Prix de Rome 1950-1959

Eveline PLICQUE-ANDREANI - Serge LANCEN - Charles CHAYNES - Ginette KELLER - Alain WEBER - Jean-Michel DEFAY - Jacques ALBRESPIC - Jacques CASTÉRÈDE - Pierick HOUDY - Roger BOUTRY - Pierre-Max DUBOIS - René MAILLARD - Jean AUBAIN - Pierre GABAYE - Jean-Pierre RIVIÈRE - Alain BERNAUD - Noël LANCIEN - Marie-Brigitte GAUTHIER - Alain MARGONI - Françoise COTRON-HENRY


Cour du château de Fontainebleau, 1950, quelques candidats pour la 1ère épreuve éliminatoire du Concours de Rome. De gauche à droite : Alphonse Autran, Pierre (dit Pierick) Houdy, Roger Calmel (1921-1998), Jacques Albrespic, Claude Prey (1925-1998), Pierre Duclos (1929-1973) et Charles Chaynes. ( photo AGIP ) DR

Seront reçus cette année : Evelyne Plicque-Andréani (1er Grand Prix), Charles Chaynes (1er Second Grand Prix) et Serge Lancen (2ème Second Grand Prix). Pierick Houdy obtiendra un 2ème Second Grand Prix en 1953, Jacques Albrespic un 2ème Second Grand Prix en 1952 et Charles Chaynes le 1er Grand Prix l'année suivante (1951).

1950

         (Paris-Presse, 30 juin 1950) DR.
Éveline PLICQUE-ANDRÉANI (1929-2018)

Détail d'une photo de la
classe de fugue de Noël Gallon

Eveline, Paule Boudon, plus connue sous le nom de Plicque-Andréani, est née le 25 janvier 1929 dans le treizième arrondissement parisien. Fille naturelle de Marcel Samuel-Rousseau et d’Irène Plicque-Boudon, elle baignait ainsi dès sa naissance dans le monde musical. Sa mère, dont le berceau familial est situé à Villenoy (Seine-et-Marne) et qui décédera en 2001 à l’âge de 100 ans, est alors professeure d’éducation musicale aux Ecoles primaires du département de la Seine. Son père (1882-1955), lauréat du prix de Rome de composition musicale en 1905, est quant à lui professeur d’harmonie au Conservatoire de Paris (1916 à 1952) et bientôt directeur de l’Opéra de Paris durant la guerre (1941 à 1944), membre de l’Institut (1945). Il était lui-même fils d’un autre lauréat du prix de Rome en 1878 et également professeur d’harmonie au Conservatoire de Paris : Samuel Rousseau (1853-1904), organiste, maître de chapelle et compositeur, originaire du Thiérache, dont le père Alexandre Rousseau avait fondé une manufacture d’harmoniums installée en 1855 à Paris. C’est ainsi qu’à l’âge de 10 ans, à la fin de l’année 1939 elle intègre une classe de solfège au Conservatoire de Paris où elle effectue toutes ses études musicales jusqu’en 1950. Dans cet établissement, elle suit notamment les classes d’harmonie de son père (1945 à 1950), de fugue de Noël Gallon (1946 à 1949) et d’accompagnement au piano de Nadia Boulanger.

 

(coll. Irène Andréani) DR.

En juin 1950, elle remporte le 1er grand prix de Rome, devant Charles Chaynes et Serge Lancen, avec la cantate Bettina, une scène lyrique en un acte de Jacques Carol d’après Alfred de Musset, malgré un désaccord qui se fait jour au sein du jury de l’Académie des beaux-arts, aboutissant au brusque départ du directeur du Conservatoire Claude Delvincourt, et à « de vives protestations de la part du public notamment par le jet de boules puantes, de pétards et par des coups de sifflet et des vociférations » ! Bien que quelques jalousies se sont ainsi déclarées à cette occasion, cela ne l’empêche guère d’effectuer le traditionnel séjour à la Villa Médicis réservé aux lauréats de ce grand prix. Arrivée à Rome le 1er février 1951, elle y séjourne jusqu’en avril 1954 et, en tant que pensionnaire de l’Académie doit envoyer à cette Institution plusieurs compositions imposées. C’est ainsi qu’on lui doit la 1ère année : Quatre mélodies : la Chanson du geôlier, l’Aubépine, Nocturne, la Belle est au jardin d’amour ; la 2ème année (1952) : Six mélodies en quatre parties sur des textes d’Apollinaire, Jacques Charles, Claude Roy, Prévert ; Octuor pour flûte, clarinette, cor, basson et quatuor à cordes ; la 3ème année (1953) : Impressions de carnaval, Chansons naïves d’hiver et d’été, et une suite symphonique en 3 parties intitulée Pastelli romani, interprétée le 23 novembre 1955 par l’orchestre de l’Opéra sous la direction de Jean Fournet au cours de la séance de l’Académie des beaux-arts à l’Institut de France ; la 4ème année (1954) : Oratorio pour trio d’anches concertant et orchestre à cordes, qui fera l’objet plus tard par l’auteur d’une réduction pour piano sous le titre de Symphonie concertante (Paris, Choudens, 1961).

(coll. Irène Andréani) DR.

 

De retour en France au cours de l’année 1954, Eveline Plicque se lance bientôt dans l’enseignement de la musique dans les Ecoles de la Ville de Paris, et aussi avec l’« Ecole universelle par correspondance » pour laquelle elle écrit en 1956 un « Cours de pédagogie musicale » (175 p.). Au cours de cette décennie, elle épouse le philosophe Tony Andréani, né le 27 février 1935, licencié de lettres classiques, licencié et agrégé de philosophie (1958), docteur d’Etat en 1986. Elle-même, également docteur d’Etat (musicologie), consacre toute son énergie dans les années soixante à la mise en place avec Daniel Charles du département Musique à l’Université de Paris-VIII (Vincennes, Saint-Denis), longue période qui va l’éloigner de la composition à laquelle elle reviendra ultérieurement. Ouvert en janvier 1969, elle en devient maître-assistante (1975), puis professeur, y enseignant l’harmonie et la composition. « Son enseignement, basé sur la richesse exceptionnelle de son expérience musicale, alliait une intelligence profonde de la musique écrite à une compréhension des enjeux de l’invention. » En 1986 elle prend la tête de l’Unité de Formation et Recherches Arts, Philosophie, Esthétique, nouvellement créée dans cet établissement supérieur. Egalement présidente de l’Action Culturelle et Artistique de cette même université, elle en est nommée en 1993 vice-présidente jusqu’à se retraite prise en 1998.

 

A Paris-VIII, à partir des années 1990 elle s’occupait aussi très activement de l’Ensemble vocal « Soli-Tutti », qui lui doit son nom. Formée de 12 chanteuses et chanteurs professionnels, placés sous la direction de Denis Gautheyrie, cette formation bénéficia dans ses tournées de plusieurs œuvres d’Eveline Plicque-Andréani qu’elle lui offrait. C’est à elle qu’elle fit appel lors de la reprise de Nous étions tous des noms d’arbres, composition écrite sur des textes d’Armand Gatti (1990), ainsi d’ailleurs que pour l’exécution en Corse, en Espagne, au Brésil et à Paris de sa Misa para el hombre nuevo, pour choeur, orchestre et percussions africaines (1990). En 2015, elle collaborait à nouveau avec Denis Gautheyrie et « Soli Tutti » pour le spectacle polyphonique Mutazione dont la première représentation eut lieu le 17 octobre 2015 à l’Auditorium de Pigna (Corse) et pour lequel elle composait l’une des musiques : Se tu sapessi pour 4 voix d’hommes.

 

En 1987, Eveline Plicque-Andréani, ainsi qu’elle nous avait précisé lors d’un entretien en 2001, s’était remise à la composition, ayant, de son propre aveu, évolué dans son esthétique musicale depuis son Prix de Rome en 1950. On lui doit en effet, en dehors des deux œuvres cités supra : Psaume de David (chœur, soli et orchestre), Miroirs d’aube (quatuor de clarinettes, 2001), Leçons de ténèbres, Ukubekana (sur des poèmes zoulous) pour 12 voix (1995), Bunkaru (pour clavecin, 1989), Chants de terre et de poudre, Libera me, Brèves d’oiseaux (7 pièces pour chœur d’enfants et 7 instruments à vent, extraits de poème de Philippe Tancelin, 1995), Le Manège (opéra pour enfants, 2001), Le Dormeur du Val (poème symphonique avec chœur), et une Missa defunctorum sous-titrée requiem inspiré des chants sacrés corses (1994). Composée de 12 parties, dédiée aux femmes de l’île et écrite pour 4 voix de femmes, 4 voix d’hommes, un trombone, un violoncelle et des instruments traditionnels (pirula, flûte de roseau, cialasuella, pivana et regale), cette œuvre a été créée en 1996 au deuxième Festival en Trégor. La commentant, l’auteur déclarait : « Ce requiem puise ses racines au plus profond des musiques sacrées du patrimoine corse et j’ai voulu apporter une pierre à l’édifice avec cette œuvre et je crois, malgré les traits originaux, n’avoir pas trahi l’essence de cette tradition à laquelle je suis profondément attachée. » Elle a été enregistrée en 1997 par les ensembles A-Cumpagnia, Soli-Tutti et Futurs Musiques dirigés par Denis Gautheyrie (CD Mandala MAN4912, distribué par Harmonia mundi).

