Le Panthéon des musiciens

De janvier à juillet 2000

Carlo COSSUTTA - Friedrich GULDA - Léon LEBLANC - Louis MARTINI - Antoine GEOFFROY-DECHAUME - René GUILLAMOT - Marie-Thérèse FOURNEAU - Ange MAUGENDRE - Olivier GREIF - Jean-Pierre RAMPAL - Fernand DUFRENE - Pierre COLOMBO - Wladyslaw SZPILMAN - Louis QUILICO - Pierre PENASSOU


Peu avant le 26 janvier 2000 le ténor italien Carlo COSSUTTA est mort dans un hôpital du nord de l’Italie, emporté par une longue maladie. Agé de 67 ans, il était encore sur les planches voilà deux ans !

Né à Trieste le 8 mai 1932 et élevé en Argentine, il reçoit dans ce pays sa formation musicale et accède rapidement à la notoriété en devenant dès 1958 premier ténor du Théâtre Colon de Buenos Aires. En 1964 c’est le Covent Garden de Londres qui l’accueille puis le Metropolitan Opera de New York une dizaine d’années plus tard. On pouvait également l’applaudir à l’Opéra de Paris, à celui de Vienne et au Lyric Opera de Chicago. En 1970 le chef Carlo-Maria Giulini l’appelait à Chicago pour le Requiem de Verdi et l’année suivante, c’était Karajan lui-même qui le réclamait à Paris dans le même ouvrage. Ses nombreux rôles interprétés avec beaucoup d’éclat, grâce notamment à sa voix profonde et puissante, lui valurent de grands succès dans Rigoletto, Don Carlos, Cavalerria Rusticana, Simon Boccanera, Macbeth, la Trouvère et surtout Othello qu’il enregistrait avec Solti. Parmi sa discographie, retenons également le Requiem de Verdi dirigé par Karajan et son dernier enregistrement : Samson et Dalila de Saint-Saëns.

Friedrich Gulda
(fragment photo jaquette cassette video 1991, Sony SHV 46396/coll. Max Méreaux) DR.

Le 27 janvier 2000, c’est un curieux personnage qui nous a quittés, Friedrich GULDA mort à son domicile autrichien des suites d’un infarctus. Diplômé de l’Académie de musique de Vienne, brillant interprète au piano de la musique de Bach, Beethoven et Mozart, il s’était laissé prendre par les sirènes du jazz au point de fonder un Big Band car il trouvait dans ce style de musique, où l’improvisation est souvent la seule ligne de conduite, une grande liberté dans l’expression musicale.

Né à Vienne le 16 mai 1930, dès l’âge de 7 ans il étudiait déjà le piano avant de rentrer en 1942 à l’Académie de musique de cette ville où il devenait l’élève de Bruno Seidlhofer. Premier prix du Concours International de Genève en 1946, une carrière mondiale de concertiste s’ouvrait alors à lui, jalonnée de tournées dans toute l’Europe, l’Amérique du Sud et les Etats-Unis. Adulé par les critiques, cela ne l’empêchait pas de se tourner vers le jazz en 1955 dans lequel il parvint rapidement à se faire un nom en créant non seulement un Big Band, mais également un concours international de Jazz à Vienne. Il sut en outre mêler habilement les deux genres et il n’était pas rare de l’entendre interpréter un morceau de jazz à la fin d’un récital consacré à Beethoven ou Mozart !

Comme compositeur, Friedrich Gulda laisse de nombreux numéros d’opus parmi lesquels on note des pièces de jazz (Symphonie en fa pour harmonie et orchestre de jazz, Music n° 1 et n° 2 pour piano et grand orchestre de jazz...), ainsi qu’une comédie musicale de style jazz : Drop-out oder Gustav der Letze et de curieux arrangements de valses viennoises à la manière du blues.

