JEANNE DEMESSIEUX    ( 1921 - 1968 )

Jeanne Demessieux
( photo Harcourt ) DR

SUR CETTE PAGE :
Jeanne Demessieux (D'Arcy Trinkwon)
Jeanne Demessieux : un témoignage (Madeleine Chacun)
Jeanne Demessieux et la Provence (France Ferran)
Les amis de Jeanne Demessieux, association loi 1901.
In Memoriam : Jeanne Demessieux (Joachim Havard de la Montagne)
Dernières parutions de CD
English version Jeanne Demessieux English texts (D'Arcy Trinkwon, Ricardo Tacuchian)

SUR DEUX AUTRES PAGES :
Photos à l'orgue (Michel Giroux)
Photos complémentaires : Montpellier, Aigues-Mortes (Domitila Ballesteros)

1933-1934, classe de piano de Santiago Riéra. De gauche à droite, assis ? – debout : Pierre Darricau (dit Pierre Darck, pianiste, compositeur), Marguerite Godard (1915-2010, future Mme Axelos qui créa plus tard et dirigea durant 25 ans une chorale à Andernos-les-Bains) [voir photo 4 amies], Jeanne Demessieux, accoudée au piano (1921-1968, vient d’intégrer cette classe à l’âge de 12 ans et obtient dès cette année un 2ème accessit ; future organiste de l’église Sainte-Madeleine à Paris 8e), X…, X…, Léon Chauliac (1913-1977, fera carrière sous le nom de Léo Chauliac, compositeur, pianiste et chef d’orchestre, accompagnateur de Charles Trenet puis de Jean-Claude Pascal pour lesquels ils écrivit des chansons), X…, X…, X…, X…, X…, et debout à l’extrême droite Valérie Hamilton*. Parmi les 10 élèves non identifiés sans doute figurent Mlles Rémion, Féron, Abrunedo, Guérillon, Fotino, Madeuf, Labroquère qui toutes étaient en 1933 élèves dans cette classe de Riéra, et parmi les hommes, en dehors de Chauliac et de Darricau identifiés, le pianiste Serge Postelnikoff.
* En réalité Valérie Briggs, 1914-1995, [voir photo 4 amies] fille de George Hamilton Briggs, architecte anglais installé à Paris, future Mme Soudères, pianiste et mère de la pianiste France Soudères, née en 1941,
mariée au pianiste, compositeur et chef d'orchestre Jean-Claude Pennetier, tous deux parents de Georges Pennetier, percussionniste et compositeur.
(photo coll. famille Godard-Axelos) DR.

English version

Jeanne Demessieux fut la première organiste virtuose reconnue au plan international. Malgré son décès prématuré à 47 ans, sa renommée est encore bien vivante chez tous les organistes, telle une légende, car cette grande Dame fut sans aucun doute l'une des interprètes les plus remarquables de l'orgue.

Née1 en 1921, son talent prodigieux se révéla dès ses jeunes années. Elle remporta à onze ans le Premier Prix de piano - en interprétant un concerto pour piano de Widor - et le Premier Prix de solfège au conservatoire de Montpellier, sa ville natale. Sa famille déménagea à Paris pour lui permettre d'y poursuivre ses études, et à douze ans elle fut nommée organiste à la toute nouvelle église du Saint-Esprit2: pendant quelque temps elle dut y jouer sur un harmonium, l'orgue n'y étant pas encore installé.

La Salle Pleyel, à Paris, vers 1965
( Photo Michel Baron )

À treize ans elle devint l'élève de Marcel Dupré et travailla sans relâche sous sa férule pendant une douzaine d'années, tout en poursuivant ses études au Conservatoire de Paris. Elle y remporta des Premiers Prix de piano, d'harmonie, de contrepoint, de fugue et une mention d'honneur en composition. Elle reçut le Premier Prix d'orgue et d'improvisation en 1941. Elle poursuivit tout de même ses études avec Dupré pendant quatre autres années, arrivant par cela à un niveau de virtuosité tout à fait sans égal, à l'époque.

Elle fit ses débuts à la Salle Pleyel en 1946 dans une série de concerts organisés par Dupré, au cours desquels elle interpréta les principales oeuvres du répertoire d'orgue. Selon la critique parisienne de l'époque, cette série fut remarquée comme une date historique tant son succès fut triomphal. Ce fut le début de son étoile montante et de sa reconnaissance internationale.

Jeanne Demessieux fit des tournées de concerts à travers toute l'Europe ainsi qu'en Amérique du Nord, avec un succès partout confirmé. Ce fut la première femme organiste invitée à donner des récitals dans de nombreuses cathédrales et salles de concerts, telles la Cathédrale et l'Abbaye de Westminster.

Elle connut également une fructueuse carrière dans l'enseignement puisque, après avoir obtenu très tôt un poste au Conservatoire de Nancy, elle fut nommée en 1952 professeur d'orgue et d'improvisation au Conservatoire de Liège, en Belgique. Elle fut aussi invitée à enseigner à l'Académie d'été d'orgue de Haarlem, où elle a enseigné à Pierre Labric et Louis Thiry.

Après avoir tenu l'orgue pendant 28 ans à l'église du Saint-Esprit, elle fut nommée organiste à la Madeleine en 1962.3

Elle a effectué de nombreux enregistrements chez DECCA (Londres) au Victoria Hall à Genève et à la Madeleine. Plusieurs d'entre eux ont été réédités chez FESTIVO, tel que le cycle d'oeuvres de Franck.

En tant que compositeur, Jeanne Demessieux nous a laissé des oeuvres pour piano, musique de chambre, voix, sans oublier ses pièces d'orgue, pour lesquelles elle est plus particulièrement connue aujourd'hui.

En 1964, elle reçut la distinction de Chevalier de l'Ordre de la Couronne de Belgique.

Dupré4 avait souvent mentionné Jeanne Demessieux comme "son véritable successeur", "la plus grande de toutes les organistes" et affirmait qu'elle était la plus brillante de ses élèves. Cependant, une certaine mésentente obscurcit leur relation peu de temps après la série de concerts de la Salle Pleyel. Dupré la renia quelque peu et il semble juste de souligner, aujourd'hui, que la renommée de Jeanne Demessieux en France - qui n'a jamais semblé avoir été aussi grande qu' à l'étranger, particulièrement aux États-Unis et en Angleterre - en souffrit beaucoup.