 

On doit aussi à Eveline Plicque plusieurs ouvrages et autres études publiées dans des revues spécialisées : Antitraité d’harmonie (Paris, éditions Christian Bourgois, 1979, réédition L’Harmattan, 2020 qui le présente ainsi : « L’Antitraité est fondé sur l’étude des œuvres du répertoire de Bach à Debussy, les différentes dimensions de l’écriture y sont explorées (forme, timbres, écriture mélodique, écriture instrumentale). L’harmonie traditionnelle et ses techniques y sont enseignées rigoureusement mais toujours en relation avec la réalité musicale des œuvres ») ; La Tradition comme invention, avec Jean-Paul Olive (in revue d’esthétique, n° 4, 1982) ; Culture et idéologie après le Concile de Trente, permanences et changements (études par plusieurs auteurs réunies par Michel Plaisance, (Presses universitaires de Vincennes, 1985 collection « Documents et travaux de l’Equipe de recherche Culture et société au XVIe siècle ») ; L’Idée musicale, avec Christine Buci-Glucksmann et Michaël Levinas (Presses universitaires de Vincennes, coll. « La Philosophie hors de sol », 1995) ; Les Don Juan ou la liaison dangereuse, avec Michel Borne (Paris, L’Harmattan, 1996) ; Accompagnement des programmes de musique pour le cycle terminal de la voie générale et de la voie technologique, avec Gérard Azen (Centre national de documentation pédagogique, « collection Lycée », 1998).

 

Chevalier de la Légion d’honneur (1997), remariée à Nathanaël Pezet, elle est décédée le 16 octobre 2018 à Paris XIIIe. Ses obsèques ont été célébrées le 23 octobre au Crématorium du cimetière du Père Lachaise (Paris XXe), suivies de son inhumation au cimetière de Villenoy (Seine-et-Marne). Elle laisse trois enfants nés de son union avec Tony Andréani : Tristan, Irène (photographe d’art) et Ariane.

 

Denis Havard de la Montagne

Serge LANCEN (1922-2005)

Serge Lancen
Serge Lancen au piano
( cliché Ph. Guérin, Paris,
coll. Serge et Raphaële Lancen )

La réputation de ce compositeur a largement franchi nos frontières, notamment sa musique pour formations d’harmonie qui lui a valu de siéger (1985) au comité de direction de la très honorable World Association for Symphonic Bands and Ensembles (WABSE) présente à travers le monde dans plus de 50 pays. Serge Lancen, qui n’a cessé de composer dans pratiquement tous les genres depuis plus d’un demi-siècle, est en effet l’auteur à ce jour de 55 œuvres pour harmonie, auxquelles il accorde une place de choix dans son catalogue abondant. Les programmes des concours 2003 des orchestres d’harmonie et orchestres de fanfare attestent de cette notoriété. On y trouve en effet bon nombre d’œuvres de ce compositeur : Symphonie ibérique, Symphonie de l’eau, Rapsodie symphonique, Symphonie de Paris, Images d’Ollioules, le Mont Saint-Michel, Remerciements, Aunis et Saintonge, Ouverture pour un matin d’automne, Suite pastorale, Cap Kennedy…, toutes éditées chez Molenaar à Vormerveer (Pays-Bas).

Né à Paris le 5 novembre 1922 d’un père chef du service de rhumatologie à l’hôpital Saint-Antoine (Paris), Serge Lancen, touché dès sa plus tendre enfance par la muse Euterpe, compose sa première œuvre à l’âge de 4 ans et demi. Il entre très tôt au Conservatoire de musique et de déclamation de Paris et travaille le piano avec Marguerite Long, Rose Lejour et Lazare Lévy, mais la guerre l’oblige a interrompre ses études, qu’il ne peut reprendre une fois le conflit terminé. De retour au Conservatoire, il fréquente les classes de Noël Gallon , Henry Büsser et Tony Aubin, et décroche un 1er prix de composition en 1949, puis l’année suivante un Second Grand Prix de Rome avec la cantate Bettina. A cette époque, il a déjà écrit des pages de musique concertante et de musique de chambre, notamment un Concertino pour piano et orchestre (1949, R. Martin), Domino pour piano (1950, Combre) et Trois Chansons dans un style français, sur des paroles de Jean Courçay, pour flûte ou voix et piano (1950, Combre). C’est de là que date sa longue amitié avec le futur chef d’orchestre Désiré Dondeyne, son condisciple dans la classe de Tony Aubin, qui lui fera découvrir la musique d’harmonie, à laquelle il se consacrera pleinement au début des années soixante.

Pianiste concertiste, Serge Lancen dès les années cinquante se livre principalement à la composition, tout en enseignant l’improvisation et l’analyse musicale. On remarque chez ce musicien un profond attachement au style français, dans la continuité des Fauré, Ravel, Dukas : clarté, équilibre, soucis de l’expression. Son œuvre importante lui vaut de nombreuses distinctions européennes, notamment des Prix de la Communauté Radiophonique de Langue Française, de l’Union Européenne de Radio-Diffusion, des Editions Peters et le Grand Prix de la Musique symphonique légère de la SACEM.

Serge Lancen
Serge Lancen à son domicile parisien
( cliché Maywald, Paris, coll. Serge et Raphaële Lancen )

Le catalogue de Serge Lancen est impressionnant avec plus de 200 œuvres éditées, sans compter celles restées inédites à ce jour. Tous les genres sont abordés : musique pour orchestre, concertante, de chambre, pour un instrument, pièces légères pour la radio, des opéras, oratorio, chœurs, mélodies, de la musique religieuse et également de la musique de film, parmi laquelle on relève plusieurs longs ou courts métrages d’André Charpak : Mayeux le bossu (1964), Paris Balzac (1964), La Vie normale (1966, avec Victor Lanoux), Le Crime de David Levinstein (1967), La Provocation (1969, avec Jean Marais), Une Terre de lait et de miel (1969) et d’Henri Jouf : Drôle de graine (1971) et Jour de classe (1971) qui fut présenté au Festival de Cannes 1972. Il est difficile de dresser un catalogue exhaustif des œuvres écrites par ce compositeur, néanmoins citons ici les principales dans chaque genre :

  • Orchestre (Billaudot, sauf mention autre) : Charlot (1964), Triptyque (1965), En route pour Monte-Carlo (1966), Fifres en tête (1968), Sinfonietta (1969), Jeunes archets pour orchestre à cordes (1993, R. Martin), Jeux pour musiciens pour ensemble à vent (Molenaar).

  • Orchestre d’harmonie, fanfare (Molenaar, sauf mention autre) : Manhattan Symphonie (1961), Symphonie de Noël (1964), Mini Symphonie (1967), Obsession (1969, Billaudot), Cap Kennedy (1970, R. Martin), Ouverture texane (1971, R. martin), Hymne à la musique (1970), Marche pour un anniversaire (1975), Ouverture triomphale (1976), Rhapsodie sur des thèmes bretons (1976), Rhapsodie sur des thèmes normands (1976), Suite pastorale (1977), Bocage (1979), Trianon (1979), Versailles (1979), Scandinavia (1983), Divertimento (1984), Marche nuptiale (1984), Eveil (1990), Hymne au soleil (1990), Cinquantième (1993), Symphonie joyeuse (1993, R. Martin), Hymne aux musiciens (1995), Zwiefache symphonique (1994), Jour de fête (1998).

  • Musique concertante : Concerto pour piano et orchestre symphonique (1951, Martin) créé au Concert Colonne par J.S. Vigerie (piano) et Gaston Poulet (direction), Concerto pour harmonica (1954), Concerto da camera pour flûte et orchestre (1962, Billaudot), Concerto pour contrebasse (1962, Billaudot), Concerto pour violon (1966, Billaudot), Fantaisie créole (1967, Billaudot) pour piano solo et orchestre symphonique, créé par l'auteur et l'Orchestre de Lille à Radio-Lille (direction : Raymond Chevreux), Concerto champêtre pour harpe et orchestre (1968, Billaudot), Parade concerto pour piano et orchestre d’harmonie (1971, Molenaar), Concerto Rhapsodie pour piano et orchestre (1974, Billaudot), Concerto de Paris pour piano et orchestre d’harmonie (1982, Molenaar), Concert pour violon et contrebasse (1985, Billaudot), Concerto pour contrebasse et orchestre à cordes (1987, Billaudot), Concerto pour trombone (1987, Molenaar), Concerto pour harpe [dédié à son épouse] (1988, Molenaar), Sonate concertante pour clarinette et orchestre d’harmonie (1989, Molenaar), Concerto pour cor (1990, Molenaar), Concerto pour hautbois (1991, Molenaar), Contraste pour saxophone alto et orchestre (1992, Molenaar).