Le 23 février 2000 en l’église Notre-Dame de La Couture-Boussey (Eure) ont été célébrées les obsèques de Léon LEBLANC, décédé le 17 février 2000 dans sa 100e année. Clarinettiste, il obtenait le 1er prix du Conservatoire national de musique de Paris à l’époque où Gabriel Fauré en assurait la direction, Widor la classe de composition, Xavier Leroux celle d’harmonie et Gedalge celle de contrepoint et de fugue. Directeur, durant plus de 50 ans, de la maison Leblanc, grand fabricant de clarinettes dans la tradition des siècles passés et doyenne des usines françaises, Léon Leblanc a su s’imposer sur le marché américain au point d’être absorbé dernièrement par son partenaire américain Leblanc U.S.A. ! Il faut dire que ses instruments, la Leblanc " Dynamic H " pour les jazzmen, la " Sonata " pour les étudiants et la " Concerto " ou encore " La Symphonie " pour les professionnels sont connus et appréciés dans le monde entier! Novateur infatigable, Léon Leblanc est notamment à l’origine de l’octocontrebasse, la plus grave des clarinettes. Sonnant un octave en dessous de la clarinette contrebasse, elle a le même timbre qu’un jeux d’orgue de 32 pieds ! Cet instrument est resté pour l’instant à l’état de prototype. On peut voir au " Musée des instruments à vent " à la Ferme musicale de Semilly à Angoville-sur-Ay (Manche), quelques rares et curieuses pièces de ce facteur. Pour l’ensemble de ses activités et de ses recherches Léon Leblanc a été élevé au grade de chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres.

Fac-similé affiche concert
du 23 février 1972
à l'église de la Madeleine :
la Passion selon Saint-Jean,
sous la direction de Louis Martini,
avec Elisabeth Havard
de la Montagne au clavecin.
( Coll. DHM )

Avec la mort, la veille de ses 88 ans, du chef d’orchestre Louis MARTINI, survenue au début du mois d’avril 2000, c’est une figure importante de l’histoire du renouveau de la musique baroque en France qui disparaît. Né à Marseille en avril 1912, après des études musicale au Conservatoire de sa ville natale, il était entré à celui de Paris, dans les classes d’André Bloch, Georges Caussade, Roger-Ducasse et Maurice Emmanuel. En 1934 il obtenait un Premier Prix d’alto dans celle de Maurice Vieux. Ses qualités d’altiste lui vaudront d’ailleurs d’être l’alto du Quatuor Loewenguth dans ses tous débuts en 1929. Devenu également professeur d’enseignement musical dans les écoles de la ville de Paris, il attira l’attention de René Nicoly, le directeur-fondateur des Jeunesse Musicales de France qui lui confia la formation de La chorale des Jeunesses Musicales de France. C’est avec elle, bien avant la mode des baroqueux en vogue à partir des années 1970, qu’il créa la presque totalité des grands ouvrages de Marc-Antoine Charpentier et qu’il enregistra chez Pathé, dès 1947, le De Profundis de Michel-Richard Delalande qui fut le point de départ des gravures de musique ancienne ! Grand prix du disque à plusieurs reprises (1948-1953), Premier Prix au Concours International de Chorales d’Hilversum, cette chorale, non seulement s’est longtemps produite dans l’Europe entière mais a gravé, au cours des années cinquante, des œuvres majeures de compositeurs oubliés et remis à présent au goût du jour : le De Profundis, la Missa Assumptua est Maria et la Messe à 6 voix de Marc-Antoine Charpentier, le Confitebor tibi Domine de Nicolas Bernier, le Dies irae de Lulli ... Mais surtout, Louis Martini exhuma le fameux Te Deum de Marc-Antoine Charpentier dont il réalisa le tout premier enregistrement chez Erato (Grand prix du disque en 1953), devenu ultérieurement l’indicatif de l’Eurovision depuis quarante ans. La contralto Janine Collard et les ténors Jean Giraudeau et Michel Sénéchal, parmi tant d’autres solistes, étaient des habitués de ses concerts. On se souvient encore de ses interprétations à l’église de la Madeleine le 7 juin 1956 de la Messe en si mineur de Jean-Sébastien Bach, avec la Chorale des J.M.F., l’orchestre Pasdeloup, les solistes Martha Angelici, Solange Michel, Michel Sénéchal et Louis Noguéra, qui lui valut les louanges des critiques , et quelques années plus tard, le 23 février 1972, avec notamment Elisabeth Havard de la Montagne au clavecin et Gérard Poulet violon solo, de l’admirable Passion selon Saint-Jean du même compositeur!

Antoine Geoffroy-Dechaume
(photo Michèle Castellengo) DR.

