JEAN CRAS
(1879 - 1932)



" Le but final d’une œuvre d’art n’est pas d’agir sur nos sens,
mais, en agissant sur eux, de transmettre à notre âme
le reflet du rayon de l’Au-delà
qui a frappé l’âme de l’artiste créateur ."

(Jean Cras en 1924 à bord du vaisseau La Provence - Photo Editions Maurice Sénart)

 

Avant-propos

Il peut paraître surprenant en 1999 de parler de Jean Cras. En effet, ce compositeur de génie est tombé, comme tant d’autres, dans les profonds abîmes de l’oubli. Il fait partie de cette catégorie de compositeurs qui nous ont laissé une musique transitoire entre la musique purement tonale et toutes ces musiques de recherche, de laboratoire, qui ont mené à tant de voies de garage. Tous ces compositeurs qui ont initié cette recherche du nouveau, de nouvelles couleurs, de nouvelles atmosphères sans basculer dans l’intellectualisme exacerbé sont, hélas, peu ou mal connus. Jean Cras, Charles Tournemire, Charles Kœchlin, Georges Antoine, Florent Schmitt,… pour ne citer que ceux-là ont produit une musique magnifique, qui vient du cœur, qui reflète l’Homme dans sa sensibilité extrême, conscient du peu qu’il représente ici-bas, qui se pose des questions fondamentales sur tout ce qui l’entoure… Mais qui encore se souvient de toutes ces figures ? Qui ose encore inscrire leurs œuvres au programme d’un concert ?

Certains, connaissant notre passion pour cette époque de la musique, sourient en nous voyant dépoussiérer ce vieux magazine " Musica " du début du siècle, avides de quelque information pouvant nous éclairer sur tel ou tel compositeur de cette époque, ou encore pouvant nous dévoiler un nom que nous n’avions encore jamais entendu et qui, à son tour, suscitera lui-même de nouvelles recherches, mais ils savent pertinemment qu’en toute modestie notre seule ambition –à laquelle nous voudrions rester fidèle tant que Dieu nous prêtera vie– est d’être en quelque sorte " Justicier " envers ceux qui méritent une place digne de leur apport à l’histoire de la Musique.

Le temps a en effet un rôle d’épurateur dans l’histoire des Arts : il fait le tri pour ne garder que la " substantifique moelle ". Mais il arrive qu’il jette le bébé avec l’eau du bain, pour reprendre une expression actuelle. Nous aimerions rejoindre les trop rares chercheurs qui ont la volonté de " faire les poubelles du Temps ". Le Temps, qui comme les hommes, se laisse parfois aveugler par du " plein la vue ", par des artifices sans avenir ; le Temps, qui, pour reprendre une expression de Jean Cras, " ne se doute pas qu’un vase de terre commun peut, parfois, renfermer une liqueur rare ".

Puisse cet humble travail rendre hommage à toutes ces musiques qui loin des senteurs d’absinthe et de vieux tabac à priser de leur époque laissent souffler le vent du large chargé de fraîcheur, de rêve, d’exotisme et invitent dans leur sillage à aller toujours plus loin…

Thierry BOUILLET
1er janvier 1999

 

Jean Cras : un Homme passionnant et passionné.

Peut-on concilier la marine et la musique ? Peu s’y sont essayé, aucun n’a réussi, semble-t-il, hormis Jean Cras. En effet, Nicolaï Rimsky-Korsakov, Albert Roussel ou Antoine Mariotte ont essayé de mener de pair une vie maritime et une vie musicale, mais tous trois arrivés à l’âge de trente ans se sont rendu compte qu’il y avait un choix à faire entre les deux : ou se consacrer intégralement à la musique, ou à la marine. Jean Cras est le seul à avoir su mener les deux fonctions sans qu’une des deux ne souffre d’un engagement excessif dans l’autre.

Paru en novembre 2009 : Jean Cras, Polymath of Music and Letters par Paul-André Bempéchat, pianiste et musicologue. Livre en anglais (XXVIII + 569 pages), Ashgate (England), ISBN : 978-0-7546-0683-3

Jean Cras est né le 22 mai 1879 à Brest. Son père était médecin en chef de la marine. Toute son enfance se déroule dans le port de Brest qui ne vit que pour et par la mer. Dès lors, sa carrière paraissait indéniablement toute tracée dès le départ : le petit Jean n’avait pour seul choix que de suivre la voie paternelle. Mais ses parents aimaient fortement la musique, et ils transmirent leur passion à leurs enfants. Jean Cras commença déjà à composer dès l’âge de six ans. En 1892, il écrivait des petites pièces pour chant et piano et deux ans plus tard, il écrivit une messe à 4 voix avec orgue qu’il dirigea dans la vieille église de Saint-Marc, près de Brest.

Malgré tout cet amour porté vers la musique dès son plus jeune âge, Jean Cras savait qu’il ne pourrait vivre sans la mer. Il prépare la " Navale " au lycée de Brest où il sera reçu à dix-sept ans. Parallèlement, il écrit une œuvre lyrique en deux actes inspirée par la légende d’ " Echo ", sur un poème d’un de ses meilleurs amis, Alfred Droin. Il termine ses études navales 4ème sur 70 et commence alors une carrière militaire.

Il part en campagne sur l’Iphigénie : il voit l’Amérique, les Antilles, le Sénégal. Au retour, ils compose des mélodies et un trio intitulé " Voyage symbolique ". Ensuite il se rend en Orient, puis revient à Toulon où il compose successivement une sonate pour violon, une pour alto, une autre pour violoncelle et des mélodies.

En 1900, il revient à Paris et fait la rencontre qui bouleversera sa vie : celle d’Henri Duparc. Tout de suite un lien très profond les unit au point même qu’Henri Duparc l’appellera plus tard le " fils de mon âme ". Quand ils se rencontrent, Jean Cras est déjà un compositeur prometteur, mais manquant de métier. Toutes ses lacunes, ses gaucheries seront gommées par l’auteur de l’ " Invitation au Voyage ". Cras dira d’ailleurs de son maître, dans une lettre à Robert Lyon, directeur de la revue Musique :

Mon seul maître, Henri Duparc, n’a eu qu’un seul but : m’apprendre à lire, alors qu’ignorant, je ne faisais qu’écouter. D’abord, et presque exclusivement, Beethoven et Bach, dont je me suis imprégné jusqu’à la moelle, puis tous les autres.

Puis vint le moment de quitter Duparc pour rejoindre la marine et voler de ses propres ailes musicales. Chaque congé est mis à profit pour étudier l’orgue à Paris chez Guilmant ?1 Les leçons de Duparc portent vite leurs fruits : dès 1900 viennent au jour toute une série d’ouvrages remarquables, touchant tous les domaines, ouvrages que l’on peut qualifier de jeunesse car Jean Cras n’a que la vingtaine quand il les écrit, mais dans lesquels les rigueurs franckistes ont déjà balayé les maladresses du débutant.

Entre 1901 et 1910 voient le jour :

Sept mélodies, les fameux Poèmes Intimes pour piano, un Largo en fa m. pour violoncelle, un Trio en ut pour piano, violon et violoncelle, une Messe à 4 voix a cappella, son 1er Quatuor à cordes, d’un contrepoint magnifique, et les Elégies pour chant et orchestre.