  • Musique de chambre ou pour un seul instrument : Impromptus (piano, 1952, Fuzeau), Fantaisie sur un thème ancien (piano, 1957, Fuzeau), Villanelle (guitare, 1959, Billaudot), Miniatures (piano, 1959, Fuzeau), Promenade (2 pianos, 1961, Billaudot), Suite classique (2 guitares, 1963, Fuzeau), Quiétude nocturne (saxophone alto et piano, 1964, Billaudot), Mazurka antillaise (clarinette, piano, 1964, Billaudot), Menuet pour un ours (trombone et piano, 1965, Billaudot), Fantaisie-toccata (clavecin, 1968, Billaudot), Ariette (flûte et piano, 1968, Leduc), Confidences (saxophone alto et piano, 1968, Leduc), Niçoise (clarinette, piano, 1968, Leduc), Pastourelle (hautbois et piano, 1968, Leduc), Piccolo (piccolo et piano, 1969, Leduc), Exil (cello et piano, 1969, Leduc), Andante et Tyrolienne (2 flûtes, 1969, R. Martin), Goélette (5 harpes, 1969, Billaudot), Lied (alto et piano, 1969, Leduc), Champêtre (cor anglais et piano, 1969, Leduc), Crépuscule (2 harpes, 1972, Harposphère), Pour Raphaële [son épouse] (harpe, 1972, Leduc), Badinage (guitare, 1973, Billaudot), Récréation (harpe, 1974, Hortensia), Souvenirs (4 accordéons, 1976, Molenaar ; version pour quatuor de saxophones), Anedcote (piano, 1977, Leduc), Sonate pour contrebasse et piano (1982, Billaudot), Sonate pour basson et piano (1982, Billaudot), Dodelino (violon, piano, 1983, Billaudot), Duetto (flûte et guitare, 1984, Billaudot), Gaiement (trompette en ut, piano, 1987, Fuzeau), Pièce de concert (contrebasse, 1987, Billaudot), Thèmes et variations (harpe, 1987, Harposphère), Une trompette berceuse (trompette, piano, 1988, Fuzeau), Carnavalesques (première version pour violon, composée en 1953 et créée par Jeanine Andrade à Amesterdam en 1954, puis nouvelle version pour clarinette et piano, 1991, Fuzeau), En jazzant (flûte et piano, 1992, Combre), Amusant (saxophone alto, 1994, Molenaar), Dynamique (trompette, 1994, Molenaar).

Il faut également mentionner ici une collection de pages instrumentales éditée en 1980-1981 chez Leduc, intitulée Si j’étais…Mendelssohn, Schumann, Liszt, Couperin, Verdi, Albeniz… (39 musiciens différents sont abordés), pour un instrument seul (piano, ou guitare, ou harpe) ou pour 2 instruments (violon et piano, contrebasse et piano, flûte et piano, hautbois et piano, clarinette et piano, saxophone alto et piano, trompette et piano, etc….)

  • Musique vocale profane: Printanières (voix et piano, ou flûte et piano, 1953, Combre), Narcisse, oratorio profane, sur un livret de C. Denys (1957, Billaudot), La mauvaise conscience, opéra de chambre en 1 acte, sur un livret de C. Denys, pour 3 voix d’homme, chœur de femmes et ensemble instrumental (1962, Billaudot), Deux romances sans paroles pour mezzo, baryton ou clarinette en si b et piano (Editions françaises de musique, 1965), Trois mélodies pour chant et piano : I - Karim disait à Leïla, poème de Kitty Arnault, II - Absence, poème de Kitty Arnault, III - Avant toi, poème de Marie-Magdeleine Carbet, créées le 18 janvier 1980 au concert du Triptyque par Janine Devost et l’auteur (1979, Fuzeau), Hymne de fraternité (chœurs et orchestre d’harmonie, 1980, Molenaar), Vocalises (voix et piano, 1990, Fuzeau), Paris au jardin de ma mémoire, pour voix et piano, poème de Kitty Arnault (1990, Fuzeau), Espaces harmoniques (récitant, chœurs et orchestre d’harmonie, 1996, Molenaar).

  • Musique religieuse : Poème œcuménique pour 9 solistes, chœur mixte, chœur d’enfants, orgue et orchestre symphonique (1975, Molenaar), vaste œuvre sacrée de 1h20 créée à la cathédrale Notre-Dame de Laon, Missa solemnis dédiée à S.S. Jean-Paul II (pour 2 voix, chœur mixte et orchestre d’harmonie, 1986, Molenaar), créée le 27 mai 1989 à l’occasion du jubilé de la Fédération catholique des Sociétés de musique du Limbourg néerlandais, Te Deum (pour 2 voix solistes : baryton et ténor, chœur d’hommes et orchestre d’harmonie, 1991, Molenaar), créé le 11 novembre 1993 en l’église St-Louis des Invalides, par le Chœur de l’Armée Française, pour le 75ème anniversaire de l’Armistice, Remerciements (pour baryton, harpe ou orgue et orchestre d’harmonie, 1994, Molenaar), œuvre d’action de grâce pour remercier Dieu, créée en l'église de la Madeleine à Paris le 17 décembre 1995 par l'Orchestre d'harmonie de la Musique de l'air, sous la direction du Lieutenant-colonel François-Xavier Bailleul, avec Didier Henry (baryton) et Hervé Morin (orgue), et, dans une version pour clarinettes, le 20 octobre 2000 en la chapelle Sainte-Thérèse à Paris par l'Ensemble de clarinettes de Fribourg (Suisse), sous la direction de Jean-Daniel Lugrin, avec Bernard Maillard (ténor) et Guy Fasel (orgue), Credo (chœur à 4 voix mixtes et orchestre d’harmonie, 1995, Molenaar), composé à la demande du chef d'orchestre Markus Silbernagl et créé sous sa direction, le 19 mars 1995 à la Messe de jubilé de l’orchestre d’harmonie " Musikkapelle Zwolfmalgreien " de Bolzano (Italie), en l’église des Franciscains de cette ville.
Serge Lancen
Serge Lancen à son domicile parisien
( cliché Maywald, Paris, coll. Serge et Raphaële Lancen )

Plusieurs œuvres de Serge Lancen ont fait l’objet d’enregistrements. Si certains sont épuisés de nos jours, notamment le Poème œcuménique par Jean-Claude Casadesus (33 tours, 1975, Corélia) et le Concert à 6 pour 6 clarinettes par Eric Aubier et le Quatuor Baermann, d’autres sont disponibles : Le chant de l’arbre pour orchestre d’harmonie, par Frederick Fennell et le Tokyo Kosei Wind Orchestra (CD KOSEI, KOCD 3564), Mascarade pour 5 cuivres et orchestre d’harmonie, par Roger Boutry avec l’Orchestre de la Garde Républicaine et l’Ensemble de cuivres Epsilon (CD Forlane, UCD 16646), Concerto pour contrebasse et orchestre à cordes et Croquis pour contrebasse, par Yoan Goïlav, Clemens Dahinden à la tête du Streichensemble Winterthur et l’auteur au piano (CD Tuxedo Music, TUXCD 1205), Manhattan Symphony pour orchestre d’harmonie, par Jan Cober et le Koninklijke Harmonie van Thorn ou par Yoshihiro Kimua et The Osaka municipal symphonic band (disponibles chez Molenaar, nr.66.399180 et 66.0092.42), Concerto pour harpe, Concerto pour trombone et Parade Concerto pour orchestre d’harmonie par Jan Cober et l’Harmonieorkest Brabants Conservatorium (Molenaar, MBCD 16), Concerto pour cor et orchestre d’harmonie, Dédicace pour saxophone alto et orchestre d’harmonie, Sonate concertante pour clarinette et orchestre d’harmonie, Contraste pour saxophone alto et orchestre d’harmonie, Concerto pour hautbois et orchestre d’harmonie (Molenaar, MBCD 31-104072), Remerciements pour voix et orchestre d’harmonie, Credo pour chœur à 4 voix mixtes et orchestre d’harmonie, Symphonie de Noël pour orchestre d’harmonie, Hymne de fraternité pour chœur à 4 voix mixtes et orchestre d’harmonie (Molenaar, MBCD 31-104272), Concerto de Paris pour piano et orchestre d’harmonie (CD Musik Gillhaus, Allemagne), Duo concertant pour flûte et harpe (Disque Dom SEPM QUANTUM 2000)…

Le nom de Serge Lancen est bien connu des nombreux musiciens amateurs, jeunes et moins jeunes, des quelques 6000 Associations et Ecoles de musique regroupées au sein de la Confédération Musicale de France. Certaines d’entre elles ont même choisi de donner son nom à leur orchestre d’harmonie, telle l’Ecole de musique de Villefranche-sur-Saône et son " Harmonie Serge Lancen ". Les Orphéons et autres Harmonies ont l’immense mérite, comme il se doit, de mettre l’art musical à la portée de tous et disposent de nos jours d’un répertoire varié et adapté pour lequel Serge Lancen a composé bon nombre de pages de valeur.

