Radio, Télévision, musique et religion, ignorance et sectarisme


 

 

Le jour de Pâques [1991] au matin, France-Musique retransmettait un requiem... Je fus à peine surpris bien qu'excédé une fois de plus. Je me souviens d'un temps pas très lointain où Radio et Télévision avec intelligence illustraient en musique et en images les fêtes religieuses, jours fériés en France. J'ai même un souvenir plus personnel : un Lundi de Pâques, j'eus la surprise d'entendre assez tôt le matin la retransmission d'un concert de musique religieuse auquel j'avais participé quelques jours auparavant. On voit que le Lundi de Pâques la Radio tenait à demeurer dans l'esprit et la pensée de la fête de la veille. Je me souviens fort bien que même R.T.L. (à l'époque c'était "Radio Luxembourg") émettait le jour du Vendredi-Saint de la "musique sérieuse". A cette même radio, lorsque fut annoncée la mort de Pie XII, en 1958, une grande partie de la soirée fut consacrée à de la musique tout à fait de circonstance.

 

Pendant longtemps, sur France-Culture, puis sur France-Musique, une émission musicale permettait d'écouter chaque Dimanche matin une œuvre musicale en relation directe avec la liturgie catholique du jour. Ce fut pendant longtemps des Cantates de Bach, puisque Bach écrivit des Cantates pour chaque Dimanche de l'année et pour les grandes fêtes, s'inspirant le plus souvent de l'Epître ou de l'Evangile du jour. Il est vrai qu'avant le Concile de Vatican II, Epîtres et Evangiles étaient les mêmes dans la liturgie luthérienne pour laquelle Bach composait et dans la liturgie catholique : c'est ce qui permettait le bien-fondé de cette illustration musicale. On faisait appel aussi à d'autres compositeurs dans ce même dessein car il n'y a que l'embarras du choix, les compositeurs durant des siècles s'étant abondamment attachés à mettre en musique les textes alors immuables de toute la liturgie catholique.

 

Il y a deux ans Radio-Courtoisie (F.M. 95,6) m'avait demandé d'enregistrer une série d'émissions illustrant en musique la liturgie de chaque fête et de chaque dimanche. Cette expérience me passionna et c'est avec regret que je dus abandonner, faute de temps suffisant !

 

Depuis plusieurs années, sur les radios et télévisions publiques, cet état d'esprit a disparu. Certes, Radio-Classique fait entendre régulièrement, me semble-t-il, une œuvre de musique religieuse chaque Dimanche entre 8 heures et 9 heures, mais sans rapport avec l'esprit de ce Dimanche ou de la fête. Il en est de même pour France-Musique entre 9 heures et 10 heures, encore qu'il y ait parfois une concordance entre le programme et la fête du jour. Faire entendre de la musique religieuse ne suffit pas à évoquer le caractère précis du Dimanche ou de la fête ; encore faut-il la choisir soigneusement pour éveiller l'attention de l'auditeur. D'ailleurs, grâce aux innombrables enregistrements, et en fonction d'une certaine mode, on diffuse tous les jours sur nos radios une œuvre de musique religieuse sans qu'y soit mise une intention particulière, sans que ne soit connues ni sa signification, ni sa destination, mais uniquement pour l'intérêt musicologique de l'œuvre[1]. Il suffit, d'autres fois, d'entendre certains présentateurs écorcher la prononciation des titres en latin, ou même le nom du compositeur, pour s'apercevoir que pour eux tout cela représente du chinois. Dans un même ordre d'idée ainsi, ne m'a-t-on pas demandé un jour de donner un fragment d’un Requiem pour un mariage parce que "l'air" plaisait à la future mariée !

 

Mais il y a plus grave! La télévision, toutes chaînes confondues, non seulement ignore les fêtes religieuses, mais va systématiquement à l'encontre de ce qu'elle peut encore représenter pour beaucoup de français. En revanche, les journalistes, les présentateurs, les producteurs ou animateurs soulignent avec complaisance les célébrations d'autres religions, juive ou islamique par exemple. Cette année, le ramadan a donné lieu à une série d'émissions sur Antenne 2. Le Carême, Pâques, l'Ascension, la Pentecôte ne sont même pas évoqués, ni commentés, bien que les Français profitent - ô combien - de ces jours fériés. La fête de Noël sur la plupart des radios et des chaînes de télévision est prétexte à des "réjouissances" bêtifiantes et souvent vulgaires où la gastronomie occupe la plus grande place.