C’est aussi dans ces années qu’il voyage en Islande, en Terre-Neuve, en Tunisie, au Danemark, en Norvège et au Canada (Québec). Jean Cras n’est encore qu’un officier. Les cabines ne sont pas très grandes sur un bateau, mais il ne part que s’il a un piano. S’il n’y a pas assez de place pour un piano et une couchette, l’instrument primera dans le choix, et l’on fixera un hamac au-dessus. Tous ses chefs sont unanimes :  " Officier de tout premier ordre, à faire avancer le plus tôt possible ".

En 1906, il se marie à une femme formidable, aussi excellente comme musicienne que comme femme de marin et d’artiste.2a

Pendant deux ans, il sera professeur d’architecture navale à l’Ecole Navale. C’est alors qu’il étudie toutes les questions qui intéressent la navigation : compas, astronomie, observation… Il invente une règle-rapporteur pour rapporter les points sur une carte de marine. Cette règle porte d’ailleurs son nom et a été rendue obligatoire sur tous les bâtiments. Les moyens informatiques actuels de localisation (notamment par satellite) ont bien sûr relégué la " Règle de Jean Cras " au rang des souvenirs dans la marine militaire, mais certains " marins du dimanche " , entre autres, dépourvus d’ordinateurs s’en servent encore à l’heure actuelle. Il invente aussi un appareil qui facilite la transmission des signaux électriques, rendu également obligatoire sur tous les navires de guerre. Cet appareil est maintenant remplacé par les radars.

1908 est une grande année pour tous les fans de Jean Cras, car c’est l’année qui voit, pour la première fois, l’édition de ses œuvres. " Cela, dit-il, ne répond certes pas pour moi à un véritable désir… En composant j’obéis à une force intérieure impérieuse, mais l’œuvre produite est comme un fruit mûr détaché de l’arbre et qui ne lui appartient plus ".

Nous arrivons là à un point essentiel du marin-compositeur qu’était Jean Cras, qui explique très bien pourquoi il a su et –surtout– a tenu à mener ces deux fonctions en même temps : pour lui, ces deux métiers apparemment inconciliables –en plus d’une famille de quatre enfants– tant ils sont accaparants en temps, étaient complémentaires. En effet, Jean Cras était un homme de rigueur, de raison, qui ne composait pas pour le plaisir de noircir des portées : composer pour lui était un acte spirituel. Il supposait que la composition n’était pas le fruit unique du commun des mortels, mais un message d’un Etre Supérieur qui " dictait " à une personne choisie. Laissons s’expliquer Jean Cras lui-même :

Je n’ai pas de modèles auxquels je désire et essaie de me conformer lorsque j’écris.

J’obéis uniquement aux appels d’une voix intérieure très impérieuse, et c’est tout. (…)

Je n’ai jamais écrit une ligne qui ne me fût dictée et j’ai toujours redouté avant tout de faire du métier. Je crois que l’inspiration est d’essence divine, et que la forme où elle vient s’enclore est humaine. Ceci exige que la forme soit en continuelle évolution; elle nous rappelle ainsi qu’elle n’est pas l’absolu. Si l’on utilisait trop longtemps les mêmes moules, l’art se figerait et mourrait.

C’est ce qu’ont bien compris tous ceux qui dans ce dernier quart de siècle, ont violemment réagi contre les dogmes sacrosaints et dont l’esprit, nettement révolutionnaire, a donné naissance à un mouvement excessif en soi, mais très salutaire. Il faut seulement prendre garde, dans la lutte entreprise contre les formes surannées, épuisées, à ne pas perdre de vue qu’en définitive, tout le prix d’une œuvre d’art est dans la qualité et la force de son inspiration.

Ne plus considérer que la forme, c’est introduire le matérialisme dans l’art, ce qui est un non-sens effroyable.

Jean Cras ne fait donc, lorsqu’il compose, que son devoir. Il est l’esclave, le subordonné d’une " voix intérieure ". Par contre, en temps que marin, c’est lui le maître, c’est lui qui commande, et c’est en cela qu’il considère ses deux métiers comme complémentaires et que pour une bonne santé psychique, il ne peut abandonner ni l’un, ni l’autre :

Plus je vais, plus je me sens bridé par les exigences de mon métier. Est-ce à dire que je le quitterais volontiers ? Non certes, je lui dois trop d’émotions intenses, trop de joies inoubliables.

Je puis établir une comparaison très exacte entre les liens qui m’attachent à mon art et ceux qui m’attachent à la mer. Compositeur, je suis l’esclave; marin, je suis le maître. Composer, c’est pour moi obéir à une volonté supérieure, qui me dicte ses volontés, et que je sers avec l’ivresse de l’humble disciple dont le seul but est d’exécuter le mieux possible les ordres de son maître.

Quand la voix mystérieuse parle en moi, je sais que je n’ai qu’à m’y soumettre et à concentrer toutes mes forces à la réalisation la plus parfaite de l’œuvre qu’il m’est prescrit de créer.

De cette œuvre je ne saurai jamais avoir aucun orgueil, elle ne m’appartient pas. Je ne suis qu’une voix au service de l’Inconnue qui a bien voulu me choisir pour s’extérioriser.

Une grande joie très discrète seulement, si parfois je puis sentir que je ne l’ai pas trahie.

Mais sur ma passerelle quel sentiment différent ! Cette fois je suis le maître : je commande et suis seul responsable des ordres que je donne. Je sens sous mes pieds mon bateau comme un cavalier son cheval, frémissant, nerveux, prêt a s’emporter au hasard, et qui pourtant, maîtrisé, suit la route que lui impose son maître, passe là où son maître veut qu’il passe. Aussi quel orgueil lorsque je réussis une manœuvre difficile, lorsque je sens que j’ai dominé les éléments.

Puis vient la décision de mettre en musique " Polyphème " d’Albert Samain :

Depuis longtemps certes, je désirais vivement composer une œuvre lyrique, mais j’avais presque renoncé à trouver le poème de mes rêves. Et je revois toujours cette belle après-midi d’été 1919,2 en rade de Brest. J’étais à bord, et je feuilletais paresseusement un volume de la Revue de Paris quand soudain mes yeux tombent sur les vers de Polyphème de Samain que je ne connaissais pas. Une émotion violente s’empare de moi. C’est lui, c’est le poème rêvé, j’en suis sûr, et cependant je ne l’ai pas lu encore. Tout disparaît autour de moi, rien n’existe plus que ces lignes que je parcours fiévreusement. Je note déjà les thèmes qui d’eux-mêmes viennent se placer çà et là sous les vers du poète. Je ne suis plus libre, une volonté supérieure à la mienne a choisi l’œuvre à laquelle je vais désormais me consacrer avec la ferveur d’un disciple docile.

Pendant deux ans j’accumule aussi des matériaux, fidèle à mon habitude d’attendre, pour écrire la première ligne d’une œuvre, de savoir quelle en sera la dernière. Puis, sûr du chemin que je suivrais, je repris le poème, je composai le prélude, la première scène, et continuai ainsi, vers par vers, jusqu'au dernier.

Quand la guerre survint, l’œuvre était achevée, mais l’orchestration était encore à l’état de nombreuses notes, travail que je dus laisser de côté jusqu’en 1916.

Jean Cras, à partir de 1911, a bien d’autres choses à penser que la musique : il est adjoint de division du capitaine de vaisseau Ronarc’h, qui confie à son collaborateur préféré la rédaction d’une tactique de torpilleurs.

Lorsque la guerre éclate, Jean Cras part sur le Courbet comme aide de camp de l’Amiral Lapeyrère. Il est spécialement chargé de la T.S.F. et des flottilles de torpilleurs et sous-marins.

