéressant. Elle joue de mémoire, avec sûreté et calme, si l’on met à part une légère défaillance à la fin de la cadence, avant l’entrée du maestoso final. Avec une précoce autorité et beaucoup d’élégance, cette jeune fille joua, comme pièce au choix, le « Prélude en ré mineur » de Mendelssohn.

Mlle Colette Thiriet (dont nous avons déjà signalé l’intéressante nature au concours de piano) est une organiste de profession très appréciée dans une ville voisine. Cela lui donne pas mal d’assurance aux claviers manuels et surtout aux pédaliers ; et de plus, la familiarise avec la registration qui, chez elle, est personnelle, jusque dans le morceau de lecture — très bien en levé d'ailleurs. Correcte — assez froide peut-être — exécution de la pièce imposée. Remarquable interprétation de la « Fantaisie en ut majeur » de César Franck, prise un peu vite au début, mais terminée dans un sentiment délicieux, avec une harmonie des timbres vraiment exquise. A remarquer — chose étrange — qu’aucun concurrent n’exécuta du Bach.

Le jury ne fut pas long à rapporter son verdict. Ne s’imposait-il pas, d’ailleurs ? Premier prix à l'unanimité : M. Antoine. Il y a deux seconds prix : Mlle Thiriet, Mlle Fournier (Mlle Thiriet à l’unanimité). Premier accessit : Mlle Picavet. Deuxième accessit : Mlle Philippe. Les juges étaient : M. Bachelet, Mme Gabiano, MM. l’abbé Charpentier, Bretagne, Magin, Adrien, Hornac. »

(28 juin 1930, p. 4)

 

« artistes lorrains : m. charles magin, organiste, professeur et compositeur

Nancy, 20 août. — Nous avons éprouvé beaucoup de plaisir, il y a quelque temps, avec tous les musiciens, en voyant que M. Alfred Bachelet, directeur du Conservatoire de Nancy, avait mis au programme des concours d’orgue du Conservatoire, une pièce nouvelle de M. Charles Magin, titulaire des grandes orgues de la basilique du Sacré-Cœur, à Nancy, professeur à l’Institution des Jeunes-Aveugles.

M. Magin est une personnalité triplement intéressante : organiste du plus rare mérite, maître spécialisé dans une forme particulièrement difficile de l’enseignement artistique, enfin compositeur dont on n’a que trop peu l’occasion d’apprécier les œuvres, mais dont les paroissiens de M. le chanoine Nicolas goûtent le talent, sérieux et original, d’improvisateur.

Charles Magin est né le 29 mars 1881 à Altenstadt (Bas-Rhin). Venu en France, à Lunéville, par suite de l’annexion de l’Alsace, il perdit accidentellement l’œil droit, en 1889, ce qui le fit admettre, en décembre de cette année, à l’Institution des Aveugles de Nancy, il y fit ses études musicales de 1889 à 1898 et y obtint successivement les premiers prix de solfège, piano, orgue et harmonie. Après un stage d’un an à Paris, à l’Institution des Aveugles de la rue Lecourbe, Magin fut nommé professeur de piano, orgue et harmonie à l'Institution de Nancy, en octobre 1899.

Il ne tarda pas (en 1902) à être nommé organiste de la paroisse nouvellement créée par le chanoine Blaise. Du modeste harmonium de la chapelle provisoire, il passa à l’orgue de chœur de la basilique, enfin au grand orgue de quarante-huit jeux que la maison Didier van Caster, — dont c’est la création la meilleure — installa dans l'église bâtie sur les plans de l’architecte Rougieux.

Cependant, de 1904 à 1908, le maître Henri Hess, organiste de la Cathédrale, avait remarqué les étonnantes dispositions musicales de M. Magin. Ce dernier fut, ainsi que M. Louis Thirion, le distingué professeur au Conservatoire, un de ses disciples préférés. Il perfectionna son éducation musicale tant à l’orgue qu’au piano, lui fit pousser plus à fond ses études d’harmonie et l’initia enfin aux mystères du contrepoint. La leçon terminée, laquelle avait lieu, invariablement, le jeudi après-midi, et qui se prolongeait parfois deux ou trois heures, tellement maître et disciple y trouvaient de plaisir, M. Hess et M. Magin s’offraient le délassement d’une petite promenade qui les conduisait devant un bock à l’ancien café de la Rotonde.

Ainsi le bon M. Hess fit-il profiter de son savoir étendu, et cela de la façon la plus patriarcale, un jeune artiste ; et comme il le savait peu fortuné, jamais il n’accepta une rémunération quelconque des inappréciables services qu’il lui rendait. M. Magin, de qui nous tenons ces détails, ne peut penser sans émotion à ces instants de sa vie. Ceux qui, à Nancy, ont connu l’éminent musicien (et l’excellent chrétien) que fut M. Henri Hess, ne s’étonneront pas de ce trait émouvant et si simple de son caractère. A la mort du maître, l’orgue magnifique des frères Dupont, de Malzéville, fut offert à la Cathédrale à M. Magin. Mais il se plaisait trop au Sacré-Cœur, près de ses chers aveugles, pour ne pas rester fidèle à la basilique.