Rue du Docteur Goujon, Paris XIIe.
Appartement qu'occupa Jeanne Demessieux jusqu'au début des années 1960, au 8 rue du Dr Goujon, dans le 12e arrondissement, non loin de l'église du Saint-Esprit et de la Place Félix-Éboué. (Curieusement, le webmestre de M.E.M. habitait au 4 de la même rue. Dans la rue Lamblardie voisine résidait le Prix de Rome Robert Bréard, et Madeleine Chacun était paroissienne de l'église du Saint-Esprit - voir texte ci-dessous : Jeanne Demessieux, un témoignage.)
( Photos Domitila Ballesteros )

Vers le milieu des années 1960, Jeanne Demessieux confia fréquemment son sentiment d'être saturée musicalement, et évoquait avec regrets sa jeunesse imprégnée d'étude et de discipline excessive, sans compter sa vie artistique passée à combattre pour maintenir sa place dans un milieu dominé par la gent masculine. Elle connut plusieurs longues périodes de maladie qui finirent par l'emporter le 11 novembre 1968. Ses funérailles, à la Madeleine, attirèrent une grande foule : l'orgue était muet en cette circonstance, drapé dans un immense voile noir qui pendait jusqu'au sol.5

Après sa disparition, plusieurs compositeurs ont écrit des pièces à sa mémoire, tels Pierre Cochereau, Pierre Labric et Eugène Reuschel.

D’Arcy TRINKWON, mars 2001
Trad. M.B.


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1) Jeanne-Marie-Madeleine Demessieux est née exactement le 13 février 1921, à Montpellier. Fille d'Etienne Demessieux, haut fonctionnaire à la SNCF, et de Madeleine Mézy, elle eut pour premier professeur à Montpellier sa sœur aînée qui lui enseigna la musique dès l'âge de 3 ans jusqu'à son départ, en 1932, pour Paris ; celle-ci, Yolande Demessieux, née en 1906, était à l'époque organiste de l'église St-Matthieu de Montpellier. C'est assurément elle qui lui fit découvrir l'orgue... (Note D.H.M.)Retour ]

Voir la façade de l'église.
L'église du Saint-Esprit, où Jeanne Demessieux a tenu l'orgue pendant 28 ans, avenue Daumesnil derrière les fontaines de la Place Félix-Éboué (Paris XIIº) vers 1965 (voir note 2)
( © Photo Michel Baron )
2) Construite par l'architecte Paul Tournon à partir de 1928, l'église du Saint-Esprit, située dans le douzième arrondissement, est en ciment armé revêtu de briques de Bourgogne. Elle possède un orgue de 17 jeux, répartis sur 2 claviers manuels de 56 notes et un pédalier à l'allemande de 30 notes, construit par Gloton-Debierre en 1934. Cet instrument a été relevé en 1968 par la maison Beuchet-Debierre, puis restauré et amélioré en 1985 par Jean-Marc Cicchero. Jeanne Demessieux en a été le premier titulaire ; c'est Arnold Cooremann qui en est l'actuel. Michel d'Argoeuves (1882-1966), longtemps professeur d'orgue à la Schola Cantorum, puis à l'Ecole César-Franck, fut maître de chapelle dans cette église de 1936 à 1966. (Note D.H.M.)Retour ]

3) Elle succédait là à Edouard Mignan, démissionnaire. (Note D.H.M.)Retour ]

4) Jeanne Demessieux a été suppléante de Marcel Dupré à Saint-Sulpice, entre 1942 et 1946. (Note D.H.M.)Retour ]

5) Les Chanteurs de la Madeleine, sous la direction du maître de chapelle, Joachim Havard de la Montagne, avec Jean Villetard à l'orgue de chœur, interprétèrent avec beaucoup d'émotion le De profundis de M.A. Charpentier, la Messe de Requiem de G. Poitevin, la Prière de F. Poulenc, le Libera me de J. Langlais et un fragment du De Profundis de M. R. Delalande. (Note D.H.M.)Retour ]



JEANNE DEMESSIEUX, UN TEMOIGNAGE...

 

Voir l'église depuis la Place Félix-Éboué.
L'église du Saint-Esprit, avenue Daumesnil, présente une étroite façade coincée entre des immeubles d'habitation. Des rues avoisinantes on distingue sa coupole construite dans un style byzantin (voir note 2).
( Photo Domitila Ballesteros )

Comment aurais-je pu me douter, en cette journée de printemps 1945, alors que je participais à la Classe d'harmonie que dirigeait le Maître Jean Gallon au C.N.S.M. de Paris, que quelques paroles sorties de sa bouche, allaient me procurer la joie et l'honneur de fréquenter Jeanne Demessieux pendant 23 ans !

Jean Gallon, probablement pour nous stimuler, faisait le panégyrique de ses anciens élèves. Lorsqu'il en arriva à Jeanne Demessieux, ce fut en ces termes : "La petite Demessieux, elle joue de l'Orgue comme le Bon Dieu... " !

Etant moi-même paroissienne de l'Eglise du Saint-Esprit, où Jeanne était titulaire de la tribune, je l'entendais souvent, mais n'avais jamais osé l'aborder. Je témoignais donc devant toute la classe de l'extraordinaire musicalité, alliée à une fougue impressionnante, de cette jeune artiste. Aussitôt Jean Gallon m'engagea vivement à me présenter à elle, de sa part. Ce que je fis sans me faire prier.

Dimanche après dimanche, je m'empressais de monter à la tribune, où j'étais toujours accueillie par un sourire : car Jeanne n'a pas été seulement la grande artiste que l'Europe et l'Amérique découvrirent par la suite, mais sous un abord simple et distingué se cachait un grand cœur et un attachement très fidèle à ceux qui eurent le bonheur de compter parmi ses amis.