Membre du jury aux Concours du Conservatoire national supérieur de Paris, Louis Martini dirigea également les orchestres Colonne et Lamoureux ainsi que ceux de Cologne, Leverkussen et Detmond en Allemagne. On lui doit enfin plusieurs ouvrages pédagogiques et musicaux. Il est regrettable mais non surprenant !, que les médias aient totalement passé sous silence cette disparition. Ses obsèques, célébrées le 4 avril à l’église Sainte-Geneviève d’Asnières (Hauts-de-Seine), ont rassemblé une foule d’amis et de musiciens venus lui rendre un dernier hommage.

Le 14 avril 2000, le claveciniste Antoine GEOFFROY-DECHAUME, l’un des pionniers du mouvement baroque, est mort à Paris dans sa quatre-vingt-quinzième année. Cousin de la pianiste Nadine Desouches (1912-1991) et beau-frère d'un neveu du Général de Gaulle, c’est lui qui ressortit le répertoire des XVI°, XVII° et XVIII° siècles en se référant aux partitions originales ; il consigna le résultat de ses recherches dans son livre Le Secrets de la musique ancienne ou les recherches sur l’interprétation (1964). Cet ouvrage fut longtemps une référence unique pour tous les musiciens avides de ce retour aux sources. Né le 7 octobre 1905 à Paris, fils de Charles-Louis Geoffroy-Dechaume (1877-1944), artiste peintre amateur de musique, et de Geneviève Desouches, il était rentré au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris en 1923, où notamment Gigout pour l’orgue et Caussade pour l’écriture lui communiquèrent leur précieux enseignement. C’est Arnold Dolmetsch, le précurseur et le spécialiste incontesté en matière de musique et d’instruments anciens, qui lui fit découvrir l’interprétation de la musique française ancienne. Dès lors, après deux ans d’internement dans un camp de Buchenwald pendant la guerre, il n’aura de cesse de faire connaître cette musique des XVII° et XVIII° siècles, notamment auprès de ses élèves du Collège de Normandie, de la Schola Cantorum, du Conservatoire de Poitiers et de l’University College à Cambridge. Connu en tant que claveciniste, Antoine Geoffroy-Dechaume était également organiste. C’est ainsi qu’il toucha, durant une quinzaine d’années à partir de 1922, l’orgue du facteur Julien Tribuot (1716) installé dans l’église Notre-Dame de Pontoise (Val-d’Oise). [Voir trois extraits de presse.]

Son arrière-petite-fille, Anne de Boysson (née en 1994), pianiste, élève du Conservatoire de La Rochelle, a remporté en avril 2013 le 1er prix de composition du Concours international "Music & Earth" de Sofia en Bulgarie.

René Guillamot
René Guillamot
( coll. famille Guillamot/Guillou, avec leur aimable autorisation )

Un mois plus tard, le 8 mai 2000, c’est le hautbois solo de l’Orchestre de Paris, René GUILLAMOT, qui s’en est allé à l’âge de 38 ans. Né à Brest en 1962, après avoir fait ses premières armes à l’Ecole nationale de musique de cette ville, il entrait en 1982 au Conservatoire national supérieur de musique de Paris où il suivait les classes de hautbois de Pierre Pierlot et de Maurice Bourgue. Deux ans plus tard il en ressortait avec un 1er Prix de hautbois en poche. Après avoir enseigné quelques temps à l’Ecole de musique du Trégor, à Lannion, il rejoignait l’Orchestre national de Lyon en 1991, puis deux ans plus tard l’Orchestre de Paris, où il devenait l’un des deux hautbois solo. Sa carrière de soliste, qui l’avait déjà mené dans toute l’Europe, en Russie et même au Japon, était très prometteuse ! Mais en à peine une semaine de temps un cancer foudroyant l’a emporté, surprenant tous ses amis et ses anciens élèves qui lui étaient restés très attachés. Ils lui ont d’ailleurs tous rendu un vibrant hommage le 12 mai au funérarium de Vitry-sur-Seine puis au cimetière de Chevilly-la-Rue. René Guillamot était marié à la violoniste Bernadette Jarry de l’Orchestre national d’Ile-de-France, fille du violoniste Gérard Jarry, super soliste du même orchestre et professeur au CNSM de Paris.

