FACTEURS - FABRICANTS DE PIANOS à NANCY entre 1800 et 1936
ELEMENTS BIOGRAPHIQUES


 

Comme l’ont montré les investigations de Lieve Verbeeck (1), la facture française de pianos était, au 19° siècle, fortement implantée à Paris. La province n’a cependant pas démérité car de nombreuses manufactures ou ateliers artisanaux s’y sont aussi développés. Peu de nancéiens ne se souviennent sans doute que Nancy a été du début du 19° siècle jusqu’aux abords de la 2° guerre mondiale une petite capitale en facture de pianos-forte et de pianos. Cette ville pouvait, en effet, se prévaloir de l’existence deux importantes manufactures de pianos qui se sont imposées au-delà de la Lorraine, sur les territoires national et international : la manufacture Mangeot-Frères et Cie et la manufacture J. Staub. Cette dernière en a été le fleuron pendant des décennies surtout après 1880 et jusqu’à sa fermeture en 1936.

Cette maison renommée et appréciée pour la qualité de ses instruments, a eu des précurseurs directs avec le facteur de piano-forte et pianos et d’instruments Georges Louis Warnecke, puis Jean Joseph Staub, gendre de Warnecke, et plus modestement Joseph Stezle dont le nom semble artisanalement indissociable, au moins dans les débuts, de celui de Warnecke, l’un et l’autre pouvant être considérés comme les principaux initiateurs de la facture de pianos et d’instruments à cordes pincées à Nancy après 1800.

Alors que les Mangeot sont d’origine lorraine, Warnecke et Staub sont des immigrés l’un allemand, l’autre suisse, ayant fait souche à Nancy où ils ont valorisé leurs talents d’artisans autant que d’artistes, talents qu’ils n’auraient peut-être pas pu développer dans leur pays d’origine. Ce rayonnement en facture de pianos est donc en grande partie dû à des acteurs d’origine étrangère, comme d’ailleurs dans d’autres villes de France et Paris en particulier.

A côté de ces deux grandes manufactures, quelques autres fabricants de pianos, moins renommés et à production plus artisanale, ont travaillé à Nancy entre 1850 et 1914 : Claude Foltz, Camille Metzner successeur de Jean Baptiste Frantz, Joseph Keiser et Jules Barthélemy (1, 2).

 

Les STEZLE

La présence de la famille Stezle en Lorraine remonte aux années 1760-1765 avec l’arrivée à Lay-Saint-Christophe de Mathias Stezle (orthographe francisée de Stoetzle ou Stoezle), père de Joseph, originaire de « Hofwyr » (Hofweier à 5-7km au S., S.-W. d’Offenburg dans le Grand-Duché de Bade) où il est né ca 1728, fils de Joseph Stoetzle et Marianne Damin. Exerçant le métier de vigneron, Mathias Stezle épouse, le 25.4.1766 à Lay-Saint-Christophe, Françoise Marie Anne Hyacinthe Thomas, née le 18.8.1742 en ce village, fille de Pierre Thomas et Anne Eumont (3). Ce couple a eu plusieurs enfants, tous nés à Lay-Saint-Christophe (3) :

- Joseph né le 17.1.1767 et baptisé le lendemain ;

- Anne née et baptisée le 20.8.1772 ; décédée le 23.2.1848 à Nancy ;

- Marguerite née en mai 1773, décédée le 9.8.1774 à Lay-Saint-Christophe ;

- François né le 22.10.1778 et baptisé le lendemain. Après quelques années passées à Eilenburg (Saxe), il est revenu s’établir, peu avant 1818, comme horloger à Sampigny, puis à Commercy. Il est décédé le 8.6.1858 à Nancy au 7 rue Stanislas, trois mois après le décès de son épouse Dorothée Frederike Michaelis (1788 Leipzig – 16.3.1858 Commercy) (8) ;

- Georges né le 22.9.1782, baptisé le lendemain (cf. infra).

STEZLE Joseph à Hofweier (Bade) x DAMIN Marianne.

. | STEZLE Mathias o en 1728 à Hofweier (Bade), Vigneron, † le 3/3/1809 à Nancy, x le 22/4/1766 à Lay-Saint-Christophe THOMAS Françoise Marie o le 18/8/1742 à Lay-Saint-Christophe, † <1809.

. | . | STEZLE Joseph o le 17/1/1767 à Lay-Saint-Christophe, Facteur d'orgues / Facteur de pianos / Facteur d’instruments, † le 1/10/1836 à Nancy, célibataire.

. | . | STEZLE Anne o le 9/8/1772 à Lay-Saint-Christophe, † le 23/2/1848 à Nancy, célibataire.

. | . | STEZLE Marguerite o en 5/1773 à Lay-Saint-Christophe, † le 9/8/1774 à Lay-Saint-Christophe.

. | . | STEZLE François o le 22/10/1778 à Lay-Saint-Christophe, Horloger, † le 8/6/1858 à Nancy, x le 19/1/1831 à Commercy (55) MICHAELIS Dorothée Frédérique o en 1788 à Leipzig, † le 16/3/1858 à Commercy.

. | . | . | STEZLE Clara Frédérique o en 1812 à Eilenburg (Saxe), Propriétaire, † le 16/6/1872 à Nancy, x le 3/2/1831 à Commercy (55) STEGER Joseph o le 26/7/1799 à Thann, Facteur de pianos / Facteur d'orgues, † le 8/12/1840 à Nancy.

. | . | . | . | STEGER Anne Frederiken o le 20/12/1831 à Nancy, Propriétaire, Rentière, † le 20/7/1881 à Nancy, x le 14/9/1854 à Nancy CHAVANNE Georges o le 5/2/1829 à Haguenau, Employé Chemins de fer.

. | . | . | . | STEGER Anne Marie o le 14/4/1834 à Nancy.

. | . | . | . | . | STEGER Etiennette Frédérique o le 17/11/1853 à Nancy.

. | . | . | STEZLE Anna Marie Mathilde o le 9/6/1818 à Sampigny, † le 17/7/1875 à Nancy, x le 25/9/1837 à Commercy (55) GERDOLLE François o le 11/3/1814 à Haroué, Fabricant de broderies

. | . | . | . | GERDOLLE Anne Mathilde Frederica o le 3/10/1838 à Nancy.

. | . | . | . | GERDOLLE François Claude Edmond o le 9/1/1841 à Nancy, Peintre décorateur / Employé de commerce

. | . | . | STEZLE Hariet o <1818 à Eilenburg (Saxe), x le 25/9/1837 à Commercy (55) RENARD Etienne à Nancy.

. | . | STEZLE Georges o le 22/9/1782 à Lay-Saint-Christophe, Manufacturier / Négociant / Marchand de musique, † le 10/4/1833 à Paris, x le 25/8/1806 à Nancy LORENZITI Emélie Catherine o le 3/6/1781 à Nancy, Marchande de musique, † le 11/8/1870 à Nancy.

. | . | . | STEZLE Caroline Adélaïde o le 21/8/1809 à Neuviller-sur-Moselle (54), † le 22/8/1887 à Nancy, x le 10/12/1839 à Nancy LELOUP François o le 1/4/1807 à Chigy (89), Agent Général des Ecoles à Nancy / Homme de lettres à Nancy.

. | . | . | STEZLE Charles o le 7/3/1812 à Nancy, Dessinateur en broderies / Marchand de broderies / Comptable / Professeur de comptabilité, † le 7/12/1868 à Nancy, x(1) le 27/10/1838 à Nancy DEMAY Marie o le 9/2/1818 à Nancy, † le 27/5/1856 à Nancy.

. | . | . | STEZLE Charles o le 7/3/1812 à Nancy, Dessinateur en broderies / Marchand de broderies / Comptable / Professeur de comptabilité, † le 7/12/1868 à Nancy, x(2) le 15/10/1856 à Nancy CAUTEL Elisabeth o en 1809 à Hannocourt (57), Professeur de piano, † le 12/1/1879 à Nancy.

. | . | . | STEZLE Jean Baptiste Ange o le 7/1/1815 à Nancy, Marchand de Musique / Fabricant de broderies / Commis de Commerce, x le 26/1/1842 à Nancy BIDAULT Elisabeth o le 25/5/1821 à Nancy, Professeur de Musique.

. | . | . | STEZLE Joseph Etienne o le 22/7/1820 à Nancy, Facteur de pianos / Marchand de Pianos / Marchand Papetier, † le 2/7/1905 à Nancy, x le 19/5/1855 à Paris WEISSE Eugénie Madeleine o en 1829, † le 8/1/1909 à Nancy.

. | . | . | . | STEZLE Louis François o le 16/2/1856 à Nancy.

 

Les quatre enfants de Mathias Stezle ayant atteint l’âge adulte ont tous embrassé des professions artisanales ou commerciales dont deux dans le domaine de la musique. Les activités dans le domaine de la musique se sont perpétuées avec ses petits-fils.

 

Joseph STEZLE

La qualité d’organiste de son père Mathias, d’abord à Lay-Saint-Christophe puis à partir du 19.8.1786 à Saint-Roch de Nancy, est certainement à l’origine de l’intérêt de Joseph pour l’orgue et plus généralement pour la facture d’instruments. Joseph Stezle est en effet qualifié tantôt de facteur d’orgues (4 ; référence par laquelle on prend connaissance de l’existence ce facteur d’orgues), tantôt de facteur de pianos-forte et pianos ou encore de facteur d’instruments, spécialités qu’il a dû exercer en fonction des alea économiques et de la demande. Il est donc très polyvalent comme d’autres facteurs d’instruments de la même époque.

L’installation de la famille Stezle au 19 rue des Champs (rue Godron) à Nancy en 1783, peut coïncider avec le début de la formation de Joseph comme facteur d’orgues, très probablement chez Jean François Vautrin, car Nicolas Dupont, auquel celui-ci succède, Jean Adam et Georges Kuttinger sont décédés entre 1780 et 1783. Sa formation est à peine achevée au moment de la Révolution, ce qui explique l’absence d’informations sur son activité organistique entre 1789 et 1803. Celle qui est connue concerne la période 1803 – 1836, en partie réalisée en collaboration avec J.F. Vautrin (4).

Les répercussions de la Révolution envers l’orgue l’ont très certainement amené, entre 1790 et 1803, à réorienter son activité vers la facture de pianos-forte. A-t-il évolué en autodidacte ou s’est-il rapproché pendant quelques temps d’un facteur de pianos-forte local non identifié ? (A titre indicatif, J.F. Vautrin a connu parcours très différent à cette époque de troubles). L’activité de facteur de piano-forte a probablement été la plus importante parmi celles qu’il a pratiquées après 1803, mais on ne connaît guère de données sur sa production. Elle s’insère dans un contexte de rapide évolution en facture de piano-forte qui conduit à l’élaboration des grands principes de fabrication du piano « moderne » à partir de 1840. Qualifié aussi de « fabricant de pianos » (1833 ; la même année il est dit facteur d’orgues), Joseph Stezle aurait donc construit des pianos-forte, ne se limitant donc pas seulement à l’entretien et à l’accord de ces instruments. Les répertoires de facteurs – fabricants de pianos ne mentionnent cependant pas l’existence de pianos signés de lui (1), ce qui laisse supposer que sa production était artisanale, limitée à la région nancéienne, et probablement rapidement dépassée par l’évolution rapide des techniques à cette époque qui n’aura pas laissé beaucoup de chances de survie durable aux instruments construits. Cette activité a été réalisée avec des collaborateurs permanents ou temporaires parmi lesquels on relève les noms de Georges Louis Warnecke entre 1808 et 1817, puis celle de Joseph Steger (cf. infra). Les affaires semblent toutefois avoir été suffisamment profitables pour lui permettre d’augmenter son patrimoine en se rendant acquéreur d’une part de l’immeuble voisin de son domicile, le 17 rue des Champs, dans lequel il logera Joseph Steger, son neveu par alliance (5), et d’autre part, autour de 1833, celui de feu son frère Georges au 7 rue Stanislas. Nul doute que l’ouverture de l’atelier de P.H. Mangeot en 1832 a dû ralentir sa propre production, ce qui peut expliquer que dans les dernières années de sa vie Joseph Stezle s’est surtout dit facteur d’orgues.

Resté célibataire et résidant dans l’immeuble familial avec sa sœur Anne qui a probablement pu le seconder dans certaines tâches de son atelier, Joseph Stezle y est décédé le 1.10.1836. La déclaration de décès été faite par Joseph Steger, âgé de 36 ans, facteur de pianos, et Charles Froment, âgé de 28 ans, ébéniste, probablement collaborateur permanent ou occasionnel de Joseph. Le lieu d’inhumation n’est pas connu (6).

Quelques autres membres, frère et neveux, de la famille de Joseph Stezle se sont tournés vers les métiers de la musique (2, 5, 6).

Voir aussi: Un atelier de facture de pianos à Nancy au début du XIXe siècle : Joseph Stezle, par Jean-Marc Stussi.