Cet artiste, si complet, on le voit, est un modeste. Pourquoi s’en étonner ? César Franck l’était bien. Il reste toujours, chez les organistes, invisibles à leur tribune, quelque chose de l’effacement et de l’anonymat monastiques. Aussi, avons-nous eu quelque peine d’obtenir de l’artiste des éclaircissements sur ses œuvres et plus encore sur lui-même. Nous ne croyons pas trahir la confiance qu’a mise en nous en les faisant connaître à nos lecteurs.

Menacé, un moment, de perdre complètement la vue, M. Magin mit à profit cette circonstance pour acquérir une parfaite connaissance de la méthode d’écriture et de lecture du système Braille. Et c’est ce qui fait qu’ayant, malgré tout, conservé les avantages du voyant, il s’est intéressé aux aveugles, et, possédant les moyens de communiquer avec eux, a été leur éducateur aussi parfait que pleinement dévoué.

Cette année, par extraordinaire, M. Magin n’avait pas d’élève concourant au Conservatoire, mais on se souvient qu’il y eut des concours en lesquels les élèves qu’il confia à M. Thirion obtinrent des succès de tout premier ordre.

Le compositeur n'est pas moins intéressant que l’exécutant et l’éducateur. Ses productions de musique vocale religieuse consistent en : une messe « Ave Regina » à deux voix égales, une messe « Salve Regina » à voix égales, une autre messe, également à quatre voix mixtes, sur des Noëls populaires ; un « Salut » et un « Ecce panis », à trois voix mixtes, un » Salve Regina » à deux voix égales, un cantique de Pâques à quatre voix mixtes, enfin un « Cantique à Sainte Jeanne d’Arc », à quatre voix mixtes. Ces œuvres ont été éditées chez Hérelle, 16, rue de l’Odéon, à Paris. Ont été publiés, d’autre part, dans la « Revue des Maîtrises » de Nantes : un « Salut » et un « Offertoire de la Dédicace », tous deux à quatre voix mixtes.

La « Petite Maîtrise », à Paris, a publié un « Ecce panis » à trois voix, un « Ave maris Stella » à deux voix égales, un « Panis angelicus » à deux voix mixtes.

Comme musique instrumentale, M., Magin a composé, pour le piano : la « Dactylo » et une mazurka (inédites). Un « Pange lingua » pour grand orgue reste également inédit. Mais la maison Biton, à Saint-Laurent-sur-Sèvre (Vendée), a fait paraître, sous sa signature : vingt-cinq pièces pour harmonium. Trois pièces pour cet instrument existent dans le recueil « Cantatibus organis », publié à Nancy par la Société anonyme d’Editions, 7, rue Gambetta.

C'est cette société (ancienne maison Dupont-Metzner) qui a aussi édité le « Lauda Sion », pour grand orgue, qui a servi, cette année, comme nous le disions au début de cet article, de morceau de concours au Conservatoire.

Qu’il nous soit permis, afin de donner une idée du talent de l’auteur, d’en esquisser ici l’analyse. 

L'oeuvre est dédiée à M. Constant Pernin, organiste de la Cathédrale, dont je voudrais bien parler aussi, un jour.

Elle débute, allegretto, par une fort élégante broderies d’arpèges, au récit, boite fermée, tout d’abord, qui laisse pressentir, en quelque sorte, mystérieusement, l’arrivée du thème du « Lauda Sion ». Celui-ci s’allie bientôt au dessin rythmique, alliance pleine de goût et de charme. Après un rallentendo, c’est l’exposition, en fa majeur, du choral, au grand orgue, très simple, pieuse, mais avec des harmonies soignées et personnelles. Apparition fragmentée du choral, s’intercalant dans les dessins du début, toujours au grand orgue, avec l’adjonction prenante des anches du récit. Petit retard qui conduit à une « cadenza ». La pédale, magistralement, commence, reliant le hors-d’œuvre (tout spécialement écrit pour le concours) avec ce qui précède par la dernière phrase entendue qu’elle répète en écho. La composition entre alors dans une phase très brillante. Virtuosité des effets manuels ; puis, dialogue avec le pédalier, lequel aboutit à un « vivo » brillant mais toujours expressif, aux ondulations curieuses, en mineur. La cadence finie, voici le choral varié proprement dit, avec son riche contrepoint et son élargissement majestueux, digne des meilleurs auteurs. Il aboutit, en ré majeur, au « fortissimo » puissant de la dernière page. Le dessin obstiné et léger du dessus, qui a si merveilleusement, nourri la polyphonie, s’incline progressivement dans 1’ « allargando », pour ne plus laisser entendre que, trois beaux accords, concluant à la dominante (et non à la tonique), effet peu commun et élément liturgique, puisque le « Lauda Sion » est une pièce du 7ème ton du plain-chant. Cette œuvre bien proportionnée, traversée d’un beau souffle d’adoration chrétienne, est certainement, par sa musicalité, de celles qui resteront.