Serge Lancen s'est éteint le 10 juillet 2005 à Paris. Ses obsèques ont été célébrées le 18 juillet en l'église Notre-Dame d'Auteuil à Paris 16°, suivies de son inhumation au cimetière de Montparnasse.

Denis HAVARD DE LA MONTAGNE

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1951

Charles Chaynes
Charles Chaynes
( photo X..., c.1968 ) DR
Charles CHAYNES (1925-2016)

Plusieurs textes sont disponibles sur cette page spécifique.

Ginette KELLER (1925-2010)

Ginette Keller, 1953
(détail d'une photo de groupe) DR.

Professeur d’analyse à l’Ecole Normale de Musique, Ginette Keller est née le 16 mai 1925 à  Asnières, non loin de Paris. Elle mena de front des études littéraires et musicales. C’est au Conservatoire national supérieur de musique de Paris qu’elle acheva sa formation, notamment auprès de Nadia Boulanger, Tony Aubin et Olivier Messiaen. On remarque d’ailleurs une certaine influence de ses maîtres dans les premières compositions de Ginette Keller, notamment dans sa Fresque, récompensée en 1957 au Concours Reine Elisabeth. Très vite d’ailleurs, elle affirmera sa propre personnalité en essayant de se dégager d’un formalise jugé trop réducteur. Structures libres et mobiles marqueront désormais sa musique, comme par exemple ses Graphiques pour soprano et ensemble instrumental (flûte, clarinette, cor, percussion, piano, violon, alto et violoncelle), édités chez Billaudot, qui reçurent un prix au Festival International du Son de 1971, ses Sept mouvements incantatoires pour 4 percussions, timbales, célesta et cordes (Billaudot), ou encore ses Paramorphoses pour orchestre à vent, piano et percussion.

C’est Tony Aubin, successeur de Roger-Ducasse en 1946 comme professeur de composition au CNSM, qui a amené Ginette Keller au Concours de Rome de 1951. On connaît le constant souci de l’expression de ce compositeur et chef d’orchestre, mais le sujet donné, la cantate Et l’Homme vit se rouvrir les portes n’inspira pas outre mesure notre musicienne, qui obtint un deuxième Second Prix.

Parmi ses nombreuses compositions écrites depuis près d’un demi siècle, citons Dialogues pour clarinette et piano, Tropes pour piano, Six chants de Lumière et d’Ombre pour quatuor d’anches doubles (1965, commande de l’ORTF, enregistrés en CD par " Les Roseaux chantants ", hautbois, hautbois d’amour, cor anglais et basson), Variables (primées au Concours de Mannheim en 1966), Chant de Parthénope pour flûte et piano (1968, Eschig), Girations pour percussion et piano (1970, Eschig), Ebauches pour basson et piano (1973, Editions Musicales Transatlantiques) données au concours du CNSM de 1973, Vibrations pour harpe celtique (1990, Billaudot), Soliloque pour piano (1991, Eschig), Dialogues pour clarinette et piano (1992, International music diffusion)... Elle est  également l’auteur de deux ouvrages dramatiques d’une grande intensité, écrits sur des livrets d’Alain Germain qui en a assuré également la chorégraphie et la mise en scène : Les Vieilles Dames d’Osnabrück, racontant l’histoire de vieilles dames qui se livrent à des numéros de cabaret (création à l’Opéra d’Osnabrück, Allemagne, le 16 septembre 1983, puis à la Chartreuse de Villeneuve-les-Avignon le 16 mars 1984) et Les adieux d’une cantatrice sans mémoire, qui relatent l’histoire d’une cantatrice vieillissante (création à l’Espace Jacques-Prévert d’Aulnay-sous-Bois le 29 mai 1986).

Si Ginette Keller a toujours beaucoup composé, elle était aussi une pédagogue recherchée, ayant toujours eu le souci du devenir de ses élèves. Professeure de solfège (théorie de la musique) au CNSMP à partir de 1966, puis d'analyse en 1972, elle enseignait également cette dernière discipline à l’Ecole Normale de Musique de Paris. Bon nombre de musiciens actuels de grande valeur sont sortis de ses classes. Elle est décédée le 27 juin 2010 à Puteaux (Hauts-de-Seine), à l'âge de 85 ans.

D.H.M.


1952

Alain WEBER (1930-2019)

Alain Weber, photo de 1985.
Alain WEBER
( Photo Nathalie Ross, 1985 )
Classe de composition, Tony Aubin, 1953
CNSMP, classe de composition de Tony Aubin, en 1953. De gauche à droite: Franz Tournier, Chang, Jacques Castérède, Alain Weber, Aurousseau, Roger Boutry, Alain Bernaud, José Berghmans, X..., Désiré Dondeyne, Ginette Keller, au piano Tony Aubin.
( Coll. Alain Bernaud )

Alain Weber, né le 8 décembre 1930 à Château-Thierry, Aisne, a eu pour maîtres au Conservatoire de Paris Robert Dussault (en solfège), Jules Gentil (en piano), René Challan (en harmonie), Noël Gallon (en contrepoint et fugue), Tony Aubin (en composition) et Olivier Messiaen (en analyse et philosophie musicale). Premier Grand Prix de Rome en 1952 avec la scène lyrique La sotie de la dame qui fut muette, sur un poème de Randal L. Escalda. Professeur d'harmonie au Centre national de préparation au C.A.E.M., professeur de contrepoint et professeur conseiller aux études au C.N.S.M. de Paris, conseiller aux études au Conservatoire national de région de Cergy-Pontoise (Val-d’Oise) à partir de 1996. Oeuvres : Trois mélodies (voix et piano). Cinq Poèmes (voix et orchestre). Synecdoque pour hautbois, Thème et variations pour violon et piano, sonate pour alto et piano, sonatine pour flûte et basson, Palindromes pour basson et piano, Trio d'anches, Variantes pour deux percussions et piano. Quintette à vent, sextuor de clarinettes. Variations, dixtuor pour piano et percussions. Exergues, suite pour orchestre à cordes. Variations pour orchestre à cordes. Symphonie. Concerto pour cor. Concertino pour piano. Concerto pour trombone. Strophes, pour trompette, orchestre à cordes et percussion. Commentaires concertants, pour flûte et orchestre. Solipsisme pour quatuor à cordes, orchestre à cordes, piano et percussion. Le Petit Jeu, ballet, 1951 (Prix Sogeda au Concours de ballet à Monte-Carlo). La Voie unique, opéra de chambre. La Rivière perdue, œuvre lyrique, 1981-82 (Grand Prix audiovisuel de l’Europe, décerné par l’Académie Charles Cros, pour sa version télévisée).

Il est l'auteur de nombreux ouvrages pédagogiques, en particulier concernant le solfège: Leçons progressives de lecture et de rythme, Soixante leçons de lecture rythmique, Dix solfèges de concours précédés d'exercices d'intonation avec accompagnement de piano, Étude du rythme par les thèmes musicaux, Cahiers de formation rythmique (en nombreux volumes et souvent en diverses clés, chez Leduc), mais sa réalisation pédagogique la plus originale et la plus spécialisée est sans conteste les Tableaux synoptiques des règles de contrepoint (Hamelle & Cie), en dix tableaux de format 54 x 34 cm. Dans le tohu-bohu des règles arbitraires, parfois différentes d'un traité à l'autre - même en ne considérant que les traités dont la réputation est établie et en y ajoutant les variantes locales souhaitées par certains professeurs pour des raisons éminemment musicales, faut-il le supposer - Alain Weber a eu l'idée intéressante de publier cet ouvrage qui se présente non comme un arbitre, mais en éclairage de ces multiples différences. Le travail fut certainement énorme pour parvenir à la présentation finale simple: dans la partie gauche les règles "communément admises", dans la partie droite, étiquetées par un astucieux système de renvois, les modifications, les atténuations et, disons-le, les divergences proposées par les principaux traités (qui toutefois ne sont pas nommés!). Le recto des cinq grandes feuilles cartonnées propose le contrepoint de base, règles mélodiques, règles harmoniques, règles rythmiques, intervalles successifs, arrivées directes. Le verso aborde les niveaux plus avancés: contrepoint renversable, contrepoint canonique, double choeur, contrepoint miroir 2e ou 3e degré en note pivot, contrepoint miroir dans un langage atonal. Le professeur n'a plus qu'à commenter ces possibilités avec ses élèves et définir les choix. Il y a de quoi tapisser un mur d'une salle de cours et de quoi décourager la recherche d'une méthode universelle et immuable de l'enseignement du contrepoint.

