Maurice DURUFLÉ   ( 1902 - 1986 )

Maurice Duruflé au grand orgue de St-Etienne-du-Mont : 89 jeux (83 réels) répartis sur 4 claviers de 61 notes et pédalier de 32 notes. Buffet de 1633. Orgue Pescheur (1636), Clicquot (1777), Cavaillé-Coll (1863), Beuchet-Debierre (1956), Gonzalez (1975), Dargassies (1991).
( Photo X... )

Eglise Saint-Etienne-du-Mont (Paris) : sanctuaire du XIIIe entièrement réédifié entre 1491 et 1622.
( Photo X..., début XXe siècle, coll. Dumonthier. )

Compositeur, organiste, professeur honoraire au Conservatoire, Officier de la Légion d’honneur, Commandant de l’ordre de Saint-Grégoire-le-Grand, Chevalier des Arts et Lettres, Maurice Duruflé s’est éteint le 16 juin 1986 à Louveciennes. La nouvelle de sa mort a tout de suite fait résonner en moi les plus beaux passages de son admirable et émouvant Requiem, pur chef d’œuvre plein de consolation et de limpidité.

Né en 1902,1 disciple de Tournemire, puis de Vierne et Dukas notamment, au Conservatoire de Paris, Duruflé devenait lui-même professeur d’harmonie rue de Madrid. Peu après (1930), il était nommé organiste de Saint-Etienne-du-Mont, partageant souvent les claviers avec Marie-Madeleine Chevalier-Duruflé qu’il avait épousée à peu près à la même époque et dont la brillante carrière a été si étroitement liée à celle de son mari.

Maurice Duruflé
Détail d'une photo de la classe de composition de Paul Dukas en 1929.

( Photo X... )

Sa disparition laisse des regrets unanimes. Maurice Duruflé s’est toujours tenu au dessus des intrigues, des querelles des clans. Tous reconnaissaient son intégrité, sa modestie, sa dignité, son courage pour soutenir ses opinions, pour défendre ses idées et celles des autres lorsqu’il approuvait.

Sa magnifique carrière d’organiste est universellement connue : organiste liturgique et combien convaincu, organiste concertiste dont le talent et la personnalité étaient si recherchés. Je me rappelle quels regrets sincères et quel émoi avait provoqués ce grave accident de voiture qui devait interrompre trop tôt cette carrière ! J’éprouvais, pour ma part, un immense regret que Maurice Duruflé, du même coup, renonçât à composer. Je savais pourtant que l’évolution d’une certaine musique contemporaine le révoltait. Il a d’ailleurs décrit sa déception et son indignement2 :

Dans le domaine contemporain qui concerne non pas seulement la musique liturgique, mais aussi toutes les musiques actuelles, on se demande avec inquiétude de quoi demain sera fait. Allons-nous vers une destruction totale de notre civilisation musicale ? Depuis trente ans on ne parle que de musique concrète, électronique, aléatoire, répétitive, expérimentale, électro-acoustique, musique de notre temps, nouveau langage, recherches, etc… Malgré tant de recherches, on ne semble pas avoir encore trouvé. Si cette musique dite contemporaine doit être celle de demain3, pourquoi alors maintenir dans nos conservatoires les classes d’écriture, harmonie, contrepoint, fugue et composition, qui ont établi solidement leur enseignement sur l’écriture classique, sur l’écriture traditionnelle ?

Maurice Duruflé en 1936
( photo Harcourt )

Et de citer Debussy, Ravel, Dukas, Stravinski, Messiaen qui, grâce à leur génie, ont, depuis Bach, fait évoluer la vraie musique par un chemin normal. On peut ajouter à ceux-là le nom de Maurice Duruflé.

Maurice Duruflé m’avait lui-même fait part de sa détermination de ne plus composer en répondant à la lettre que je lui avais adressée pour lui demander d’écrire une Messe à l’intention des Chœurs de la Madeleine, que j’aurais tant aimé inscrire dans nos programmes de célébrations liturgiques des dimanches ou jours de fête.