Monsieur Magin poursuit sa carrière d'artiste et de professeur dans le bâtiment sévère et solennel de l'abbé Gridel, ainsi que dans son, calme logis de la rue de Santifontaine. Il passe à travers nos rues, effacé et discret, la boutonnière ornée du simple ruban violet et personne ne sait qu’il est aussi titulaire de la croix « Pro ecclesia et pontifice » depuis cette année.

L’audition de son « Lauda Sion », à la salle Poirel, fut, pour beaucoup, une révélation. Mais M. Alfred Bachelet se propose de faire entendre, au courant de la prochaine saison de concerts, une œuvre assez considérable de l’organiste du Sacré-Cœur, œuvre éditée par la Société anonyme de la rue Gambetta, et dédiée à Mme Bachelet.

C'est un « Stabat mater » écrit pour un chœur à quatre voix, contralto solo, flûte, quatuor à cordes et orgue. Et quand nos lecteurs l’auront entendu, ils verront que tout ce que nous, venons d’écrire sur M. Charles Magin était encore au-dessous de ce qu’il faut penser d'un artiste aussi bien doué, aussi pleinement et aussi heureusement équilibré.

R. d’A. »

(22 août 1930)

 

« la distribution de prix à l'institution des jeunes aveugles

M. le chanoine Olry […] rappelle quelques succès musicaux qui pour être extérieurs à l'Institution, n’en vont pas moins à sa gloire et montrent l’excellence de cette formation première due au savant et modeste maître Magin : Robert Barth remportant au bout d’un an de Conservatoire un premier prix d'orgue, un deuxième de piano. « Nos félicitations à l’élève et au maître, M. Thirion, le distingué professeur au Conservatoire. » Un ancien élève de l’Institution, M. Gaston Litaize, l’éminent organiste de Saint-Léon, a remporté un brillant premier prix de contrepoint et de fugue au Conservatoire de Paris. […]

Une partie récréative et musicale dont les numéros alternaient avec la proclamation des récompenses, permit d’apprécier avec quel soin, quel goût, grâce à M. Magin, les élèves de l’Institution cultivent leurs dons naturels pour l’art musical.

Au piano à quatre mains, furent interprétées : La Marche de Tannhaüser » et « La Danse de Gipsy » de Saint-Saëns. Des chœurs à deux voix de femmes, deux voix d’hommes et quatre voix mixtes réunirent des exécutants et exécutantes très disciplinés, à l’organe remarquable de justesse. Et même une petite comédie fort plaisante fut interprétée avec bonne humeur. Les aveugles sont gais, dit-on quelquefois. Et le vrai c’est qu’on en arrivait à oublier devant leur aisance en scène que c’étaient des aveugles. »

(15 juillet 1933, p. 3)

 