Marie-Thérèse Fourneau
Marie-Thérèse Fourneau,
pianiste concertiste (1927-2000).
( Photo X... )

Une ancienne élève de Marguerite Long, Marie-Thérèse FOURNEAU, s’est éteinte le 11 mai 2000 à l’âge de 73 ans, à l’hôpital de Saint-Mandé (Val-de-Marne). Elève au Conservatoire de Paris de Marguerite Long, Joseph Calvet et Jean Doyen, elle en ressortit munie d’un Premier Prix de Piano en 1942. L’année suivante elle était lauréate du Prix International Marguerite Long-Jacques Thibaud, juste derrière Samson François. En 1946, elle triomphait au Concours international de virtuosité de Genève et en 1947 recevait le Grand Prix du Disque. Sa virtuosité exceptionnelle lui a valu des tournées à succès avec l’Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire de Paris, l’Orchestre national, l’Orchestre du Concertgebouw d’Amsterdam, le Residentie Orchestre, le Halle Orchestra et l’Orchestre Sinfonica Breisileira. Considérée comme l’une des plus douée de sa génération, ses récitals l’ont conduite jusqu’en Amérique Centrale. Ses enregistrements de pièces de Debussy, Ravel ou encore Fauré chez Pacific étaient très recherchés par les mélomanes des années cinquante. Atteinte d’une terrible maladie qui finit par l’emporter, la sclérose en plaques, elle dut hélas interrompre une brillante carrière internationale. C’était l’une des dernières représentantes de cette époque, où toute une pléiade de grandes dames de la musique nous régalait les oreilles : Ginette Doyen, Monique de la Bruchollerie, Lucette Descaves, Monique Haas, Lélia Gousseau...


Les musiciens de l’Orchestre Pasdeloup ont tous tenu à rendre un dernier hommage à leur ami Ange MAUGENDRE lors de la messe célébrée à son intention le 18 mai 2000 à Saint-Roch. Décédé le 14 mai, à l’âge de 86 ans, président honoraire de cette célèbre et plus que centenaire formation, il en avait été également, durant près de 40 ans, le deuxième basson et le trésorier, à l’époque où Albert Wolf en était le chef permanent. Au Conservatoire de Paris, il fréquenta la classe de basson de Bourdeau où l’avait précédé Fernand Oubradous. Son inhumation s’est déroulée au cimetière de Tharon-Plage en Loire-Atlantique.

Le 18 mai 2000, c’est le pianiste et compositeur français Olivier GREIF qui est décédé d’un brutal arrêt cardiaque à son domicile parisien. Né le 3 janvier 1950 à Paris, il avait rapidement rejoint le Conservatoire de Paris puis la Juilliard School de New-York où il bénéficiait de l’enseignement de Luciano Berio. Il était devenu d’ailleurs, durant un certain temps au cours des années 1970, assistant à l’Opéra de Santa-Fe. Comme pianiste , on lui doit notamment l’enregistrement des pièces pour piano de Poulenc, mais ce sont principalement ses activités de compositeur qui l’ont fait connaître. C’est ainsi qu’il était joué à l’Opéra de Paris, à Radio France et au Festival d’Automne de Paris. Sa suite de quatre pièces Ich ruf zu dir a été dernièrement créée par l’Ensemble Ader au Festival Présences 2000 de Radio France. Il n’aura pas eu le temps d’assister aux créations de trois autres de ses œuvres : Portraits et apparitions au Sudden Théâtre de Paris (le 23 mai), Three settings of Musset aux 7ème Rencontres musicales de l’Abbaye de La Prée (le 31 mai) et son Office des naufragés donnée au même endroit, avec notamment le clarinettiste Arman Angster (le 3 juin). La voix tenait toujours un rôle important dans ses pages.

Son Requiem pour double chœur mixte a cappella, op. 358, composé l'année précédant sa mort, a été créé en première mondiale en 2001 par John Poole à la tête des BBC Singers, commanditaire et dédicataire (avec sa femme Laura) de l'oeuvre. La première intégrale française (2004) est due à Bernard Tétu avec ses Chœurs et Solistes de Lyon, en la basilique Sainte-Clotilde à Paris. En 2005 est paru chez Triton (TRI 331150) l'enregistrement de John Poole, directeur musical du "Groupe Vocal de France" (1990-1995), fondateur en 1996 de l'Académie Internationale de la voix à Parthenay (Deux-Sèvres) et professeur de direction de chœur (2001) à l'Université d'Indiana à Bloomington (USA).

