L'accueil fait aux « messes rythmées » peu après Vatican II :
petite revue de presse


 

 

 

« Depuis quelque temps, l'Eglise de Hollande a la fièvre. Dans certaines paroisses, les chants « yé-yé » ont remplacé le chant grégorien, la guitare et le banjo ont fait taire les orgues.

« La messe est devenue pour nous un happening ! », ont prononcé gravement deux jeunes catholiques invités à participer à une messe rythmée, la « Beat messe ».

Or le jazz, a fait remarquer le RP. Bugnini, n'est pas encore suffisamment spirituel pour être joué pendant la messe d'où tout ce qui est profane et mondain doit être exclus. »

(Paris Presse, L'Intransigeant, 6 janvier 1967, p. 2)

 

« Messe en jazz télévisée contestée hier.

Messe télévisée insolite et contestée, hier matin. Au cours de l'émission « Le Jour du Seigneur », sur la première chaîne, une messe en jazz était retransmise en direct depuis l'église Saint-Eloi, dans le XIIème. A la fin du sermon, soudain, au fond de l'église jaillit le Credo chanté en latin par quelques chrétiens contestataires (conservateurs).

Des hou-hou s'élevèrent dans l'assistance et les contestataires n'hésitèrent pas ensuite à interrompre une dernière fois le prêtre qui célébrait la consécration pour entonner un chant latin à la gloire de l'eucharistie. A l'issue de la messe, le père Dagonet, l'un des responsables de l'émission, précisa que si plusieurs dimanches de suite des messes rythmées avaient été célébrées, leur intention n'était pas d'en abuser. »

(Paris Presse, L'Intransigeant, 14 janvier 1969, p. 20)

 

« La colère de l'organiste de Saint-Etienne-du-Mont. Il envisage de porter plainte contre le vicaire qui l'a chassé de l'église au cours d'une messe « rythmée ».

En assignant, comme il a manifesté l'intention de le faire le premier vicaire de l'église Saint-Etienne-du-Mont en justice pour injure publique, M. Maurice Duruflé, organiste titulaire de Saint-Etienne-du-Mont, risque d'être sanctionné par l'évêché. Cette sanction peut aller jusqu'à l'excommunication.

Le Canon 120 stipule en effet qu'il est interdit d'assigner en justice un ecclésiastique.

L'incident qui oppose M. Maurice Duruflé, organiste depuis 30 ans de Saint-Etienne-du-Mont à M. Masclaphier, premier vicaire depuis 4 ans dans cette même église s'est déroulé dimanche matin et n'a pas duré plus de quelques minutes.

Dimanche à 9h45, une « messe en rythme » avait lieu dans la « chapelle du catéchisme », attenante à l'église. Cette messe composée par le père Debaisieux, intitulée « Joie de ma jeunesse » et qui est agréée par la Commission de musique sacrée avait été annoncée publiquement par voie d'affichages et à chaque messe.

Créée il y a plus de deux ans, interprétée dans de nombreuses églises, elle l'avait été, entre autres, l'année dernière en l'église Saint-Etienne-du-Mont. Ce dimanche-là, le 19 mai, c'est Madame Duruflé, elle-même, qui l'accompagnait à l'orgue.

Dimanche dernier, la messe était jouée par un orchestre composé d'un orgue électrique, d'un saxophone et d'une batterie. L'abbé Valentin dirigeait le chant. Le curé Desrumeaux, de Saint-Etienne-du-Mont, disait la messe.

« Cette messe étant publique, nous a dit M. Maurice Duruflé, j'étais venu l'écouter en compagnie de ma femme. En fait de musique dite « rythmée », il s'agissait de musique de jazz. Devant ce spectacle, ma femme a reçu un choc et elle a fait aussitôt une dépression nerveuse. Elle a eu une crise de larmes.

En gênant le moins possible l'audition de la messe, j'ai accompagné ma femme à l'extérieur de la chapelle, dans le couloir de la sacristie. C'est au moment où je désirais entrer de nouveau dans la chapelle pour assister à la fin de la messe que le premier vicaire est intervenu.

Il m'en a interdit l'accès. Il l'a fait brutalement, me repoussant dans le couloir, puis finalement, me rejetant hors de l'église. Pour cela, il m'avait agrippé au veston et j'ai bien cru, un moment, qu'il allait me gifler.

Pour motiver son attitude, il m'a déclaré : « C'est une messe privée, vous n'avez pas le droit d'y aller ». Cet argument était faux, je le lui ai dit. Il n'a rien voulu entendre, bien au contraire, puisqu'il m'a traité à haute voix deux fois et devant témoin de « voyou ».