«  les concours du conservatoire de nancy

L'orgue : La classe d’orgue de M. Thirion, professeur n’est pas seulement très forte, une des meilleures du Conservatoire, elle est encore très utile. Dans toute la région lorraine, en effet, ne manquent pas les beaux et bons instruments. Il leur faut des instrumentistes. On peut noter, avec plaisir, que dans les églises de Nancy, la plupart des titulaires de grandes orgues ont reçu l'enseignement du Conservatoire et lui font honneur. Et chaque année un nouveau tournoi accroît la pépinière des artistes sérieux et expérimentés.
Mercredi matin, six jeunes filles affrontaient un concours exigeant, à la fois, technique sûre et complète, et intelligente musicalité. La pièce imposée était le « Concerto en ut majeur » de J.-S. Bach, pour lequel il faut du goût et des moyens, et dont tout vain brio est exclu. La lecture manuscrite était de M. Litaize, qui tint un moment, avec tant d’autorité, le grand orgue de Saint-Léon : une mélopée mineure sans altération de la sensible. Enfin comme morceaux au choix, du Bach et des œuvres, au développement assez considérable, des maîtres français contemporains : Widor, Bonnet, Vierne, le regretté Gigout.
Résumons brièvement nos impressions. Mlle Suzanne Courtois exécute son concerto assez convenablement, quelques légers accrocs mis à part. Elle ne donne pas au style un grand relief. Dans la première partie de la 5ème Symphonie de Widor, pièce importante aux effets variés, elle fait valoir un joli jeu lié, restant cependant agile sans lourdeur. Lecture assez bonne. On attendait beaucoup de Mlle Marguerite Greff, 2ème prix de l’an dernier et qui a du tempérament et de l’acquis. Cet espoir ne fut pas trompé. La jeune artiste (on peut bien lui donner ce nom) joua au mieux, c’est-à-dire avec autorité, son concerto, et, dans le final de la « Première Symphonie » de Vierne, déploya toutes les ressources d'une réelle virtuosité. La netteté de son pédalier, sur un mouvement rapide, apparut particulièrement remarquable. Les oppositions furent soulignées de façon très heureuse. La lecture fut satisfaisante.
Mlle Marthe de Hédouville, venue tard au Conservatoire et qui tient l’orgue dans la principale paroisse de Saint-Mihiel, a donné une excellente interprétation de la pièce de Bach, posée, calme, pondérée, bien dans le style du vieux maître. La « Toccata » de Gigout fut enlevée par elle franchement et nettement, avec un soupçon de lourdeur, mais dans l’ensemble assez bien. Le déchiffrage fut peut-être le meilleur de la séance.
Mlle Geneviève de Jandin, bien douée, talent qui promet, a peut-être précipité un peu la mesure du Bach, ce qui n’a pas été sans inconvénient pour la pureté de l’exécution. On la préféra dans les « Variations de concert » de Bonnet, qui furent très fouillées, élégamment et brillamment rendues, et avec une registration pittoresque, conseillée par le professeur, évidemment. Moins heureuse à la fin de la lecture à vue.
Mlle Josette Lagarde, ayant épuisé les succès permis au piano, s’attaque maintenant à l’orgue... et pas avec un morceau au choix quelconque : la « Triple Fugue et mi bémol » de J.-S. Bach. Je ne prétends pas qu’elle en tire tout ce qui peut y être contenu, mais elle fait suivre clairement le développement logique de cette pièce... On sent une musicienne à l’éducation avertie. Sa lecture, fort bonne, confirme cette impression. Le concerto imposé avait été joué calmement, sans grand éclat.
Enfin, Mlle Marguerite Rieber, dont la vision très faible lui enlève le moyen de prendre part au concours de lecture à vue, interprète honorablement le morceau imposé et se distingue dans le final de la « 3ème Sonate » de Bach par l’égalité de ses doigts sur les claviers manuels, égalité imperturbablement maintenue dans un mouvement modéré, avec le sou tien, au pédalier, d’une basse purement rythmique.
Le jury, composé de MM. Bachelet, l’abbé Charpentier, Litaize, le docteur Lamy, Fleurant, Claude, après avoir dé libéré, rapporte ce verdict où l’on se demande s’il n’y aurait pas interversion, en ce qui concerne la première récompense. Quoi qu'il en soit, le voici tel qu’il fut proclamé : 1er prix : Mlles Rieber et Greff, unanimité pour Mlle Rieber. 2ème prix : Mlles de Hédouville et de Jandin. 1er accessit : Mlles Lagarde et Courtois.

Un concours d’improvisation :
M. Robert Barth, déjà récompensé et de la plus brillante façon au piano et à l’orgue, se présente cette fois pour un concours d’improvisation à ce dernier instrument. Il doit traiter un thème donné (c’est M. Litaize qui le fournit) dans, la forme sonate. Le jeune et intéressant artiste aveugle écoute tout d’abord - ne pouvant le lire - l’exposé du thème qui lui est fait deux ou trois fois par M. Thirion. Puis il le redit une fois et c’est bien cela. Il commence aussitôt à traiter le thème sans déformations ni fioritures. Ce ne sont pas des variations, c’est plutôt une architecture sonore. Elle est modifiée avec goût et méthode ; les développements sont de proportions heureuses, l’harmonie est moderne sans excès ; la forme canonique, à un moment, est bien dans le caractère de l’orgue.
Comment sanctionner par une récompense semblable épreuve ? C’est bien ou non, et il nous semble que c’est bien Le jury, lui, trouve que c’est probablement « assez bien », car il accorde à M. Barth un premier accessit... Il veut, sans doute, avoir- encore le plaisir de l'entendre l'an prochain.

La harpe :
Le jury comprenait MM. Bachelet, Litaize, Magin, le docteur Lamy, Claude Fleurant, Homac. »
(22 juin 1934, p. 4)