Duruflé compositeur, il est vrai, fut révélé au grand public par la création de son admirable Requiem (1947) qui, d’emblée, se retrouva régulièrement dans les programmes de concerts. Auparavant, c’était davantage ses œuvres d’orgue qui étaient répandues auprès d’un public plus particulièrement passionné de musique d’orgue. Cette musique si personnelle nous fait découvrir tant de qualités : poésie, élégance, profondeur, sérénité, intensité… Plusieurs de ses œuvres – et pas seulement le Requiem – sont inspirées du chant grégorien auquel il était si attaché et sans lequel il ne concevait pas la musique.

Citons-le encore : L’art grégorien a porté à un tel point de perfection le chant liturgique que ce serait dans l’ordre de la culture chrétienne, une véritable catastrophe s’il disparaissait.4 Et ailleurs : Vouloir séparer le chant grégorien de la liturgie catholique, c’est vouloir le mutiler. Son caractère d’universalité porte en lui un des aspects de l’unité de l’église.5


Maurice Duruflé et sa classe d'harmonie au CNSM en 1956
1956 : classe d'harmonie de Maurice Duruflé au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. Assis de gauche à droite : Francis Chapelet, Thérèse Brenet, Anne-Marie Bouan, X..., Odile Pierre, Reynard Giovaninetti.
( Coll. Thérèse Brenet )
Signature de Maurice Duruflé, 1959
( Coll. D.H.M. )

J’ai évoqué l’organiste, le compositeur. Un troisième aspect de la personnalité de Maurice Duruflé mérite d’être rappelé ; il nous est révélé par de nombreux écrits parus dans divers journaux et revues : Le Figaro, La Croix, Ecclesia, L’Orgue... D’une écriture soignée, précise et concise, ces articles sont consacrés à ses souvenirs sur ses Maîtres (il était aux côtés de Louis Vierne, lorsque celui-ci mourut subitement à ses claviers de Notre-Dame au cours d’un récital) et surtout à la défense d’une belle liturgie et du chant grégorien. Pour sauvegarder ces valeurs, Maurice Duruflé s’est dépensé avec une énergie et une passion admirables ; cela lui a même valu de se faire injurier publiquement et de se faire traiter de " voyou ", sur le parvis de Saint-Etienne-du-Mont, par un petit vicaire de paroisse, partisan de cet abominable " révolution culturelle " et de la disparition de toutes nos valeurs pourtant irremplaçables !

Très lucide, très au courant des abominations et vulgarités qui sévissent au cours de tant d’offices liturgiques, Maurice Duruflé gardait pourtant une certaine espérance qu’il voulait nous communiquer. C’est pourquoi, en concluant cet hommage à sa mémoire, nous pouvons le citer encore :

Le jour n’est peut-être pas lointain où l’Eglise catholique, consciente de certains excès qui lui ont été imposés et dont elle a souffert, célébrera dans un immense Te deum le retour triomphal de son chant liturgique de toujours, sublime dans sa simplicité, musique de tous les temps, qui a été créée au début du VIIe siècle par St-Grégoire-le-Grand et par des auteurs anonymes pour la Gloire de Dieu seul.6

Joachim HAVARD DE LA MONTAGNE (1986)
Maître de chapelle de la Madeleine

Affiche concert à la Salle Gaveau (Paris), le 3 juin 1943, avec le concours de Maurice Duruflé.
( Coll. D.H.M. )