Alain Weber est décédé à Paris le 14 novembre 2019 à l'âge de 88 ans et ses obsèques ont eu lieu le 26 novembre en l'église de La Ferté-sous-Jouarre (Seine-et-Marne).

Michel Baron / Denis Havard de la Montagne

Cours d'écriture musicale tonale par Michel Baron, élève d'Alain Weber (en accès libre).

LE CONCOURS DU GRAND PRIX DE ROME

Six cantates d’une très bonne tenue ; six compositeurs qui ont fait preuve de science plutôt que d’inspiration, de correction dans l’écriture, plutôt que de personnalité. Mais le Concours du Prix de Rome n’est pas le Salon des Indépendants. Encore moins une exhibition d’avant-gardistes.

Le texte de Randal L. Escalada faisait appel à des éléments de caractères divers. Il sollicitait à tout instant des réminiscences. Aussi les concurrents sont-ils tous plus ou moins ostensiblement tombés dans le piège à l’exception — ou presque — de M. Alain Weber qui remporta le Premier Grand Prix.

Premier inscrit sur la liste pour comparaître devant le jury, M. Jacques Casterede a prouvé qu'il manie la plume avec aisance. Sa partition offre de l'agrément. Elle est évocatrice et s’accorde exactement avec le texte. Nous reprocherons à M. Casterede d'employer trop souvent des effets usés. Sa cantate donne en maints passages l'impression de déjà entendu, mais l'orchestre y sonne bien. Que ce jeune compositeur soit particulièrement doué pour la musique décorative, voici qui ne nous surprendrait pas.

M. Jean Lemaire, lui, avait négligé la variété de l’argument. Ses admirations sont évidentes. En peu trop, pour notre goût.

M. Jean-Michel Defay (1er Second Grand Prix) avait su souligner les caractères des personnages. Nous avons apprécié son début sarcastique, sa conclusion vive et légère. Il y a de la substance dans sa musique.

A l'égard de MM. Jacques Albrespic et Jean Aubain (Second Grand Prix ex-aequo) nous aurions eu moins de générosité que le jury. Le premier ne dut pas accorder une attention bien profonde à l'argument proposé. Quant au second, a-t-il voulu jouer avec ses souvenirs ? En ce cas, reconnaissons en lui un écrivain habile.

Auprès de ces cinq concurrents, M. Alain Weber a fait figure sinon d’imaginatif extraordinaire, du moins de musicien authentique, ayant quelque chose à dire et qui désire éviter l’emprise des musiciens du début de ce siècle. L’atmosphère qu’il a évoquée par un ensemble avec cordes et xylophone est à retenir. Félicitons-le pour l’unité de sa composition, pour la finesse de son écriture et son habileté à manier les voix. Seul parmi les concurrents il est parvenu à introduire un passage mélodique sans créer de décalage et donner l’impression de le mettre en vedette.

L’Orchestre Radio-Symphonique dirigé par E. Bigot, assumait la tâche d’exécuter les six cantates. Les interprètes chanteurs méritent des éloges. Ne pouvant les citer tous, louons-les en bloc.

Claude Chamfray
in Le Guide du Concert, 27 juin1952

(collection et numérisation DHM)


 

 

Alain Weber, Leçons progressives de lecture et de rythme en six volumes
( Paris, Alphonse Leduc, 1966  ) coll. DHM
Alain Weber: Tableaux synoptiques des règles de contrepoint (Hamelle & Cie. Distribution pour le monde entier: Alphonse Leduc et Cie)
Téléchargez l'image en sa taille réelle pour examiner les textes (Clic droit... Enregistrer l'image sous...)

Jean-Michel DEFAY (1932)

Surtout connu pour ses musiques de films et, dans la variété, ses nombreux arrangements pour Léo Ferré, Juliette Gréco, Guy Béart, Les Frères Jacques et d'autres encore, bien qu'il ait composé un grand nombre d'oeuvres classiques, Jean-Michel Defaÿ, dit Defaye a vu le jour en région parisienne, à Saint-Mandé (Val-de-Marne), le 18 septembre 1932. Dix années plus tard, en 1942 il entre au Conservatoire national supérieur de musique de Paris dans les classes de solfège et de piano. A peine âgé de 13 ans, fait assez rare pour être souligné, il est admis dans celle d'harmonie (Henri Challan) ainsi que dans la classe de contrepoint et fugue (Noël Gallon), disciplines dans lesquelles il obtient un 1er prix. Il suit également les cours de Nadia Boulanger, qui, de retour des Etats-Unis, a pris récemment la classe d'accompagnement au piano. Un peu plus tard, Tony Aubin l'accueille dans sa classe de composition, et après obtention d'un 1er prix, il se présente en 1952 au concours du Prix de Rome. Cette année, le sujet est La Sotie de la dame qui fut muette, une scène lyrique par Randal L. Escalada qui lui vaut le premier second Grand prix, derrière Alain Weber, autre élève de Tony Aubin, Jean Aubain et Jacques Albrespic décrochant eux le deuxième second Grand prix ex aequo. En juin 1952, lors de l’exécution des cantates des 6 candidats (Jean Lemaire et Jacques Castérède en plus des 4 précités) exécutées par l'Orchestre Radio-Symphonique dirigé par Eugène Bigot, le critique musical et musicographe Claude Chamfray écrit concernant Defaye qu'il « avait su souligner les caractères des personnages. Nous avons apprécié son début sarcastique, sa conclusion vive et légère. Il y a de la substance dans sa musique », ajoutant en introduction que les six compositeurs « ont fait preuve de science plutôt que d'inspiration, de correction dans l'écriture, plutôt que de personnalité. Mais le Concours du Prix de Rome n'est pas le Salon des Indépendants. Encore moins une exhibition d'avant-garde. » [Le Guide du concert, 27 juin 1952, p. 364]

 

Une nouvelle tentative l'année suivante pour obtenir le Grand prix est vaine, mais sa formation très tôt débutée à l'âge de 10 ans au Conservatoire, notamment pour la composition auprès de Nadia Boulanger et de Tony Aubin, fait néanmoins de lui un musicien doté de sérieuses bases en écriture. Il se lance alors dans la composition et obtient dès le départ deux prix internationaux : le Prix de la Fondation Lili Boulanger à Harvard en 1952 et le second Prix de la Reine Elisabeth de Belgique en 1953. Michel Legrand, condisciple de Defaye au Conservatoire, dans son ouvrage de souvenirs (Rien n'est grave dans les aigus, le Cherche Midi, 2013) résume parfaitement en quelques lignes l'enseignement de Nadia Boulanger : « Elle préparait formidablement les aspirants compositeurs qui voulaient s'exprimer davantage avec le coeur qu'avec l'intellect, ceux qui s'attachaient au lyrisme, à la mélodie, à l'harmonie. Le monde moderne ne lui était pas étranger bien sûr, mais, pour elle, le langage devait demeurer tonal, c'est à dire celui de l'émotion. »

 

Jean-Michel Defaye penché sur une partition, vers 1960
(photo Cl. Poirier/Philips 424.272PE, coll. DHM) DR.

A cette époque, il a en effet déjà débuté depuis quelques années un catalogue d'œuvres qui ne cessera d'augmenter au fil des années, comportant à ce jour environ 200 pièces : Pièce brève pour 2 violons et piano, créée le vendredi 11 juin 1948 lors d'un « Concours des moins de 21 ans » à l'Ecole Normale de musique (rue Cardinet) par Janine Bodin, Nicole Buisson et l'auteur au piano, Prélude et fugue pour 4 cordes (1948, inédit), 4 Suites pour piano (1949, Leduc), 3 Mélodies pour contralto et piano, sur des paroles d'Agrippa d'Aubigné (1949, inédit), Suite concertante pour trompette et orchestre (1950, inédit), Grave pour ensemble de cuivres et orchestre à cordes (1951, inédit), Concerto pour trombone, trompette et cordes (1951, Leduc), 5 Danses symphoniques pour orchestre (1952, Leduc), Psaume 42 pour choeur et orchestre (1952, inédit), Danse sacrée, Danse profane pour trombone et piano (1953, Leduc). C'est avec ses deux Danses qu'il enregistre en 1954 son tout premier disque 33 tours chez Decca avec Gabriel Masson au trombone et l'auteur au piano (LX 3131).