«  a la basilique du sacré-cœur

Les belles orgues tenues par le maître Ch. Magin sortent enfin de leur long sommeil d’après-guerre.
Nous avons annoncé que la réfection des grandes orgues de la basilique du Sacré-Cœur était terminée et que ce travail, rendu nécessaire par les dommages causés par la guerre, faisait honneur aux frères Huguin de Nancy.
C’est là un événement dont il faut se réjouir, car l’instrument, le meilleur qui soit sorti des ateliers nancéiens de Didier Van Caster, est très complet, puissant et moelleux à la fois, et comportant des harmonisations de jeux bien différenciées et intéressantes.
Très heureux de pouvoir à nouveau faire résonner l’orgue dont près de la moitié des registres était devenue muette jusqu’à ce jour, M. Ch. Magin, professeur à l’Institution des aveugles, excellent musicien, compositeur de race et de valeur, en a profité pour donner à chacun des offices de dimanche un véritable concert. Les programmes comprenaient de très belles pièces de Mendelssohn, César Franck, Guy Ropartz, Ch.-M. Widor, Boëllmann, Büsser, qui reçurent une interprétation magnifique de style, parfaite comme technique et comme virtuosité. Mais si M. Magin joua notamment la si connue et brillante « Toccata » de Widor dans un mouvement splendide et avec des élargissements au pédalier vraiment grandioses, il montra aussi quel sens religieux il avait de l’orgue.
Son pieux « Choral », sa méditative prière de 1’ « Ave Maris Stella » étaient d’une convenance parfaite avec les cérémonies rituelles. Et c’était également l’illustration par les sons de la parole éloquente de M. l’abbé Denis, chevalier de la Légion d’honneur, distingué directeur au Grand Séminaire de Bosserville, lequel fut vicaire en la paroisse du Sacré-Cœur. M. l’abbé Denis rappela les fêtes qui marquèrent en 1907 (le regreté chanoine Blaise étant curé), l’inauguration des orgues sous les doigts du maître Widor. Il constata avec satisfaction, que sous la direction active de M. le chanoine Nicolas, la paroisse se plaisait à organiser toujours de remarquables fêtes religieuses. Enfin il expliqua, de façon souvent émouvante, comment, dans l’Eglise, la voix des orgues, touchées par un artiste, se faisait l’écho de la voix même du Christ consolateur, comment elle s'associait aux heures joyeuses, ou graves, ou douloureuses, de la vie du chrétien.
Une vente de charité eut lieu le même jour dans la salle des catéchismes. Elle fut fort suivie et l’on ne quitta pas non plus la basilique sans emporter avec soi les roses bénites du Rosaire qu'offraient à la foule de gracieuses vendeuses. L. M. »
(8 octobre 1934, p. 2)

«  la passion à nancy

Dans la seconde partie, celle de l’après-midi, la partition s’enrichit de pages nouvelles toutes deux dues à M. Magin, le maître organiste de la basilique du Sacré-Cœur, professeur de l’Institution des Aveugles, et dont M. Alfred Bachelet a joué l’an dernier un beau « Stabat mater » dans l’un des concerts du Conservatoire. L’une de ces pages est un hymne de Pâques qui résonne, puissant et nourri, aux voix et enrichi de sonneries de cuivres au dernier tableau de la « Passion ».
L’autre, écrite tout spécialement pour la « Passion » de Nancy, sert d’ouverture à la séance de l’après-midi. Elle est bâtie sur deux thèmes, le premier véhément et vigoureux, figurant la foule des Juifs s’écriant ; « Tolle, crucifige !» ; le second, calme, doux est rempli de tristesse, annoncé par quelques mesures confiées au cor anglais paraphrasant le texte du Vexilla regis... O crux ave. L’œuvre est émouvante par elle-même, mais elle est surtout extrêmement bien appropriée à l’action qu’elle fait pressentir. »
(12 juin 1935, p. 3)

«  les concours du conservatoire

L'orgue : La classe d’orgue du Conservatoire mérite son enviable réputation. Depuis longtemps déjà, M. Louis Thirion y forme des instrumentistes de valeur qui, dans Nancy et toute la région lorraine, se répandent, se font entendre et apprécier.
Lundi, à 9 heures, la séance commença par un beau concours d’exécution. La pièce imposée était la « Fugue en sol mineur », du maître Marcel Dupré, qui possède le don assez rare de réunir en son écriture, la musicalité et les difficultés techniques. Un morceau au choix complétait l’épreuve.
Celle-ci devait être assez difficile à juger, car c’est précisément la première concurrente, Mlle Suzanne Courtois, qui fut la plus brillante et qui risquait d'éclipser les autres. Beaucoup d’autorité, jeu aisé, d’une articulation parfaite. Interprétation compréhensive et irréprochable de la « Fugue », de Dupré, puis ensuite la deuxième des Fugues composées par Schumann sur le nom de Bach. Du brio, de l'éclat ; fin très majestueuse.
M. Paul Dracacci et Mlle Helene Hodot, jeunes aveugles tous deux, concouraient pour la première fois. Le premier montra quelques hésitations dans les attaques, imputables sans doute à son défaut de vision. Jeu posé, bien dans le style de l’orgue. Quelque monotonie dans le Final de la « 1ère Symphonie » de Vierne, dont ne se différenciaient peut-être pas suffisamment les thèmes.
Mlle Hodot montra assez de délicatesse et de sentiment musical dans l'Allégretto de la Fantaisie en ut, de Franck. Manque encore un peu de métier. La Fugue correcte mais prise trop lente, ce qui lui donna une couleur plutôt grise et triste.
Mlle Geneviève de Jandin, elle, au contraire, l’a exécutée dans un mouvement vigoureusement enlevé. Netteté, clarté de l’interprétation ; la fugue vraiment courait et se développait dans sa pure logique. La 1ère partie de la Symphonie de Widor, amorcée sur un mæstoso splendide et continuée, tant au pédalier qu’aux claviers manuels, avec cet ensemble, si difficile à obtenir, de qualités qui révèle les bonnes organistes.
Un peu troublée par d’intermittentes défaillances de mémoire, Mlle Josette Lagarde n’en a pas moins fourni un intéressant concours. Quelques beaux effets de pédales. Mécanisme soigné et naturelle distinction musicale.
M. Robert Barth, organiste aveugle de la paroisse Saint-Léon, concourait seul pour l’improvisation. Un thème en écriture Braille lui fut donné par M. Magin. Il offrait cette particularité que sa tonalité, à dessein indécise, pouvait être prise en la majeur avec modulation en fa dièse mineur ou avoir pour base la tonalité mineure. C’est cette dernière conception qui fut celle de M. Barth. Après une introduction d’une harmonie plutôt franckiste, le majeur fit son apparition au timbre nasal d’un cornet, puis s’échappa dans le style fugué avec retour au mineur en rêveuse de demi-teinte, le chant au pédalier.
Bien entendu, ce n’est là qu’une analyse très squelettique de l’épreuve, dont les développements parurent ingénieux et agréables, mais dont le défaut à mon avis, consistait en un manque d’unité de style.