 

Georges STEZLE (22.9.1782 Lay-Saint-Christophe - 10.4.1833 Paris), frère de Joseph, a d’abord été négociant, puis manufacturier à Neuwiller-sur-Moselle, avant de s’établir comme Marchand de musique au 7 rue de l’Esplanade (rue Stanislas) à Nancy. Un courrier-réponse d’un certain André Johann Anton (1775-1842) daté du 12 mai 1812, nous apprend que Georges Stezle avait repris l’affaire de M. Troestler (7). Georges Stezle est également cité par Gardeton (1822) (9) comme Marchand de Musique établi à Nancy. Cette référence suppose une évidente audience ou du moins de larges contacts avec le monde de la musique à Paris (édition, instruments). Il est très probable qu’il devait vendre la production de Joseph Stezle. L’affaire se trouve toutefois face à des difficultés financières en 1831 dans lesquelles intervient J. Stezle en rachetant l’immeuble 7 rue Stanislas. Georges Stezle est décédé le 10.4.1833 à Paris au 5 rue de l’Université. Georges Stezle avait épousé, le 25.8.1806 à Nancy, Emélie Catherine Lorenziti (3.6.1781 Nancy - 11.8.1870 Nancy), fille de Jean Baptiste Lorenziti et de Thérèse Robin. Jean Baptiste Lorenziti, né à Francfort-sur-le-Main en 1748, décédé à Nancy le 20.1.1811 à l’âge de 62 ans, a été Musicien à la Cathédrale-Primatiale de Nancy puis Professeur de Musique. Il était le frère de Joseph Antoine Lorenziti, né à l’Ile de Majorque, lui-même fils d’un musicien du Prince d’Orange à La Haye. Décédé à Nancy le 3.12.1789, Joseph Antoine a été Maître de Chapelle à la Primatiale-Cathédrale de Nancy entre 1767 et 1789, violoniste et compositeur (10) et est très probablement à l’origine de l’arrivée à Nancy de Jean-Baptiste Lorenziti. Les familles Stezle et Lorenziti étaient donc étroitement liées.

LORENZITI N., Musicien du Prince d’Orange à La Haye, x LORENZITI Mme N.

. | LORENZITI Joseph Antoine o en 1740 à l’Ile de Majorque, Maître de Chapelle à la Cathédrale Primatiale de Nancy de 1767 à 1789, † le 3/12/1789 à Nancy. Il n’a pu être établi si Joseph Antoine a été marié et a eu des enfants (probablement pas, car ils auraient été détectés dans l’état civil de Nancy, ce qui n’a pas été le cas).

. | LORENZITI Jean Baptiste o en 1748 à Francfort-sur-le-Main, Musicien à la Primatiale de Nancy / Professeur de Musique, † le 20/1/1811 à Nancy, x en<1781à Nancy à ROBIN Thérèse o en 1760 à Nancy, † le 16/8/1839 à Nancy.

. | . | LORENZITI Emélie Catherine o le 3/6/1781 à Nancy, Marchande de musique, † le 11/8/1870 à Nancy, x le 25/8/1806 à Nancy STEZLE Georges o le 22/9/1782 à Lay-Saint-Christophe, Manufacturier, Négociant, Marchand de musique, † le 10/4/1833 à Paris

(descendance : cf. supra).

. | . | LORENZITI Frédéric Gabriel o en 1785 à Nancy, Professeur de Musique, † le 23/7/1842 à Nancy, x le 8/5/1816 à Nancy COLLIGNON Marie Elisabeth o en 1785 à Nancy, † le 6/12/1849 à Nancy.

. | . | . | LORENZITI Marie Anne Emelie o le 19/2/1817 à Nancy, † le 28/2/1820 à Nancy.

. | . | . | LORENZITI Jean Frédéric o le 25/7/1818 à Nancy.

. | . | . | LORENZITI Charles Léopold o le 6/10/1819 à Nancy, Dessinateur en broderie / Artiste dramatique, x le 24/7/1839 à Nancy BRACARD Marguerite o en 1805 à Mayence, † le 1/9/1843 à Nancy.

. | . | . | . | LORENZITI Gabrielle Léopoldine o le 19/5/1839 à Nancy, † le 14/7/1843 à Nancy.

. | . | . | LORENZITI Marie Louise o le 24/3/1821 à Nancy, † le 10/11/1825 à Nancy.

. | . | . | LORENZITI Marie Elisabeth o le 16/8/1823 à Nancy, † le 22/9/1826 à Nancy.

. | . | . | LORENZITI Anne Louise Marguerite o le 21/7/1827 à Nancy, † le 12/4/1831 à Nancy

. | . | . | LORENZITI Elisabeth o le 6/10/1829 à Nancy

. | . | LORENZITI Adélaïde o le 7/6/1786 à Nancy, x le 10/1/1810 à Nancy DE FONTALLARD SOALHAT Jean François o le 7/1/1784 à Ajaccio, Employé des Droits Réunis (famille ayant apparemment quitté Nancy après 1813). Enregistrements sous « Fontallard ».

. | . | . | DE FONTALLARD SOALHAT Marie Eugénie o le 25/5/1813 à Nancy.

. | . | LORENZITI Marie Elisabeth o en 1789 à Nancy, Institutrice, † le 15/5/1859 à Nancy x le 24/8/1804 à Nancy VILLIEZ Charles Joseph o en 1779 à Nancy, Sous-Bibliothécaire, † le 10/2/1844 à Nancy.

. | . | LORENZITI Catherine o le 9/10/1792 à Nancy.

La lignée Lorenziti de Lorraine s’éteint après le décès de Charles Léopold en 1843, faute de descendant mâle resté établi à Nancy.

Le couple Stezle-Lorenziti a eu quatre enfants dont deux entreront dans le domaine de la musique :

- Caroline Adélaïde (21.4.1809 Neuwiller-sur-Moselle - 22.8.1887 Nancy), épousera le 10.12.1839 à Nancy, François Leloup, Homme de Lettres et Agent Général des Ecoles de la Ville de Nancy.

- Jean Baptiste Charles (9.3.1812 Nancy – 12.1868 Nancy) a exercé plusieurs professions : fabricant de broderies, dessinateur de broderies, comptable ou « Teneur de livres », et en dernier lieu Professeur de comptabilité. Sa seconde épouse, Elisabeth Cautel (1808 – 1879) a été Professeur de piano exerçant 19 rue Saint-Nicolas, puis 1 rue Saint- Julien entre 1855 et 1876 (2). En tant que dessinateur, il pourrait être l’auteur d’un dessin représentant un panorama de Nancy depuis la côte de Toul (11), quelques-unes de ses particularités (présence de l’ancienne église Saint-Epvre démolie à partir de 1863, aspect du convoi ferroviaire) suggérant qu’il a été réalisé dans les années 1850-1860.

- Jean Baptiste Ange Louis (7.1.1815 Nancy). En 1842, il est Marchand de Musique. Par la suite, il est qualifié de Commis de Commerce. En 1859, au décès de sa mère Catherine Emelie Lorenziti, il est « Fabricant de broderies » (aurait-il travaillé avec son frère Charles ?). Enfin, il est « Employé » en 1870.

- Joseph Etienne Toussaint (22.7.1820 à Nancy - 2.7.1905 Nancy). Peut-être formé chez Warnecke (son oncle Joseph Stezle est décédé en 1836 alors qu’il n’avait que 15 ans) et ayant vécu quelque temps en dehors de Nancy (sans doute à Paris où il s’est marié), il revient à Nancy en 1854 où il s’installe comme facteur de pianos. Il élargit son rayon d’action comme Marchand de pianos et de musique en entrant, pendant un certain temps avec son frère Jean Baptiste Ange, dans l’affaire que sa mère E.C. Lorenziti (remariée le 19.8.1834 avec Etienne Joseph Toussaint Jourdan, employé à la Régie de Nancy) avait reprise après le décès, en 1833, de Georges Stezle (2). Sans doute concurrencé par d’autres établissements, dont l’importante maison de musique du luthier Charles Jacquot (19 rue de la Poissonnerie/rue Gambetta), J.E.T. Stezle abandonne la musique après 1860 pour devenir « marchand papetier » au 33 rue des Dominicains. Il avait épousé Eugénie Madeleine Weisse le 19.5.1855 à Paris dont il a eu un enfant, Louis François né le 16.2.1856 à Nancy ; on en perd rapidement la trace. Dans les actes nancéiens, le patronyme de l’épouse de J.E.T. Stezle est systématiquement « Leblanc » et nom Weisse, hormis à son décès le 8.1.1909 où elle est qualifiée de veuve de J.E.T. Stezle. Sans doute avait-t-elle adopté le pseudonyme Leblanc. C’est sous ce patronyme qu’elle est déclarante du décès de J.E.T. Stezle le 2.7.1905. Elle avait fait, en 1908, un legs au Musée historique de Nancy de six pièces en ferronnerie d'art (garniture de cheminée, gradin, jardinière et lampe) (12).

 

Joseph STEGER (aussi orthographié Steiger), né à Thann en juillet 1800, fils de Alexandre Steger et Anne Marie Deck, est arrivé à Nancy en 1818 (2, 5, 6). Il est déclaré facteur d’orgues, facteur de pianos ou facteur d’instruments, montrant là encore une évidente polyvalence artisanale. Résidant pratiquement depuis son arrivée à Nancy comme locataire de Joseph Stezle, Joseph Steger a tout lieu d’avoir été un collaborateur permanent de celui-ci, ce que confirme son mariage le 3.2.1831 à Commercy, avec Clara Frédérique Sophie Stezle, née le 16.9.1811 à Eilenburg (Saxe), fille de François Stezle (frère de Joseph) et Dorothée Frederike Michaelis, et nièce de Joseph Stezle (9). De cette union naîtront Anne Frederiken Marthetita (20.12.1831 - 20.7.1881) et Anne Marie Mathilde (14.4.1834 – +>1881). On peut supposer qu’au décès de Joseph Stezle, Joseph Steger ait pu rejoindre soit l’atelier de Warnecke, soit la manufacture Mangeot. Il est décédé prématurément le 8.12.1840 à Nancy et sa veuve le 16.6.1872.

Cette petite « dynastie » Stezle qui s’est investie, avec plus ou moins de succès, pendant plusieurs décennies dans diverses branches de la musique et autres spécialités artisanales, disparaît du domaine musical après 1860.

 

Georges Louis WARNECKE
1784 - 1848

Le développement de la facture de piano-forte puis de pianos à Nancy dans la première moitié du 19° siècle passe, outre Joseph Stezle, par Georges Louis Warnecke. Cet artisan-ébéniste est arrivé à Nancy en janvier 1808 venant de Lüneburg (royaume de Hanovre) où il est né le 14.6.1784, fils de Jean Georges Warnecke et Marguerite Oppermann (3, 5). On ignore tout de sa formation et surtout de sa motivation à venir s’établir à Nancy quelques années après la fin de la tourmente révolutionnaire. Le 22.5.1809, il épouse, à Nancy, Marguerite Moris, née le 19.2.1788 à Luxembourg, fille de Joseph Moris, brasseur en cette ville, et de Catherine Spranck. Les témoins à ce mariage ont été Joseph Stezle, facteur d’instruments, âgé de 41 ans, et Jean Henrion, facteur de « forté-pianos » (probablement chez Stezle), âgé de 26 ans, ainsi qu’un horloger, Jean Philippe Etienne, 53 ans (il y a plusieurs horlogers dans les relations des Warnecke et des Stezle!) (5, 6). La présence de ces deux facteurs au mariage est très significative de la place que pouvait détenir Georges Louis Warnecke dans le monde nancéien de la facture instrumentale. En 1812, le couple résidera au 45 puis au 26 rue des Champs à proximité du lieu de résidence de J. Stezle, autre argument supposant un travail chez ce dernier. Cette union, sans descendance, sera cependant de courte durée, car Marguerite Moris décèdera le 16.3.1814 à Nancy.

Georges Louis Warnecke se remariera l’année d’après le 12.4.1815 à Nancy avec Barbe Florentin, née le 19.2.1788 à Rosières-aux-Salines, fille de Pierre Florentin, cultivateur, et Anne Rozier, tous deux de cette localité. Ce couple se trouvera au 21 rue de l’Esplanade (rue Stanislas ; immeuble de l’actuel Hôtel des Portes d’Or) de 1818 jusqu’en 1841. Il résidera ensuite au 49 Place Carrière jusqu’au décès de Georges Warnecke le 9.3. 1848. Son épouse, Barbe Florentin, décèdera à Alger le 6.1.1854. Le couple a plusieurs enfants, tous nés à Nancy (2, 5, 6) et restés dans le domaine musical :

-Nicolas Jules, né le 14.3.1816. Il deviendra pianiste puis professeur de piano et Chef de musique à Lunéville. Le 23.9.1847, il épousera, à Nancy, Marie Anne Alexandrine Adrienne De Toussainct, née le 6.9.1832 à Nancy, fille de Claude Pascal Dominique baron de Toussainct, chevalier de Saint-Louis, Officier de la Légion d’honneur, Officier supérieur en retraite, et de Charlotte Joséphine de Barbarin. Un fils, Jean Gabriel Marcel naîtra à Lunéville le 27.8.1853 et deviendra médecin-major (au 26°RI à Toul en 1880 puis à Bayonne jusqu’en 1908). Il sera le déclarant du décès de son père le 26.10.1880 à Lunéville dont l’épouse lui survivra jusqu’au 16.9.1902.

-François Eugène est né le 16.3.1818. Un des déclarants de sa naissance était François Abarca, organiste à la cathédrale de Nancy. François Eugène deviendra également Professeur de piano. Il décèdera à Rio de Janeiro le 4.6.1872, sans que l’on sache s’il y résidait pour exercer sa profession, ou y était de passage pour des affaires liées à la maison Staub-Warnecke qui exportait vers ce pays (13).