L’amiral Ronarc’h revient à Paris en 1915 et est appelé au ministère pour organiser la défense contre les sous-marins ennemis. Pour ce faire, il demande l’aide de Jean Cras.

Puis vient une mission dans l’Adriatique, sur le torpilleur Commandant-Bory, où ses moments de repos, très comptés, lui servent à achever l’orchestration de Polyphème :

A chaque appareillage, je la déposais sur le Marceau, vieux garde-côte cuirassé qui nous servait de ravitailleur. Savait-on jamais si l’on reviendrait ? et au retour, à peine le bâtiment amarré à quai, mon fidèle maître d’hôtel n’ignorait pas que son premier devoir était de me rapporter le précieux manuscrit.

Voici une citation décernée à Jean Cras, pour sa valeur d’officier : " Magnifique exemple d’ardeur et d’entrain, commande son bâtiment de la façon la plus brillante ; s’est distingué à maintes reprises dans des combats contre les sous-marins, notamment le 8 mai 1917 où, selon toute probabilité, il a causé la perte de son adversaire ".

Quelques mois auparavant, il a reçu la médaille de sauvetage : " Violemment projeté à la mer par une explosion auprès d’un matelot qui ne savait pas nager, a sauvé ce matelot d’une mort presque certaine ".

Vient l’armistice. Il sert au ministère auprès de l’amiral Ronarc’h, il est promu capitaine de frégate. En 1920, il commande le contre-torpilleur Amiral-Sénès avec une escadrille de 8 torpilleurs sous ses ordres.

Jean Cras compose des pièces pour piano : Danze et Paysages, une suite d’orchestre : Ames d’enfants, qu’il adapte pour piano à six mains pour ses trois filles : Isaure, Colette et Monique. Six poèmes pour chant et piano (orchestrés en 1924) extraits de L’offrande lyrique de Rabindranath Tagore, ainsi qu’un quintette avec piano qui " induit à y voir le départ d’un voyageur ivre d’espace, impatient d’émotions ; puis l’extase de l’âme européenne dans l’ardente poésie d’un beau soir d’Afrique, la joie de vivre sous le soleil dans le bariolage et le grouillement d’une ville arabe ; enfin le retour, l’âme pleine de souvenirs, affranchie par l’espace des petitesses de la vie ". Serait-ce un quintette autobiographique ?

Quand à Polyphème, son orchestration est terminée en 1918. Elle obtient le 1er prix de la ville de Paris en 1921 et est montée à l’Opéra-Comique le 28 décembre 1922. Tout le monde attendait l’événement, peu de gens admettant une supériorité dans deux domaines si différents chez un même homme. Polyphème obtint le succès dès le premier jour. Voici ce qu’en dit le critique André Himonet : " Un souffle ardent et jeune circule d’un bout à l’autre de la partition, où l’humanité profonde, déchirante parfois, qui anime les héros de la légende, se trouve étroitement mêlée, par la grâce de la musique, aux paysages lumineux de Sicile, rythmée au bercement onduleux des futaies, aux murmures des fontaines, accordée à l’orgue panique, majestueux, de la mer omniprésente "

Le lendemain de la grande première, Jean Cras entre au Centre des Hautes études navales à Paris ; puis, ayant reçu le certificat d’aptitude aux fonctions de chef d’état-major, il est affecté au secrétariat permanent de la Défense nationale. Il est nommé capitaine de vaisseau à quarante-quatre ans, le plus jeune de son grade. Il commande le croiseur Lamotte-Picquet et le cuirassé Provence. Ces bâtiments sont assez vastes pour qu’il puisse y faire entrer un piano à queue. Il quitte ses vaisseaux en 1929 pour rentrer à Paris comme chef de service des recherches scientifiques à l’état-major général de la Marine.

Il ne cesse de composer : pour preuve ce magnifique Trio à cordes, primé par l’Institut en 1926. En 1927 une suite en duo pour harpe et flûte ou violon et piano, inspirée par les balafons d’Afrique, qui se termine par une danse à onze temps et en 1928 le superbe quintette pour harpe, flûte, violon, alto et violoncelle évocateur de danses aussi, mais dont l’inspiration est purement musicale, nullement littéraire. Voici ce qu’en dit le Journal de Bruxelles : " comme toujours l’andante est peut-être la partie la plus réussie. C’est que Jean Cras est un des musiciens qui n’écrivent que lorsqu’ils ont quelque chose à dire ; il ne craint pas d’avoir de l’émotion, ni de le montrer, et cela sans nulle vaine déclamation ".

Ensuite viennent deux Impromptus pour harpe et des pages pour violon et piano : Air varié, Eglogue, Habanera, Evocation, composés à chaque anniversaire de son fils Jean-Pierre, et un quatuor de saxophones.

Jean Cras a touché au domaine vocal aussi : après l’Offrande lyrique, il y a aussi les Fontaines, 5 poèmes de Lucien Jacques ; en 1925 viennent 5 chœurs pour voix d’hommes : Dans la montagne, sur des vers de Maurice Boucher3. En 1928, la Flûte de Pan, sur quatre poèmes de Lucien Jacques pour chant, flûte de Pan, violon, alto et violoncelle. Dans une lettre à Charles Kœchlin4, il explique le pourquoi de l’échelle des sept notes choisies pour stimuler son inspiration :

Connaissez-vous cette pensée de Marc Aurèle :  " Fais de l’obstacle la matière même de ton action "? Je la trouve fort belle, et j’en ai fait ma devise... Mais vous devez vous demander quel est le rapport de cette réflexion avec la question que vous me posez.

Ne cherchez pas si les sept notes de ma flûte correspondent à un mode usité dans quelques pays lointains... voire même à celles de la flûte du dieu Pan lui-même. Je les ai choisies parce qu’elles m’ont plu... et une fois ce choix fait, il a bien fallu que je n’en utilise point d’autres tout le long du recueil, me créant ainsi à moi-même un obstacle stimulant mon inspiration (voir la pensée de Marc Aurèle). J’adore ce procédé, et je l’emploie très souvent.

En 1927, une suite d’orchestre : le Journal de bord. Suite en trois parties avec ces indications : " Quart de huit à minuit. Houle du large, ciel couvert se dégageant au coucher du soleil. Rien en vue. Quart de minuit à quatre. Très beau temps, mer très belle, rien de particulier. Clair de lune. Quart de quatre à huit. La terre en vue, droit devant ".

Pages d’une sincérité émouvante. L’homme s’abandonne à son amour des choses. Il en surprend la vie muette. Il en note la pulsation profonde. Car chez cet homme d’action qui fut mêlé aux plus terribles dangers de la vie, vibrait le contemplatif chez qui la faculté d’isolement était d’une prodigieuse facilité. Au cours de cette méditation, il s’abandonnait aux rythmes premiers du monde. Il communiait en eux avec l’intensité de vie que retrouve l’âme des poètes. (Paul Le Flem5).

Une superbe Légende pour violoncelle et orchestre, en 1929. Et ce trop injustement oublié Concerto pour piano, écrit en 1931, que sa fille Colette, pianiste virtuose fit entendre chez Pasdeloup. " L’instrument principal et l’orchestre s’y opposent et s’y mêlent, à la recherche d’un équilibre qui s’établit parfaitement dans la seconde partie de l’ouvrage : un lento ravissant, d’un caractère oriental marqué, s’enchaînant à un final vivant, coloré, où s’évoquent le biniou et la vielle des fêtes armoricaines ". (Himonet).

Ce fut la dernière composition importante du contre-amiral Jean Cras. Comme la toute première, 39 ans auparavant, elle est signée de Saint-Marc.