Olivier GREIF: Notice détaillée sur Musica et Memoria.

Jean-Pierre Rampal
Photo Harcourt, 1958,
aimablement communiquée par Denis Verroust
(Association Jean-Pierre Rampal) DR.

Né la même année que son complice le claveciniste Robert Veyron-Lacroix, disparu voilà neuf ans, Jean-Pierre RAMPAL nous a quittés à son tour le 20 mai 2000, des suites d’une crise cardiaque, en son domicile parisien. Avec lui disparaît une grande figure de la flûte mondialement connue. Son nom est irrémédiablement attaché à son instrument tout comme Marcel Dupré l’est à l’orgue, Maurice André à la trompette ou Lily Laskine à la harpe. C’est en effet lui qui l’a démocratisé et l’a élevé au même rang que le piano ou le violon. Il faut dire que ses nombreuses tournées mondiales, au cours desquelles il était capable d’interpréter aussi bien les maîtres de l’époque baroque que du jazz, en passant par de la musique indienne ou même japonaise, attiraient un public toujours plus nombreux et ravi de découvrir cette forme de musique nouvelle. C’est lui en somme qui a introduit Bach, Poulenc, ou encore Jean Françaix dans les supermarchés et c’est tant mieux car la musique n’a de raison d’être que si elle est partagée. Son immense répertoire recouvrait tous les genres, sa discographie est également géante : plus de 300 disques enregistrés !

Né le 7 janvier 1922 à Marseille, Jean-Pierre Rampal bénéficia en premier lieux des leçons que lui prodigua son père, Joseph Rampal, un musicien de grand talent, flûte solo à l’Orchestre de Marseille et professeur au Conservatoire de cette ville. L’Ecole de flûte de Marseille a produit également d’autres grands noms de la musique : Maxence Larrieu et Alain Marion. Bien que très attiré par la flûte, il entreprit parallèlement des études de médecine tout en entrant au Conservatoire de Paris dans la classe de Gaston Crunelle. En cinq mois il remportait un brillant Premier Prix de flûte, à la même époque où Pierre Pierlot décrochait le sien (1941). La guerre interrompit ses études et au sortir de celle-ci, en compagnie de Pierre Pierlot (hautbois), Jacques Lancelot (clarinette), Maurice Allard (basson) et M. Manem (cor), il fonda le Quintette à vent Français. Durant une vingtaine d’années il se produira avec cette formation qui créa, entre autres, des œuvres de Georges Migot, Jean-Michel Damase et Marcel Bitsch. C’était également l’époque où il forma un duo mémorable avec le claveciniste Robert Veyron-Lacroix avec lequel il parcourut le monde entier en interprétant les Sonates de Bach pour flûte et clavecin. Ensemble, avec Pierre Pierlot (hautbois), Robert Gendre (Violon) et Paul Hongne (basson), ils créèrent en 1952 l’Ensemble Baroque de Paris spécialisé dans le répertoire allant du XVIIIe au début du XIX° siècle. La grande dame de la harpe Lily Laskine sera aussi sa partenaire durant quelques années. Son passage à l’Opéra de Paris comme flûte solo, en 1955 ne fera que renforcer sa carrière de soliste qui suscitait déjà l’enthousiasme autour de lui. Jean-Pierre Rampal était non seulement un joueur merveilleux grâce à un jeu lumineux, mais également un homme chaleureux comme on en rencontre souvent au pays de Marius. Ses nombreux élèves, tant au Conservatoire de Paris que dans les cours d’interprétation qu’il donnait dans le monde entier, parmi lesquels figure notamment un certain James Galway, se souviendront sans doute longtemps de sa technique particulière où sa connaissance approfondie de l’instrument et son souffle inépuisable lui permettaient des exubérances que seul lui pouvait réussir avec bonheur. Sa joie de vivre contagieuse lui a également valu de nombreux amis dans le monde musical : Maurice André, Alexandre Lagoya, Isaac Stern, Yehudi Menuhin, Mstilav Rostropovitch... Depuis 1981 il s’était un peu tourné vers la direction d’orchestre et conduisait régulièrement le Scottish Chamber Orchestre.