-François Alexandre. Né le 19.1.1820, il deviendra facteur de pianos et épousera le 20.7.1842 à Besançon, Philippine Elisabeth Marthe Gigoux dont il aura deux enfants : Georges Louis né le 4.6.1843 à Besançon (qui deviendra artiste-musicien à Paris, promu officier des Palmes académiques) et Marie Clotilde Barbe Joséphine née le 14.6.1845 à Nancy, devenue l’épouse (mariage le 27.1.1870 à Paris 17°) de Jean Joseph Cornély, journaliste puis homme de lettres. Une troisième fille, Gabrielle Adélaïde Clémence naîtra à Paris après 1847 et deviendra artiste-peintre ; en 1872, elle épousera Ferdinand Bourrus (6, 14, 15). Le mariage de François Alexandre à Besançon indique qu’il y a séjourné quelques temps pour parfaire sa formation, peut-être chez Raffy, apparemment seul fabricant de pianos en cette ville (1). Mais n’y aurait-il pas aussi été pour sa formation musicale ? Il revient à Nancy au début 1845 résidant sous le même toit que ses parents, ses frères et la famille J. Staub. Associé à son père, il va cependant s’installer à Paris en juillet 1847 (5). Dans les années de mariages de son fils Louis Georges (1868 ; 1886) et de sa fille Marie Clotilde (1870), on le trouve « artiste musicien » à Vichy (1868), puis à Montpellier (1870) et enfin à Nice (1886) (15), ce qui suppose que, comme ses frères Jules et François Eugène, il avait de grandes prédispositions pour l’art musical qu’il a préféré à la facture. Sa spécialité instrumentale n’est cependant pas connue (pianiste ; violoniste ce qui expliquerait plus facilement ses mutations). François Alexandre est décédé entre le 2.10.1886 (mariage de son fils) et le 26.2.1887 (jour du décès de sa veuve). Son fils Georges Louis Warnecke a conservé des relations familiales avec son oncle Joseph Staub ainsi qu’avec Henry Rohde, fabricant de pianos à Paris et gendre de J. Staub, l’un et l’autre ayant été témoins à ses mariages (15).

-Hortense Anne Eugénie, née le 20.7.1824 ; en 1845, elle deviendra l’épouse de Jean Joseph Staub (cf. infra).

-Anne, née le 8.2.1827, décédée le 3.6.1835 à l’âge de 8 ans ;

-François Gabriel, né le 25.6.1830. Il deviendra également facteur de pianos. Il épousera, le 15.2.1860 à Nancy, Marie Camille Batlot, née le 10.4.1833 à Nancy, fille de Joseph Dominique Batlot, employé de commerce, et de Marie Schmitz. Le rôle de François Gabriel dans la manufacture de son père puis celle de Staub-Warnecke entre 1848 et 1872 n’a pu être précisé.

Les liens familiaux entre les familles Warnecke et Staub (et descendants), et par déduction commerciaux, sont résumés dans la liste indentée suivante:

WARNECKE Jean Georges o à Lüneburg x à Lüneburg (Royaume de Hanovre) OPPERMANN Marguerite

. | WARNECKE Georges Louis o le 14/6/1784 à Lüneburg (Hanovre), † le 9/3/1848 à Nancy, Ebéniste / Facteur de pianos / Facteur d'instruments / Luthier, x(1) le 22/5/1809 à Nancy MORIS Marguerite o le 7/6/1787, † le 16/03/1814 à Nancy.

. | WARNECKE Georges Louis o le 14/6/1784 à Lüneburg (Hanovre) † le 9/3/1848 à Nancy, Ebéniste / Facteur de pianos / Facteur d'instruments / Luthier, x(2) le 12/4/1815 à Nancy FLORENTIN Barbe o le 19/2/1788, † le 10/01/1854 à Alger.

. | . | WARNECKE Nicolas Jules o le 14/3/1816 à Nancy, Professeur de Piano, x le 23/9/1847 à Nancy DE TOUSSAINCT Marie Alexandrine o le 6/9/1822, † le 16/02/1902 à Nancy.

. | . | . | WARNECKE Jean Gabriel o le 26/8/1853 à Lunéville, médecin-major ;

. | . | WARNECKE François Eugène o le 16/3/1818 à Nancy, † le 4/06/1872 à Rio de Janeiro, Professeur de Piano ;

. | . | WARNECKE François Alexandre o le 19/1/1820 à Nancy, Facteur de pianos, Artiste Musicien, x le 20/07/1842 à Besançon GIGOUX Philippine Elisabeth o le 1822, † le 26/02/1887 à Paris 17° ;

. | . | . | WARNECKE Georges Louis o le 4/06/1843 à Besançon, Artiste musicien, x(1) le 8/8/1868 à Paris 17° GONINFAURE Marie Amable Marthe o le 3/09/1846

. | . | . | . | WARNECKE Victor Louis o le 9/4/1869 à Paris 17°, Artiste musicien.

. | . | . | WARNECKE Georges Louis o le 4/06/1843 à Besançon, Artiste musicien x(2) le 2/10/1886 à Paris 18° STEGEN Emilie Jeanne o le 9/4/1846, † à Paris, Rentière.

. | . | . | WARNECKE Georges Louis o le 4/06/1843 à Besançon, Artiste musicien x(3) le 18/07/1894 à Paris 1° LEBLANC Juliette Marie o le 10/01/1863, Institutrice.

. | . | . | WARNECKE Marie Clotilde o le 13/6/1845 à Nancy, Artiste peintre x le 27/01/1870 à Paris 17° CORNELY Jean Joseph o le 15/01/1845, Journaliste.

. | . | . | WARNECKE Gabrielle Adélaïde à Paris, artiste peintre, x en 1872 BOURRUS Ferdinand.

. | . | WARNECKE Hortense Anne o le 20/7/1824 à Nancy, † le 23/12/1859 à Nancy, x le 10/3/1845 à Nancy STAUB Jean Joseph o le 9/04/1813 à Menzingen (Zug, CH), † le 1.4.1891 à Nancy, Ebéniste, Facteur et fabricant de pianos.

. | . | . | STAUB Marie Elisabeth o le 21/10/1846 à Nancy, x le 27/01/1866 à Nancy ROHDE Joannes Henry o le 17/03/1836, Facteur de pianos / Editeur de musique / Fabricant de pianos.

. | . | . | . | ROHDE Paul Henri o le 21/01/1867 à Paris 9°.

. | . | . | . | ROHDE Marie Madeleine o le 16/02/1869 à Paris 9° † le 7/03/1947 à Paris 16°.

. | . | . | . | ROHDE Georges Henri o le 22/09/1870 à Paris 9°.

. | . | . | . | ROHDE Jeanne o le 19/05/1872 à Paris 9°, † le 24/11/1954 à Paris 18°.

. | . | . | . | ROHDE Henriette Suzanne o le 6/12/1873 à Paris 9°.

. | . | . | . | ROHDE Louis Gaston o le 19/08/1876 à Paris 9°.

. | . | . | STAUB Paul Gaspard o le 28/10/1848 à Nancy, † <1907 hors Nancy, Facteur-Fabricant de pianos, x le 20/1/1877 à Nancy BLAISE Marie Marguerite o le 5/10/1858, † <1907 hors Nancy.

. | . | . | . | STAUB René Paul Edouard o le 13/06/1878 à Nancy, † le 22/07/1907 à Nancy, Parqueteur.

. | . | . | . | STAUB Marcel Joseph o le 23/04/1881 à Nancy, x le 8/09/1911 à Nancy TASSIN Berthe Augusta.

. | . | . | . | STAUB Henri Jean o le 5/03/1889 à Nancy, † le 15/12/1956 à Vandières.

. | . | . | STAUB Marceline Anna Maria o le 11/12/1855 à Nancy, † le 3/04/1909 à Nancy, x le 7/7/1877 à Nancy GUERRE Hippolite François o le 6/4/1849, † >1931, Représentant / Comptable de commerce / Fabricant de pianos manufacture Staub.

. | . | . | . | GUERRE Eugénie Joséphine Christine o le 27/4/1878 à Nancy, † le 23/07/1963 à Nancy x le 1/7/1901 à Nancy LAMBINET Lionel Paulin o le 2/4/1874, † 1943 à Nancy, Coupeur-Tailleur / Gérant manufacture pianos Staub.

. | . | . | . | . | LAMBINET Anne Marie o le 1906 à Nancy, † en 1967 à Nancy.

. | . | . | . | GUERRE Henriette Octavie Aimée o le 9/9/1879 à Nancy, † le 30/11/1957 à Nancy, x le 18/6/1909 à Nancy GENY Lucien Louis, † en 1943 à Nancy.

. | . | . | . | GUERRE Suzanne Marcelle Emilie o le 26/2/1891 à Nancy, † le 21/02/1969 à Nancy, x le 6/10/1913 à Nancy PELLE René Louis Marie.

. | . | . | STAUB Pauline Octavie o le 28/6/1857 à Nancy, † le 8/02/1940, x le 7/4/1883 à Nancy BERNET Jacques Emile o le 24/9/1858, † le 15/03/1931 à Jarville, Employé de commerce / Fabricant de pianos.

. | . | . | . | BERNET Marthe Marie o le 24/03/1884 à Nancy

. | . | . | STAUB Gabriel Henry o le 6/1/1859 à Nancy, † le 20/02/1911 à Nancy, Facteur et Fabricant de pianos, x le 10/10/1900 à Nancy ARMBRUSTER Marie Alexandrine, o le 15/5/1861, † le 8/01/1906 à Nancy.

. | . | . | STAUB N. o le 20/12/1859 à Nancy, † le 20/12/1859 à Nancy

. | . | WARNECKE Anne o le 8/2/1827 à Nancy, † le 3/06/1835 à Nancy

. | . | WARNECKE François Gabriel o le 25/6/1830 à Nancy, † > 1872 hors Nancy, Facteur de pianos-forté et pianos, x le 15/2/1860 à Nancy BATLOT Marie Camille, o le 10/4/1833, † > 1872 hors Nancy

Qualifié d’ébéniste jusqu’en 1816, mais aussi de « facteur d’orgues » en 1812, G.L. Warnecke se déclarera « facteur de pianos-forte » à partir de 1818 (il est donc aussi polyvalent que J. Stezle). On peut donc situer la création de l’atelier Warnecke à l’année 1818. Celle-ci coïncide avec l’arrivée chez J. Stezle de Joseph Steger qui l’a sans doute remplacé. Environ 20 ans plus tard, en 1847, son fils François Alexandre devient son « associé », sous la raison sociale « Warnecke et fils » (incluant peut-être déjà le second fils François Gabriel qui n’a alors que 17 ans), raison sociale apposée dans ses instruments ou documents attestant leur activité (1 ; 16). Parmi ses collaborateurs, on trouve un certain Jean Christian Kunth, 43 ans, ébéniste, témoin à la déclaration de naissance de François Gabriel en 1830 (6). On ne peut exclure le fait qu’au décès de J. Stezle, en 1836, Joseph Steger ait rejoint l’atelier Warnecke.

On connaît peu de choses de l’activité et surtout de la production effective de G.L. Warnecke puis Warnecke et Fils. Comme l’attestent les données de L. Verbeeck (1), G.L. Warnecke fabriquait des piano-forte et pianos droits, et ce jusqu’en 1848 comme le montre la présence de J. Staub dans son atelier. La création, en 1831-1832, de la manufacture de pianos Mangeot à Nancy sera certainement pour Warnecke l’objet d’une sérieuse concurrence, au moins pour le piano-forte, à laquelle il semble avoir pu résister, bénéficiant certainement de son ancienneté dans l’art de la facture. L’arrivée de Jean Joseph Staub en 1842 sera une bonne opportunité pour son affaire.

Sa qualité de fabricant d’instruments ou de luthier n’apparaît qu’après 1820 . Il s’est fait connaître par la fabrication d’instruments à cordes, dont des guitares, l’une d’entre elles étant conservée au musée de la lutherie de Mirecourt et portant au fond une étiquette imprimée “WARNECKE / Facteur de Pianos Forte/ Breveté par le Roi / Rue de l’Esplanade N°21 / à Nancy / tient toutes sortes d’Instrumens de Musique” (Musée Mirecourt, 15 ; 16). En 1826, il prit également un brevet pour sa guitare-basson et reçut en 1827, une mention pour ses violons, violoncelle et alto (17, 18) :

« Brevet d’Invention du 11.4.1826 à Nancy (Bulletin des Lois, « 33. Le Sieur Warnecke (Louis George), demeurant à Nancy, département de la Meurthe, auquel il a été délivré, le 24 février dernier, le certificat de sa demande de brevet d’invention de cinq ans, pour un instrument de musique qu’il appelle guitare-basson. ».

Les origines de mandolines et guitares en « pointed cutaway » ou à « pan coupé pointu » (19) remonteraient au facteur « français » Georges Warnecke dont un de ses instruments se trouve dans la « Steve Howe Guitare Collection » (20). Ces assertions montrent clairement que G.L. Warnecke maîtrisait la fabrication de divers types d’instruments, pianos et instruments à cordes, ce qui lui vaut la qualité de « luthier » dans l’acte de décès de sa fille Hortense en 1859. Très curieusement, Warnecke est omis dans les travaux d’Albert Jacquot (21) et de Vidal (22).