On ne faisait jamais appel en vain à sa générosité. Elle, dont le temps était employé par tant de tâches diverses (concerts, composition, professorat) trouvait toujours le moyen de vous venir en aide, si elle vous savait dans l'ennui ou la détresse. Six mois avant sa disparition, alors qu'elle était déjà très malade, n'a-t-elle pas trouvé le courage de se rendre à l'Evêché, afin de soutenir et défendre le projet de statut des Maîtres de chapelles, alors que rien ne l'y obligeait ? Comment voulez-vous que tous ceux qui eurent la chance d'être ses élèves ou ses amis ne soient pas encore émus et reconnaissants, 30 ans après sa disparition, pour tout ce qu'elle nous a apporté.

En dehors de ce contact humain qu'elle posséda au plus haut point, il y avait cet immense talent, dont nous nous sommes rassasiés. Que d'émotions n'avons nous pas ressenties, et que de grandeur et de sensibilité dans son jeu, alliés à une facilité naturelle, sans doute, mais aussi à un travail intense. Un style sobre, sans recherche de l'effet pour l'effet ; une virtuosité sans défaillance, mais toujours au service de l'expression musicale.

Et que dire de ses improvisations ?

Que de fugues, de temps de symphonie ont découlé de quelques notes d'un thème grégorien, qui nous laissaient au bord du vertige, alors que les dernières résonances s'étaient éteintes.

En 1959, Jeanne Demessieux fut sollicitée par la firme Decca, pour enregistrer l'Intégrale des œuvres de César Franck. Grâce à l'amabilité d'Edouard Mignan qui accepta de bon cœur de "prêter sa tribune" et à l'autorisation de Monsieur le Curé de la Madeleine, ce travail gigantesque put avoir lieu comme elle le souhaitait. Malheureusement l'orgue qui devait être restauré 10 ans plus tard, avait à ce moment là quelques défaillances, qui causèrent plus d'un problème, tant à l'Interprète, qu'aux techniciens. Mais Jeanne possédait une force de volonté, et une inépuisable patience, et ce fut toujours avec le plus grand calme, qu'elle surmonta ces ennuis mécaniques. Elle avait demandé à Claudine Verchère ainsi qu'à moi- même de venir l'assister, afin de tirer les jeux le plus délicatement possible, car le micro étant placé très près de la console, il fallait absolument éviter que le moindre bruit ne vienne gâcher la pureté de l'enregistrement.

A cette époque, l'électronique n'intervenait pas pour les registrations : il fallait tout faire manuellement en jouant. Si cela n'était pas une gêne pour Jeanne en concert, là, on ne devait prendre aucun risque. Nous étions donc placées chacune d'un côté de la console, avec des instructions précises quant aux moments où il fallait agir ; et ma foi, cela fonctionna très bien ! A part les instant où les "caprices" de l'instrument, et les "demandes d'essais" des techniciens, l'obligeaient à recommencer certains passages, en règle générale, elle enchaînait souvent une œuvre en entier. Ce fut le cas pour le 3ème Choral qui ne nécessita qu'une seule prise de son.

C'était le 13 juillet vers 21 heures. Quelques secondes seulement après les derniers accords, des détonations (causées sûrement par l'éclatement de pétards !) parvenaient jusque dans l'Eglise. Ce soir là, nous dûmes laisser la place à la liesse populaire !...

Toutes ces heures passées auprès de Jeanne demeurent un souvenir inoubliable pour Claudine Verchère, comme pour moi.

Ces enregistrements permettront aux jeunes générations, qui malheureusement n'ont pu la connaître, de ressentir à leur tour ces mêmes émotions.

Quant à ses Oeuvres qui ont contribué à faire progresser aussi bien le langage musical, que la technique de l’orgue, je ne doute pas que les jeunes organistes qui commencent à les découvrir, continueront à les faire comprendre et apprécier à leur juste valeur, par le public de demain, et qu’elles demeureront un des plus beaux fleurons du patrimoine artistique français.

Madeleine Chacun
Lauréate du Concours M. Long-J. Thibaud
Professeur honoraire du C.N.R. de Versailles


Jeanne Demessieux et la Provence

Remparts d'Aigues-Mortes
Les remparts d'Aigues-Mortes
( photo France Ferran )

AIGUES-MORTES – Proche de l’avenue dédiée à Jeanne Demessieux, sa discrète maison au bord d’une allée de platanes : l’artère porte le nom de Frédéric Mistral, ce chantre incomparable de la Provence, devenu l’ami de Maurice Barrès, qui sut évoquer si poétiquement dans Le Jardin de Bérénice (1891) la cité créée par Saint-Louis… Imaginons que Barrès eût approché Jeanne Demessieux, n’aurait-il pas été inspiré par cette organiste virtuose, concertiste mondiale, compositeur et pédagogue, inscrivant sa trajectoire trop brève d’authentique fille du Languedoc dans l’émouvante simplicité de ce panorama de la Petite-Camargue, qui se présente naturellement sous un aspect d’éternité, comme l’a décrit l’écrivain dans son roman ?

Plus loin, il écrira : Ce que je veux, c’est collaborer à quelque chose qui me survive. Sans doute, par modestie, Jeanne Demessieux ne l’a-t-elle jamais formulé ainsi, mais on peut dire aujourd’hui que ce pari-là est réussi pour cette artiste de génie qui, dès son plus jeune âge, à la tribune de l’orgue et jusqu’au bout de ses forces, aura su servir l'incommensurable pouvoir de la musique. 

France Ferran

 
Sous ce ciel abaissé

La maison de Jeanne Demessieux à Aigues-Mortes
La maison de Jeanne Demessieux à Aigues-Mortes
( France Ferran, d'après une photo de Domitila Ballesteros )
Loin du fardeau des soirs glorieux,
venant se rafraîchir dans la petite maison des étangs,
venant s’approprier l’harmonie et la paix profonde
de ces longs paysages, ces sables salés...


Quittant l’ombre de la ville, muette et dure
dans sa haute enceinte crénelée,
au rythme vif de son cheval camargue,
familier de ce plat désert de mélancolie,
où règnent les ibis roses,
où les couchers de soleil sont prodigieux.