Son répertoire, qui couvre l’époque baroque jusqu'à nos jours, est presque illimité. Non seulement il a redécouvert des œuvres anciennes oubliées (Devienne, Galuppi, Mercadante, Blavet) mais également il a interprété des pièces d’auteurs contemporains peu connus (Jehan Alain, Franck Martin notamment). De nombreux compositeurs ont écrit spécialement à son intention, que ce soit Jean Rivier avec son Concerto (1956), Antoine Tisné avec un Concerto également (1965) ou encore Francis Poulenc avec sa Sonate pour flûte et violon (1957) ou Serge Nigg avec son Concerto (1961)... Sa discographie, comme nous l’avons déjà soulignée, est gigantesque ; nous ne citerons seulement que ses admirables Concertos pour flûte et cordes de Vivaldi qu’il a gravés avec le Solisti Veneti sous la direction de Claudio Scimone (Erato). Il nous laisse aussi un livre de souvenirs écrit en 1991 (Calmann-Lévy), intitulé tout simplement Musique, ma vie : mémoires.

Commandeur de la légion d’Honneur, commandeur de l’Ordre National du mérite, commandeur des Arts et Lettres, Commandeur du National Order of Merit ses nombreux amis et sa famille étaient venus au complet pour assister à ses obsèques religieuses qui ont eu lieu le 24 mai à l’église Saint-Roch, la paroisse des artistes.

Un ancien flûtiste, moins connu certes que Jean-Pierre Rampal mais tout aussi compétent, nous a quittés un mois après lui : Fernand DUFRENE, décédé à Dax dans sa quatre vingt dixième année le 20 juin 2000. Il avait participé à la création de l’Orchestre national de France en février 1934. Le chef d’orchestre Manuel Rosenthal en fut le premier chef permanent avant de laisser la baguette, en 1947, à Roger Désormière. Composé alors de 80 musiciens, cet orchestre sera notamment dirigé à deux reprises à l’Opéra, en 1936, par Toscanini en personne. Trop modeste pour entreprendre une carrière de soliste à laquelle il pouvait aisément prétendre, Fernand Dufrene a préféré consacrer toute sa vie au National. Il fait cependant partie des grands noms de la flûte qui ont hissé en ce vingtième siècle l’école de flûte française au meilleur niveau mondial.

Le 30 juin 2000, le chef d’orchestre suisse, ancien président de la Tribune Internationale des Compositeurs (UNESCO), Pierre COLOMBO, est mort dans la région de Genève. Né dans le canton de Vaud, à La Tour de Peilz, le 22 mai 1914, il avait entamé ses études musicales à l’Institut Ribaupierre avant de les poursuivre au Conservatoire de Bâle auprès de Hermann Scherchen et H. Münch dans leur classe de direction d’orchestre. Directeur du Choeur Bach de Lausanne à partir de 1947, il était aussitôt appelé par Ernest Ansermet afin de le seconder à l’Orchestre de la Suisse Romande. Trois années plus tard il fondait l’Orchestre de Chambre de Genève. C’est à cette époque qu’il devenait aussi directeur des programmes à la Radio Suisse Romande et était même appelé à diriger quelque temps en Afrique du Sud l’Orchestre Municipal de Johannesbourg. Ses activités de chef d’orchestre lui vaudront de mener par la suite une importante carrière européenne tant en Allemagne, en Belgique et en France, qu’en Yougoslavie ou au Portugal. C’est principalement dans l’interprétation des auteurs modernes qu’il se distinguait plus particulièrement.

La presse américaine a encensé en 1999 l’essai Le pianiste du polonais Wladyslaw SZPILMAN. Ce best-seller autobiographique se déroule durant la seconde guerre mondiale et raconte la survie de l’auteur à travers le ghetto. Roman Polanski, qui en a récemment acquis les droits, parle même de retourner en Pologne, son pays d’origine, afin de commencer dès l’automne prochain le tournage d’un film racontant la vie de Szpilman sous l’occupation allemande. Mal vu du régime communiste, ce n’est que l’année dernière, alors âgé de 87 ans, que celui-ci a pu publier à nouveau ses mémoires. Elles avaient en effet déjà vu le jour une première fois en 1946. Mais, hélas, ce pianiste et compositeur, auteur de chansons populaires et de musiques de cinéma ne pourra assister au tournage de son film ayant été rattrapé par Atropos le 6 juillet 2000.

