Simone Plé-Caussade (1897-1986)


(Le Guide du Concert, 27 novembre 1931) DR.

 

 

Si son action pédagogique au Conservatoire National de Musique de Paris est importante, il convient de ne pas passer sous silence son œuvre de compositrice.

 

Simone Plé est née à Paris le 14 août 18971. Pianiste, ses études au CNSM de Paris se font sous la houlette d'Alfred Cortot (1877-1962) et, pour l'harmonie, d'Henri Dallier (1849-1934), qui fut également le maître de musiciens célèbres comme Joseph Noyon, Renée Nizan ou Germaine Tailleferre. Dans cette institution, elle remporte de nombreux prix dans les disciplines instrumentales et en écriture.

 

Sa carrière débute comme pianiste virtuose. Ainsi la voit-on donner de multiples concerts, comme à la salle Erard, à Paris le 22 décembre 1921.

 

Mariée à Georges Caussade (1873-1936) qui enseignait le contrepoint et la fugue au CNSM de Paris depuis 1921 et dont elle avait été l'élève, elle lui succède et forme une pléiade d'élèves à cette rugueuse technique d'écriture (parmi ceux-ci : Rolande Falcinelli, Xavier Darasse, Louis Thiry, Roger Calmel, Serge Gut, Serge Nigg, Jacques Boisgallais, Noël Lancien, Jean-Pierre Leguay, William Bolcom).

 

En 1933, elle signe un chapitre consacré à la carrière musicale dans le livre Les carrières féminines (Paris, Librairie de l'Enseignement technique). La même année, elle est présente à l'inauguration de la plaque commémorative dédiée au compositeur Vincent d'Indy apposée sur la façade de l'immeuble du 7, Avenue de Villars, à Paris.

 

Ressentant une vocation tardive, Simone Plé-Caussade entre au Carmel de Bagnères-de-Bigorre et devient Soeur Marie de l'Incarnation. Elle meurt à l'âge de 88 ans le 6 août 1986.

 

Ses œuvres sont essentiellement composées pour le piano (dont certaines spécifiquement pour le concours du conservatoire) ou l'orgue. La musique sacrée avait toute sa faveur et elle écrivit dans ce domaine de nombreux choeurs a capella (voir catalogue de ses œuvres sur le site de la BNF : https://data.bnf.fr/14805507/simone_ple/)

 

Olivier Geoffroy

(décembre 2018)

 

Petite revue de presse :

 

« (Salle Érard, 30 mai). — Mlle Simone Plé, premier prix d'harmonie et de piano, élève de M. Alfred Cortot, est assurément l'une de nos plus intéressantes pianistes. Elle l'est par l'intelligence et par les doigts, alliance qui n'est pas toujours réalisée, hélas ! Dans la Chaconne de Bach, assaisonnée par M. Busoni, et dans les délicieux Thème et Variations de M. Gabriel Fauré, elle fit preuve d'une large et multiple compréhension. Il en fut de même dans l'admirable Fantaisie de Schumann, dédiée à Liszt et inspirée par un quatrain de ce Frédéric Schlegel que raillait Henri Heine et dont Schiller disait justement qu' « il ne parvenait pas à voir clair dans sa pensée ». Précisément, la musique aida ici à l'interpréter sinon à la clarifier. La Sonate en si mineur, dédiée à Schumann par une juste réciprocité, achevait ce beau programme. Mlle Simone Plé la joua avec la vigueur, le charme et l'intensité d'expression requis en cette belle composition, la seule de ce genre qu'ait écrite l'illustre musicien. » R. B.

« Concert de Mlle Simone Plé », in : Le Ménestrel, 16 juin 1922, p. 267

 

« Le même soir, nous avons eu la surprise d'entendre Mlle Simone Plé interpréter elle-même, à la place d'un ténor défaillant, ses belles Chansons franciscaines ; elle y mit toute l'ardeur et tout l'accent nécessaires. Elles sont d'ailleurs fort joliment inspirées, avec de pimpants accompagnements dans le registre élevé, qui évoquent bien des chants d'oiseaux ; j'ai particulièrement goûté Le Jardin de notre sœur Claire. » Tristan Klingsor