Aujourd’hui, ayant rejoint la plaine profonde
et ses immenses étangs d’un silence éternel et si doux,
en accord parfait avec ce lieu, elle repose,
beau trésor de douceur et de sagesse, offert
à ce fiévreux royaume de sel, de sable et d’eau.

(En italique, mots choisis extraits du " Jardin de Bérénice " de Maurice Barrès, à propos d’Aigues-Mortes, port d’ancrage de Jeanne Demessieux.)

 

LES AMIS DE JEANNE DEMESSIEUX "

Cette association, régie par la loi de 1901, a été créée en 1988 dans le but d’aider à la divulgation des œuvres de cette musicienne, par de jeunes virtuoses. Elle s’adresse aux interprètes et mélomanes pour œuvrer de façon efficace afin de rendre à cette grande dame de la musique que fut Jeanne Demessieux la place à laquelle elle a droit.

Président : François-Henri Houbart
Vice-présidents : D'arcy Trinkwon et Ronan Le Guen
Secrétaire : Claudine Verchère
Trésorier : François Mauguin

Correspondant en Europe : D'Arcy Trinkwon
Correspondant en Amérique du Nord : Lynn Cavanagh
Correspondant en Amérique du Sud : Domitila Ballesteros

adresse : 1 rue Chaude, 39120 Annoire (France)
Téléphone/Fax : 03 84 70 06 74
E-mail : claudine.verchere@gmail.com

Montant annuel de la cotisation : 25 €

" Les Amis de Jeanne Demessieux " éditent notamment une plaquette de 32 pages intitulée  Jeanne Demessieux. Témoignages de ses élèves et amis, de laquelle sont extraits les souvenirs de Madeleine Chacun ci-dessus publiés, et proposent des enregistrements de Jeanne Demessieux : volume I (Bach, Mozart, Liszt, Widor), volume II (Bach, Mozart, Mignan, Berveiller, Demessieux), volume III (Messiaen, Bach, Berveiller, Widor, Mozart) et l’intégrale de l’œuvre de César Franck (coffret 2 CD)


IN MEMORIAM :

JEANNE DEMESSIEUX (1921-1968)
vingtième anniversaire

 

Le 14 novembre 1968, en l'église de la Madeleine étaient célébrées les obsèques de Jeanne Demessieux devant une nombreuse assistance au premier rang de laquelle se trouvait la plupart des organistes les plus connus. Le Chanoine Popot, alors Curé de la paroisse, disait la messe, prononça une homélie émouvante et donna l'absoute tandis que ses collègues de l'église et les chanteurs, nous l'entourions auprès du cercueil. Pour ma part, on devine avec quelle émotion je dirigeais les " Chanteurs de la Madeleine " accompagnés par Jean Villetard à l'orgue de chœur dans un programme que j'avais soigneusement préparé :

Lettre et signature autographe de Jeanne Demessieux à Joachim Havard de la Montagne, 5 septembre 1967
( Coll. D.H.M. )
De profundis, Marc-Antoine Charpentier
Messe de Requiem, Guillaume Poitevin
Prière, Francis Poulenc
Libera me, Jean Langlais
De Profundis (fragments), Michel-Richard Delalande

Le grand orgue resta muet et la tribune était tendue de noir.

Je ne pouvais alors oublier la dernière vision que mon épouse Elisabeth et moi nous avions eue d'elle sur son lit de mort, à son domicile, boulevard Soult, cet horrible cancer l'ayant rendue méconnaissable. Mais à ma tristesse se mêlaient d'intenses sentiments d'admiration et de reconnaissance. N'était-ce pas en partie grâce à Jeanne Demessieux que j'avais été nommé, l'année précédente, maître de chapelle de la Madeleine par le Chanoine Popot auprès de qui elle avait, avec tant d'amitié, soutenu ma candidature en mars 1967. En effet, quelques années auparavant, comme Secrétaire de l'Union des Maîtres de Chapelle et Organistes, encouragé par notre Président Henri Büsser, (qui avait été son professeur), je lui avais demandé de se joindre à nous au conseil de direction ; combien son aide fut efficace et quel plaisir j'eus à travailler avec elle si amicale, si discrète, si intelligente en cette époque de bouleversement qui atteignait notre profession.

A la Madeleine, nous n'avons donc hélas collaboré que durant vingt mois mais, tout de suite, Jeanne Demessieux se montra une délicieuse collègue; les compliments qu'elle voulut bien me faire pour la première célébration importante que j'eus à organiser et à diriger en la fête de Pâques 1967 m'avaient vivement touché et encouragé. Elle s'intéressait beaucoup à toute la liturgie et à son déroulement. Mais quel plaisir de l'entendre à ce magnifique grand orgue non seulement dans son répertoire varié mais aussi dans des improvisations qui m’émerveillaient par leur construction. Je garde encore le souvenir de ce Ricercare à 6 voix durant la communion d'un dimanche d'avril 1967 ou de ses improvisations libres pendant la veillée qui précédait la messe de minuit de Noël.

Il n'est pas possible de décrire ici en quelques lignes l'existence et la carrière prestigieuse de Jeanne Demessieux. Fait très regrettable, elle fut plus connue et plus acclamée dans les pays étrangers et particulièrement aux Etats-Unis, qu'en France! Pour évoquer cette carrière, je ne saurais mieux faire que de reproduire quelques lignes empruntées à l'émouvant article paru dans le dernier numéro de la revue Jeunesse et Orgue1 qui, par ailleurs, à notre grand regret, annonçait la cessation de sa publication. Cet article est dû à Christiane Colleney qui est l'auteur d'un ouvrage consacré à Jeanne Demessieux2 que l'on se saurait trop recommander à nos lecteurs.

" Jeanne Demessieux est née le 13 février 1921 à Montpellier (il serait bienvenu que cette ville baptise à son nom une rue ou une place). Dès sa plus tendre enfance, elle fait preuve d'une précocité intellectuelle et artistique doublée d'une sensibilité très rare à cet âge. Déchiffrant à 4 ans des partitions, retenant par cœur les morceaux qu'elle étudie et se mettant à composer à... 5 ans, elle suscite l'admiration de tous et en premier lieu celle de sa sœur Yolande, son aînée de 14 ans. Lorsqu'elle a 5 ans et demi, le prêtre de l'église St-Mathieu de Montpellier bénit Jeanne apprenant qu'elle venait de tenir l'orgue !

