Mélodies populaires et harmonisation modale et par le chant

Les mélodies de chansons populaires de nos régions de France sont souvent modales. Plusieurs compositeurs du XXè siècle ont collecté ces pièces issues du folklore et les ont arrangées pour les faire adhérer à leurs harmonies. A l’étranger, on pense, bien sûr, à Béla Bartok (1881-1945), dont l’œuvre est directement inspirée des thèmes hongrois :

" Après d’excellentes études au Conservatoire de Budapest, il entreprit avec son ami Zoltan Kodaly, une étude approfondie, scientifique, des vrais folklores de Hongrie, de Slovaquie et de Roumanie. Pour ce faire, les deux musiciens parcoururent les villages afin de recueillir auprès des paysans, sur des appareils enregistreurs à cylindres, leurs plus vieilles chansons. De ces expéditions, ils devaient rapporter plus de 16 000 cylindres, que chacun d’eux utilisa de son côté dans ses propres compositions " [La Musique, les hommes, les instruments, les œuvres, sous la direction de Norbert Dufourcq, Paris, Larousse, 1965, vol. II, p. 231]

Bartok invente un nouveau langage afin d’utiliser ces éléments mélodiques :

" Il faut d’abord libérer la musique du système tonal majeur-mineur ; étranger à la musique populaire primitive. Pour cela, Bartok fait appel aux modes les plus anciens, dont le premier, la gamme pentatonique, lui permet d’émanciper quartes et quintes de longs siècles d’esclavage harmonique. Mais la richesse modale de l’art populaire dépasse même les vieux modes d’église, et présente une gamme aussi étrange que colorée, l’octave " acoustique ", avec tierce et sixte majeures, septième mineure et quarte augmentée. Celle-ci, la quarte " lydienne ", deviendra le signe distinctif du langage bartokien et la base de son système d’ " axes " harmoniques. " [Ibid., p. 232]

En France, Joseph Canteloube (1879-1957) remettra à l’honneur les mélodies traditionnelles des chants d’Auvergne qu’il publie en cinq recueils entre 1923 et 1955. Le " Barde d’Auvergne " écrira pour chacun une orchestration proche de leur caractère naïf et dont les sonorités parfois crues évoquent les instruments populaires des provinces.

Maurice Emmanuel (1862-1938), éminent musicologue, grand connaisseur des modes anciens et titulaire d’une charge de professeur d’histoire de la musique au Conservatoire de Paris (1907-1936) s’est attaché, quant à lui, aux chansons bourguignonnes.

On peut noter également l’intérêt des travaux d’harmonisation de chants populaires de Vincent d’Indy (1851-1931) et César Geoffray (1901-1972).

Conserver la saveur d’une mélodie populaire en l’harmonisant nécessite de maîtriser toute une gamme de couleurs. Les mélodies modales entraînent généralement des cadences sans sensible et tierce picarde, d’un effet archaïque :

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On peut, plus facilement encore que dans le cadre d’une harmonisation tonale, utiliser les ressources du chromatisme sans craindre une trop grande richesse, ainsi que le montre l’exemple suivant, tiré d’une mélodie célèbre qui emploie les notes de la gamme pentatonique :

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Enfin, l’harmonisation par le chant telle que la définissait Jacques Chailley dans son Traité d’harmonie au clavier (Paris, Choudens, 1977) peut se combiner au traitement modal et au contrepoint dans le but d’atteindre l’équilibre entre les différents paramètres de l’accompagnement. En voici une illustration avec le chant Automne de Francine Cockenpot (1918-2001) dont les paroles " Colchiques dans les prés " furent chantées par des millions d’écoliers :

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Olivier Geoffroy

 


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