« Les concerts de la semaine écoulée », in : La Semaine à Paris, 18 février 1926, p. 40

 

« Mlle Simone Plé, excellente musicienne qui a conquis au Conservatoire une demi-douzaine de premiers prix a ressenti En Corse au matin une indiscutable impression de l'atmosphère de l'île. Elle la traduit en petits dessins, légères touches, s'efforçant, vraisemblablement à son insu, de modeler sa nature à la forme ultra-moderne : nature qui, par ailleurs, semble délicate. Son instrumentation est adroite, équilibrée, jolie. Attendons, pour la bien juger, que sa personnalité se libère, s'affirme. » Raymond Balliman

« Les grands concerts » in : Lyrica, février 1927, p. 915

 

« A ce même concert — Albert Wolff dirigeant avec cette virtuosité brillante qui reste un enchantement — présentation d'un Concerto, de Mlle Simone Plé, où entre le violoncelle et le piano, prenait place un instrument auquel on accorde rarement la vedette : la trompette. Dans celle oeuvre assez longue, l'auteur, plein de magnifiques intentions, met en action la Passion, la Force, le Destin. La logique thématique est irréprochable. Le premier morceau emprunte sa forme au principe du concerto ; la seconde partie participe davantage du style symphonique. Les instruments solistes — tenus par l'auteur, MM. Marchesini et Neff — luttent ardemment avec une orchestration nourrie. Mais, bien que la réalisation technique de ce concert atteste une réelle habileté d'écriture, une connaissance des procédés les plus récents, les aspirations de l'auteur sont-elles atteintes ? Et ne peut-on regretter que trop d'influences agissent encore sur sa personnalité ? Certes, tout créateur, au temps de sa formation, conserve te souvenir de ses sympathies ; il est bon cependant de ne point l'afficher de manière trop sommaire. L'Hiver dernier, chez Colonne, Mlle Simone Plé suscita pour ses débuts un bienveillant intérêt avec de poétiques pièces symphoniques intitulées En Corse, au matin. Elle donnait là des promesses. Les a-t-elle tenues dans son Concerto ? Je ne le crois pas, mais elle en a fait d'autres. Ses dons de charme, manifestés précédemment et de vigueur, affirmés cette fois-ci formeront, espérons-le, pour une oeuvre prochaine, une entente cordiale. » Carol-Berard

« Musique, commentaires », in : La Semaine à Paris, 21 octobre 1927, p. 43-44

 

« Voir et entendre une belle jeune femme jouer ses propres oeuvres au piano ou les chanter, avec une simplicité passionnée, et en même temps une espèce d'élan invocatoire de muse inspirée, c'est un spectacle rare et délicieux qui soudain transpose la lie dans d'autres âges, dans d'autres temps. Mme Simone Plé, déjà célèbre comme virtuose et comme compositeur, ne fait pas les cérémonies habituelles de fausse modestie ou d'hypocrite timidité en usage dans le monde. On lui demande de se faire entendre. Elle pense que la prière est sincère et qu'elle fera plaisir à ses amis. Et quand on lui dit : « Autre chose, elle recommence. Ce soir-là, elle associa, à son propre chant, le chant d'une autre femme. Toutes seules, des mélodies s'étaient nouées, à peine lues, sur des poèmes d'Henriette Charasson.

Touchante alchimie de l'art, mystérieuse transmutation d'instants et de sentiments ! Le piano vibre : les premières notes préparent l'âme et l'esprit. Lorsque les paroles murmurent leur plainte ou font éclater leur joie, les phrases musicales les enveloppent, les bercent, les posent comme des pétales sur une eau lisse. Mme Simone Plé joue maintenant les œuvres de sa seule improvisation : dix préludes pour piano. Et le phénomène inverse se produit. Au, lieu que la musique annonce le poème et que ce poème soit un commentaire de la musique, Mme Simone Plé dit d'abord un court prologue en prose cadencée où elle expose ce qu'elle a voulu exprimer. Balancement d'un navire sur les vagues, au milieu d'une Méditerranée étincelante, tandis que s'estompe la blanche côte provençale et que la nuit devra s'achever avant que n'apparaissent les rochers sombres des récifs corses. Chants d'oiseaux dans l'allégresse de l'aube ou dans la mélancolie crépusculaire. Eau et feu, vivantes et troublantes manifestations de la matière, éléments aimables et redoutables, bien et mal, ange et démon.