Jeanne Demessieux: une vie de luttes et de gloire

Christiane Trieu-Colleney : "Jeanne Demessieux, une vie de luttes et de gloire", Les Presses Universelles, 1977
( coll. D.H.M. )

" Enfance à l'écart des autres enfances, à huit ans, elle choisit elle-même de se consacrer exclusivement à la musique.. Ses premiers triomphes, elle les remporte à 11 ans, le 24 juin 1932, en jouant lors du concours pour le premier prix, le concerto pour piano et orchestre de Ch. M. Widor. Après son incroyable succès auprès du public de Montpellier, Jeanne poursuivra ses études à Paris où les plus prestigieux maîtres de l'heure s'enthousiasmeront pour cette élève aux dons immenses. Parmi les professeurs qui la formèrent au conservatoire, citons : les frères Noël et Jean Gallon, Henri Büsser, l'étonnante Magda Tagliafero, Marcel Dupré...

Jeanne Demessieux
Jeanne Demessieux
( en couverture de "Jeanne Demessieux, une vie de luttes et de gloire", par Christiane Trieu-Colleney, Les Presses Universelles, 1977 )

" Le grand pianiste Lazare Levy lui avait avoué un jour qu'il ne saurait mieux interpréter qu'elle le concerto pour piano en mi bémol de F. Liszt.

 En juillet 1938, Jeanne remportait, face à 55 concurrents le 1er prix de piano. En 1936, elle avait obtenu le 1er prix d'harmonie, et en 1939 elle obtiendra le premier prix de fugue, première nommée.

" De sa rencontre avec Marcel Dupré surgit le désir de devenir une grande organiste. Jeanne était titulaire de l'orgue de l'église du St-Esprit à Paris depuis 1933 et fut la plus jeune titulaire d'un orgue parisien. C'est en octobre 1936 que M. Dupré reçut celle qui allait devenir sa disciple la plus douée. De leur rencontre, naquit une réciproque fascination. M. Dupré trouvait en Jeanne l'élève sur laquelle il allait pouvoir mettre en pratique ses théories pédagogiques et Jeanne mesura aussitôt ce qu'elle apprendrait au contact du plus grand organiste de l'époque. Leurs rapports allaient peu à peu se transformer en une étroite collaboration artistique s'étalant sur dix années d'intense travail. M. Dupré la forma, lui confiant des suppléances à St-Sulpice et à la classe de conservatoire, la préparant par des séries de récitals donnés à Meudon à affronter le public parisien, visant pour elle une carrière internationale. M. Dupré avait rencontré en Jeanne " l'élue " capable de tout interpréter et de réaliser toutes ces exigences musicales.

" L'un des couronnements de l'enseignement de Dupré fut la série des douze récitals que Jeanne donna Salle Pleyel. A cette occasion, le maître compara le premier joué par l'élève aux premiers récitals de Menuhin, de Giescking et d'Horowitz à Paris. Lors de ces concerts, elle joua de mémoire et fît sensation par son agilité au pédalier, chaussée de hauts talons.

 " Un drame dont les conséquences morales seront ressenties par Jeanne tout au long de sa vie et auquel elle ne put trouver d'explications fut la rupture avec M. Dupré. Elle ne connut jamais les raisons de l'incroyable changement d'attitude de son maître à son égard au retour d'Amérique de celui-ci en 1947. Jeanne surmonta l'épreuve en continuant à jouer des œuvres de son maître, lui écrivant dans une ultime lettre : " Rien ne me fera perdre le respect d'une doctrine à laquelle j'ai voué une foi vibrante... " L'ensemble de la vie de Jeanne témoigne de cette droiture, de cette intelligence humaine, de cette détermination sereine liée à une extrême sensibilité féminine, à une grande force de caractère et à une authentique foi chrétienne.

" Après la série des récitais Pleyel, Jeanne se lança dans une carrière internationale qui la conduisit dans tous les pays d'Europe et dans des tournées transcontinentales en Amérique. Chacun de ses récitals était exécuté de mémoire et terminé par une improvisation suscitant l'acclamation des foules. Le " phénomène Jeanne Demessieux " fut considérable dans les années 1950-1960.

" Bernard Gavoty ébauche son portrait dans le Figaro : " 26 ans, la première femme invitée... en Amérique ". A Londres, 7 000 personnes lui firent une ovation le 8 septembre 1950 et le 21 février 52, elle est nommée professeur d'orgue au conservatoire royal de Liège.

" Cette extraordinaire musicienne est tout de suite apparue comme la plus douée des organistes dans un continent américain habitué aux exceptionnels, mais demeuré toujours enthousiaste. L'Amérique ne pouvait que subir le charme de cette ambassadrice du patrimoine organistique de l'Europe. De même, les facilités, l'hospitalité, la précision technique, la qualité et la variété des instruments aux U.S.A. ne purent que séduire cette artiste recevant là-bas le meilleur accueil et suscitant une vive curiosité en tant que femme compositeur.

" Aujourd'hui, Jeanne repose en Camargue, à Aigues-Mortes, auprès d'une avenue portant son nom. Son souvenir est encore vif chez les Camarguais qu'elle affectionnait tant, dans cette région où des randonnées à cheval l'aidaient à oublier les obstacles d'une carrière d'autant plus difficile à mener qu'elle reflétait le génie de cette musicienne. "

Plusieurs concerts ont été ou seront consacrés à Jeanne Demessieux. Rappelons celui de Philippe Brandeis qui joua son Te Deum pour la série de concerts " Une Heure de musique à la Madeleine ", le 5 juillet 1988. A mon grand regret et malgré mes tentatives, " Les Chœurs de la Madeleine " n'ont pu inscrire à leur programme de cette année un motet de Jeanne Demessieux ou sa Cantate pour le Jeudi-Saint par suite de l'impossibilité de s'en procurer une copie, ces œuvres n'étant pas éditées...