C’est un des plus grands barytons de sa génération qui s’est éteint récemment le 15 juillet 2000 à Toronto, en la personne de Louis QUILICO. Il nous a été en effet enlevé à l’âge de 75 ans, des suites d’une complication postopératoire. C’est son rôle du fou du roi de l’opéra Rigoletto qui lui avait valu cette renommée mondiale. Interprété à plus de 500 reprises, on avait même fini par le surnommer " M. Rigoletto " !

Né le 14 janvier 1925 à Montréal, il étudiait le chant dans sa ville natale, où il remportait le Concours national de chant du Canada en 1952, puis se rendait à New-York afin de suivre les cours de Martial Singhers et enfin à Rome. Dès 1955 il rejoignait le New York City Opera et en 1972 le Metropolitan Opera qu’il ne quittera que 26 ans plus tard ! Installé à Toronto il poursuivait sa carrière dans l’enseignement malgré ses 75 ans. Spécialiste de l’interprétation des opéras français et italiens, c’est avec le rôle de Golaud de Pelléas et Mélisande de Debussy qu’il fit ses débuts au Met de New York. Invité à plusieurs reprises au Covent Garden de Londres, au Bolchoï de Moscou et à l’Opéra de Paris, il s’était produit en 1987, fait assez rare pour être souligné ici, avec son fils Gino, également baryton ! Celui-ci, né en 1955, élève de son père et de la Faculté de musique de Toronto, a débuté sa carrière avec la Canadian Opera Company et l’a poursuivie à Milwaukee, Vancouver et Calgary. En 1979 il est venu en France à l’Ecole d’art lyrique de l’Opéra de Paris qui l’a engagé par la suite.

Peu après le 14 juillet 2000 est décédé à l’âge de 76 ans le violoncelliste Pierre PENASSOU. Défenseur de la musique de son temps, il était devenu l’un des fers de lance de l’école française de violoncelle. Elève au début des années quarante de Maurice Maréchal pour le violoncelle et de Joseph Calvet pour la musique de chambre au Conservatoire de Paris, il avait été en 1944 l’un des fondateurs, avec son ami le violoniste Jacques Parrenin, du Quatuor Parrenin. S’étaient joints à eux Marcel Charpentier (violon) et Serge Collot (alto), tous disciples de Joseph Calvet. Durant ses 36 ans de collaboration avec ce quatuor, qui deviendra à la fin des années quarante le quatuor attitré de Radio Luxembourg, il eut l’occasion d’interpréter pratiquement tout le répertoire classique et contemporain. Il faut dire que cette formation de chambre était alors astreinte à jouer un concert par semaine ! On lui doit également la création de plus d’une centaine d’œuvres de compositeurs contemporains : de Milhaud à Xénakis, de Boulez à Boucourechliev en passant par Betsy Jolas et Jean Rivier. C’est à elle que l’on doit la première intégrale en France des Quatuors de Bartok et l’enregistrement de l’intégrale de la musique de chambre de Fauré. En 1954, Pierre Penassou devenait également à Paris le celliste des Concerts du Petit-Marigny de Boulez, consacrés uniquement à la musique d’avant-garde. Enfin en 1979, il ralliait le Quatuor Bernède, fondé une quinzaine d’années auparavant par Jean-Claude Bernède, Jacques Prat, Bruno Pasquier et Paul Boufil, et enregistrait un peu plus tard l’intégrale en CD des Quatuors de Beethoven. Pierre Penassou n’était pas seulement un défenseur de la musique contemporaine et un interprète talentueux du répertoire classique, mais également un pédagogue de tout premier plan. C’est ainsi qu’il a enseigné son instrument au CNR de Reims et au CNSM de Paris. Les jeunes violoncellistes Vincent Ségal et Christophe Roy l’on eut pour professeur...

Denis Havard de la Montagne

 


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