Sentant sa fin approcher, il écrit la musique et les paroles des Trois chansons bretonnes (la rencontre, l’aveu, la mort), et dans un même style populaire breton, Deux chansons extraites du Chevalier étranger de Tanguy Malmanche, dont la musique de scène restera inachevée. C’est à l’hôpital maritime de Brest qu’en trois jours il succombe à une maladie foudroyante, à l’âge de cinquante-trois ans, le 14 septembre 1932.

Paul Landormy6 écrivait quelque temps plus tard : J’ai conservé de lui une image très nette. Je le vis une fois faire une conférence sur je ne sais quel sujet musical. Il s’y sentait fort mal à l’aise et le déclara sans détours. Il lui répugnait de parler de cet art musical qu’il adorait mais dont il craignait de profaner le mystère. Il avait pour lui mieux à faire : écrire ses œuvres.

Il m’apparut ce jour-là si simple, si franc, si direct. Cette conférence qui consista surtout à déclarer en se fâchant qu’il ne voulait point la faire, qu’il ne la ferait point, fut délicieuse. J’aimais son élan, sa flamme, son ardeur, qui se traduisait au travers d’un visage pâle, maigre et d’un regard aigu traversé d'éclairs.

Ces vertus de Breton, il les portait inscrites sur son front. Seulement à le voir on ne pouvait que s’attacher à lui.

Jean Cras fut un homme complet, comme il en existe peu sur terre : un excellent marin, un musicien hors-pair, un savant, mais surtout un mari et un père peu commun (voir les quelques extraits de la correspondance avec sa femme ci-après). Pour toutes ces raisons nous estimons qu’il mérite plus de considération et que l’on s’intéresse davantage à sa personne. Quiconque se pose des questions sur la musique, sur la guerre, sur le sens du devoir, sur l’amour et la fidélité envers son conjoint,… trouvera réponse en se penchant sur Jean Cras. C’est un homme éminent et modeste à la fois, une personnalité attachante comme on en rencontre une fois dans sa vie. Ne passons pas à côté…

Nous finissons cette première partie sur cet entretien qu’eut Jean Cras en 1929 avec Lucien Chevalier, pour le Guide du concert, à qui il avoue sa préférence pour la musique de chambre :

Avant tout la musique est pour moi intériorité. Le son est la partie superficielle, sensible, par laquelle nous plongeons au fond de nous-même. Si l’on ne s’attache qu’à la " sonorité " même du son, on ne peut donc avoir de la musique qu’une impression dénuée de consistance. Sans méconnaître toutes les merveilleuses ressources du timbre, je trouve cependant qu’on a tendance aujourd’hui à tomber dans un matérialisme regrettable, prenant comme " objet " de l’art ces séductions sonores qui ne devraient être considérées que comme des " moyens " d’expression...

Les petites partitions des quatuors de Beethoven (le plus de substance dans le minimum de poids) ne m’ont pas quitté pendant des années... Ainsi cette forme épurée de la musique est devenue pour moi la forme essentielle, bien que je n’aie point dédaigné la symphonie et le théâtre, qui ne sont d’ailleurs que des aboutissants. Et puis j’ai passé trente ans à contempler des horizons vastes, des étendues à la fois uniformes et infiniment variées, des cieux illimités, à respirer des atmosphères vierges, à vivre de grands calmes ou d’immenses tourmentes : j’ai contracté l’amour de tout ce qui est pur... La musique de chambre a eu et aura toujours mes préférences... pourtant j’ai écrit avec une joie profonde certaines œuvres d’orchestre comme mon Journal de bord. Je suis attiré par tout ce qui est poésie délicate et profonde...

 

Extraits de la correspondance de Jean Cras

Nous aurons eu un bref aperçu de la vie de Jean Cras. Si nous nous intéressons plus à l’homme, à sa façon de penser, de voir les événements et la guerre notamment, il nous paraît indispensable de lire sa correspondance avec son épouse Rien d’indiscret de notre part, aucune intimité ne transparaissant dans ces échanges épistolaires, mais bien plus que cela : l’homme loin de sa famille fait part à son épouse de ses angoisses, de sa vision assez noire de l’Homme et de ses desseins horribles pour quelque pouvoir ou gloire. Il exprime son indignation envers l’homme qui est capable d’envoyer des milliers d’autres hommes au front pour s’enorgueillir d’avoir conquis tel territoire ou écrasé telle nation… Il lui fait part aussi de son amour, malgré l’éloignement…

Le métier de marin est un métier rude, en témoigne cette lettre adressée le 21 janvier 1915 à sa femme, en pleine guerre :

Je suis persuadé que ce sont les quarts de nuit qui font qu’on est si vite usé dans la Marine. Ce n’est pas seulement le quart en lui-même, mais bien plus le réveil brusque en plein sommeil, le choc nerveux infligé à l’organisme, lorsqu’on l’oblige à passer du profond sommeil au saut du lit, qu’il faut se plonger brutalement la tête dans l’eau pour se secouer, pour abréger ce passage pénible du sommeil à la veille.

Parfois, il lui est difficile de faire son devoir, mais qu’à cela ne tienne : quand Jean Cras a un rôle à tenir, il le tient :

10 juin 1916 :

Comme je viens de le dire à mon second, notre premier devoir est d’empêcher les hommes de commettre des fautes. Hier il a été gravement coupable de ne pas grouper mes hommes en détachements. Ils les a laissés exposés à la tentation de Tunis, et les hommes ne savent pas résister à la moindre tentation. A bord, ils travaillent merveilleusement. Mais une fois à terre, ils sont comme des enfants.

Tu ne peux te figurer comme cela me fait mal au cœur de penser qu’il va falloir commencer à punir… Et je punis sévèrement, tant je sens que c’est mon devoir de le faire… Mais j’en ai le cœur malade.

Il félicite le 17 avril 1916 sa femme de comprendre ce que les exigences d’un métier qui les éloigne l’un de l’autre peut leur apporter :

C’est une grande joie pour moi, vois-tu, que toi aussi, tu aimes la mer, malgré toutes les séparations que nous lui devons.

Sachons reconnaître que si elle est dure parfois, elle trempe le caractère, élargit l’horizon de la vie et ouvre le cœur.

Et si, après une longue et cruelle séparation, je te reviens plus digne de ton amour, capable d’aimer davantage parce que mon cœur, au lieu de se ratatiner comme celui d’un notaire, se sera épanoui au grand vent du large, cette séparation n’aura pas été inutile. Tu comprends cela. Tout le monde à ta place ne le comprendrait pas. C’est beau de le comprendre et je suis fier de toi.

Voici la définition du mariage, par Jean Cras :

8 mars 1918 :

Je sais que la seule union complète sur la terre est celle de deux époux. Combien de fois t’ai-je dit ce que je pensais à ce sujet, à savoir que je considère l’homme, ou la femme, comme un " demi-être " qui ne devient " être complet " que par le " mariage " de ces deux demi-êtres.

Dans une lettre antérieure, datée du 26 juillet 1916, il évoque l’attente de sa future femme :

Et puis, et puis…, il y a un fait important qui est le secret de mon existence de jeune homme, c’est l’attente dans laquelle j’ai vécu de celle qui devait arriver et qui est venue…

Quand je te dis :  " Je t’ai attendue, je t’ai désirée et enfin tu es venue " ce ne sont pas là des mots banals comme ceux que tout mari peut dire à sa femme. D’autres le diront aussi, certes… Mais en sous-entendant : " Et pour tromper l’attente, je me grisais dans des aventures dans lesquelles je jouais la comédie de l’amour ".