On peut présumer que ses ateliers se trouvaient sur les lieux de ses domiciles. Cela semble vraisemblable à la rue de l’Esplanade, en arrière-cour, mais moins au 49 Place Carrière, immeuble résidentiel par excellence. Ceux-ci devaient donc nécessairement se situer ailleurs sans qu’il ait été possible de les localiser. La qualité des différents témoins aux actes civils montre que la famille Warnecke avait, comme d’ailleurs les familles Stezle et Staub, un large réseau de connaissances très respectables. En particulier, la branche parisienne de la famille Warnecke, avec François Alexandre et ses descendants, vivait dans un large monde musical et artistique.

 

Jean Joseph STAUB

Jean Joseph Staub arrive en 1842 à Nancy, ville sans doute déjà réputée dans l’Est de la France pour la facture de piano-forte et pianos. Il vient de Menzingen, petit village à 9 km de Zug en Suisse, où il est né le 9.4.1813, fils de Joseph Silvan Staub, tonnelier, et Marie Catherine Nussbaumer (3, 5). On peut présumer qu’il a eu une formation en ébénisterie et facture d’instruments à Zug ou à Zurich. Comme pour G.L. Warnecke, l’expatriation a sans doute été rendue nécessaire par les débouchés en ces spécialités ou par le souhait de compléter sa formation auprès d’autres facteurs. Dès son arrivée, il paraît logique d’admettre qu’il travaillait chez Warnecke (affinités germaniques ? il aurait aussi pu aller chez Mangeot), car dès le 10.3.1845, il épouse sa fille Hortense dont il aura six enfants (5, 6).

- Marie Elisabeth Georgette, née le 21.10.1846 ; elle a épousé à Nancy le 27.1.1866 Johannès Henri Rohde, facteur-fabricant de pianos puis Editeur de musique à Paris, fils de Jean Rohde, également facteur de pianos à Paris. Le couple aura six enfants : Paul Henri (né le 21.1.1867), Marie Madeleine (née le 16.2.1869), Georges Henri (né le 22.9.1870), Jeanne (née le 19.5.1872 - +24.11.1954 Paris 18°), Henriette Suzanne (née le 6.12.1873), Louis Gaston (né le 19.8.1876) (15).

Paul Gaspard, né le 28.10.1848, qui deviendra facteur et fabricant de pianos ; il épousera le 20.1.1877 à Nancy Marie Marguerite Aimée Blaise, née le 5.10.1858 en cette ville, dont il a eu trois enfants : René Paul Edouard né le 13.6.1878, devenu « parquetier », resté célibataire jusqu’à son décès le 22.7.1907 ; Marcel Joseph Aimé né le 25.8.1881 ; Henri Jean né le 5.3.1889 à Nancy, marié trois fois, décédé le 15.12.1956 à Vandières. Aucun des trois fils ne semble avoir choisi la voie de la facture de pianos. Paul Gaspard et son épouse sont décédés en dehors de Nancy entre 1900 et 1907 (2, 5, 6).

- Marceline Anna Maria née le 11.12.1855 ; elle épousera, à Nancy, le 7.7.1877, Hippolite Guerre, comptable de commerce chez Staub, né le 6.4.1849 à Cirey-sur-Vezouze. Ce couple aura trois enfants : Eugénie née le 29.4.1878 (+1963 à Nancy), et Henriette Octavie Aimée née le 9.9.1879 (+1957 à Nancy) ; Suzanne Marcelle Emilie, née le 27.2.1891. Il n’y a pas eu de fils susceptible d’embrasser la carrière de facteur de pianos.

- Pauline Octavie née le 28.6.1857 ; elle épousera, à Nancy, le 7.4.1883, Jacques Emile Bernet, employé de commerce, né à Nancy le 24.9.1858. Le couple aura une fille, Marthe Marie née le 26.3.1884.

- Gabriel Henry né le 6.1.1859 ; deviendra facteur et fabricant de pianos, marié le 10.10.1900 à Nancy à Marie Armbruster, née le 15.5.1861 à Nancy, décédée le 8.1.1906. Ce couple n’a pas eu d’enfants.

- un enfant mort-né le 20.12.1859.

Hortense ne survivra pas à cette dernière naissance car elle décède le 23.12.1859 à l’âge de 35 ans. Jean Joseph Staub ne se remariera pas.

Après le décès de Georges Louis Warnecke le 9.3.1848, la famille Staub, ainsi que les familles Warnecke quittent la place Carrière, J. Staub s’installant au 101 rue Saint-Dizier où est né son fils Paul Gaspard. Peu après est créée la manufacture « Staub-Warnecke » qui s’installera, dès 1848 ou 1849, au 37 rue Saint-Nicolas à Nancy, où résidera également J. Staub et sa famille (mais non les frères Warnecke) Elle prend le relais de l’atelier polyvalent de G.L. Warnecke et fils, se consacrant uniquement à la facture de pianos malgré la concurrence de la maison nancéienne Mangeot qui a déjà 15 ans d’activité à son actif (2, 5, 6). Elle paraît être davantage menée par J. Staub, qui a tout lieu d’avoir été l’instigateur de cette création, que par ses beaux-frères Warnecke.

La manufacture Staub-Warnecke connaît un développement important qui lui permet ou rend nécessaire une extension des ateliers, ce qui est fait en 1861 avec l’installation dans de nouveaux bâtiments (ateliers, direction, résidence) construits à l’angle du Faubourg Stanislas (rue Raymond Poincaré) et route de Toul (avenue Patton). Elle y disposait de 2500 m2 d’ateliers dont 1/3 était réservé au travail du bois (5, 13). Une partie de l’immeuble était affectée au logement de la famille Staub et à des locataires (dont des collaborateurs). Elle disposait également d’une salle de concerts destinée à la présentation des différents types de pianos (13). Les encarts publicitaires in (2) en donnent une intéressante vue perspective du site (cf. ci-dessous).

J. Staub devait être non seulement très bon facteur de pianos, capable d’innover, mais était aussi certainement doué d’une très bonne fibre commerciale et industrielle. Il a contribué à l’amélioration des techniques du piano tout en adoptant et perfectionnant rapidement celles créées par d’autres grands facteurs de pianos de Paris et d’Allemagne : cadres en bois ou en fer, barrage en fer forgé destiné à prévenir la séparation des cordes, permettant une meilleure tenue de l’accord et de supporter les variations de températures (1854) ; mécanisme à échappement à équerres, perfectionnement du mécanisme inventé par Erard et création de lames étouffoirs (1859) ; mécanisme à double échappement pour piano droit (1860) ; mécanisme à répétition simple (1875) ; pédale « pianissimo » par un mécanisme rapprochant les claviers des cordes ; clavier transpositeur par demi-tons ; adoption du mécanisme Schwander ; pupitre à bascule. La manufacture fabriquait quasiment tous les éléments de ses pianos. En 1920, elle proposait des pianos « pneumatiques » (2).

Entre 1868 et 1872, la raison sociale de la manufacture devient Staub-Warnecke-Guerlach. Pour des raisons commerciales, J. Staub avait fait appel à un associé en la personne de Louis Gerlach (orthographe francisée en « Guerlach »), courtier de commerce, personnalité de son entourage relationnel, car il a été témoin au mariage de sa fille aînée en 1866. Louis Gerlach est né à Landau le 19.6.1813 et est arrivé à Nancy en 1849. Il épouse le 21.2.1859 à Nancy Marie Aline Lazare née le 10.9.1841 à Nancy, fille de Lazare Michel Pompée, propriétaire, et de Barbe Chimat. De cette union naîtront trois enfants : Charles Michel Jean-Baptiste né le 12.5.1859 qui deviendra employé puis représentant de commerce  ; Marie Mélanie Adélaïde née le 30.12.1866 ; Emile Georges Louis né le 6.1.1875 (2, 5, 6). Son association avec Staub est antérieure au décès de F.E. Warnecke en 1872. Elle suppose une prise de participation de Gerlach dans l’entreprise. L. Gerlach se retire en 1878 et semble être décédé avant 1890 en dehors de Nancy. Sa veuve (+ 23.12.1906) tient, dans les années 1890, aidée momentanément par son fils Charles, un magasin d’étoffes 11 rue Saint-Jean.

De 1873 et 1877, la raison sociale de la manufacture est restreinte à Staub-Guerlach. L’absence de(s) Warnecke peut s’expliquer par le décès de François Eugène en 1872 à Rio de Janeiro, ce qui conforterait l’hypothèse que, bien que professeur de musique, il participait à la société pour la promotion de la production. La nouvelle situation pose également la question du rôle et de la participation dans la raison sociale de François Gabriel Warnecke dont il n’a pas été possible de retracer le parcours et dont on perd la trace après 1872 (ni lui-même ni son épouse ne sont décédés à Nancy). L. Gerlach se retire fin 1877 ou début 1878, la raison sociale devenant dès lors « Manufacture Staub » dans laquelle Joseph Staub a les pleins pouvoirs.

Les collaborateurs les plus proches de G.L. Warnecke puis de J. Staub ont évidemment été les fils de G.L. Warnecke, puis les fils de J. Staub, mais aussi quelques artisans proches de J. Staub. L’implication, à Nancy, de François Alexandre Warnecke est peu probable, car ayant quitté Nancy en 1847 pour Paris où il s’y est installé avec sa famille et où la plupart de ses enfants s’y sont mariés. Devenu artiste-musicien, il résidait sans sa famille à Vichy, puis Montpellier et Nice. On peut supposer qu’au début de sa vie parisienne, il a pu être le représentant parisien de la manufacture, bien qu’aucune adresse commerciale correspondante n’ait été signalée à ce jour. Le rôle de François Gabriel a dû être essentiellement technique. Celui de François Eugène s’est sans doute limité, comme pour François Alexandre, à la promotion des instruments Staub par son activité de professeur de piano et ses déplacements à l’étranger.

Parmi les artisans signalés au cours des ans (2, 5), on note Jean Gaspard Ruhl, ébéniste puis facteur de pianos, originaire de Stempertenrod (Hesse) où il est né le 28.12.1811. Celui-ci a été témoin, entre 1848 et 1859, de plusieurs actes civils de la famille J. Staub, en particulier à la naissance de Paul Gaspard Staub. La manufacture employait également un ouvrier forgeron, Eugène François Mangin, domicilié, en 1876, 4 rue de la Poissonnerie. Peut-être que Adam Koehlhofer, originaire de la région de Zweibrücken (Sarre actuelle) mais ayant transité par Paris et se qualifiant de mécanicien en piano mais aussi de facteur d’orgues (indépendant ou employé ?) aurait pu collaborer avec Staub entre 1862 et 1875. Il y a également un François Staub, ébéniste de 41 ans en 1857, sans relations familiales apparentes avec Joseph Staub, témoin à la naissance de sa fille Pauline. En 1881, la manufacture comptait 40 employés (hommes seulement) dont le salaire journalier variait, selon les spécialités, entre 3,50 et 10,50.-francs. L’état de la fabrication était jugé « bon » et celui de la vente « satisfaisant malgré la concurrence étrangère » (23).

Dans la capitale, J. Staub comptait sur Jean Rohde (aussi orthographié « Rohdé ») et son fils Johannès Henry Rohde, tous deux facteurs et fabricants de pianos installés à Paris rue Caumartin 9. Ils fabriquaient des pianos droits en exploitant le système mécanique de l’Abbé Pécaut. Johannès Henri, dont la famille a résidé 28 rue Caumartin (1867), 2 rue Godot de Mauroy (1873) et 9 rue Caumartin (1876)), était devenu le gendre de J. Staub par mariage avec sa fille aînée, Marie Elisabeth Georgette, ce qui ne pouvait que favoriser l’impact de la manufacture Staub à Paris. Rohde fabriquait et vendait des pianos sous la marque « Rohde-Staub » (1) dont deux étaient d’ailleurs encore à vendre en 2010 entre 90.- (« en brocante ») et 280.-Euros (24). Rhode était également éditeur de musique. En Belgique, la manufacture Staub avait réservé le monopole de vente de ses instruments à E. Pauwels et Fils de Liège (25), tandis qu’au début des années 1900, la manufacture était associée à Seybold de Strasbourg pour la construction de pianos mécaniques (1).

Gabriel Henry Staub devait s’impliquer dans la gestion technique et commerciale de la manufacture jusqu’au décès de son père. On ne connaît pas le rôle exact dans l’entreprise du second fils de J. Staub, Paul Gaspard. Qualifié de Fabricant de pianos au moins jusqu’en 1895 (2), il a dû y tenir une place essentiellement technique, conduisant probablement les ateliers de fabrication. Aurait-il cependant pris quelques distances avec la manufacture car, en 1900, on trouve un Staub « pianos 16 rue de Mulhouse » ; il semble bien s’agir de lui car il n’y a pas d’autre Staub s’occupant de pianos à Nancy hormis son frère Gabriel Henri. On perd ensuite sa trace et il est déclaré décédé (en dehors de Nancy), ainsi que son épouse, lors de la déclaration du décès de son fils René Paul en 1907.