____________

Charles Tournemire (1870-1939), élève de Franck et de Widor, organiste de Ste-Clotilde (Paris).
( Photo X... )
1) Maurice Duruflé est né exactement le 11 janvier 1902 en Normandie, à Louviers (Eure). Tout d'abord élève de Jules Haëlling à la Maîtrise St-Evode de Rouen, il regagna ensuite le Conservatoire de Paris en 1919. Dès 1916 il tenait l'orgue de chœur de St-Sever de Rouen, puis en 1919, l'orgue de Notre-Dame de Louviers, tout en suppléant son maître Charles Tournemire à Ste-Clotilde (Paris) entre 1920 et 1927. En 1927, il suppléait son autre maître Louis Vierne, à Notre-Dame de Paris et en 1930 succédait à Gaston Singery à St-Etienne-du-Mont. (Note D.H.M.)Retour ]

2) In L'Orgue, n° 174, 2e trimestre 1980. [ Retour ]

3) L'auteur ajoute cette note : Il y a une équivoque sur la définition de la musique contemporaine. Dans l'esprit de ceux qui l'imposent, le mot « contemporain » a perdu son sens étymologique. Pour eux, il ne signifie plus musique écrite par des compositeurs actuels, mais musique d'un certain style qui serait le seul valable aujourd'hui et demain. Tous les autres sont périmés et doivent être relégués au magasin des antiquités.Retour ]

4) In L'Orgue, n° 130, 2e trimestre 1969. [ Retour ]

5) Id., n° 174, 2e trimestre 1980. [ Retour ]

6) Ibid.Retour ]


 

ŒUVRES PRINCIPALES


ORGUE


- Scherzo, op. 2
- Prélude, Adagio et Choral varié sur le thème du Veni Creator, op. 4
- Suite, op. 5 : Prélude, Sicilienne et Toccata
- Prélude et fugue sur le nom d’ALAIN, op. 7

 

MUSIQUE DE CHAMBRE ET ORCHESTRE


- Prélude, Récitatif et Variations, op. 3, pour flûte, alto et piano.
- Trois danses, op. 6 : Divertissement, Danse lente, Tambourin (orchestre)
- Andante et Scherzo, op. 8 (orchestre)

 

MUSIQUE VOCALE


- Requiem, op. 9, pour mezzo-soprano, baryton solo, chœur, orchestre et orgue.
- Quatre motets sur des thèmes grégoriens, op. 10, pour chœurs a cappella : Ubi caritas, Tota pulchra es, Tu es Petrus, Tantum ergo.
- Messe " Cum jubilo ", op. 11, pour baryton solo, chœur de barytons, orgue.
- Notre Père, op. 14, pour solo et orgue, ou chœur a cappella.
Premières mesure du Notre Père, pour choeur a cappella, de Maurice Duruflé, avec dédicace manuscrite de l'auteur : à mon ami Havard de la Montagne, cordial souvenir, 16 nov. 78
( Coll. J.H.M. )

 

 

Toutes ces œuvres sont éditées à Paris, chez Durand. La plupart sont enregistrées sur disques 33 tours, souvent en plusieurs versions différentes parmi lesquelles Marie-Madeleine Duruflé ou l’auteur à l’orgue, ou encore l’auteur à la direction.

 

Association Maurice et Marie-Madeleine Duruflé
(J.O. du 28.10.2001),
6, place du Panthéon
75005 Paris
tél. 01 43 26 45 02

Duruflé : Requiem - Joachim Havard de la Montagne : Complies Parution :

Joachim Havard de la Montagne : LES COMPLIES
Maurice Duruflé : REQUIEM
op. 9

par le Jeune Chœur d'Ile de France ( premier disque), l'Orchestre Bel'Arte
et la participation du Chœur d'Enfants d'Ile de France
direction : Francis Bardot
Jean-Gabriel Saint-Martin, baryton - Astryd Cottet, soprano
Laure Savoyen, mezzo-soprano - Sophie Parmentier, alto
Nicolas Pien, orgue
enregistrement public, église de la Trinité (Paris) les 7 et 12 mars 2004
réalisation Laurent Pélissier - une production du Jeune Chœur d'Ile de France

1 CD avec livret de 16 pages, JCIDF001
pour tous renseignements écrire à la Rédaction de Musica et Memoria


 


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