Palmarès :
Le jury qui, avec M. Alfred Bachelet, était composé de MM. V. Adrien, Pierre Bretagne, l’abbé Charpentier. Joly, Mûrier et Roux, a rendu le verdict suivant — pas tout à fait, à mon sens, assez généreux pour Mlle de Jandin : 1er prix à l’unanimité : Mlle Suzanne Courtois. 1er prix : Mlle Geneviève de Jandin. 2e prix à l’unanimité : Mlle Josette Lagarde. Pas de premier accessit. 2è accessit : M. Pol Dracacci et Mlle Hélène Hodot.

La harpe :
Jury composé de MM. Bachelet, Adrien, Bretagne, Joly, Claude, Magin, Roux. »
(19 juin 1935, p. 4)

«  nancy - a la mémoire des lorrains morts pour la patrie

Comme chaque année, en souvenir de sa visite à l’Ossuaire de Douaumont, la Société Alsace et Lorraine fera célébrer une messe à la mémoire des morts de la guerre et des membres actifs et honoraires de la Société Alsace et Lorraine décédés.
Cette cérémonie aura lieu le dimanche 26 avril, à 11 heures très précises, en la basilique du Sacré-Cœur. […]
voici le programme musical, qui se a exécuté au cours de l’office : 1. Toccata (L. Boëllmann) Entrée pour orgue, M. Magin, organiste de la basilique. — 2. Dans la nef sacrée (M Fesse) Orchestre. — 3. Allocution par M. le chanoine Gélinet, secrétaire général de l’évêché. — 4. Adagio (Gounod). Orchestre — 5. Psaume XCII (P. Bretagne) Chœurs mixtes à 4 voix. — 6. Ave Maria pour violoncelle (Schubert) Soliste : M René Marchandot, 2e prix du Conservatoire. — 7. Libera me Domine. Chœurs mixtes (Chérion), Soliste : M. René Vautrin, 1er prix du Conservatoire. 8. Grand chœur en ut (A. Chauvet). Sortie pour orgue, M. Magin. »
(19 avril 1936, p. 3)

«  les concours du conservatoire

Le concours d'improvisation
M. Robert Barth, le distingué titulaire des grandes orgues de Saint-Léon IX, concourait pour 1’improvisation libre sur un thème donné ». Bien que ne pouvant le lire, puisqu'il est privé de la vue, il se l’assimila de façon très heureuse, le développa avec, au début, de jolis effets de timbres variés, pour aboutir à un crescendo magnifique et en rhabillant d’harmonies rares d’une remarquable somptuosité moderne.
A l’unanimité le sympathique artiste obtint le premier prix d’improvisation.
Au Jury avec M. Alfred Bachelet, MM. Le chanoine Charpentier, Magin, Roux, Capon et Hornac. »
(20 juin 1936, p. 4)

«  au théâtre de la passion

Comme nous l’avions réclamé, un chœur, final et triomphai, résonna avant le baisser définitif du rideau. Il est tiré de la « Jeanne d’Arc » de Widor et M. l’abbé Langlais le dirige magistralement.
Enfin, très heureuse innovation, on a placé un intermède musical d’orchestre avant les dernières scènes, celles si douloureuses de Jeanne prisonnière.
C’est une pastorale due au talent délicat de M. Magin, organiste de la basilique du Sacré-Cœur à Nancy et professeur à l'institution des Jeunes Aveugles. Jeanne, imagine l'artiste, songe à son enfance heureuse, en son village de Domrémy. Le thème charmant qu'a mis en œuvre le musicien est exposé dans un mode archaïque, sans altération de la sensible. C’est une trouvaille et cet interlude est vraiment délicieux. »
(24 août 1936, p. 3)