Oui, s’il m’est arrivé, par à-coups, de me " griser " moi aussi dans des fêtes mondaines à Toulon, à Bizerte même, non seulement mon âme mais mon corps sont restés fidèles à celle qui devait être ma femme.

Un jour, il écrit même à sa femme, le portrait qu’il avait esquissé d’elle, en attendant sa venue :

28 juillet 1911 :

J’ai retrouvé un portrait que je m’étais tracé autrefois de celle que je rêvais d’épouser. Le voici :

L’homme n’étant qu’une moitié d’être que la femme doit compléter, je ne veux pas qu’elle soit, ni l’enfant dont tous les pas doivent être guidés, ni l’esclave qui obéit servilement sans discuter jamais. Ma femme devra me comprendre et me compléter en tout. Mon âme étant depuis que je me connais violemment attirée par la musique, son âme devra avant tout être essentiellement musicale, sans comédie, foncièrement, par nature. Et non seulement elle devra pouvoir partager toutes mes jouissances artistiques, mais encore contribuer à les faire éclore en étant musicienne exécutante (piano et un instrument à cordes autant que possible). Lorsque je composerai, elle devra être comme une précieuse collaboratrice m’encourageant dans la bonne voie, m’arrêtant si je fais fausse route, ce qui demandera chez elle un discernement très net.

Ce discernement, cette manière de sentir profondément la musique, ne pourra se rencontrer que chez un être ayant souffert de la vie, que les épreuves auront anobli.

Je voudrais également qu’elle puisse partager tous mes enthousiasmes passés ou à venir ; qu’un beau rêve, un beau tableau fasse vibrer son cœur en même temps que le mien. Pas de vaine science, pas d’inutiles brevets simples ou supérieurs ; que sa sensibilité soit toute spontanée, qu’il n’y ait rien d’appris chez elle et que cependant elle puisse tout sentir.

Nos deux êtres se complétant, le monde nous deviendra inutile. Nous vivrons en nous, indulgents pour toute l’humanité, d’une indulgence un peu dédaigneuse, préoccupés avant tout de parfaire cette union de nos deux âmes.

Nous aurons l’un et l’autre des défauts, mais nous serons si indulgents l’un pour l’autre, que nous n’en souffrirons même pas. Possédant l’essentiel, les détails infimes nous importeront peu.

Dans les épreuves, nous nous rapprocherons davantage encore, et, souffrant ensemble, cette souffrance sera comme une sorte de jouissance violente.

Blonde ? Brune ? Grande ou petite ? Peu importe. Mais que son visage franc et ouvert soit le fidèle reflet de son âme.

C’est ainsi que je t’ai rencontrée, ma bien-aimée. Longtemps je t’ai observée, et plus je pénétrais dans ton intimité, plus mon amour grandissait pour toi.

22 mai 1915 :

Oh ! Comme nul bonheur n’est comparable à celui de posséder un être avec lequel on ne fait qu’un. Ceux qui se considèrent comme supérieurs à leur femme, qui estiment que dans le ménage il faut conserver une certaine liberté, une certaine indépendance, ne dire que ce que l’on veut… Oh ! que ceux-là se privent de la plus grande félicité qu’il puisse y avoir sur terre !

Tout le bonheur est justement dans cet abandon complet de l’être vis-à-vis de l’être que l’on aime. Pas de différence de niveaux. Deux étangs de même hauteur qui communiquent entre eux , dont les eaux se mélangent librement.

Puis, cette autre lettre du 25 octobre 1917 où il évoque cette nouvelle séparation que leur inflige la mer :

Ce qui te rend la vie si affreuse… c’est que je ne sois pas à tes côtés. Oh ! comme je l’ai senti pendant ces quarante-huit heures où je t’ai retrouvée. Tes yeux avaient une expression qui me pénétrait jusqu’au fond de l’âme. Jamais peut-être ton regard n’avait eu cette profondeur et en même temps comme une grande terreur d’enfant qui voit partir sa mère, et qui sent qu’il va rester seul.

Et tu me disais, toujours avec le même regard étrange… tant il était peu physique, tant il était ton âme aux bords de tes cils : " Jamais je ne t’ai tant aimé. Je ne peux plus vivre sans toi ". Oh ! mon enfant bien aimée, comme nos âmes étaient proches, comme elles se donnaient tout entières… et quelle angoisse me pénétrait et me pénètre encore quand je ferme les paupières et que j’aperçois ce regard !

Oui, tu es mon enfant. Tu as besoin de moi. Et je ne demande pas au Ciel une autre grâce que de pouvoir consacrer toute ma vie à te guider.

Et le 15 novembre 1917 :

Ce que je t’écris, je ne le dirais pas. Il y a en nous une pudeur de l’âme qui commande le silence à nos lèvres, quand nous sommes côte à côte… Mais si ce silence est plus évocateur que les plus belles paroles des poètes, nous sommes obligés de le rompre, quand le sort nous sépare, et c’est alors que nous confions au papier nos sentiments les plus intimes, et que nous devenons poètes à notre tour… Mais sans oublier que nos plus belles phrases ne traduiront jamais que pâlement la pure et silencieuse poésie de notre âme.

Ne craignons pourtant pas de pénétrer dans son jardin secret, et si nous ne pouvons en découvrir les merveilles qu’en comparaison, qu’en image, n’en sourions pas…

Il écrivait à sa fiancée le 25 juin 1905 :

Quand enfin nous serons unis, ce ne sera plus la même chose… Et il faudra que vous-même vous me poussiez à composer.

J’ai peur quelquefois de jouir d’une manière si intense de vous aimer, que toute autre jouissance s’éclipse pour moi… Mon art m’a protégé contre les fausses amours… mais lorsque je m’abandonnerai à celui qui enivre mon cœur, est-ce que tout ne me semblera pas misérable à côté du bonheur d’aimer et d’être aimé ?

Quand je me souviens du recueillement et des longues soirées qui m’étaient nécessaires pour élaborer lentement mes pâles œuvres… je me dis que jamais je n’aurai le courage de laisser mon Isaure pour en entreprendre d’autres, d’ailleurs j’ai eu toujours ce sentiment très net.

Je me souviens très bien, lorsque je ne vous aimais pas… souvent je réfléchissais à l’amour rêvé, et je me disais " Ce jour-là je ne composerai plus ". Car mon inspiration est comme une maîtresse jalouse qui ne supporte pas de rivale. Le jour où mon cœur ne lui appartiendra plus en entier, le jour ou j’aimerai une " autre " femme qu’elle, elle s’enfuira au loin et j’entendrai sa voix criant au fond de moi : " Tu étais libre de choisir entre elle et moi… Tu l’as choisie ! Je ne t’en veux pas… mais adieu ! ".

Si je vous raconte cela, c’est pour que vous sachiez dans quelle disposition d’esprit je vous ai donné mon cœur.

Ce jour-là, ô ma bien-aimée, c’est avec une sorte de volupté secrète que vous ne pouvez deviner que j’ai sacrifié pour vous tout mon avenir musical.

Je vous ai donné en même temps que mon cœur, ce que j’avais de plus précieux au monde, mon inspiration. (…)

Je l’avoue, je croyais absolument jusqu’ici, tant pour moi la composition est un épanchement de l’âme, que lorsque nous serions unis, je ne pourrais plus composer.

Je me souviens vous l’avoir écrit.