 

Certes, il y a l'ignorance et la bêtise qui sont le lot commun de tant de producteurs ou de présentateurs d'émissions, mais il y a aussi la volonté de "faire du laïc" et de se comporter à l'opposé de nos habitudes plus anciennes. Si l'on compare à la majorité des autres pays, c'est un mal typiquement français. Il est vrai que l'Elysée et le gouvernement donnent l'exemple. Et pourquoi parler de Dieu puisque l'on parle tant du "Dieu de l'Elysée" !

 

On peut tout de même se demander pourquoi l'on conserve ces jours fériés correspondant aux fêtes religieuses puisqu'elles ne doivent plus rien signifier dans les sphères officielles ! La France est-elle encore oui ou non un pays de civilisation chrétienne ? Y-a-t-il ou non quatre-vingt pour cent de français baptisés ? Tout dernièrement, pour la Pentecôte, les deux pèlerinages à Chartres rassemblant chacun plus de 10.000 participants n'ont donné lieu qu'à une très brève image à la télévision : c'est pourtant un évènement, même s'il est passé dans nos habitudes : évènement dans la démarche, évènement dans son accomplissement et dans ce qu'il représente comme témoignage de foi, de courage, de volonté... et comme effort d'organisation ! Un déplacement dans un ordre parfait de vingt-mille personnes ! En revanche, si SOS Racisme, la CGT ou quelques autres organismes plus ou moins de gauche réunissent mille manifestants (dans le désordre !) on aura droit à un reportage substantiel.

 

Cet état d'esprit et ce sectarisme ont atteint de telles proportions que les Evêques de France, habituellement si prudents et si indulgents à l'égard des médias ont enfin protesté par la plume de leur porte-parole, le Père Jean-Michel Di falco. Celui-ci a donc écrit au Ministère de la Communication demandant "pourquoi le service public, qui remplit sa "fonction en informant, à juste titre, sur la vie religieuse "des musulmans, semble ignorer les fêtes pascales que vit "une partie non négligeable des Français"... Et il ajoute : " il arrive qu'on entende dire que le carême est le ramadan "des chrétiens." A notre connaissance, il n'y a eu aucune réponse !

 

Jean Ferré, sur Radio-Courtoisie -déjà citée- et dans le Figaro-Magazine est revenu à plusieurs reprises sur ce scandale, attirant l'attention des "princes de la laïcité" sur le fait que les chrétiens subissaient un sort étrange : constituant plus de 80% de la population, ils sont les plus mal traités par les ondes de l'Etat.

 

C'est encore Jean Ferré qui nous informe sur le fait suivant qui montre, comme je l'écrivais plus haut, qu'il ne s'agit pas seulement d'ignorance, ni même d'incroyance, mais de nuisance délibérée, de méchanceté calculée et de racisme religieux : Le Dimanche matin sur France-Inter, au cours de l'émission "Radiofolie", le nouveau catéchisme[2] est le grand sujet et le texte est ainsi présenté : "Lucifer a repassé... La sexualité est la bénédiction de la femme adultère... Le sida est le doigt de Dieu... Si tu t'avances et si je recule, comment veux-tu que je t'enc… crapule ! Bref, d'après cet opuscule anti pilule, si tu veux protéger tes cellules, tes globules et tes ovules, ne te sers plus de son c…" Et après : "... la tacatactactique du catéchisme : Exhibition, interdiction...bénédiction. C'est de prier la Vierge en lui montrant son cierge..." Et ainsi de suite ! Jean Ferré ajoute à juste titre : "Dans une émission d'humour, de joyeux drilles ou des libertaires courageux tireraient tous azimuts. Mais non. Ici pas une vanne pour les musulmans, ni pour les juifs, ni pour les boudhistes II s'agit donc sûrement d'honorer les chrétiens..." le jour du Seigneur. "

 

J'ajouterai simplement que c'est probablement la réponse médiatique à la missive du Père Di Falco.

 

Joachim Havard de la Montagne

(1991)



[1] De bons chefs d'orchestre ou de chœur ne retiennent eux-mêmes que la valeur purement musicale d'une œuvre religieuse et ignorent le sens du texte : ainsi on exécute, on enregistre même, un Gloria, un Credo d'une Messe de Mozart, mais on oublie les intonations "Gloria in excelsis Deo" et "Credo in unum Deum" qui doivent, selon les intentions logiques du compositeur, précéder le début du chœur "Et in terra pax..." et "Patrem omnipotenten". Un Gloria sans le mot Gloria et un Credo sans le mot Credo, c'est très surprenant… et incompréhensible !

[2] On sait qu'un nouveau catéchisme vient d'être approuvé par le Pape et édité par les évêques de France.

 

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