L'artiste ne redoute ni les plus vénérables traditions, ni les plus hautes hardiesses. Tout est possible, et le beau ne tient ni au respect d'esclave du passé, ni à l'étrangeté du nouveau. Le beau est d'une essence qui échappe aux écoles. Il a besoin de tout savoir, de tout comprendre et de tout oser. Mais la qualité ne vient ni de la science, ni de l'intelligence, ni de l'intrépidité. C'est le quelque chose d'indéfinissable que l'on sent et qui ne trompe pas. C'est ce qui peut durer, quoi qu'il arrive. Mme Simone Plé a déjà donné une large mesure de ce que l'on peut attendre de son originalité, de son savoir et de son sûr instinct. Outre les mélodies avec ou sans chant qu'elle joue au piano, elle a touché bien d'autres cordes : symphonie, concerto, sonate, trio et quatuor d'instruments. Quelle différence entre cette jeune femme si travailleuse et si inspirée, et tant de jeunes hommes d'après-guerre, qui révolutionnaient de leur seule éclosion toutes les lois, écrites ou non, de Fart et de ses rapports avec l'homme et la vie ! Le temps est passé de cette esbroufe. Mais il est bon, il est bien, il est salutaire que la grande leçon de l'étude et de la connaissance ait été conservée par une femme, par des femmes. Dans bien des nations, actuellement, ce qui reste de civilisation est entre les mains des femmes. Chez nous, quand, parmi ces mains, celles d'une Simone Plé touchent la lyre, cela permet beaucoup d'espoir. » Orion

« Musicienne et poétesse », in : L'Action française, 6 juin 1932, p. 2

 

« C'est le nom, le seul nom, qui s'accorde entièrement avec le talent de Mme Simone Plé-Caussade. Musicienne, elle l'est absolument, profondément, et, pourrait-on dire, exclusivement. Pianiste, on peut parfois discuter la nature de son jeu, trouver, par exemple, qu'il manque de souplesse et de moelleux dans certaines pièces de Chopin l'impression qu'il donne n'en demeure pas moins forte et vive sa séduction. La musique en commande seule le mécanisme intérieur, en règle les plans, en distribue les lumières et les ombres. Compositeur, il est permis de préférer tel de ses ouvrages à tel autre, notamment les pièces vocales qu'elle a données l'an dernier aux concerts Poulet aux Préludes qu'elle a exécutés à son récent récital la musique ne règne pas moins en maîtresse sur les seconds comme sur les premières, sans qu'elle soit jamais trahie par une défaillance du goût, sans qu'elle cesse jamais d'être servie comme par le plus respectueux et le plus compréhensif de ses serviteurs.

Sans que les trompettes de la renommée aient été invitées à faire retentir leurs fanfares, Mme Simone Plé vient de donner un concert qui doit retenir grandement l'attention. Divisé en deux parties, il comprenait, dans la première, la Polonaise, Fantaisie, quatre Etudes, quatre préludes de Chopin, et les Variations sur un thème de Rameau, de Paul Dukas ; dans la seconde, dix Préludes de la composition de Mme Simone Plé et la Sonate en si mineur de Liszt. Rien qu'à la façon dont ce programme a été choisi et à la manière dont il s'équilibre, la musicienne se révèle. Placer en regard de la Sonate de Liszt les Variations de Paul Dukas, c'est mettre en évidence les secrètes analogies de ces œuvres, c'est rendre à l'une un hommage dont son auteur se fut vraisemblablement montré satisfait, c'est remettre au rang qui lui est dû l'une des plus hautes productions de notre art musical contemporain.