Je vous disais à peu près ceci : " Tant que mon âme n’avait pas une âme sœur pour s’épancher, elle avait besoin de le faire, dans le monde d’une sonate ou d’une mélodie, mais maintenant que je vous aime, à quoi bon chercher ailleurs ! ".

Je me trompais peut-être et ce qui me le ferait croire maintenant c’est le récit de la vie de Schumann.

Cet exemple m’a prouvé que la production artistique et l’amour, loin d’être en opposition comme deux rivales, pouvaient au contraire se féconder l’une par l’autre.

Dans une lettre du 30 mai 1907, il évoque déjà la guerre :

Comme c’est barbare la guerre ! Quand je pense au nombre d’intelligences qui travaillent depuis des siècles pour obtenir la destruction, il faut vraiment être habitué pour ne pas trouver cela phénoménal, et je conçois la surprise d’êtres d’un autre monde qui mettraient le pied sur la terre et auxquels on expliquerait avec quelle perfection les hommes sont arrivés à se détruire.

Quand la guerre éclate, il écrit  le 11 octobre 1914 :

Il faisait un calme radieux. Pas une étoile qui n’eût son reflet dans l'eau, sans une ride. Une fraîcheur exquise, une impression de paix absolue vous pénétrait l’âme. L’homme est vraiment un être bien inférieur dans l’échelle des êtres pour que la guerre, l’horrible guerre, soit sur terre une nécessité. Que penser de nous, du rang que nous occupons dans la création, devant ce spectacle de boucherie, de tuerie qui a toute l’Europe pour scène ? Non, l’homme n’est pas le roi de la création. Et nous sentons intensément tout ce qui nous domine. C’est même là notre seul dégoût, ce sentiment que nous portons en nous d’un monde d’où sont bannies ces luttes viles, où règne éternellement la paix infinie.

Et, douze jours plus tard :

Il fait aujourd’hui un temps radieux, calme parfait, température douce. Ciel pur… Toute la nature respire la paix, l’amour… et nous sommes en guerre ! en haine. Sale animal que l’homme !

Parfois, sa femme lui reproche de la sacrifier pour la musique :

16 janvier 1912 :

A côté de toi j’ai placé les trois petites, mes anges délicieux que j’adore. La plus mignonne, on ne sait pas. Et mes regards se portent de la maman à mes filles et je me dis que mon cœur est tout plein de ces quatre êtres qui sont toute ma vie. Et je pense alors à la musique, à ce que tu dis quelquefois, que je l’aime plus que toi, plus que mes enfants, et en ce moment j’ai la sensation exacte et véridique des choses, je lis en moi comme dans un livre.

Non, bien-aimée, ne me dis plus jamais une chose qui n’est pas vraie et me fait beaucoup de chagrin.

La musique me prend une grande partie de ma vie, je le sais, à quoi bon le nier ? mais j’obéis en composant à une force implacable et extérieure, indépendante de ma volonté.

Je ne suis qu’un instrument et ne puis me soustraire à cette obligation d’écrire ce qui chante en moi, ce qu’un être mystérieux, qu’on appelle l'inspiration, chante en moi. A côté des devoirs de mon métier maritime qui, si souvent, m’enlève à toi, j’ai d’autres devoirs aussi impérieux, aussi inévitables à remplir, cela dicté par un autre métier que je n’ai pas choisi, qui m’a été imposé, le métier de compositeur : je ne suis pas de ceux-là qui ont été destinés dès leur plus jeune âge à la musique, qui ont suivi les cours d’un conservatoire et qui, sortis de l'école, jouent ou composent pour vivre. Ce n’est pas moi qui me suis donné, comme une sorte de passe-temps, le plaisir de composer. Une volonté dont j’ignore le nom, mais dont je connais les exigences, m’a imposé depuis toujours une tâche à remplir. Je ne puis m’y soustraire.

Ne prends pas cela pour une plainte à laquelle ton esprit se refuserait de croire. Je ne me plains pas d’avoir été choisi pour exprimer un peu de l’au-delà, certes, et ma nature est assez fière pour ne pas reculer devant l’accomplissement d’une haute mission, même s’il faut peiner pour atteindre le but ! Mais je voudrais que tu sentes bien, et pour toujours, la profonde différence qui existe entre ma vie musicale et ma vie sentimentale. Je suis l’ouvrier qui tout le jour est sur le chantier, piochant péniblement, qui travaille encore le soir quelquefois… et dont le cœur n’est plein cependant que des êtres qui sont à son foyer. Oui, c’est vrai que je ne puis consacrer tout mon temps à toi, à mes chères petites filles, mais sache bien que c’est à vous que je consacre tout mon cœur.

Crois-moi bien, ma chérie, Si tu étais là, invisible, et si tu voyais les deux grosses larmes qui coulent lentement de mes yeux, tu sentirais combien je suis sincère et combien ce long et maladroit discours est vrai au fond.

Deux jours plus tard, il ajoute :

Comme je suis content que tu aies compris tout ce que je t’ai écrit l’autre jour, et que tu ne doutes pas de tous les sentiments que je t’ai exprimés. Peut-être dois-tu penser : " Tout cela est vrai, mais alors, pourquoi se marier, pourquoi ne pas se consacrer uniquement à l’art, pourquoi se créer une famille dont on n’a pas le temps de s’occuper ? ".

Ma bien-aimée, ce sont peut-être ceux-là qui dépensent leur activité à l’accomplissement de la tâche élevée que leur impose leur inspiration qui ont le plus besoin de réconfort, du bonheur intime que donne le véritable amour, celui-là qui ne se peut trouver que dans le mariage.

Les qualités de pureté, d’élévation et de fécondité qu’ils recherchent à donner à leurs œuvres, il faut qu’ils les retrouvent réalisées dans leur amour. Les passions stériles ne pourraient les satisfaire tandis qu’ils éprouvent un bonheur infini dans le calme foyer où à côté de leurs œuvres naissent les êtres adorés, où leur femme devient la forme humaine et tangible de leur inspiration.

Quelle est la conclusion de tout ceci ? C’est que c’est toi qui es à plaindre, ma bien-aimée, d’avoir un mari comme moi. Tu me donnes le bonheur et je ne te rends pas comme il faudrait… Que faire à cela ?

Pour Jean Cras, la musique naît de l’amour :

8 février 1918 :

C’est vrai que je parle bien souvent de mes petites notes et quelqu’un me connaissant mal pourrait en conclure que je fais passer ma musique avant toute autre chose… en particulier avant ma femme et mes enfants.

Mais toi qui me connais, tu sais à quoi t’en tenir, n’est-ce pas ? L’art n’est-il pas amour d’ailleurs… Et peut-on être utile sans aimer ?

Tu sais quelle signification élevée je donne à l’art, et à la musique en particulier. Dans la musique certains ne voient que le son, alors que pour moi le son n’est qu’un moyen d’expression de l’âme.

Je ne suis jamais plus près de toi, dans ces jours d’exil, que lorsque je compose. Aussi, loin d’être jalouse de cet art auquel certes j’ai consacré bien des heures de ma vie, tu peux te dire que grâce à lui, mon amour pour toi s’est développé au fur et à mesure que s’affermissait mon âme.

Car sois bien sûre que c’est par l’âme et non par le corps qu’un amour se développe.

Mon adorée, je crois fermement que seuls auront connu toute l’ivresse de l’amour physique ceux qui ne l’auront pas goûté seul… Les autres n’auront connu… que ce que connaissent les bêtes. Ce sont des aveugles en amour comme il y a des aveugles en art.