Jean Joseph Staub est décédé le 1.4.1891 à Nancy et a été inhumé au cimetière de Préville dans la tombe familiale. La famille a inséré des avis de décès, encore très peu fréquents à l’époque, dans les quotidiens nancéiens « L’Espérance-Courrier de Nancy », « Progrès de l’Est » et « Journal de la Meurthe », mais aucun de ces journaux n’a publié de notice nécrologique à cet éminent fabricant de pianos. Son fils Henry Gabriel prend la relève et dirigera la manufacture pendant vingt ans jusqu’à son décès le 20.2.1911 suivi de son inhumation au cimetière de Préville dans le caveau familial, toujours existant (5, 6). Une courte, sinon laconique, notice nécrologique lui a été réservée par « L’Eclair de l’Est » : « M. H. Staub, fabricant de pianos, 32, Faubourg Stanislas, est décédé lundi matin, après une maladie de quelques jours, à l’âge de 53 ans. La Maison Staub est l’une des plus anciennes du quartier » (26).

La famille Staub ne comptant plus d’autre descendant de Joseph Staub susceptible de prendre la relève, la raison sociale de la Manufacture devient « E. Bernet-Staub – Successeur » dans laquelle E. Bernet est le gendre de J. Staub, « Staub » concernant logiquement l’épouse de Bernet, Pauline Octavie Marthe Staub. La direction est confiée à L. Woerli, antérieurement contre-maître de la manufacture.


Les sites de la Manufacture J. Staub à Nancy puis à Jarville d’après les encarts publicitaires de 1912 et 1922 (27).

La manufacture ayant apparemment besoin, à partir de 1910, de s’étendre (elle occupait également des locaux au 8 rue de Toul en face des annexes du 32 faubourg Stanislas), sous l’impulsion de E. Bernet mais peut-être encore du vivant de Henry Gabriel Staub, de nouveaux ateliers ont été construits à Jarville-La Malgrange (faubourg de Nancy), à l’angle de l’Avenue de la Malgrange et de la rue Tourtel. Bureaux et magasins, de même que la résidence de la direction, ont rejoint le site soit encore en 1913-1914, soit en 1920 (2). Les bâtiments 32 Faubourg Stanislas sont devenus, dès 1911 avant le transfert, propriété d’un particulier (cession des immeubles pour assurer le financement des nouvelles constructions), puis en 1920 propriété de la Coopérative lorraine alimentaire (5). Dans les années 1970, la partie ouest de l’immeuble a été entièrement reconstruite. La raison sociale « E. Bernet-Staub » existera jusqu’au décès de E. Bernet le 15.3.1931 à Jarville. Ce dernier a aussi été très actif dans les instances commerciales locales et régionales en tant que membre de la Chambre Syndicale des Facteurs d’instruments de musique et Membre de la Fédération des Facteurs de Pianos et d’Orgues (28).

Suite au décès de E. Bernet, la raison sociale devient « Manufacture de pianos Guerre, Lambinet et Cie - J. Staub» (2), patronymes des gendres de J. Staub et Hippolyte Guerre. Ce dernier semble avoir fait toute sa carrière chez Staub d’abord comme employé comptable, puis comme représentant de commerce et enfin comme comptable en titre. Il avait épousé Marceline Maria Anna Staub. Lionel Paulin Lambinet était le gendre de H. Guerre par mariage avec sa fille Eugénie (née le 1.7.1901 à Nancy). Coupeur-tailleur (marbrier) en 1901 à son mariage, serait-il progressivement entré dans l’entreprise Staub pour en devenir co-propriétaire en 1931 ou bien s’agit-il, dans la raison sociale, de la fille de H. Guerre ? L’autre fille de H. Guerre, Henriette, avait épousé (le 18.6.1909 à Nancy) Lucien Louis Gény qui ne semble pas avoir intégré la manufacture sauf à considérer qu’il rentre dans le label « et Cie ».

La manufacture a cependant dû fermer en 1936, suite à la crise des années trente, de la désaffection des générations d’après-guerre pour le piano et de la concurrence française (Gaveau, Pleyel) et étrangère. On suit dans une certaine mesure l’évolution des difficultés financières rencontrées par la manufacture par l’importance décroissante des encarts publicitaires à partir de 1928. Hormis les zones de stockage du bois et annexes ré-urbanisés après 1936, les bâtiments des magasins et ateliers sont actuellement encore en place, occupés depuis 1943 par une compagnie de CRS, bureaux et maison directoriale étant devenus des résidences privées. En 1939, les locaux vacants auraient servi de centre mobilisateur. L’ensemble industriel et résidentiel avait été réalisé dans le style très spécifique des années 1910-1920 qui mérite une attention particulière au titre du patrimoine industriel (cf. vue perspective supra).

L’évolution de la raison sociale des manufactures d’instruments et de pianos G.L. Warnecke et J. Staub peut se résumer comme suit :

- 1808-1809 : Warnecke Georges Louis, ébéniste et facteur d’instruments chez Joseph Stezle,

- ca1818 - 1848 : Warnecke G.L., facteur autonome d’instruments à cordes et de pianos-forte, puis Warnecke et Fils (François Alexandre et François Gabriel) – facteurs et fabricants de pianos et d’instruments ;

- 1842 : arrivée de Jean Joseph Staub, ébéniste, facteur de pianos ;

- 1845 : J. Staub épouse Hortense Warnecke

- 1848, mars, décès de G.L. Warnecke ;

- 1848-1867 : Manufacture Staub–Warnecke, avec Joseph Staub et les fils Warnecke ;

- 1868-1872 : Manufacture Staub - Warnecke - Guerlach ;

- 1873-1877 : Staub - Guerlach  ;

- 1878-1891: J.Staub ; Gerlach se retire et sort de la raison sociale ;

- 1891, 1. avril, décès de Jean Joseph Staub ;

- 1891-1911 : manufacture J. Staub sous la direction de Gabriel Henry Staub ;

- 1911 : 20.2., décès de Henry Gabriel Staub ;

- 1911-1831 : E.Bernet – Staub ; directeur L. Woerli

- 1931 : 15.3.31., décès de Emile Bernet à Jarville ;

- 1831 -1836 : Guerre – Lambinet et Cie – J. Staub ;

- 1836 : fermeture de la manufacture de pianos J. Staub.

La maison Staub a eu, au fil des ans, une dynamique technique, industrielle et commerciale active impulsée par ses directeurs et leurs adjoints. Plus de 25 000 instruments, dont environ 10 000 déjà avant 1882, sont sortis de cette manufacture entre 1848 et 1936, plaçant la manufacture de pianos Staub parmi les plus importantes de France, ce qui lui a valu de figurer dans l’ouvrage de Turgan (1882) à côté des manufactures de pianos Pleyel, Erard et Gaveau (13). Une partie de la production était exportée en Espagne, Brésil, Antilles et Grande-Bretagne. Elle a également valorisé son patrimoine immobilier, en louant les appartements disponibles, entre autres à L. Woerli entre 1892 et 1911. A l’angle de l’immeuble sur rue, avait été ouvert un café intitulé « Café de Thionville », devenu « Grand Café de Thionville » et enfin « Café Stanislas » ; prédécesseurs de l’actuelle brasserie, dont les tenanciers étaient locataires (2).

La période la plus florissante de la manufacture J. Staub se situe entre 1865 et 1914. Ses efforts ont été récompensés par de nombreux prix et médailles lors des expositions régionales, nationales et universelles et qui lui ont permis de s’implanter et de vendre ses instruments un peu partout dans le monde (29) :

- 1861, Exposition Universelle de Metz : médaille de 2° classe petit module (MA2) ;

- 1864 : Exposition franco-espagnole de Bayonne : médaille de bronze ;

- 1878 : Exposition Universelle de Paris : médaille de bronze pour des pianos droits fabriqué de toutes pièces, à double échappement. « Ce facteur qui s’inspire de Woelfel, cherche à innover » (G. Chouquet (18B) in (15)). A cette même exposition, la manufacture Mangeot était récompensée par une médaille d’or, attribution sans doute fortement influencée par la présentation de son piano à deux claviers opposés ;

- 1894 : Exposition Universelle d’Anvers : médaille d’argent ;

- 1897 : Exposition Universelle de Bruxelles : médaille d’or (pianos droits et de divers formats) ;

- 1900 : Exposition Universelle de Paris : médaille de bronze ;

- 1902 : Exposition de Hanoï : médaille d’or ;

- 1905 : Exposition de Liège : Diplôme d’Honneur ;

- 1909 : Exposition Internationale de l’Est de la France (Nancy) : Grand Prix.

 

Les MANGEOT

De nombreuses données concernant les fabricants de pianos Mangeot ont été fournies dans un compte-rendu du Jury de l’Exposition de Londres (1862) (30) et plus récemment par R. Pierre (31). On y apportera quelques éléments complémentaires (2, 5, 6).

Par rapport à Stezle et Warnecke, Pierre Hyacinthe Mangeot est d’une génération plus jeune. Il est, en effet, né à Nancy le 3.12.1808, fils de André Mangeot et de Marie Rose Cheullet, originaire de Cirey où elle est née le 29.1768. André Mangeot (26.4.1771 Sivry – 15.12.1849 Nancy) est issu d’une famille de charrons établie dès avant 1700 à Belleau, mais qui s’est surtout implantée à Sivry à partir de 1705 environ avec des descendants charrons puis vignerons et « régents d’école ». Certains Mangeot ont également été maires de Sivry (localités à 22 km au NNE de Nancy). La fonction de Régent d’école, souvent assortie à celle d’échevin ou de marguillier des paroisses, fonction qui les amène à signer, avec les curés, de nombreux enregistrements B.M.S., est quasiment transmise d’une génération à la suivante dans la même localité, ou, pour une lignée cousine, dans des localités avoisinantes. Elle atteste de leur grande honorabilité. André Mangeot entame d’abord une carrière militaire, devient ensuite jardinier avant de s’installer à Nancy comme « Marchand-épicier » au 4 rue du Point-du-Jour dans le quartier Saint-Epvre où est né Pierre Hyacinthe ainsi que ses frères et sœur (cf. ci-dessous) (2, 5, 3).

MANGEOT Jean o en 1633, Charron, † le 7/2/1709 à Belleau, x GAURON Christophe.

. | MANGEOT Charles André o à Sivry, Régent d'Ecole, † le 23/9/1727 à Sivry, x en 11/1705 à Sivry. GENYS Agnès, o le 1677 à Sivry, † à Sivry.

. | . | MANGEOT Jean François o à Sivry, Régent d'école, † en 1777 à Sivry, x le 12/2/1737 à Sivry. CEZARD Marguerite Marie, o le 1715 à Sivry, † à Sivry.

. | . | . | MANGEOT Jean François o le 5/11/1742 à Sivry Vigneron / Régent d'Ecole, † le 23/4/1814 à Sivry, x le 10/1/1769 à Sivry, x LOUIS Jeanne o le 1743 à Sivry, † à Sivry.

. | . | . | . | MANGEOT André o le 26/4/1771 à Sivry, Jardinier / Marchand épicier, † le 15/12/1849 à Nancy, x le 9/11/1802 à Nancy CHEULLET Marie Rose, o le 29/3/1768 à Cirey-sur-Vezouze, † le 3.6.1822 à Nancy.

. | . | . | . | . | MANGEOT Claude Joseph o le 6/10/1804 à Nancy.

. | . | . | . | . | MANGEOT Marie Antoinette o le 15/5/1806 à Nancy.

. | . | . | . | . | MANGEOT Pierre Hyacinthe o le 2/12/1808 à Nancy, Facteur de pianos / Fabricant de pianos, † le 12/6/1862 à Nancy, x le 15/12/1830 à Nancy, x CAYE Jeanne, o le 17/12/1810 à Nancy, † le 18.7.1879 à Nancy.

. | . | . | . | . | . | MANGEOT André Alfred o le 2/9/1831 à Nancy, Facteur de pianos / Fabricant de pianos à Paris, x DELARUE Amélie Caroline, o le 1836 à Vieux-Thann.

. | . | . | . | . | . | . | MANGEOT Jeanne Amélie o le 1/4/1859 à Nancy, x 7.12.1878 à Nancy Louis Lucien Comettant, o 1853 à New-York, représentant de la société Mangeot Frères à Paris.

. | . | . | . | . | . | . | MANGEOT Jeanne Louise o le 30/9/1862 à Nancy.

. | . | . | . | . | . | . | MANGEOT Marthe Amélie o le 29/11/1865 à Nancy.

. | . | . | . | . | . | . | MANGEOT Marguerite Marie o le 6/10/1871 à Nancy.

. | . | . | . | . | . | MANGEOT Edouard Joseph o le 24/4/1835 à Nancy, Facteur de pianos / Fabricant de pianos, † le 31/5/1898 à Paris, x le 7/2/1868 à Nancy LAPOULLE Léa Marie, o le 14/6/1846 à Commercy.

. | . | . | . | . | . | . | MANGEOT Elisa Jeanne Marguerite o le 23/11/1868 à Nancy, † 26.11.1868 à Nancy.

. | . | . | . | . | . | . | MANGEOT Madeleine Jeanne o le 20/12/1869 à Nancy, x DANDELOT Arthur, o le 27/2/1864 à Paris, † à Paris.

. | . | . | . | . | . | . | . | DANDELOT Georges o le 2/12/1895, † le 17/8/1975.

. | . | . | . | . | . | . | . | DANDELOT Maurice o le 1897.

. | . | . | . | . | . | . | MANGEOT Pierre André o le 22/4/1871 à Nancy.