Signalons aussi que, sur le désir de sa sœur Mademoiselle Yolande Demessieux et sur la décision de Monsieur l'Abbé Brizard, Curé de la Madeleine, la messe a été dite à l'intention de l'ancienne organiste de la Madeleine, le dimanche 11 décembre, ainsi que les 14 et 19 décembre 1988.

Enfin rappelons les disques de Pierre Labric, l'un des disciples préférés de Jeanne Demessieux qui a enregistré en 1971 et 1972, à St-Ouen de Roeun et à la cathédrale d’Angoulême, l'intégrale de son œuvre pour orgue, en souhaitant qu'ils soient réédités (Musical Héritage Society, MHS 3042-44). Les enregistrements de Jeanne Demessieux elle-même viennent d'être réédités (Festivo, FECD 131,132, 141 et 155-156) et, en 1975, Graham Barber organiste anglais, a enregistré à Manchester le Prélude et Fugue dans le mode lydien (Vista, VPS 1025).3

Joachim HAVARD DE LA MONTAGNE (1988)
Maître de chapelle de l’église de la Madeleine

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1) L'Association " Jeunesse et Orgue ", créée à Bordeaux en 1968 par Christiane Trieu-Colleney, disparue avec le décès de sa fondatrice en 1993, éditait une revue trimestrielle pluraliste de haute tenue. Parmi les 70 numéros parus, signalons le numéro spécial de 1986 entièrement consacré à " Marcel Dupré ou la cause de l'orgue ". Le comité d'honneur de cette association était composé de : Nadia Boulanger , Suzanne Chaisemartin, Pierre Cochereau, Xavier Darasse, Marie-Louise Girod, Jean Guillou, Marie-Louise Jaquet-Langlais, Jean Langlais et Odile Pierre. [Note DHM]Retour ]

2) Une vie de lutte et de gloire, Christiane Trieu-Colleney, Les Presses Universelles, 1977, 238 pages. [ Retour ]

3) Depuis la rédaction de cet article en 1988 sont parus plusieurs autres enregistrements : Michelle Leclerc a l'orgue de La Madeleine : Répons pour le temps de Pâques, 12 Chorals-Préludes, Andante et Te Deum (Motette 11671), Sophie-Véronique Choplin-Cauchefer à St-Sulpice : 2 Préludes de chorals sur des thèmes grégoriens : Rorate caeli et Jesu Domine, Te Deum (Festivo, FECD 135) et Maxime Patel à Angoulême : Six Etudes : Pointes, Tierces, Sixtes, Accords alternées, Notes répétées, Octaves, et Répons pour le temps de Pâques (AOV1) Tout récemment (décembre 2003) Festivo a sorti un CD (FECD 6961.862) comportant des interprétations inédites (Purcell, Bach, Franck, Berveiller, Demessieux, Messiaen) de Jeanne Demessieux, enregistrées entre 1958 et 1962 à Hambourg. [Note DHM]Retour ]



Jeanne Demessieux : petite revue de presse

 

 

 

« Piano- femmes [au conservatoire de Paris], premiers accessits. […] Mlle Demessieux (classe Riera, second accessit en 1934), au jeu affecté et imprécis. N'a encore aucun mécanisme. »

(Le Ménestrel, 5 juillet 1935, p. 227)

 

« La musique au conservatoire. Concours de piano et de harpe. […] Mlle Demessieux (élève de M. Riera) a une sensibilité ardente. Dans son exaltation, elle « tapait » quelquefois à côté. »

(Le Temps, 7 août 1935, NP)

 

« Piano-femmes [au conservatoire de Paris]. Restent encore avec leur premier accessit, conquis en 1935, Mlle Demessieux (classe Riera), qui eut de nombreux accrocs. »

(Le Ménestrel, 3 juillet 1936, p. 217)

 

« Au conservatoire. [...]Mlle Demessieux a de la fougue, ce qui ne l'empêche pas de jouer clairement. »

(Paris-Midi, 30 juin 1938, p. 6)

 

« Piano-femmes. Premiers prix. […] Mlle Demessieux (classe Tagliaferro, second prix en 1937) possède un jeu mûri, un acquis facile. »

(Le Ménestrel, 8 juillet 1938, p. 188).

 

« Ce soir à 20h45 à l'église Saint-Dominique, 20, rue de la Tombe-Issoire, Jeanne Demessieux, 1er Prix d'orgue du conservatoire de Paris, donnera en première audition sa « Cantate du Jeudi Saint » pour soli et choeurs. Organiste à l'église du Saint-Esprit, Jeanne Demessieux devait composer cette cantate à l'âge de 16 ans. Elle partira dans quelques jours pour une tournée de récitals en Angleterre. »

(Paris-presse, L'Intransigeant, 18 avril 1948, p. 4)

 

« Sur les orgues de Saint-Giles, Mlle Jeanne Demessieux a donné un récital remarqué. La cathédrale était comble comme sont combles chaque soir les théâtres et les salles de concert, comme sont combles aussi le théâtre en plein air, l'Assembly Hall et l'esplanade, malgré les ondées. »

(Combat, 31 août 1948, p. 2)

 

« Jeanne Demessieux, l'élève de Marcel Dupré — la sainte fille, comme l'appelle son maître — a bouleversé son auditoire par un concert aux orgues de St-Martin à l'occasion de leur rénovation (7 novembre 1948). L'absolue maîtrise de l'instrument, la clarté de son jeu et la richesse des combinaisons orchestrales révélèrent une des plus grandes artistes. »

(Annuaire de la Société historique et littéraire de Colmar, 1950, p. 134)

 

« Deux superbes auditions de musique d'orgue furent données par deux maîtres de l'école d'organistes français de notre temps : Jeanne Demessieux (à Saint-Martin), Marie-Louise Girod (au Temple protestant). »

(Annuaire de la Société historique et littéraire de Colmar, 1954, p. 167)

 

« L'assistance était plus nombreuse au grand récital d'orgue donné le 11 novembre par l'admirable artiste Jeanne DEMESSIEUX qui tira un merveilleux parti des grandes orgues de St-MARTIN en interprétant « Passacaille et Fugue en ut min. » de J. S. BACH, le « 10e Concerto » de HAENDEL, le final de la « Symphonie Romane » de WIDOR, la lère de ses « Sept Méditations sur le St-Esprit » et « Apparition de l'Eglise Eternelle » d'O. MESSIAEN. »