Jean Cras est un profond croyant. Pour lui, " un homme qui sent vraiment l’art, et en particulier la musique, ne peut honnêtement nier l’existence d’un dieu ", en témoigne cette lettre :

13 novembre 1917 :

J’ai achevé le livre de Tagore qui pourrait avoir été écrit en entier par un mystique chrétien.

Il y a dans tout ce livre une soif de Dieu tout à fait impressionnante. Et cette similitude parfaite entre le Dieu de cet Indien et notre Dieu chrétien, loin de me troubler, loin de me faire répéter ce que j’ai si souvent entendu dire : " Pourquoi avez-vous la prétention de détenir la vraie religion, alors que des millions d’individus en ont d’autres ? " ne fait que renforcer au contraire ma foi chrétienne et l’inonder d’une lumière nouvelle.

Il n’y a pas de Dieu indien et de Dieu chrétien. Il y a Dieu que tout homme peut sentir en lui, s'il s’y laisse prêter.

Dieu parle aux Indiens comme il parle à notre âme… et la preuve la plus éclatante de son existence est justement dans l’analogie parfaite des mouvements qu’il fait naître dans tous les êtres.

Nous, chrétiens, nous sommes les privilégiés de cette terre, puisqu’en acceptant le Christ, nous créons entre Dieu et nous une sorte d’intermédiaire mystérieux et qu’en définitive il nous est plus facile qu’à tout autre homme de sentir Dieu en nous.

Cette dernière lettre datée du 12 mai 1906 pour conclure cet aperçu de sa correspondance :

Je tressaille d’émotion quand je te vois sentir comme je le sens moi-même notre art chéri, cette musique qui nous fait entrevoir les joies de l’Au-delà. Car le bonheur que nous goûterons ensemble dans le ciel sera un bonheur musical, un bonheur inexprimable, pour lequel il n’y a pas de mots. Ah ! que j’aurai souffert et que je suis heureux de te sentir aussi profondément musicienne.

Ainsi nos deux âmes pourront se pénétrer plus que cela n’est possible à toute autre.

Que de choses pourrait-il nous apprendre, s’il vivait encore ! Au-delà de sa musique merveilleuse, Jean Cras se révèle, par sa correspondance, un homme charmant mais profond, d’une grande sensibilité, et qui trouve toujours, comme dans sa musique, le bon mot, au bon moment…

 

Quelques œuvres de Jean Cras sous la loupe…

La musique de Jean Cras est une musique unique en son genre. Elle n’a pas fait école et ne saurait faire école. Jean Cras est un indépendant qui a su allier la rigueur de la Schola à la mélodie libre, naturellement limpide d’un Debussy. C’est un mélodiste, comme son maître, Henri Duparc. Ses influences sont sa terre natale, la Bretagne (à qui il dédie son quatuor à cordes), les contrées qu’il lui a été donné d’explorer par son métier (l’Afrique, surtout) et son professeur et ami, Henri Duparc.

La Musique de Piano :

Cras a relativement peu écrit pour piano (" indispensable dans un salon " dixit G. Flaubert in " Dictionnaire des idées reçues " !), mais le peu qu’il nous ait laissé est de grande qualité. Retenons les touchants Poèmes Intimes, composés entre 1902 et 1911 durant une campagne en Islande, Les Danze, composés pendant la guerre, alors qu’il commandait un torpilleur sur l’Adriatique, Les deux Paysages, (maritime et champêtre) et les Ames d’enfants, écrites pour ses trois filles, Isaure, Colette et Monique, pour piano à six (petites) mains, ensuite transcrites pour être plus facilement jouables à quatre mains, et enfin orchestrées. Jean Cras décrit ces âmes d’enfants : " pures, naïves, mystérieuses ".

La mélodie :

En tant qu’élève de Duparc, Cras ne pouvait se dérober à la composition de mélodies.

Nous avons cité plus haut les Elégies sur des vers d’Albert Samain ; l’Offrande lyrique, dédiée à sa femme, d’après six poèmes de Rabindranath Tagore, traduction en français d’André Gide ; les Fontaines, sur des vers de Lucien Jacques…

Retenons la fameuse Flûte de Pan (1928), dont les quatre pièces du recueil sont écrites sur une gamme de sept sons arbitrairement fixés : sol, si bémol, do, mi bémol, fa, sol bémol et la. Cras s’est ainsi délibérément fixé des barrières avant de commencer à composer. Preuve que la contrainte stimule l’imagination (c’est bien connu que c’est en temps de guerre que se font les plus rapides progrès technologiques…)

Une impression de monotonie ne pouvait être évitée qu’avec l’aide de combinaisons harmoniques riches et variées pouvant voiler l’échelle implacable imposée à la flûte. Je ne me vante pas d’avoir réussi… mais je sais bien que la difficulté que j’ai eu à vaincre m’a inspiré certaines trouvailles qui m’ont récompensé, qui m’ont rendu joyeux de m’être fixé un tel obstacle. (Lettre à Charles Kœchlin le 16 février 1932).

Détails concernant ce CD et article sur Jean Cras par Michel Fleury
Quintette pour piano et cordes (1922) - Quatuor à cordes n°1 "A ma Bretagne" (1909) - Alain Jacquon, piano - Quatuor Louvigny (Philippe Koch & Fabian Perdichizzi, violons - Ilan Schneider, alto - Aleksandr Kramouchine, violoncelle) - Enregistré du 5 au 8 septembre 2001 au Conservatoire du Luxembourg - Notes en français
( Disponible chez Abeille Musique, où vous trouverez un important article de Michel Fleury sur Jean Cras. )

La musique de chambre :

Nous voici dans le domaine préféré de Jean Cras, domaine dans lequel il a excellé. Ses premières œuvres de musique de chambre sont trois Sonates : une pour violon, une pour alto ainsi qu’une pour violoncelle. Elles datent toutes les trois de 1900. Seule celle pour violoncelle est éditée. Vient ensuite un Trio en ut pour piano, violon et violoncelle (1907).

En 1909, Cras s’essaye à la formation la plus exigeante qui soit : le quatuor. Ce quatuor (" A ma Bretagne ") témoigne de sa maîtrise parfaite d’un contrepoint venu tout droit de la Schola. Seules quelques longueurs pourraient lasser l’auditeur actuel. Le Monde musical écrivait à sa création : " Quelle surprise ! La Nationale vient de donner le jour à une œuvre d’un inconnu qui, croyons-nous, est destinée à prendre rang parmi les meilleures productions modernes ". Il faut attendre ensuite 1922 pour que Cras revienne à la musique de chambre avec un Quintette à clavier dans lequel on sent l’influence des voyages : L’Afrique et l’Asie.

Pour les harpistes en manque de répertoire, citons les deux Impromptus de 1925.

Arrive alors un monument incontournable, l’année suivante : le Trio à cordes, avec dans son mouvement lent une évocation sublime de l’Orient avec l’usage d’une " polymodalité ".

Fichier MP3 Jean Cras, Trio pour violon, alto et violoncelle, composé du 14 mars au 14 juin 1926 “à bord du Lamotte-Picquet”, dédié “à Carmen Forté, Pierre Brun et Louis Fournier, édité l’année suivante à Paris par Maurice Sénart (fichier audio par Max Méreaux) DR.

En 1927 vient une Suite en duo pour harpe et flûte ou violon et piano, inspirée par les balafons d’Afrique.

Quatre petites pièces pour violon et piano écrites entre 1926 et 1929 pour fêter les anniversaires de son fils Jean-Pierre : Air varié, Habanera, Evocation (où il utilise un thème de l’enfant âgé d’à peine dix ans) et Eglogue.