 

Au cours des années cinquante, afin de subvenir à ses besoins, il fréquente quelques casinos parisiens où il cachetonne comme pianiste-accompagnateur de vedettes de la chanson. Introduit de la sorte dans le monde de la variété, celui-ci voit rapidement en lui un collaborateur de grande valeur. C'est ainsi qu'il va faire aussi une importante carrière d'arrangeur, de pianiste et de chef d'orchestre. Au retour de son service militaire il fonde un orchestre qu'il dirige soit sous le pseudonyme de « Franck Aussman », soit avec son propre nom. Dès 1957 « Jean-Michel Defaye et son orchestre » enregistre, entre autres, des succès de l'époque, tels Et maintenant, Moon river, Cristal tango, Nuits d'Espagne, I'm in the mood for love, La novia... (coll. Danse-Party 45, Philips). Quant à « Franck Aussman et son orchestre », il accompagne sur scènes des vedettes d'alors et avec elles enregistre de nombreux disques. Parmi celles-ci on peut citer Catherine Sauvage (Mandoline amoureuse, 45 tours Philips 432.198NE)..., Francis Lemarque (Marjolaine, Chagrin d'amour, 45 tours, Fontana 460.538ME)..., Mouloudji (Julie, La complainte de Paris, 45 tours Philips 432.240BE)..., Philippe Clay (Viens Poupoule, 45 tours Philips-Réalité B 372.842F)..., Jacqueline François (Le Gondolier, Les mots d'amour n'ont pas d'âge, disque 45 tours Philips B 76.405R)..., Juliette Gréco (Madame Arthur, Le Fiacre, 45 tours, Philips-Réalité B 372.541F)..., Anny Gould (J'aimerais tellement ça, Les gars de Rochechouart, 45 tours Pathé 45G 1391M)..., Ricet Barrier (La Servante du château, La java des Gaulois, 45 tours Philips 432.310BE)..., Anne Sylvestre (Maryvonne, Porteuse d'eau, 45 tours Philips 432.365BE)..., Roger Riffard (Les p'tits trains, Mon copain d'Espagne, 45 tours Philips 432.363BE)..., Jean-Pierre Suc (Isabelle, Ma douce, 45 tours Philips 432-364BE)..., Pia Colombo (La grande foraine, Le bal de quartier, 45 tours Philips 432.337BE)..., Les Frères Jacques, etc...

 

Mais c'est avec Léo Ferré, dont il est l'arrangeur et l'accompagnateur attitré durant une quinzaine d'années jusqu'en 1972, qu'il a ses plus grands succès, l’accompagnant aussi parfois sur scène. Il est en effet l'auteur de la plus grande partie des arrangements (plus d'une centaine de chansons) de Ferré enregistrés en studio avec son orchestre. Sa première collaboration date de 1957, avec l'enregistrement de l'album Les Fleurs du mal (Odéon), dans lequel il tient la partie de piano. Puis ce sont de nombreux arrangements ou (et) direction musicale (intégraux ou parfois en alternance avec Paul Mauriat en ce qui concerne les arrangements) pour les disques intitulés : Paname (1960), Les chansons d'Aragon (1961), Récital Léo Ferré à l'Alhambra (1961), La langue française (1962), Ferré 64 (1964), Verlaine et Rimbaud (1964), Ni Dieu, ni maître (1965), Léo Ferré 1916-19... (1966), Cette chanson (1967), Léo ferré chante Baudelaire (1967), L'Eté 68 (1969), Les douze premières chansons de Léo Ferré (1969), Amour anarchie (1970), La solitude (1972), tous enregistrés chez Barclay. Les chansons C'est extra (1969), l'un des plus gros succès de Léo Ferré, et Avec le temps (1969, enregistrée en 1970), l'une des chansons françaises les plus reprises, sont dues aux arrangements de Jean-Michel Defaye. Aznavour figure aussi à son catalogue avec l'harmonisation (pour baryton, chœur à 4 voix mixtes, guitare basse, cymbales et batterie) de sa chanson For me formidable (La Boîte à chansons, 1989).

 

Parallèlement à ses activités dans le monde de la variété dans lequel il est rapidement connu, au début des années soixante Jean-Michel Defaye est aussi réclamé dans celui du cinéma et de la télévision. Sa première partition en 1960 est pour Le Docteur Esculape fait tilt, un film d'animation de Charles Sansonetti. Vont suivre une trentaine d'autres films, dont une dizaine avec l'acteur comique Darry Cowl : Jaloux comme un tigre (1964, Darry Cowl), Ces Messieurs de la famille et Ces messieurs de la gâchette (1967, André Raoul), Le grand Bidule (id.), Un bourgeois gentil mec (1969, André Raoul), Le concierge (1973, Jean Girault), Le jour de gloire (1976, Jacques Besnard), Arrête ton char, Bidasse (1977, Gérard Michel) et plusieurs autres films à gros succès pour lesquels il réalise l'orchestration des musiques de Philippe Sarde : Les choses de la vie et Max et les ferrailleurs, ces deux films avec Romy Schneider et Michel Piccoli (1969, 1971, Claude Sautet), Le Chat, avec Jean Gabin et Simone Signoret et La Veuve Couderc, avec Simone Signoret et Alain Delon (1970, 1971, Pierre Granier-Deferre). Notons encore la musique en 1963 du film Pouic-Pouic de Jean Girault, qui remporte un grand succès avec ses acteurs principaux Louis de Funès et Mireille Darc. Pour la télévision, on lui doit notamment les musiques des chansons de la série pour enfants (2ème série, 1963-1973) Bonne nuit les petits (Claude Leydu) et d'une autre série enfantine très connue Les Aventures de l'ours Colargol (1973, L. Dembinski, A. Barillé). Ne quittons pas ce domaine pour la jeunesse en mentionnant aussi qu'il est l'auteur en 1963 de la musique et de la direction de l'orchestre du livre-disque Pinocchio, d'après Collodi, avec les narrateurs Christiane Lasquin (Pinocchio), Jacques Dufilho (Geppetto) et Henri Virlojeux (le Père La Cerise) (33 tours, Philips 6461009). Plus tard, dans les années 1970, la Radio lui ouvre à son tour ses portes avec des compositions pour orchestre, toutes éditées chez Billaudot : Quartomanie, Jazz à tout faire, Jazz au 105, Jazz dans le brouillard, Jazz pour lundi matin (1976) ; Réminiscence, Automne, Hippie New Year, Mistoufle (1977) ; Suite pour Nadel (1980) ; Suite à gogo (1983). Antérieurement, il avait déjà occasionnellement travaillé pour elle : en 1954 pour le conte radiophonique d'Alexandre Arnoux Marche d’hiver et en 1964 avec la partition L'Eternel duo.

 

Cependant, Jean-Michel Defaye n'a jamais pour autant abandonné la composition d'oeuvres plus classiques, sa longue formation musicale lui permettant d'aborder tous les domaines avec succès : classique, jazz, chanson, films. Pour orchestre, en dehors des oeuvres précédemment citées, il a notamment composé un Concerto classique (Symphony Land), Hallucinations (1974) et une Suite brésilienne (1971), un Concertino pour violon et orchestre de chambre (1956, Leduc). Ajoutons pour big-band : Houps ! et Hommage à Stan Keaton (2001, Symphony Land). Mais, une grande partie de sa production classique est écrite pour les vents et plus spécialement les cuivres, pour lesquels il a un attirance oute particulière. En effet, la presque totalité de sa musique concertante, sa musique de chambre et ses pièces pour un seul instrument concernent ces instruments. Parmi celles-ci on peut citer pour orchestres : Performance pour trompette et orchestre « à Maurice André » (1969, Leduc), Concerto pour trompette et orchestre (1979, Symphony Land), Fluctuations pour trombone solo, 4 trombones ténor, 2 trombones basse, percussion 1 (5 timbales. vibraphone , marimba) et percussion 2 (toms , vibraphone, marimba) (1980, Symphony Land), Piwit pour cor et ensemble instrumental (1981, Symphony Land), Concerto pour trombone et orchestre (1982, Leduc), Concerto pour saxophone alto et orchestre (1983, Symphony Land), Stagnolo pour 4 trombones et orchestre à cordes (1984, Symphony Land), Concertino baroque pour trompette piccolo solo en Sib, 2 vibraphones, 2 timbales et orchestre à cordes (1988, Symphony Land), Symphonietta pour trompette piccolo, 4 trompettes Sib, 4 cors, 4 trombones, tuba et 3 percussions (1991, Symphony Land), Interlude pour trompette, bugle et orchestre à cordes (1994, Symphony Land), Performance 2 pour clarinette et ensemble de cordes (1998, Symphony Land), Performance 3 pour flûte et ensemble instrumental (2001, Symphony Land).