(Annuaire de la Société historique et littéraire de Colmar, 1955, p. 150)

 

« Drôme, concert au profit de la Croix-Rouge française. Devant un important auditoire, Jeanne DEMESSIEUX, organiste au glorieux palmarès, a fait retentir les vieilles pierres des échos oubliés des musiques de jadis. Et ce furent deux heures inoubliables dans un accord complet d'un lieu, d'un instrument et de celle qui le faisait résonner. Tout est clair dans le jeu de Jeanne DEMESSIEUX, les attaques impeccables, l'envolée des arpèges et des strettes finales sous ses doigts légers et jusqu'au maniement du pédalier. Aussi, le bel orgue Silberman, que les « Amis de l'Orgue classique », chaque année, dotent de nouveaux perfectionnements était-il admirablement mis en valeur par la grande organiste.

 

Le récital était commenté par le chanoine Maurice Roux. Il donna quelques précisions techniques sur l'instrument auquel le maître organier, MUHLEISEN, de Strasbourg, a consacré tous ses soins. M. SIMONET, titulaire de l'orgue, voulut bien faire apprécier les différents jeux et les diverses associations qui caractérisent l'orgue classique. Le premier morceau interprété par Jeanne DEMESSIEUX, ce « Trumpet Tune » de PURCELL, sur les rythmes sautillants des suites à danser, mit en valeur les éclatantes couleurs sonores ainsi que l'indépendance réciproque des jeux utilisés. Il ne peut y avoir de concert d'orgue classique sans un hommage à J.-S. BACH. Et le Prélude et Fugue en sol mineur, choisi par l'instrumentiste, parmi les innombrables compositions du génial organiste, se pare de tant d'allégresse, tant dans la fuite des arpèges initiaux que dans la Fugue qui met en valeur tout l'apport scintillant des jeux de mixture, qu'on a l'impression d'une pièce construite et composée dans la plus grande joie.

 

Les extraits de la Suite du Deuxième Ton de CLERAMBAULT, surtout dans le premier mouvement « Flûtes » fut un des plus beaux moments de ce concert. La Fantaisie en fa mineur numéro 2 de MOZART est une ascension continue, ponctuée d'accords comme autant de haltes sur des marches glorieuses gravies que l'on devait réentendre dans le final, après la pause d'un très bel andante. Morceau admirablement construit dont Jeanne DEMESSIEUX détailla tous les motifs architecturaux., Après un andante et un allegro éclatants, une bourrée légère termine le 8" concerto de HAENDEL, bourrée dont l'orgue restitue aisément les couleurs rustiques. Après toutes ces pièces classiques, la belle « Pièce héroïque » de César FRANCK, où l'organiste a su par un savant jeu de basses du pédalier, nous emporter dans un beau crescendo jusqu'aux splendeurs harmoniques qui clôturent la pièce. Puis Jeanne DEMESSIEUX voulut bien se prêter au difficile exercice de l'improvisation sur le thème de l'alleluia donné par M. SIMONET, moment de recueillement intense et de communion totale de l'auditoire avec celle qui créait devant lui, cherchait et finalement trouvait, après plusieurs variations, les thèmes triomphants du motif final.

 

Après ce récital, le Conseil départemental de la C. R. F. réunit toutes les personnalités présentes à la cure autour de Jeanne DEMESSIEUX. »

(Vie et bonté, revue officielle de la Croix-Rouge française, N° 125, décembre 1961, p. 20-21)

 

Olivier Geoffroy

(octobre 2019)


The Legendary Jeanne Demessieux

Jeanne Demessieux à l'orgue de St Sophienkirche (mai 1959),
St Michaeliskirche (novembre 1962),
et Christiankirche (juin 1958) de Hambourg
Henry Purcell : Trumpet tune
Johann Sebastian Bach : Preludium und Fuge a moll BWV 543, Choralvorspiel "Liebster Jesu, wir sind hier" BWV 731
César Franck : Prélude, fugue et variation, Cantabile
Jean Berveiller : Mouvement
Jeanne Demessieux : Te Deum opus 11, Consolateur (extrait des Sept Méditations sur le Saint-Esprit), Etude en tierce
Olivier Messiaen : Dieu parmi nous (extrait de La Nativité du Seigneur)
Improvisation sur le choral "O Grosser Gott der Treu" (extrait de la Cantate 46 de Bach)
CD FESTIVO, FECD 6961.862
www.festivo.nl

Fichier MP3 Franck : extrait du Prélude, fugue et variation.
Fichier MP3 Messiaen : extrait de Dieu parmi nous.
Fichier MP3 Demessieux : extrait du Te Deum.



English version

JEANNE DEMESSIEUX    ( 1921 - 1968 )

Jeanne Demessieux au grand orgue de la Madeleine
Jeanne Demessieux au grand orgue Cavaillé-Coll de l'église de La Madeleine (Paris VIII°) en 1967
( photo X..., in "Jeanne Demessieux, une vie de luttes et de gloire" par Christiane Trieu-Colleney )

Jeanne Demessieux was the first internationally acclaimed woman organ virtuoso. Despite her tragically premature death at the age of 47, her fame lives on today as a legend to all organists for this ‘Grande Dame’ was undoubtedly one of the most remarkable performers the instrument has ever known.

Born1 in 1921 her prodigious talents were evident from a very early age. She won the Premier Prix in piano - performing Widor’s Piano Concerto - and Solfège at the conservatoire of her native Montpellier at 11. Her family moved to Paris in order to further her studies and she was appointed ‘Organist’ of the recently built church of Saint-Esprit2 at 12: for a while she played a harmonium before an organ was installed.

At 13 she became Marcel Dupré’s pupil and worked relentlessly under his exacting discipline for the next twelve years in addition to studies at the Paris Conservatoire. Here she won Premier Prix in piano, harmony, counterpoint, fugue and an honorary mention in composition: she won the Premier Prix in organ & improvisation in 1941. She continued her studies with Dupré for a further four years in order to attain a degree of technical and musical virtuosity quite without equal at the time.