C'est pour empêcher que M. Duruflé ne fasse du scandale et ne trouble la messe que M. Masclaphier lui a interdit l'accès de la chapelle, nous a-t-on déclaré, à l'église Saint-Etienne-du-Mont. La dépression de sa femme l'avait profondément énervé et ce n'est pas du tout certain qu'il désirait entrer dans la chapelle simplement pour entendre, calmement, la fin de la messe. C'est en tout cas ce qu'a dû penser M. Masclaphier chargé en la circonstance de jouer au « vicaire musclé » et d'assurer l'ordre. »

(Paris Presse, L'Intransigeant, 14 mars 1969, np)

 

« Messes en jazz.

Ces Spirituals, on a beaucoup dit qu'ils avaient fait une entrée bruyante dans les églises européennes. On a énormément parlé des messes en jazz sous le mode enthousiaste ou scandalisé. En fait, pour reprendre l'heureuse expression d'Henri Sauguet, il ne s'agissait que de « formations instrumentales abusivement dénommées « jazz », qui n'en avaient ni le sytle ni la noble authenticité. » Le jazz, art tout d'exécution, ne réside pas dans les textes mais dans leur interprétation. Faute d'interprètes, ce n'est pas le jazz qui est entré dans les églises françaises, ce n'en est qu'une contrefaçon.

A Rome, en revanche, on a pu entendre en mars 1969, dans la chapelle du séminaire latino-américain, une messe composée par la célèbre pianiste Mary-Lou Williams, messe imprégnée de l'esprit du jazz et offrant tous les caractères de la musique sacrée. »

(Journal de l'année, Paris, 1969, p. 370)

 

« On se querelle beaucoup à propos de messes en jazz ou d'églises-blockhaus. La bataille entre adversaires et partisans d'inédit en liturgie comme en architecture ne se joue pas, en fait, entre des forces vraiment conservatrices et une volonté de renouveau : elle est le conflit de deux modernités, l'une médiocre et prétentieuse, satisfaisant collectivités et organismes ecclésiastiques, l'autre représentant les plus hautes valeurs d'expression de notre temps illustrées par les maîtres. »

(La Maison-Dieu, Paris, Le Cerf, n° 103, juillet 1970, [p. 184])

 

« Chant liturgique et amateurisme.

Dans le domaine du chant liturgique, l'Eglise semble se contenter d'amateurisme. Dans Avis des hommes de l'Art, Informations Catholiques Internationales cite Marcel Frémiot : « Je suis désespéré de voir que l'Eglise suit toujours en musique la mode la plus facile. A tout coup. Les responsables ont résolument opté pour les sous-produits, les sous-négro-spirituals et les sous-grégoriens. » Et Olivier Alain : « Depuis le siècle dernier, c'est de plus en plus mauvais ; aujourd'hui, au mot participation on est prêt à sacrifier n'importe quelle valeur. L'Eglise ne comprend pas que n'importe qui ne peut pas faire de musique ; c'est une question de métier. » (I.C.I., août 1970, p. 27.) La même revue dans le même numéro, parle de pseudo-grégorien que, chaque dimanche, des millions de Français chantent avec « Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus. », « Nous rendons grâce à Dieu », « pour ne pas parler, dit l'auteur de l'article, de l'inqualifiable musique du Notre Père. » (I.C.I., id., p. 22.) Et, « tout aussi pitoyable que le pseudo-grégorien, le pseudo-jazz », dont John Littleton n'hésite pas à dire : « Les jeunes prennent pour du jazz n'importe quelle musique rythmée. » « Il ne s'agit nullement, ajoute l'auteur, de condamner les messes rythmées, mais de reconnaître qu'elles ont besoin d'être soutenues par une véritable musique. (I.C.I., id., p. 23-24.)

(La Maison-Dieu, Paris, Le Cerf, n° 108, octobre 1974, p. 113)

 

« La logique du marché

C'est la logique des années fastes. Elle vient de la fin des années 1960 et du début des années 1970 ; son héritage est maintenant trop lourd à porter, mais elle n'est pas morte pour autant. Je caractériserais cette logique par la dynamique bien connue de l'offre et de la demande. […]

Demande et offre ont aussi suscité des célébrations qui revêtaient un caractère particulier. Pour les jeunes, des messes rythmées ; pour les familles avec de jeunes enfants, des célébrations adaptées ; pour les amateurs de musique classique, des messes concerts ; pour les friands de vedettes, des messes plus personnalisées, à la manière des assemblées de preachers américains. C'est aussi la tendance à profiter de multiples occasions pour proposer une célébration spéciale : pour les fiancés, pour les anniversaires de mariage, pour les nouveaux baptisés ou les défunts de l'année, pour le passage de l'école primaire à l'école secondaire, pour la venue à l'âge de la majorité légale. L'idée maîtresse était d'aller chercher la clientèle la plus large possible et, bien sûr, de fournir une occasion d'évangélisation de toute la vie. »

(La Maison-Dieu, Paris, Le Cerf, n° 229, janvier 2002, p. 90-91)

 

Documentation rassemblée par Olivier Geoffroy

(août 2020)

 

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