 

Parmi sa musique de chambre, qui comporte pas loin d'une centaine de pièces, mentionnons 4 œuvres intitulées A la manière de Bach, de Debussy, de Schumann, de Vivaldi, pour trombone et piano (1988, 2000, 1988, 2001, Leduc), cinq séries de 6 Etudes pour 2 flûtes (1981, id.), pour 2 clarinettes (1983, id.), pour 2 tubas (1986, id.), pour 2 saxophones (1989, id., pour 2 trombones (1990, R. Martin), quatre séries de 3 Morceaux de concours : pour clarinette et piano (1982, Leduc), pour tuba et piano (1986, id.,), pour saxophone alto et piano (1989, id.) et pour tuba et piano (1990, R. Martin), onze séries de 6 Pièces d'audition : pour 3 flûtes (1981, Leduc), pour 4 flûtes (id.), pour 3 trompettes (1982, id.), pour 4 trompettes (id.), pour 3 clarinettes (1983, id.), pour 4 clarinettes (id.), pour 3 tubas (1986, id.), pour 4 tubas (id.), pour 3 saxophones (1989, id.), pour 4 saxophones (id.), pour 3 trombones (1990, R. Martin), 6 Pièces de concert pour 4 trombones (1990, R. Martin), 3 Pièces de concours pour piano et flûte (1981, Leduc), 4 Pièces de concours pour pour piano et trompette (1982, id.), 4 Pièces en forme de cor pour 4 cors (1963, Symphony Land), 3 Pièces variables pour 4 vents et piano (id.), 8 Préludes pour passer le temps pour trompette ou cornet et orgue (1973, Leduc), un Trio pour un quintette pour cor, trombone, tuba (1984, Symphony Land), plusieurs Suites : florale pour flûte et piano (1981, Leduc), colorée pour trompette et piano (1982, id.), minérale pour clarinette et piano (1983, id.), à plumes pour saxophone alto et piano (1989, id.), entomologique pour trombone et piano (1990, R. Martin), folklorique pour 5 cuivres (Symphony Land). Notons aussi plusieurs autres pièces éparses : Complainte pour hautbois et piano (1988, Billaudot), Contrastes pour flûte et piano (1982, Leduc), Dialogue pour 5 saxophones (1981, Symphony Land), Kaléidoscope pour 4 trompettes, 3 trombones ténors et 1 trombone basse ou tuba (1975, id.), Quartitto pour 2 trompettes et 2 trombones (1989, id.), Tuba no end pour tuba et 5 cuivres (1985, id.), Alphörner Suite pour 4 cors des Alpes (1995, id.), Corsica pour cor solo, 4 cors et piano (Symphony Land)... Pour un seul instrument, signalons une série de 6 Etudes pour clarinette, pour flûte, pour saxophone, pour trompette, pour tuba, pour trombone, publiées entre 1981 et 1990 chez Leduc, sauf la dernière chez R. Martin.

 

Hormis les œuvres pour vents, il convient aussi de citer quelques pages pour autres instruments : Trois pièces variables pour violon et piano (Symphony Land), Trois Pièces variables pour alto et piano (id.) , Trois Pièces variables pour violoncelle et piano (id.), Trois pièces variables pour contrebasse et piano (id), Scherzando pour harpe (1979, Leduc), Improvisations pour guitare (1984, id.), Amplitude pour alto et piano (1980, Eschig), Suite pour 2 pianos (Symphony Land) et une série de Pièces pédagogiques pour cordes (1975), ainsi qu'une comédie musicale pour orchestre : Un métier en or, sur des paroles de Bernard Dimey (1963), un opéra de chambre pour soli et orchestre : Echo et Narcisse, paroles de Claude Des Presles (Billaudot), une opérette : Pic et Pioche (avec Dary Cowl), un opéra ballet : L'Amour et la Folie, paroles de Jean-Marie Pontevia (1955).

 

Mentionnons enfin de nombreux arrangements pour divers cuivres, dont une bonne partie éditée chez Symphony Land, parmi lesquels : Ave Maria (Gounod/Bach), Carmenaria (Bizet), Concerto n° 13 (Haendel), Concerto en ut mineur (Telemann), Mozart à la Folie (Mozart), Oratorio de Noël (Bach), Roméo et Juliette (Prokofiev), Sinfonia (Pergolèse), Tchaïkovsky-Digest (Tchaïkovsky), Toccata et fugue en ré mineur (Bach). L'Ave Maria, en compagnie d'autres arrangements de Defaye (Ave Maria de Schubert, Largo de Haendel, Gloria in excelsis Deo d'Haendel) a été enregistré en 1962 (disque 45 tours Polydor 21866) par Maurice André (trompette) et Pierre Cazin (à l'orgue de Saint-Eustache).

 

En 2006, le « Big Band de l'Olympia » a été reconstitué, rassemblant les musiciens de tous âges ayant par le passé appartenu ou joué avec l'Orchestre de l'Olympia. Jean-Michel Defaye, alors âgé de 74 ans, est de la partie comme pianiste accompagnateur, tout comme d'autres musiciens de grande valeur : Maurice André, Roger Guérin, Quincy Jones, Herbie Hancock, Benny Vasseur, Gaby Vilain, André Paquine et bien d'autres encore. Jean-Michel Defaye coule maintenant une retraite bien méritée en région parisienne.

 

Musicien éclectique, il est tout aussi à l'aise dans la variété, le jazz et le classique. Il possède un langage musical, que l'on peut qualifier de « clair » comme certains musicologues le font justement remarquer, parfois atonal sans pour autant flirter avec le dodécaphonisme, mais le plus souvent dans la lignée d'un certain traditionalisme. Sans doute est-ce cette ambivalence dans les genres musicaux qui le fait rejeter de la plupart des dictionnaires de musique et autres publications spécialisées. Il est vrai que dans le monde très fermé de la musique classique la variété et même parfois la musique de films sont souvent considérées comme une activité mineure !

 

Denis Havard de la Montagne

(avril 2018)

 

 

Jacques ALBRESPIC (1922-1987)

Jacques Albrespic
( photo X... )

Brillant improvisateur à l’orgue et possédant l’instinct inné de la musique, Jacques Albrespic a également voué une grande partie de sa vie à la pédagogie, en dirigeant successivement plusieurs conservatoires de musique à partir de 1954.

Né le 10 mai 1922 au Havre (Seine-Maritime), il débuta des études de piano auprès de Madame Franz Weiss, une ancienne élève du Conservatoire de Budapest, et d’orgue, à Rouen, avec Marcel Lanquetuit. Dès 1939, tout juste âgé de 17 ans, il est nommé organiste de l’église Saint-Joseph du Havre et l’année suivante succède à René Alix au Cavaillé-Coll de Saint-Michel. La guerre interrompit ses études et en 1943 il était requis S.T.O. et envoyé en Allemagne. Il parvint cependant à continuer de pratiquer l’art pour lequel il avait d’admirables dispositions, en réussissant à décrocher un poste de pianiste répétiteur tout d’abord à Münster (Westphalie), puis à Köthen in Anhalt. De retour en France à la fin du conflit, il sera quelque temps professeur d’anglais au Collège moderne du Havre, avant d’être nommé sur concours, en 1946, titulaire des grandes orgues de la cathédrale de Nancy. Il succédait là à Constant Pernin aux claviers de l’instrument de 65 jeux construit par Cavaillé-Coll.

En 1947 Jacques Albrespic vint en région parisienne et s’installa quelque temps à Puteaux. Il rejoignit alors l’Union des Maîtres de Chapelle et Organistes, alors dirigée par Henri Büsser et put enfin terminer à Paris ses études musicales interrompues par la guerre. C’est ainsi qu’il intégra l’Ecole normale de musique et le Conservatoire national de musique. Elève d’écriture (harmonie, contrepoint, fugue) de la pianiste et compositeur Andrée Vaurabourg-Honegger à l’ENM, il suivit également au Conservatoire international de musique la classe de direction d’orchestre d’Eugène Bigot, et au CNSM celles de philosophie musicale (analyse et esthétique) d’Olivier Messiaen, et de composition de Darius Milhaud et Jean Rivier.

Premier accessit de direction d’orchestre (1949), première mention d’analyse et d’esthétique musicale (1951), premier Prix de composition (1952), Prix Halphen de composition et Prix Lepaulle la même année, il se présenta cette année-là au Concours de composition de l’Institut et fut récompensé par un Second Prix de Rome, partagé avec Jean Aubain. Le sujet imposé de la cantate était La sotie de la dame qui fut muette, sur un texte de Randal L. Escalada, d'après une farce du XVIe siècle. C’est cette année également qu’était donnée en première exécution à Athènes sa Sonate pour violon et piano, et deux ans plus tard, en mars 1954, à Vienne (Autriche) sa Deuxième Symphonie par l’Orchestre Symphonique de Vienne.