Un autre monument : le splendide Quintette pour harpe, flûte, violon, alto et violoncelle, d’une fraîcheur que peu d’œuvres nous apportent. Debussy nous aura charmé avec son superbe Trio pour flûte, alto et harpe, Cras nous régale avec cette formation peu commune mais aux couleurs paradisiaques…

La musique pour orchestre :

Cras aura peu écrit pour orchestre. Citons ses Ames d’enfants, écrites pour ses trois filles et portées à l’orchestre par après, son Journal de bord (1927), suite symphonique en trois parties dont l’auteur nous résume l’argument en ces quelques lignes :

 1er mouvement : Splendeur de la mer du large, respirant en longues houles, et sur laquelle, avant de disparaître à l’horizon, le soleil couchant vient poser sa majesté.

2ème mouvement : Calme et sérénité d’une nuit tropicale. L’on ne sait plus où finit l’eau, où finit le ciel.

3ème mouvement : La terre en vue. Fin du rêve. A nouveau la vie ardente, les chants exotiques, l’agitation trépidante dans les ruelles étroites.

Deux pages concertantes : la Légende pour violoncelle et orchestre (1929) et le Concerto pour piano et orchestre, dédié à sa fille Colette, la future épouse d’Alexandre Tansman. Une superbe gamme exotique est évoquée dans le mouvement lent, puis les trompettes réveillent tout le monde au troisième mouvement. Parodie sans nul doute de la sonnerie qui appelle tout le monde sur le pont.

Les innombrables évocations de voyages dans sa musique lui valurent le surnom de " Pierre Loti7 " de la musique. A noter aussi que Jean Cras était le cousin de Victor Segalen8.

La musique de scène :

Son œuvre maîtresse, qui n’est malheureusement pas encore enregistrée, est sans aucun doute Polyphème. Cette œuvre ne peut évidemment pas ne pas faire penser à Pelléas, représentée 18 ans auparavant. Une grosse différence toutefois : au lieu de tuer son rival, Polyphème (Golaud) se crève les yeux avant de se jeter à la mer. Même Yniold trouve son parallèle dans Polyphème : Lycas, avec une scène analogue à celle de l’enquête que mène Golaud au sujet de Pelléas et Mélisande… Ce qui a conquis Jean Cras dans le choix du texte, c’est l’omniprésence de la nature et de la mer, ainsi que le côté intérieur de la pièce. Polyphème est laid. Il aime Galatée qui lui préfère le berger Acis. Polyphème projette alors de tuer les deux amants, mais renonce et se crève les yeux, ne pouvant supporter une seconde de plus l’image du couple rival.

 

Bibliographie

- Revue trimestrielle Zodiaque, n° 123, Janvier 1980 (Abbaye Sainte-Marie de la Pierre-qui-Vire 89830 St-Léger Vauban), consacrée à Jean Cras (1879-1979).
- Dictionnaire de la musique : les hommes et leurs œuvres, Marc Honegger, Bordas, Paris, 1986.
- Dictionnaire des œuvres de l’art vocal, Marc Honegger/Paul Prévost, Bordas, Paris, 1992.
- Ainsi que les pochettes des CD.8a

L’artiste qui est content de lui, et qui ne voit pas bien haut au-delà de ce qu’il peut réaliser, ne mérite pas à mon sens le nom d’artiste : je ne veux pas dire que l’artiste ne puisse éprouver une certaine satisfaction très relative : il sait bien que son œuvre est bonne s’il la compare à Clapisson ou à de l’Adolphe Adam ; elle est mauvaise s’il la compare à ce qu’il a rêvé ; il est plus qu’un homme quand il la rêve et la conçoit ; mais il se sent redevenir un homme impuissant et petit devant une feuille de papier blanc ! 

Henri Duparc à Jean Cras le 30 août 1902

____________

1) Félix Alexandre GUILMANT (1837-1911). Organiste et compositeur français. Maître de chapelle dans sa ville natale, Boulogne-sur-Mer. Ses talents furent admirés à Paris, où il succède à Alexis Chauvet à la tribune de la Trinité. Co-fondateur de la Schola Cantorum avec d'Indy et Bordes. [ Retour ]

2) Etant donné que Jean Cras a commencé à travailler sur " Polyphème " dès 1911, nous supposons qu'il faut comprendre " 1909 " au lieu de " 1919 ". [ Retour ]

2a) Il s'agit d'Isaure Paul qu'il épousera le 23 juin 1906 et lui donnera quatre enfants : Isaure, Colette, Monique et Pierre. [note D.H.M.] [ Retour ]

3) NDLR. : les textes de ces choeurs mis en musique par Jean Cras sont extraits de son recueil intitulé Paysages..., publié à Paris en 1923 chez J. Povolozky et Cie (remerciements à Thierry Bertrand pour sa collaboration). [ Retour ]

Venue de Charles Koechlin au Canada en 1937 pour une conférence sur la fugue et le contrepoint à l'École supérieure de musique d'Outremont. Première rangée (de gauche à droite): Frédéric Pelletier; Charles Koechlin; le consul général de France, Claude Champagne, compositeur québécois.
( Photo R.G. Arless. Reproduite à partir du site Web de la Bibliothèque nationale du Canada: www.nlc-bnc.ca )

4) Charles KŒCHLIN (1867-1950), compositeur et théoricien français. Auteur de 3 quatuors à cordes, un quintette avec piano, des Heures persanes, du fameux Livre de la Jungle d'après Kipling. Parmi ses élèves, il convient de citer Poulenc et Sauguet. Auteur d'un Traité d'Harmonie. Donne des cours dans diverses universités aux Etats-Unis entre 1918 et 1928. Pour l'anecdote, il fut un témoin formidable de son temps grâce aux quantités de photos qu'il a prises, notamment en Algérie où il a vécu, avec son stéréographe, instrument dont il fut parmi les premiers possesseurs. [ Retour ]

5) Paul LE FLEM (1881-1984), compositeur français d'origine bretonne. Il étudia à la Schola Cantorum où il enseigna le contrepoint de 1924 à 1939. Il dirigea les chanteurs de Saint-Gervais à la mort de Charles Bordes. Quintette avec piano, sonate en sol mineur pour violon et piano, musique vocale... On pourra consulter à son sujet le site de Michel LEMEU. [ Retour ]

6) Paul LANDORMY (1869-1943), musicographe français. Il fit de la critique musicale à la Victoire, au Figaro, au Temps et dans des revues diverses. [ Retour ]

7) Julien VIAUD, dit Pierre LOTI (1850-1923). Marin et romancier, auteur de La Galilée (1896), L'Inde sous les Anglais (1902), Vers Ispahan (1904), Pêcheur d'Islande (1886), et Madame Chrysanthème. [ Retour ]

8) Victor SEGALEN (1878-1919). Marin et romancier, fut d'abord médecin de bord, puis interprète de la marine (langues orientales). [ Retour ]

8a) Ajoutons à cette liste le remarquable article de Marie-Claire Mussat, professeur à l'Université de Rennes, Jean Cras, 1879-1932, marin et compositeur, paru dans le numéro 45 (janv.-mars 1998) de la revue de l'Arcodam Bretagne " Résonances " et la notice de Véfa de Bellaing qu'elle consacre à Jean Cras, dans son Dictionnaire des compositeurs de musique de Bretagne, Nantes, Ouest -Editions, 1992. [note D.H.M.] [ Retour ]

 


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