She made her début at the Salle Pleyel in 1946 in a series of concerts arranged by Dupré in which she performed a major part of the organ repertoire. Such was the triumphant success of these concerts, a historic date in music history according to Parisian critics of the time, that the series remains legendary to this day: there followed a meteoric rise to international fame.

Jeanne Demessieux performed concerts throughout Europe and North America attracting the highest acclaim everywhere. Indeed she was the first woman organist to play recitals in many cathedrals and concert halls, including Westminster Cathedral and Westminster Abbey.

She became distinguished teacher and after an early appointment at the Conservatoire of Nancy she was appointed Professor of Organ & Improvisation at the Conservatoire of Liège, in Belgium, in 1952. She was also invited to give classes in the early days at the Haarlem Summer Academy for Organists. Her pupils included Pierre Labric and Louis Thiry.

Having served at Saint-Esprit for 28 years, she was appointed Organist of the Madeleine in 1962.3

She made several recordings for DECCA (London) at the Victoria Hall in Geneva and at the Madeleine: many of these, including a famous cycle of the works of Franck, have recently been reissued by FESTIVO.

As a composer Demessieux wrote piano, chamber, vocal and orchestral works in addition to the organ works for which she is chiefly remembered today.

In 1964 she was made a Chevalier of the Ordre de la Couronne de Belgique.

Dupré4 frequently referred to Demessieux as ‘his true successor’, ‘the greatest of all organists’ and declared her the most outstanding of all his pupils. Yet some disagreement ruptured their unique relationship sometime after her Salle Pleyel concerts. Dupré ‘disowned’ her and it now seems fair to note that her fame in France – which seems never to have been as great there as it was elsewhere, particularly in the USA and England - was seriously damaged by this.

In the mid 1960s Demessieux frequently claimed feelings of ‘musical saturation’ and spoke of the regrets she felt for a childhood of excessive discipline and study, together with a professional life spent struggling for her place in a very male-dominated world. She suffered several prolonged periods of illness and on November 11, 1968, she passed away. Her funeral - at the Madeleine - was attended by a large crowd: the organ was silent for the occasion, draped in a huge black-cloth which hung to the floor.5

Several composers wrote works in honour following her death – Pierre Cochereau, Pierre Labric and Eugène Reuschsel.

D’Arcy TRINKWON, March 2001

 

 

JEANNE DEMESSIEUX # R.I.P. 50 years
Sunday 11 November 2018 - 4.45pm - Westminster Cathedral

The legendary French organist Jeanne Demessieux died on 11 November 1968; she was 47. To mark 50 years to the day of her death, I’m giving a recital at Westminster Cathedral.

Demessieux made her UK debut there on February 14, 1947: she was, as she was in most of the numerous cathedral, concert halls and churches she subsequently performed in throughout the UK (and across Europe and North America) the first woman allowed to give an organ recital. She returned to give many recitals and BBC broadcasts at Westminster over the following years.

As many of you know, she has been one of my greatest inspirations since I first became interested in the organ; I was stunned when I first her playing Liszt on an LP. I am particularly grateful to my colleague Martin Baker, Director of Music at Westminster Cathedral, for allowing me to present this tribute.

Programme - restricted to 30 minutes, but I’ve tried to pack in a variety of her pieces; from the well-known Te Deum, inspired by a recital she gave in New York’s St John the Divine Cathedral, to the fiendish, ultra-dramatic ‘Octaves’, to the exquisitely beautiful ‘Attende Domine’, one of my favourite organ pieces in fact.

Répons pour les Temps Liturgiques: I. Consolamini
Te Deum, Op.11
Répons pour le Temps de Pâques
Choral-paraphrase sur l’ ’Attende Domine’
Six Études, Op.5: VI. Octaves

YouTube links you may enjoy hearing: Attende Domine: https://www.youtube.com/watch?v=1HmIla0BR8E
Six Études, Op.5: I. Pointes (Toes): https://www.youtube.com/watch?v=2ojUS9IpHcA
(both come from my St Paul’s Celebrity Recital in 2001)

Cathedral website link
For those of you less familiar with whom she was, you may be interested in some articles I wrote about her which you can find on the ‘About’ page of my website; these include:

The Legend of Jeanne Demessieux (PDF)
and
Jeanne Demessieux: Portrait of a Star (PDF)
Entrance to the concert is free.



Jeanne Demessieux's Six Etudes - Get details on Domitila Ballesteros'  Website! Domitila Ballesteros
Jeanne Demessieux's Six Éudes and the Piano Technique

In this fluent text about the Six Études for the organ, by Jeanne Demessieux, Domitila Ballesteros provides the reader with a wide and precise vision about many questions which are relevant not only for the musicologist, but for the organist and the educated music lover. The author demonstrates that the Study, initially a piece aimed at solving a given problem in the piano technique, had its poetical concept enlarged starting with Chopin and Liszt, ending up to become a concert piece. Thus, in view of its origins, the Study constitutes an eminently idiomatic genre. How could, then, elements which were specific of the piano be transposed to the organ technique, being the organ an instrument with so many particular characteristics? That is the question Domitila Ballesteros answers to us, in light of her basic thesis shared, by the way, by Marcel Dupré, Demessieux's teacher, that the command of the piano technique would be essential for the modern organist. Upon assimilation of that technique, it could be expanded to the needs of the organ.

These questions, as well as a few others in parallel to them, are discussed in a clear and well documented manner, with enriched musical examples, in light of Demessieux's creative Six Études for the organ. This creative six piece collection for the organ, deserves from Ballesteros a discerning analysis, from the formal and interpretative points of view. As the author affirms, the Études might not be an original work, under the chronological point of view, but they certainly mark a fundamental moment, as the epitome of the Modern French School of Organ.

Jeanne Demessieux's Six Études for Organ and the Piano Technique is a book that reveals to us an exciting story, a delicate composer and a remarkable researcher.

Ricardo Tacuchian
Conductor and Composer

Photos à l'orgue (Michel Giroux)
Photos complémentaires : Montpellier, Aigues-Mortes (Domitila Ballesteros).

 


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