. | . | . | . | . | . | . | MANGEOT Jean Auguste o le 3/1/1873 à Nancy, x le 5.4.1904 à Paris (1) Marie Louise « Cartera » ( ?)

. | . | . | . | . | . | . | MANGEOT Jenny Pauline o le 29/4/1874 à Nancy, † le 9/12/1964 à Issy-les-Moulineaux, x 9.1.1909 Paul Victor Edouard Picquenard.

. | . | . | . | . | . | . | MANGEOT Elisa, o 21/10/1875 à Nancy, † le 17/7/1876 à Nancy.

. | . | . | . | . | . | MANGEOT Marie Jeanne o le 8/4/1845 à Nancy.

. | . | . | . | . | MANGEOT Pierre André o le 28/8/1810 à Nancy.

Pierre Hyacinthe Mangeot, dont on ne sait comment il a été intéressé par le métier de facteur de pianos (Stezle et Warnecke y seraient-ils pour quelque chose ?), aurait effectué entre 1828 et 1830, sa formation dans des ateliers parisiens (31). Effectivement absent de Nancy en 1828 et 1829, il y revient en 1830 et se marie le 15 décembre avec Jeanne Caye, née le 17.12.1810 à Nancy, fille de Joseph Caye, charpentier, et de défunte Marguerite Nebel. Le couple réside sous le toit de Joseph Caye au 1 Faubourg Saint-Georges/rue du Tapis Vert (propriété des parents de Joseph Caye), sans précision sur l’existence d’un atelier de facture de pianos-forte. Comme P.H. Mangeot est déclaré « ouvrier en pianos », il est plus que probable qu’il ait été employé d’un fabricant local de pianos, Stezle ou Warnecke. Courant 1832, toujours qualifié d’« ouvrier en pianos » donc travaillant a priori chez un facteur d’instruments, il réside comme locataire au 47 rue des Dominicains. Si en 1833 il est récompensé pour la fabrication de pianos, il a du ouvrir son atelier courant 1832, au plus tard début 1833 (en 1835, il est qualifié de « facteur de pianos », terme apparemment réservé, à l’époque, aux artisans autonomes). Cette récompense semble donc avoir été obtenue sur son premier ou du moins un de ses premiers instruments. A partir de cette date, les affaires semblent bien prospérer, car peu avant 1841, il a acquis l’imposant immeuble du 9 rue de la Constitution (l’actuelle rue Maurice Barrès) où il résidera et tiendra ses ateliers. L’immeuble comptera au fil des ans entre 8 et 12 locataires, dont deux veuves de barons, gardé par un portier également ouvrier ébéniste dans la manufacture, c’est tout dire de l’importance de l’immeuble. Dans les années 1830, P.H. Mangeot semble présenter sur Stezle et surtout Warnecke l’avantage d’avoir été en contact avec la facture de pianos parisienne la plus moderne. La qualité des instruments de P.H. Mangeot semble rapidement reconnue, car après la récompense de 1833, il obtient encore des médailles d’argent et d’or aux expositions de Nancy de 1838 et 1843 (1, 29, 30).

La manufacture, ainsi que la résidence de tous les membres de la famille Mangeot, sont restées sur ce site jusqu’en 1879/1880, disposant, entre 1868 et 1879, d’une annexe au 17 rue des Jardiniers où étaient hébergés un chauffeur, Jean Debard, 34 ans (né le 7.6.1842), et son épouse Didelot Marie, 26 ans, concierge (l’adresse 4 rue de la Constitution mentionnée en 1846 - si elle est exacte – correspond à un immeuble d’habitation avec peut-être un dépôt en arrière-cour). Une partie de l’immeuble d’habitation, dont Jeanne Caye, la Veuve de Hyacinthe Mangeot est restée propriétaire après le décès de Pierre Hyacinthe, était louée à des tiers, parmi lesquels figuraient aussi des employés : en 1860 un facteur de pianos Benoist Ferdinand et un ouvrier en pianos Thiéry Etienne, et en 1876, un ébéniste Rémy Boulay, et son épouse Catherine Jacquot, 47 ans, concierge. Les Mangeot ont également logé momentanément Vincent Cavalié (Cavaillé), venant de Paris avenue du Regard 1, facteur d’orgues travaillant à l’orgue de la cathédrale de Nancy (30). Parmi les autres collaborateurs estimés et récompensés par les Expositions, on note Jean Brulard, ébéniste, né le 27.5.1807 à Forbach, fils de Jean Pierre Brulard, menuisier, et Madeleine Bäckner. Pierre Hyacinthe Mangeot a été témoin à son mariage le 6.9.1838 à Nancy avec Jeanne Adèle Reitz, repasseuse, (o en juin 1811 à Toul), ce qui traduit un lien d’amitié au delà de celui de patron (5, 6).

Dès 1858, avant le décès le 12.6.1862 de Pierre Hyacinthe, la manufacture est dirigée par les frères André Alfred et Edouard Joseph. Elle comprendra dans les années 1860-1870, environ 60 employés et aura produit près de 400 instruments, livrés en France et à l’étranger (jusqu’en Australie). Louis Lucien Comettant, gendre d’André Alfred Mangeot par le mariage avec sa fille Jeanne Amélie Stéphanie, a été représentant à Paris de la manufacture Mangeot Frères (31, 32). Le Jury de l’exposition de Londres de 1862 fournit un compte-rendu très élogieux de la production des Frères Mangeot (30). Selon Coyon (1876) (33), les deux frères Mangeot auraient aussi été professeurs de musique, tandis qu’en 1876, ils étaient respectivement Trésorier et Délégué (Edouard) et Secrétaire (André Alfred) du Comité Correspondant de l’Association des artistes musiciens à Nancy.

A partir de 1868, la manufacture produira des instruments sous licence Steinway, procédé pas tout à fait apprécié par Chouquet (1878) (34) qui considère que les Mangeot « se montrent les serviles imitateurs de M. Steinway », tout en reconnaissant « au piano à double clavier de ces facteurs, de Nancy, quelque chose d’absolument nouveau ». Celui-ci leur a valu la médaille d’or à l’exposition universelle de Paris en 1878. Pour d’autres, ce piano très particulier était moins apprécié. Sa production, réputée solide et généralement de prix très accessible sinon bon marché et surtout axée sur les pianos droits, comprend cependant aussi des pianos à queue parmi lesquels figure un piano dont la décoration du meuble, d’inspiration chinoise et japonaise, a été réalisée par Auguste Majorelle (1825 Lunéville – +1879 Nancy), célèbre faïencier et ébéniste à Toul puis Nancy. Il est conservé au Musée de l’Ecole de Nancy (35).

Autour des années 1870, Edouard Mangeot a été Conseiller municipal de Nancy ; il a également été promu Chevalier de la Légion d’Honneur et a été, après 1880, très actif dans les milieux artistiques de la capitale. Avant le décès de Jeanne Caye le 17.7.1879, la manufacture Mangeot Frères et Cie se « délocalise » pour s’établir à Paris, 64 rue Neuve-des-Petits-Champs (1878 ; adresse commerciale de son représentant Comettant ?), puis au 334 rue Saint-Honoré. Après 1880, elle ne paraît plus participer aux Expositions (29). La manufacture sera obligée d’arrêter sa production après 1890 suite au décès, à peu d’années d’intervalle d’André Alfred et d’Edouard Joseph (1898). Dans l’acte de décès de ce dernier, il n’est fait mention que de sa qualité de Directeur du « Monde Musical », revue créée en collaboration avec son gendre Arthur Dandelot (1864 – 1943 ; son épouse était une fille d’Edouard), celle de fabricant ou d’ancien fabricant de pianos étant omise ; ceci indique que la manufacture a fermé bien avant 1898 ou que la direction de la manufacture n’était plus l’occupation principale d’Edouard. Celui-ci avait également créé, avec Dandelot, le « Bureau des concerts Dandelot », première affaire d’organisation de concerts à Paris. Son fils Auguste Mangeot, a été avec Alfred Cortot, fondateur, en 1919, de l’Ecole Normale de Musique (34).

 

Camille METZNER

Par décret en date du 9 octobre 1872, Camille Théophile Metzner, est « autorisé à établir son domicile en France pour y jouir des droits civils tant qu’il continuera d’y résider », tandis qu’en 1876, une note marginale du Registre de la Population mentionne « n’a pas tiré au sort » (5). Ces assertions traduisent quelque peu le climat des années qui ont suivi les événements de 1870. En effet, bien que né à Nancy le 6.10.1836, fils de Gotthelf Maurice Metzner, tisserand, né le 15.12.1806 à Mulssen (près de Zwickau, Saxe), et de Catherine Adam née le 13.5.1811 à Nancy, également de père allemand, Gottlieb Adam, tisserand, et mère nancéienne Catherine Henry (mariage le 15.11.1830 à Nancy), il avait conservé la nationalité allemande au moins jusque dans les années 1880. Son père Gotthelf Maurice, fils de Chrétien Amédée Metzner, tisserand à Mulssen, et de Christine Sophie Hubner, s’est installé à Nancy avant le 15.11.1830 date de son mariage à Nancy, peut-être même avant 1825. Il y exerçait le métier de tisserand, de marchand de tissus et toiles puis de fabricant de tissus. Ont émigré avec lui ou à peu près à la même époque d’autres Metzner, frères ou cousins, qui travailleront tous, ainsi que la plupart de leurs descendants, dans le textile et la corseterie à Nancy et pendant quelques temps à Lunéville (2, 5, 6).

Le 1.12.1858, Camille Metzner épouse Céline Bentz, née à Nancy le 2.12.1841, fille de Dominique Bentz, propriétaire à Nancy et de Lucie Roy (+ le 4.6.1856). De ce couple naîtront deux enfants : Lucie Marie Virginie, née le 5.10.1871, et Emélie Alice, née le 20.6.1874 (2, 6).

Dans la descendance des émigrés Metzner, Camille Théophile rompt avec la quasi-« tradition » familiale du textile, grâce à ses prédispositions pour la musique qui l’amèneront à devenir professeur de piano, puis marchand de musique et même fabricant de pianos (un autre membre de la famille Metzner, Maurice Auguste, deviendra professeur de contrebasse (32)). Formé au Conservatoire de Leipzig d’où il revient avec le diplôme de Maître de Musique, il y exerce jusque dans les années 1875, comme professeur de musique et de solfège. En 1856, à 23 ans tout juste revenu de Leipzig, il a été candidat au poste d’organiste du temple de Nancy. Se considérant mieux formé que son concurrent, ce qui était exact, il avait finalement renoncé au concours prétendant que la place vacante était due à son titre de professeur de musique et enfant de l’Eglise (protestante) de Nancy » (37). Le poste a finalement été attribué à un autre allemand, Jean-Frédéric Rinckler, ancien instituteur devenu facteur de piano et accordeur ayant très probablement travaillé chez Staub (37).

Les années 1873-1875 marquent un tournant important dans la carrière de Camille Metzner. Après avoir détenu quelque temps, à côté de son professorat, un dépôt de pianos, il reprend en 1875, le magasin de musique créé en 1872 par J.B. Frantz (20.4.1834 Sarre-Union – 12.4.1892 Paris) au 7 rue de la Poissonnerie (Gambetta). Jean Baptiste Frantz venait de Metz où il était établi 12 Place Friedland depuis 1852 comme facteur-fabricant et marchand de pianos (2, 5). Il aurait aussi eu un atelier de facture d’orgues, mais celui-ci n’est pas mentionné par C. Lutz et J. Menissier dans l’Inventaire des Orgues de Lorraine, Moselle (38). A Nancy, il ne détenait qu’un dépôt de pianos, vendant a priori ses propres instruments non fabriqués sur place et peut-être ceux d’autres fabricants. Tout en ayant encore un appartement au-dessus du magasin en 1875, il quitte cependant Nancy dès 1873 en laissant sur place un représentant, Dupart, pour s’installer à Paris au 64 rue Lafayette où il continuera à fabriquer et vendre des pianos. Egalement devenu éditeur de musique, il y est décédé le 12.4.1892 (1). Sa production messine et parisienne a été récompensée par une Médaille de Bronze à l’Exposition Universelle de Metz en 1861 et par une Médaille de Bronze à l’Exposition Universelle de Paris en 1889. Son fils Albert reprendra l’affaire de son père au 91, rue de Clichy à Paris (pianos droits et pianoplayers) (1).

En reprenant l’affaire de J.B. Frantz, C. Metzner se qualifie de marchand de musique. Bien que n’en ayant probablement pas la formation correspondante, il se dit « fabricant de pianos » à partir 1876 ; plus précisément, il achetait des pianos chez Staub qu’il revendait sous son nom « à des prix vraiment exceptionnels » (2, 5, 39). Sa production a été couronnée d’une Mention Honorable à l’exposition de Reims en 1876, d’un 1° Prix à Sydney en 1880 et d’une Médaille de Bronze à Melbourne en 1880 (1). La maison Metzner vendait également les pianos des « marques les plus réputées » (Erard dont Metzner détenait le dépôt nancéien, Pleyel, Gaveau, Thibout, Herz, Bord, Georges, Elcké), mais les pianos Staub et Mangeot ne figurent cependant pas au catalogue. La maison Metzner propose également tous autres instruments (lutherie, instruments de cuivre et de bois, harmoniums dont elle assure l’entretien et la réparation) et partitions. Elle disposait de près 150 pianos en location, ce qui montre que la demande en instruments était forte. Camille Metzner était également compositeur et éditeur de musique (40). Pendant quelques années, il avait une succursale au 17 rue des Dominicains.