«  la distribution des prix à l'institution des jeunes aveugles de nancy

Après quelques morceaux de piano, enlevés avec art par de très bon élèves, des chœurs exécutés par les jeunes gens et les jeunes filles de l’Institution, sous l’habile direction de M. Magin, M. Barth, ancien élève, donna à l’auditoire une audition pleine de nuances qui fit crépiter les applaudissements. […]
« L’épreuve, continua l'orateur, vous a tous assez visités pour vous donner la sensibilité qui fait vibrer. Ce n'est pas une flatterie. Les grandes paroisses de la ville, le Sacré-Cœur, Saint-Fiacre, Saint-Léon, Saint-Epvre, Bonsecours, les nombreux doyennés et paroisses du diocèse s’enorgueillissent de posséder des maîtres formés par un « maître » qu’un accident malheureux amenait ici-même, il y a juste cinquante ans, M Magin. »
(22 juillet 1939, p. 4)

Collecte : Olivier Geoffroy
(mars et novembre 2022)


Catalogue simplifié des oeuvres de Charles Magin

 

Oeuvres pour orgue avec pédale obligée

Lauda Sion, Nancy, SAEM, 1930, nouv. éd. en 1947.

Pange lingua, Nancy, SAEM, 1930.

Choral en sol dièse mineur, Nancy, SAEM, 1932.

Ubi caritas, Nancy, SAEM, 1945.

Jeanne d’Arc, suite symphonique pour grand orgue, inédite, enregistrée à la SACEM le 21 septembre 1951.

Choral en fa, " l’âme croyante et joyeuse ", inédit, enregistré à la SACEM le 17 septembre 1954.

Trois Elévations, Recueil L’Organiste jubilaire (1934-1959), éditions L’Organiste, 1959.

Six Pièces brèves et faciles, inédites, [1964].

Pie Pelicane, L’Organiste, nouvelle série, n° 6.

Canzonetta pour grand orgue, inédite.

Choral en fa, inédit.

La Maison de Nazareth, pièce inédite, manuscrit perdu.

 

 

Oeuvres pour harmonium ou orgue sans pédale obligée

Archives de l'Organiste catholique,  n° 11, novembre 1905
Offertoire pour orgue (premières mesures), Charles Magin
Offertoire pour orgue (couverture et premières mesures), Charles Magin, in Archives de l'Organiste catholique, n° 11,
novembre 1905, Procure générale de musique religieuse
( coll. Max Méreaux )
Fichier MP3 fichier audio par Max Méreaux

Offertoire solennel en ut majeur, Archives de l’Organiste, 8ème année, n° 2, p. 12-14, Arras, Procure générale de musique religieuse, 1906.

Louons le Dieu Sauveur, vingt-cinq pièces en style libre [quatre séries], Selecta Opera, n° 23, Saint-Laurent-sur-Sèvre, Biton, 1924 et 1929.

Lied, La Revue des maîtrises, série VII, n° 3-4, p. 43-46, 1926.

Office funèbre, cinq pièces en style libre, Selecta Opera, n° 24, Saint-Laurent-sur-Sèvre, Biton, 1927.

Trois pièces (Mélodie, Cantabile, Sortie), Cantantibus organis, Nancy, SAEM, 1928.

Pastorale, Revue Sainte-Cécile, supplément Les Feuillets de l’organiste, n° 75, Paris, Procure générale de musique religieuse, 1930.

Ave Maria, pièces pour harmonium ou orgue sans pédale sur des chants populaires à la Sainte-Vierge (première série), Nancy, SAEM, 1931.

Deux Pièces funèbres (Absoute, Elégie), L’Organiste n° 6-7, 1937.

Cantilène pastorale, L’Organiste, n° 6-7, 1937.

Trois pièces pour les solennités de saint Joseph, L’Organiste, septième année, n° 2 et n°3, novembre et décembre 1940.

Ave Maria, pièces pour harmonium ou orgue sans pédale sur des chants populaires à la Sainte-Vierge (deuxième série), Nancy, SAEM, 1943.

Qu’ils reposent en paix ", prière pour harmonium ou orgue, L’Organiste, n° 5, mai 1946.

Noël, les bergers accourent joyeux à la crèche, L’Organiste, n° 5, mai 1946.

Lauda Jerusalem, L’Organiste, n° 8, octobre 1946.

Deux pièces liturgiques pour la fête-Dieu, L’Organiste, nouvelle série, n° 2, mai 1952.

Le Jeune Organiste, quarante pièces graduées pour harmonium, Nancy, SAEM, 1954.

Deux Elévations, L’Organiste, nouvelle série, n° 36, 1960.

Trente pièces mélodiques pour orgue ou harmonium, Nancy, SAEM, [1963] .

 

 

Oeuvres pour orchestre ou formation instrumentale importante

Jeanne d’Arc prisonnière, pour orchestre, piano et orgue, pièce inédite, donnée en première audition à la Salle Poirel de Nancy le dimanche 8 novembre 1942 sous la direction d’Alfred Bachelet, directeur du Conservatoire.

 

 

Oeuvres pour piano

La Dactylo, inédite, manuscrit perdu.