Nous avons déjà indiqué ce qui dans l'exécution de Chopin que donne Mme Plé pourrait être repris si cette pianiste au jeu vigoureux pèche en quelque endroit de son interprétation, c'est, précisément par excès de vigueur et, peut-être, par manque paradoxal de féminité. Cette artiste aux réactions violentes, impulsives, en même temps qu'elle est soucieuse de logique, de discipline et de clarté, semble se défier d'elle-même, redouter un abandon excessif de sa sensibilité dont elle neutralise ainsi, par des mesures préventives, regrettables en bien des cas, les plus délicats effets. Par une contradiction singulière, dans ses Préludes, ce sont, le quatrième, Volutes ; le cinquième, Clair de ciel dans l’étang ; le dixième, Souvenir, c'est-à-dire ceux dont le sentiment est le plus discret et le moins dépendant de la forme, qui paraissent les mieux réussis alors que c'est son exécution des deux grands ouvrages de Liszt et de Paul Dukas, où tout est construction, profond lyrisme, art suprême de la déduction, qui retient et frappe le plus l'attention. Et c'est là aussi que s'affirme et s'épanouit dans son plus entier développement le talent de la musicienne qui, par culture et par tempérament, excelle à rendre clair le dessin complexe de ces puissantes architectures et à tirer tout ce que, en des mains dignes d'en utiliser les inépuisables ressources, la grande variation peut exprimer de poésie et de grandeur. » Robert Brussel

« Une musicienne », in : Le Figaro, 29 octobre 1932, p. 4

 

« Son écriture, traditionnelle, révèle beaucoup de poésie et de sensibilité ».

Dictionnaire de la musique, sous la direction de Marc Honegger, Paris, Larousse, 2005, p. 165

 

 



1 NDLR : Simone-Marie Plé, née le 14 août 1897 au domicile de ses parents alors situé 16 avenue Trudaine dans le seizième arrondissement parisien, était fille de James Plé (Arras, 1854 – Paris, 1913), Lieutenant-Colonel d’infanterie coloniale, Officier de la Légion d’honneur, Médaille coloniale agrafe : Congo, Côte d’Ivoire, Dahomey, et d’Anna Bollaert (Armbouts-Cappel, 1860 – Boulogne-Billancourt, 1945), professeur de chant à Paris. Elle épousa le 13 décembre 1928 à Paris son professeur de contrepoint au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, Georges Caussade, né à Port-Louis (Ile Maurice), le 20 novembre 1873 qui la précédera dans la tombe, puisque mort 50 ans avant elle le 5 août 1936 à Chanteloup-les-Vignes (Yvelines). Celui-ci était issu d’une famille de musiciens, son père Louis (Vincennes, 1827 – Paris,1909), ténor, et sa mère Marie-Louise Demimieux (Bruxelles, 1841 – Paris, 1913), pianiste-cantatrice, furent un temps attachés comme artistes lyriques au Théâtre de La Monnaie de Bruxelles, avant de s’installer à Paris. C’est lors d’une tournée en 1872-1873 à l’Ile Maurice où ils se produisaient au Théâtre de Port-Louis que vint au monde leur fils Georges.

     Elève d’Alfred Cortot, Henri Dallier, Maurice Emmanuel, Abel Estyle, Georges Caussade et Lucien Capet au Conservatoire de Paris, Simone Plé-Caussade y a remporté 6 premiers prix avant de succéder à son mari dans sa classe de contrepoint et fugue (1937 à 1967). A sa retraite du Conservatoire, elle entrait au couvent des Bénédictines du Saint-Sacrement de Rouen (Sœur Anne-Marie de la Croix), puis rejoignait dès 1968 le Carmel de Bagnères-de-Bigorre (Sœur Marie de l’Incarnation) où elle s’éteignait dix-huit années plus tard.

 

CNSMP, vers 1955-56, classe de fugue de Simone Plé-Caussade : assise, à la gauche du professeur, Diana Tsan, violoniste, mère de la violoncelliste Cécilia Tsan.
(coll. Cécilia Tsan) DR.
CNSMP, vers 1956-57, classe de fugue de Simone Plé-Caussade : 3ème assise (veste blanche) Diana Tsan, violoniste, mère de la violoncelliste Cécilia Tsan. - 4e assis (à la gauche du professeur) : Jean-Pierre Guézec (1934-1971), futur professeur d’analyse au CNSMP) - debout, dernier à droite : Boris de Vinogradov (1929-2008), percussionniste et chef d’orchestre et devant lui, assis, Jean-Pierre Guézec.
(coll. Cécilia Tsan) DR.

 

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