Camille Metzner est décédé à l’âge de 47 ans le 28 mars 1884. Dans son acte de décès, il a été déclaré luthier, qualité supplémentaire à son palmarès. On ne peut que souligner que C. Metzner a été un personnage au caractère avenant et ouvert et à l’esprit enjoué (41) doté en outre d’un grand sens et dynamisme commercial lui permettant de développer son affaire qui en quelques années s’est constituée une solide réputation. Très ouvert au monde artistique, il avait créé la revue « Nancy-Artistes » dont il a été le rédacteur en chef et l’administrateur et qui lui consacré une notice élogieuse dans son édition du 3.4.1884 (41).

Après son décès, la maison est reprise par son épouse sous la raison sociale « Vve C. Metzner », sans changement dans sa spécificité. Entre 1886 et 1895, Céline Vve de Camille Metzner se dit marchande d’instruments de musique et de musique, mais aussi « factrice de pianos », ce qui signifierait que pendant toute cette période la maison fabriquait encore des pianos. Toutefois, les publicités de 1890 ne mentionnent plus la marque de pianos neufs Metzner, ce qui suppose que la fabrication de ces instruments s’est arrêtée et que la vente portait uniquement sur des pianos d’occasion.

Travaillant d’abord seule, elle s’associe par la suite à Auguste Dupont, Editeur de musique, la raison sociale devenant « Vve C. Metzner – Dupont » (2). Cette association découle logiquement du mariage, le 19.9.1889, de Auguste Louis Emile Dupont avec sa fille Lucie Virginie Metzner (2, 6). Céline Metzner s’étant retirée des affaires en 1897, le magasin sera au nom de « Dupont » jusqu’en 1902, puis deviendra « A. Dupont-Metzner - ancienne maison C.Metzner et Dupont », A.Dupont étant qualifié de « marchand de musique et d’instruments de musique ». Auguste Dupont a aussi été l’éditeur de musique de nombreux compositeurs de sa génération (40). La maison avait ouvert des succursales à Saint-Dié au Quai Partourelle, à Remiremont au 106, Grande-Rue et, en 1912, à Verdun au 6 rue de l’Hôtel de Ville (6). Elle était également éditrice et fournisseur du Conservatoire de Musique de Nancy (2, 6). En 1924, elle a été cédée à la Société Anonyme et d’Edition de Musique.

La Maison « Dupont-Metzner » existe encore aujourd’hui à la même adresse, son président-directeur général, M. Duval, ayant repris l’ancienne enseigne (39). Au début des années 1960, c’était un magasin dont l’agencement pouvait correspondre à celui du début du 20° siècle avec ameublement vernis d’époque, rayonnages occupant toute la 2° partie du magasin (moins profond qu’actuellement), rempli de partitions neuves et d’occasion (une vraie mine de partitions !), éditées et/ou accumulées sans doute depuis les débuts de l’existence de la maison. Depuis (1972), le magasin s’est évidemment entièrement modernisé. C’est actuellement la plus ancienne et la plus importante maison de musique de l’Est de la France sinon de France (39).

 

 

Jules BARTHELEMY

Jules Barthélemy s’installe à Nancy au 64 rue Stanislas en 1891, venant de Paris où il est né le 18.9.1848, et y a épousé, en 1874, Marie Gerbadenstein née à Mulhouse en 1852. Le couple aura deux fils qui deviendront tous deux facteurs de pianos : Victor, né le 8.8.1875 à Paris et qui n’arrivera à Nancy qu’en août 1909, et Louis né le 19.12.1876 à Paris, arrivé en 1891 avec son père. Jules Barthélemy est décédé à Nancy le 23.4.1913 (2, 5).

La maison Barthélemy (héritière ou succursale de celle installée à Paris 29 rue de Paradis-Poissonnière et récompensée par une citation favorable à l’Exposition Nationale de 1844 ?) fabriquait des pianos avant son arrivée à Nancy, car elle a obtenu une médaille d’Or en collaboration à l’Exposition ouvrière de 1878. Sa production semble avoir perduré jusqu’au début des années 1910. D’après sa publicité de 1905, Jules Barthélemy se déclare ancien élève de Pleyel et fournisseur du Conservatoire de musique de Nancy. Outre la vente de ses propres pianos fabriqués dans son atelier sis 6 rue de Monbois (1905) puis 19 rue Molitor (1912) à Nancy, il assurait également la vente d’orgues, harmoniums, instruments cuivre et bois et la lutherie. Des photographies de sa vitrine et d’autres marchands de musique sont fournies par (1, 42). La maison Barthélemy avait ouvert une succursale et un dépôt à Neufchâteau au 24 rue de France chez M. Chaffaut (2). La maison existait encore dans les années 1930.

Quelques-uns de ses instruments ont survécu aux temps, car deux d’entre eux étaient récemment à enlever davantage comme pièces de décor que comme instrument de travail, l’un, de 1901, un autre, droit, de teinte noire et à poignées et bougeoirs en laiton. Il s’agissait de pianos à cadres en bois, ce qui était quasiment la norme à l’époque, chez la plupart des petits fabricants de pianos, car moins chers que les cadres en métal.

 

Claude FOLTZ
1807 - 1877

Plus généralement qualifié de « facteur de pianos », Claude Foltz est cependant aussi fabricant de pianos comme l’attestent les plaques de fabricant apposées dans les instruments (1). Il n’est pas cité dans les répertoires de récompenses aux Expositions et on ne connaît pas, à Nancy, d’encarts publicitaires le concernant. Originaire de Nancy où il est né le 10.12.1807, fils de Jean Jaques Foltz (7.3.1783 Wissembourg – +26.3.1857 Nancy) et de Marie Thérèse Richard (5.4.1783 Nancy – +26.12.1869 Nancy), aurait-il appris son métier de facteur de pianos chez Stezle ou Warnecke, seuls ou principaux facteurs de pianos connus à Nancy dans les années 1825 ? Il était établi 26 rue de la Pépinière (rue Gustave Simon) dans la maison familiale où il a probablement tenu son magasin de vente (5, 6). Resté célibataire, il est décédé le 30.12.1877 à l’âge de 70 ans (5, 6).

 

Joseph et Edouard KEISER

Ces facteurs et fabricants de pianos établis à Nancy se font connaître par un encart publicitaire (d’ailleurs le seul !) de 1884 (6) d’après lequel leurs manufacture et magasin sont installés au 25 rue Montesquieu. Qualifié de « facteur de pianos » dès son arrivée à Nancy, il est très probable que Joseph Keiser ait commencé sa carrière nancéienne comme facteur de pianos chez Staub-Warnecke, prenant par la suite son indépendance. Il fabriquait des instruments à cadre de fonte et utilise le système à sillet métallique et assurait également la vente et la location de pianos neufs et d’occasion, les réparations en tous genres ainsi que celles des harmoniums. On ne connaît pas le nombre de personnels, opérant dans cette manufacture, certes moins importante que celles des Staub-Warnecke et Mangeot, ni la date exacte de sa création, ni encore l’importance de sa production sans doute très artisanale et vocation locale ou régionale. Sa production a été couronnée par des médailles aux Expositions de 1876, 1880, 1881 et 1882 (1, 2). Son invention de piano-pédalier, susceptible d’offrir aux organistes un instrument de travail utile, lui a valu l’attribution d’une médaille à l’Exposition de Paris de 1878 (« KEISER J. Pianos droits, Mention honorable, 1878 ; Nancy » ; (1)) et a fait l’objet d’un article dans la presse locale « L’Espérance – Courrier de Nancy » du 19.5.1878 (26) :

« Le Piano-Pédalier inventé par M. Keiser, facteur de pianos à Nancy, a obtenu à la dernière Exposition une mention honorable. Nous croyons qu’il méritait beaucoup plus ; mais probablement, ce modeste facteur n’avait personne pour faire valoir son œuvre, et il n’y avait, sans doute, pas d’organiste parmi les membres du jury. Voilà pourquoi son invention n’a pas été appréciée à sa juste valeur…. ….Avec un piano-pédalier Keiser, on peut travailler seul, à tous ses moments de loisirs. C’est déjà un grand avantage, mais il n’est pas le seul. Comme ce piano a deux claviers superposés, on peut s’exercer aux changements de claviers, aux croisements de mains et à toutes les manipulations qui se font sur un grand orgue. Nous croyons réellement que cet instrument nouveau rendra de grands services à l’art religieux et aux organistes. »

Cet instrument ne paraît cependant pas avoir eu le succès attendu.

De même que Jean Joseph Staub, Joseph Keiser vient de Suisse où il est né le 5.1.1821 à Zug, fils de Michel Keiser, ébéniste (+16.7.1854 à Zug) et de Catherine Brandenberg (+2.1.1854 à Zug). Il est arrivé à Nancy avant 1855, année de son mariage à Nancy le 23.7.1855 avec Christine Rosalie Leroux, couturière, née à Nancy le 14.11.1822, fille de Charles Leroux, serrurier (+1.5.1831 Nancy) et de Claire Blaise (+3.2.1854 Nancy). Un fils Edouard Joseph naîtra le 9.5.1856 (5, 6). Son émigration à Nancy n’est sans doute pas étrangère à Joseph Staub déjà installé à Nancy depuis 1842, d’autant plus que Staub est originaire de Menzingen, localité à peu de distance de Zug, ville où il aurait pu faire son apprentissage d’ébéniste et de facteur de pianos dans le même établissement que J. Keiser. Ces relations sont d’autant plus probables que J. Staub a été témoin à son mariage. Joseph Keiser est décédé le 11.8.1895 à l’âge de 74 ans en son domicile 25 rue Montesquieu, les déclarants du décès ayant été son fils Edouard « fabricant de pianos », et Georges Albert Cachelin, 35 ans, menuisier, un probable collaborateur des Keiser. Son épouse Christine Rosalie Leroux décèdera peu après, le 17.4.1896 à l’âge de 73 ans (5).

Edouard Keiser sera « ouvrier en pianos », travaillant chez son père après 1885 dont il reprendra l’affaire en 1895. Bien que né à Nancy, donc français par le droit du sol, il est déclaré, en 1887, comme « naturalisé suisse » et arrivé à Nancy le 5.10.1885. Ceci indique qu’il avait travaillé pendant quelques temps en dehors de Nancy. Le 29.9.1885, il a épousé, à Chaumont, Lucie Petitjean, née en cette ville le 29.3.1864, dont il a eu une fille Lucie Hélène née le 25.4.1888 à Nancy. A son mariage, il se déclare « fabricant de pianos » tandis que son père Joseph est déclaré « négociant », qualité qui suppose qu’Edouard prenait une part prépondérante dans la fabrication, son père se consacrant davantage au développement commercial de l’affaire. Son activité en autonome a cependant été de courte durée, car il est décédé le 2.12.1902 en son domicile 62bis rue Charles III (6). La présence, parmi les déclarants de son décès, de Hyppolite Guerre, comptable de la manufacture Staub, s’explique davantage par des liens d’amitié et par son lieu de résidence dans le même immeuble que par le fait que E. Keiser ait pu être l’employé de la manufacture Staub après le décès de son père en 1895, ce qui semble contradictoire avec sa qualité de « fabricant de pianos » déclarée à son décès.

 

Les JACQUOT

Les Jacquot de Nancy ont été essentiellement des luthiers originaires de Mirecourt qui se sont acquis une solide réputation pour leurs instruments. Le créateur de cette lignée de quatre générations de luthiers a été Charles Jacquot né le 9.7.1804 à Mirecourt, fils de Henry Jacquot, tailleur d’habits (ca 1766 à Mirecourt), et de Marie Catherine Siry. Après son apprentissage chez Nicolas l’Aîné puis Breton à Mirecourt, il vient s’installer à Nancy en 1824 où il travaille comme ouvrier compagnon (chez Stezle ou Warnecke ?). Trois ans après, il ouvre son atelier et son magasin de musique au 19 rue de la Poissonnerie (2, 22, 42). Le 10.1.1827, il épouse, à Nancy, Catherine Vuillaume, née le 3.4.1806, fille de Claude François Vuillaume, piéton de sous-préfecture et d’Agnès Leroy. Ce couple aura un fils, Pierre Charles né le 10.3.1828 à Nancy qui deviendra également luthier. Celui-ci épousera Clémence Gillet dont il aura deux fils : Etienne Charles Albert (18.9.1853 – 26.8.1915) et Jules Victor (né le 12.8.1855). Tous les deux se consacreront également à une lutherie très appréciée. Promu Chevalier de la légion d’Honneur, Pierre Charles Jacquot est décédé le 19.1.1900 en son domicile 17 rue Gambetta. Outre ses qualités de luthier, Albert Jacquot a été un érudit historien de la musique et des instruments de musique. On lui doit de nombreux articles (Répertoire des instruments de musique, lutherie ; in (15), dont un opuscule sur les facteurs d’orgues et de clavecins des 17° et 18° siècles (43, 44).