Mazurka, inédite, manuscrit perdu.

 

 

Oeuvres vocales

Motets latins [VM = voix mixtes, VE = voix égales]

Ave Maria, soprano, orgue et violon, Nancy, SAEM, 1908.

O Salutaris, 4 VM et org., Revue des maîtrises, n° 37, juillet 1922.

Ave Maris Stella, 4 VM et org., Revue des maîtrises, n° 37, juillet 1922.

Tantum ergo, 4 VM et org., Revue des maîtrises, n° 37, juillet 1922.

Offertoire de la Dédicace des églises, 4 VM et org., Revue des maîtrises, n° 38, 1923.

Maria Mater gratiae, 3 VM et org., La Grande Maîtrise, n° 15, Paris, Combre-Hérelle, juillet 1927.

Stabat Mater, Nancy, choeur et orchestre, SAEM, 1930.

Da pacem Domine, 2 VE et org., in : recueil HEMMERLE (Joseph), Recueil de motifs pour le Saint-Sacrement, Nancy, SAEM, 1932.

Pie Jesu, 4 VM et org., Nancy, SAEM, 1939.

Et incarnatus est (polyphonie pour le Credo III), 4 VM, in : recueil KALTNECKER (Chanoine Maurice), Chants français et latins, n° 176, p. 276-77, Nancy, SAEM, 1945

Ave verum, 3 VM, inédit.

Ecce Panis, 3 VM, inédit.

Monstra te esse Matrem, choeur et org., pièce inédite.

Panis angelicus, 2 VM et org., inédit.

Salve Regina, 2 VE et org., La Musique d’église, série II, n°43, Paris, Hérelle ; rééd. Paris, Combre, s.d.

Sub tuum praesidium, 3 VM, Paris, Combre, s.d.

Tantum ergo du premier mode grégorien, 2 Vx et org., La Grande maîtrise, n° 51, Paris, Hérelle, s.d.

 

Messes

Messe du Sacré-Coeur, inédite, manuscrit perdu, écrite avant (ou en) 1908.

Messe " Venite adoremus ", 4 VM et org., Nancy, SAEM, 1945.

Messe " Ave Regina caelorum ", 4 VM et org., Anthologia sacra, série II, n° 20, Paris, Hérelle, s.d.

Messe sur des Noëls populaires, 4 VM et org., inédite, s.d.

Messe de la Trinité, inédite, perdue, [1952].

 

Cantates en français

Cantate du Cinquantenaire de l’Institution des Jeunes Aveugles de Nancy, choeur et orgue, inédite, perdue, écrite en 1902.

Cantate pour les vingt-cinq ans de sacerdoce du chanoine Henri Blaise, voix d’hommes, perdue, créée le 7 juillet 1912 à la Basilique du Sacré-Coeur de Nancy.

La Croix, choeur et orchestre, inédite, donnée en première audition à la Salle Poirel de Nancy le dimanche 8 novembre 1942 par la chorale Saint-Joseph, sous la direction de l’abbé Pierre Timmermans.

 

Cantiques en français

Il est à noter que pour tous les cantiques contenus dans le recueil Chants français et latins du Chanoine Maurice Kaltnecker, des accompagnements d’orgue ont été écrits par Charles Magin et édités dans le recueil suivant : KALTNECKER (Chanoine Maurice), Accompagnement des Chants français et latins, Nancy, SAEM, 1949.

La Charité, 4 VM et org., Nancy, Coulé, 1909.

Cantique à la bienheureuse Marguerite-Marie (" Soyez bénie, heureuse confidente "), voix de femmes à l’unisson, perdu, 1909.

Cantique à Sainte Gertrude, VM, perdu, 1912.

Mère de Dieu que j’appelle ma Mère, unisson, recueil : TOURTE (Ferdinand) et VALOIS (Jean de), Cantiques rythmés anciens et modernes, Paris, Procure, 1921.

Deux cantiques au Sacré-Coeur (Bonté suprême, O Coeur sacré), Musique d’église, série I, n° 52, Paris, Hérelle, s.d.

Les cantiques suivants sont contenus dans le recueil : KALTNECKER (Chanoine Maurice), Accompagnement des Chants français et latins, Nancy, SAEM, 1949 :

Aux Jours des éternelles fêtes, Empressons-nous, Je vous salue ô Reine, O Blanche Hostie, O Marie écoutez, Pâques, Laissez venir (cantique des Coeurs Vaillants), Qu’ils sont aimés, Simple et Pieuse Pastourelle, Vous êtes toute belle,

Olivier Geoffroy


Nancy, Institut des Jeunes Aveugles
Nancy, Institut des Jeunes Aveugles au début du XXe siècle
( coll. O. Geoffroy )

Charles Magin au piano (à gauche) à l'Institut des Jeunes Aveugles de Nancy
Charles Magin au piano (à gauche) à l'Institut des Jeunes Aveugles de Nancy, vers 1905
( coll. O. Geoffroy )

 


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