Selon L. Verbeeck (1), Pierre Charles et ses fils ont également été fabricants de pianos comme l’attestent leurs signatures dans les instruments sortis de leurs ateliers de la rue de la Poissonnerie/Gambetta entre 1878 et 1890. Comme luthier d’abord, puis fabricant de pianos (vendant probablement sous son nom, comme Metzner, des pianos qu’il achetait chez un autre fabricant), il était donc contemporain et en concurrence avec Mangeot, Staub et Metzner, les deux premiers étant, sinon leurs fournisseurs, assurément mieux équipés car produisant industriellement. On ne sait jusqu’à quand cette production, apparemment commencée autour du départ des Mangeot pour Paris, s’est maintenue. Il ne semble pas qu’elle ait été la vocation première de la maison Jacquot. La maison Jacquot a été une sérieuse concurrence pour celle de C. Metzner (et réciproquement) établie à seulement quelques dizaines de mètres dans la même rue.

 

Les HEMPEL

Bien que leur qualité de fabricants de pianos à Nancy n’ait pu être établie, l’intérêt des Hempel vient du fait, qu’au début des années 1900, les facteurs-accordeurs de pianos Frédéric Hempel et son fils Georges se disent « innovateurs de pianos droits à deux claviers renversés et de la mécanique pour piano à double échappement » (2). Mangeot n’aurait donc pas été le seul fabricant de ce type très particulier de pianos, sauf à admettre que Frédéric travaillait avant 1880 chez Mangeot où il a pu contribuer à créer cet instrument. Peut-être a-t-il étendu à titre privé le concept au piano droit, alors que Mangeot le créait en piano à queue.

Frédéric Hempel est arrivé à Nancy en 1871, venant de Strasbourg avec son frère Charles également facteur de pianos, et ses parents (5). Par décrets des 24 et 28.6.1872, Frédéric et Charles ont opté pour la nationalité française (45) comme la plupart des Alsaciens et Lorrains qui ont fui le nouveau d’annexion. Dans les premières années de leur présence à Nancy, les deux frères sont « ouvriers en pianos » (chez Mangeot ?), Charles quittant Nancy pour Lyon en 1874. Frédéric s’établit à son compte en 1890 au 15 puis 25 avenue de Boufflers, associant entre 1902 et 1905 son fils Georges sous la raison « facteurs de pianos-accordeurs ». Outre l’entretien et la réparation des instruments, les Hempel assurent l’achat, la vente et la location de pianos, harpes et harmoniums (5). Leur qualité de fabricant n’est pas apparente.

Frédéric Hempel et Charles sont nés à Strasbourg respectivement les 12.8.1835 et 22.8.1839, fils de Charles Frédéric Hempel, menuisier, né le 22.2.1802 à Guertitz (Saxe ; lire plus vraisemblablement « Goerlitz ») et de Salomé Burghardt originaire de Schiltigheim (né le 30.9.1796 ; mariage le 18.10.1828 à Strasbourg) (45). Frédéric épouse le 21.10.1865 à Strasbourg Caroline Julie Goppert née le 21.11.1843 à Strasbourg, décédée entre 1878 et 1881 (45). A son mariage, Frédéric est facteur de pianos, tandis qu’à la naissance de ses enfants à Strasbourg entre 1874 et 1878 (ce qui indique que Frédéric travaillait et habitait à Nancy tandis que son épouse résidait à Strasbourg), Frédéric est qualifié d’accordeur ou d’ »ébéniste en pianos », mais il n’apparaît nulle part qu’il aurait pu être fabricant de pianos à Nancy.

En 1881, Frédéric Hempel épouse en secondes noces, probablement à Villing où elle est née le 10.3.1855, Barbe Gladel dont il aura deux enfants, Georges né le 28.8.1883 qui deviendra facteur de pianos, et Jeanne née le 15 mars 1888 (6). Il est décédé le 29.8.1914. Son fils Georges, marié à Marie Masson (née le 8.3.1887 à Nancy) professeur de violon, et résidant 14 rue du Sergent Blandan, a continué l’affaire de son père au 25 Avenue de Boufflers comme facteur-accordeur et mécanicien de pianos au moins jusqu’à la fin des années 1930 (5).

Selon Matte J.L. (28), Georges Hempel a été, autour des années 1913, membre de la Fédération des facteurs de pianos et d’orgues, son entreprise étant signalée comme fondée en 1852. A cette date, le fondateur de l’entreprise, nécessairement à Strasbourg, n’a pu être que son grand-père Charles Frédéric Hempel (aucun facteur de pianos Hempel n’est connu à Nancy entre 1852 et 1870). D’autre part, les qualités de menuisier et de journalier déclarées à Strasbourg et Nancy (une seule fois celle de facteur de pianos lors de la déclaration de son décès par un ami et non un membre de la famille ce qui rend la qualité déclarée incertaine) de Charles Frédéric sont peu compatibles avec celles de fabricant de pianos. Compte tenu de ces données, la date de 1852 et la qualité de fabricant de pianos des Hempel à Strasbourg restent à confirmer. En toute hypothèse, Charles Frédéric Hempel aurait pu avoir tenu un atelier de fabrication entre 1852 et 1871, ce qui reste à confirmer par des recherches dans les archives strasbourgeoises. Y-aurait-il erreur sur la date de fondation de l’entreprise : 1892 (à Nancy) au lieu de 1852 ? En tout état de cause, les Hempel perdraient, en arrivant à Nancy, leur qualité de fabricant.

 

EPILOGUE

Nancy a été, dès les débuts du 19° siècle, une ville à fort développement musical, en particulier après 1870, dans lequel la lutherie, le piano-forte puis le piano ont pris une place importante. A l’origine, se situe un modeste atelier de facture de piano-forte créé par Joseph Stezle et qui devait compter environ 3 à 5 personnes selon les circonstances, mais qui pourrait bien s’enraciner dans les dernières années du 18° siècle. Au fil des ans, s’est développée une véritable industrie de fabrication de pianos avec les Warnecke entre 1817 et 1848, Mangeot à partir de 1830, Staub-Warnecke puis Staub de 1848 à 1936, ainsi que quelques autres fabricants à vocation plus artisanale tels Metzner, Barthélemy, Keiser et Foltz. Ce sont autour de 30 000 pianos qui sont sortis des ateliers nancéiens.

Jusque vers 1840, la production de pianos paraît encore relativement artisanale, les artisans étant en outre « polyvalents » car fabricant divers types d’instruments (guitares, violons, violoncelles) à côté de pianos-forte. Avec Mangeot puis Staub-Warnecke, elle s’industrialise et prend un essor rapide parallèlement au développement d’un réseau commercial animé par des représentants, des concessionnaires et/ou des associations de plus ou moins longues durées. Après le départ de la manufacture Mangeot pour Paris, Staub restera le plus grand fabricant de pianos de Nancy, voire de l’Est de la France. Il est assez remarquable de constater que malgré la présence de deux importantes manufactures de pianos à Nancy, d’autres ateliers plus petits, aient pu continuer à assurer une production au moins jusqu’au début du 20° siècle, ce qui suppose qu’il y avait des débouchés pour de petits fabricants.

La présence des fabricants de pianos et luthiers allait de pair avec celle de plusieurs marchands de musique établis au centre ville (Stezle, Jacquot, Peffer, Louis, Barthélemy, Metzner, Paulus, Mouchette puis Martin, Wolff), souvent également luthiers-fabricants. La vocation « musicale » des rues Gambetta (Poissonnerie) et Stanislas (Esplanade) s’est perpétuée au fil des décennies jusqu’à nos jours, car on y trouve encore actuellement la plupart des magasins de musique de la ville, chacun avec sa spécificité.

Jean-Marc STUSSI  (2010)

 

Références :

(1) – Lieve Verbeeck, 2010, http://users.telenet.be/lieve.verbeeck/pianos_francais.htm

(2) – Archives Municipales Nancy, Annuaire Statistique de la Lorraine et de Nancy.

(3) Archives départementales de Meurthe-et-Moselle : Etat civil (BMS, NMD) en ligne : Lay-Saint-Christophe, Sivry : http://www.archives.cg54.fr/archives

(4) Ch. Lutz et R. Depoutot, 1990. Inventaire des Orgues de Lorraine, Meurthe-et-Moselle, Metz Editions Serpenoise, Metz.

(5) – Archives Municipales Nancy, Répertoire de la Population.

(6) – Archives Municipales Nancy, Etat Civil NMD.

(7) – Albi Rosenthal (2008), in http://oasis.lib.harvard.edu/oasis/deliver/-hou00368).

(8) Archives départementales de la Meuse. Etat civil NMD en ligne.

(9) – Gardeton César (1822). - Biographie musicale de la France et de l’Etranger ou Répertoire général des musiciens, Paris.

(10) – Ferraton Y., 1999, Encyclopédie de la Musique en Lorraine. I. La vie culturelle et musicale. Messene Ed., Paris, 148 p.

(11) – Bergeret A., 1896 - Nancy Monumental et Pittoresque. J. Royer, Nancy, Ed.

(12) – Bulletin mensuel de la Société d'Archéologie lorraine et du Musée historique lorrain, 9e année. n°1, janvier 1909. Procès-verbal de la séance du vendredi (?) décembre 1908, p.95, Musée lorrain - legs section III.

(13) – Turgan J., 1882. Les Grandes Usines en France et à l’étranger. Etudes industrielles. Paris, Calmann-Lévy.

(14) Archives départementales du Doubs. Etat civil NMD de Besançon en ligne. http://recherche-archives.doubs.fr

(15) – Etat civil de Paris – Archives numérisées en ligne : http://canadp-archivesenligne.paris.fr/

(16) – Terrier R., 2010, in http://www.musee-lutherie-mirecourt.fr/index.php?rub=collections

(17) – Généalogie.com/Warnecke, extrait du Bulletin des Lois, 1826.

(18) – Constant Pierre 1893, in : http://www.luthiers-mirecourt.com/pierre_constant1893.htm

(19) – Communication de Madame Valérie Klein, Musée de la Lutherie de Mirecourt, que nous remercions vivement, qui précise que la guitare Warnecke de ce Musée est à deux pans coupés en pointe.

(20) – www.mandolincafe.com

(21) – Jacquot A., 1912. La lutherie lorraine et française, Paris, Fischbacher, in (13).

(22) – Vidal A., 1889, La lutherie et les luthiers, 1889, Quantin Ed., Paris, in (13)

(23) – Archives municipales Nancy, liasse 2F47/Statistiques industries

(24) sites <pianomajeur.net> et <Leboncoin.fr>). Les pianos cités dans le texte ne sont plus nécessairement affichés sur les sites mentionnés.

(25) – in http://www.pianoesther.be/Pauwels

(26) – Bibliothèque Municipale de Nancy.

(27) – Archives municipales de Nancy, Annuaire Statistique de Nancy et de Lorraine, 1912 (BA7239/35) et 1922 (BA7239/39). Autorisation Directeur AMN 3.9.2010.

(28) – Matte J.L. – in http://jeanluc.matte.free.fr/articles/typologie/1913/64

(29) – Haine M. (2008). Tableaux des Expositions de 1798 à 1900. in : http://www.irpmf.cnrs.fr/Expouniv/Exponationale1978_1900.pdf

(30) – C.R. Jury Exposition Londres 1862, in: http://www.gchangetout.com/echange-troc-101614.html

(31) – Pierre R. (2010) - Mangeot à Nancy : facteurs de pianos (1830-1890), in : http://facteurset marchandsdemusique.blogspot.com/2010/01/mangeot-nancy

(32) – L. Comettant, 2010 - Oscar Comettant raconté par son fils Lucien, in http://www.comettant.com/livre-oscar-comettant-raconté-par-son-fils-lucien/page-1/

(33) – Coyon E. (1876) - Annuaire musical et orphéonique de France, Paris, 2° année, 1876

(34) – Chouquet G., 1878, Rapport sur les instruments de musique. Exposition Universelle internationale de 1878, Paris, in (16).

(35) – Ville de Nancy, Le Musée de l’Ecole de Nancy – Œuvres choisies, Somogy Editions d’art, Paris, 2010, p.58.

(36) – Havard de la Montagne Denis, 2010, Georges Dandelot, in http://www.musimem.com

(37) Archives Eglise Réformée de Nancy (déposées aux AD54).

(38) – C. Lutz et F. Ménissier, 1994-1999. Inventaire des Orgues de Lorraine, Moselle, Metz Editions Serpenoise, Metz.

(39) – Communications orales de M. Duval, Président Directeur Général de la maison Dupont-Metzner, que l’auteur remercie vivement.

(40) – Milan D. – 2007. Dupont-Metzner. Plus d’un siècle d’histoire d’édition de musique. La Gazette Lorraine, Nancy, n°66.

(41) – Revue Nancy-Artistes, n°11, 3.4.1884, Bibliothèque municipale de Nancy.

(42) – Lavaux R. et Rousseau A., 2010. Nancy, un siècle de commerces. Serge Domini, Editeur, Paris.

(43) – Sesmat P. 2010. Jacquot Albert, in http://www.inha.fr/spip.php?article2373

(44) – A. Jacquot, 1910. Essai de répertoire des artistes lorrains. Les facteurs d’orgues et de clavecins lorrains. Paris, Plon-Nourrit Ed.

(45) – Bulletin des Lois. Liste des optants de la nationalité française, 1872, Paris.

(46) – Etat civil de la ville de Strasbourg, en ligne : http://etat-civil.bas-rhin.fr/adeloch/index.php

 


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