Dès l’année suivante débutait pour lui une longue carrière d’enseignant avec sa nomination de professeur d’orgue et d’écriture à la Schola Cantorum de Paris. Mais il ne resta que peu de temps dans cette école de musique alors dirigée par Guy Tréal, et prit la direction en 1954 de l’Ecole municipale de musique d’Angers. Il déploya là une intense activité musicale, notamment dans la direction d’orchestre. C’est ainsi qu’en 1954 il donnait au Grand Théâtre de cette ville l’Arlésienne de Bizet, avec des artistes de la Comédie Française, et l’année suivante, Don Juan de Mozart, en compagnie d’artistes de l’Opéra de Paris, sur une mise en scène de José Beckmans. Cette petite ville de province, capitale de l’Anjou, eut également le privilège de recevoir les musiciens du Festival de Bayreuth qui donnèrent en 1956 Siegfried et l’année suivante, Tristan et Yseult. Le directeur général de la musique de Graz (Autriche) avait alors demandé à Jacques Albrespic de diriger les répétitions.

En 1957 Jacques Albrespic quittait Angers pour s’installer au Mans, où il était nommé directeur de l’Ecole nationale de musique et titulaire des grandes orgues de l’église Sainte-Croix. Durant les trois années passées dans cette ville, il parvint, tout comme à Angers, à développer les manifestations musicales, notamment en dirigeant la Société des Concerts du Conservatoire, qui organisait six concerts annuels. Les manceaux se souviennent certainement de cette admirable Passion selon Saint Jean donnée à la fin des années cinquante, avec les Chorales réunies du Mans et d’illustres artistes invités tels que Michel Sénéchal et Bernard Cottret. En 1960, il rejoignait Tours pour assurer la direction de l’Ecole nationale de musique. Ce sera d’ailleurs sous son influence qu’elle deviendra un Conservatoire national de région. Enseignant l’orgue, qui d’ailleurs sera toute sa vie durant son instrument de prédilection et dont il était passé maître pour l’improvisation, il se produira également en concerts à de nombreuses reprises. Entre 1960 et 1970, on le vit au Festival de Ljubljana (ex Yougoslavie), à l’Académie de Sienne (CHIGI) en Italie , à Saint-Louis-des-Français (Rome), dans de nombreuses villes de France et également à des Master classes à Essen (Allemagne).

En 1975, considérant que ses lourdes charges administratives imposées par la direction d’un conservatoire l’empêchaient de se consacrer pleinement à l’interprétation et à l’enseignement, il renonçait à ses fonctions et se tournait vers l’enseignement de l’écriture musicale pour terminer sa longue carrière. C’est Alfred Herzog qui lui succéda le 1er mai à la tête du CNR de Tours. Atteint d’une longue maladie, Jacques Albrespic mourut dans cette ville le 24 février 1987, dans sa soixante-cinquième année.

Resté toujours jeune de caractère, personnage attachant, Jacques Albrespic a marqué de son empreinte la vie musicale de Tours où il a œuvré durant près de trente ans. Ses nombreux élèves, tant d’orgue que d’écriture, gardent tous un souvenir ému de leur talentueux professeur. Parmi ceux-ci figure Gérard Derieux, ancien répétiteur de sa classe d’orgue au CNR de Tours, actuellement professeur dans ce même établissement, ainsi qu’à la Faculté de Musicologie de Tours et directeur de l’Ecole de musique municipale de Saint-Avertin (Indre-et-Loire), qui conserve pieusement les archives de son maître.

Si Jacques Albrespic fut un organiste talentueux et un pédagogue vigilant, il était également un compositeur apprécié de ses pairs en raison de sa richesse d’écriture. Depuis sa cantate du Prix de Rome, en 1952, il ne cessa de composer, parfois même sur commandes du Ministère de la Culture. En dehors des trois pièces déjà citées, on note parmi ses principales œuvres : un Prélude et Double fugue pour orchestre, une Mélodie sur des poèmes chinois, une Première et une Troisième Symphonie, un Diptyque pour piano, une Elégie pour hautbois et piano (éd. Leduc), un Lied et Scherzo pour trompette et piano (éd. Leduc), un Andante pour violoncelle et piano, un Concerto pour orgue et orchestre (commande de l’Etat, 1959), une Fugue pour orgue (orchestrée ultérieurement), ainsi qu’une musique (orgue et trompette) pour le " Son et lumière " de l’abbaye de Montebourg (Manche) présenté à partir du 1er mai 1960, et même des musiques de films et de scènes. Il laisse également une quantité de pages pour orgue, mais la plupart de ses nombreuses et brillantes improvisations, dont une mémorable pour la Messe du Général de Gaulle, n’ont jamais été écrites et encore moins éditées. Certaines d’entre elles ont été heureusement enregistrées !

Denis HAVARD DE LA MONTAGNE1

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1) Nous remercions vivement Madame Elisabeth Schultz et Monsieur Gérard Derieux d’avoir bien voulu mettre à notre disposition la documentation nécessaire à la rédaction de cette notice. [ Retour ]


1953

Fontainebleau, mai 1953, les 6 candidats à l'épreuve finale du Prix de Rome ; de gauche à droite : Pierick Houdy, Jacques Castérède, Ginette Keller, Jean-Michel Defay, Roger Boutry, Jean Aubain.
(photo X...) DR.
Autographe de Jacques Castérède
Lettre autographe signée de Jacques Castérède
à Max Méreaux, janvier 1989. (DR)
Jacques CASTÉRÈDE (1926-2014)

Jacques Castérède
Jacques Castérède
Photo X... ( CD REM 311092,
"Jacques Castérède, oeuvres pour 1 et 2 pianos", 1989 ) DR

Jacques Castérède est né à Paris le 10 avril 1926. Il fait ses études secondaires au lycée Buffon, puis entre au Conservatoire de musique et de déclamation de Paris en 1944. Il y obtient successivement les premiers prix de piano (classe d'Armand Ferté), musique de chambre, harmonie (classe de Marcel Samuel-Rousseau), composition (classe de Tony Aubin), analyse et esthétique musicale (classe d’Olivier Messiaen). En 1953, le Premier Grand Prix de Rome lui est décerné pour sa cantate La Boîte de Pandore, sur des paroles de Randal Escalada. Il séjourne ensuite à la Villa Médicis de 1954 à 1958.

En 1960, il est nommé professeur de formation musicale pour chanteurs au C.N.S.M. de Paris, où il occupera ensuite les postes de professeur conseiller aux études en 1966, de professeur d’analyse musicale supérieure en 1971, puis de professeur de composition en 1988.

Jacques Castérède enseigne également la composition à l’Ecole Normale de Musique de Paris de 1983 à 1988, ainsi que l'analyse musicale au Conservatoire supérieur - C.N.R. de Paris jusqu'en 1995.

En 1988, dans le cadre d’une mission d’enseignement en Chine, il assure des cours de composition, analyse, orchestration au Conservatoire Central de Pékin et donne une série de conférences sur la musique française contemporaine. Cette mission sera renouvelée en 1998.

Egalement pianiste virtuose, au cours des années 1960 et 1970 il se produit en tournées (musique de chambre) en Egypte, au Pérou, en Uruguay et en Argentine.

La musique de Jacques Castérède, d’essence mélodique, est très élaborée, utilisant des échelles modales et parfois une polyrythmie savante, sans se départir d’une émotion retenue qui lui confère un climat poétique très particulier.

Parmi ses nombreuses compositions figurent des œuvres écrites pour la scène (But, ballet créé à l’Opéra de Paris en 1963), pour le plein-air (Jusqu’à mon dernier souffle…, œuvre commandée en 1986 pour le centenaire de la statue de la Liberté à New-York), des pièces symphoniques (symphonies, concertos, ballets, oratorio), des pages de musique de chambre ou d’ensemble ainsi que des œuvres pédagogiques. Mais, depuis 1988, Jacques Castérède laisse une part plus importante à la musique d'inspiration religieuse (Le Cantique de la Création, Mon père je m'abandonne à toi, 3 Préludes liturgiques, Ton Ame dans la lumière pour orgue...)

De nombreux prix ont couronné l’ensemble de son œuvre : Prix du Portique en 1963, Prix Dumesnil en 1983 et Prix Florence Gould en 1986 décernés par l’Institut de France, Grand Prix national du disque en 1968 pour sa Symphonie pour cordes n°1, Grand Prix Musical de la Ville de Paris et Prix de la Nouvelle Académie du disque en 1991, Grand Prix de l’Académie Charles Cros en 1995.

Jacques Castérède est décédé le 6 avril 2014 à Dijon, à la veille de ses 88 ans.

Max Méreaux

Remise des récompenses des Grands Prix de Rome

Le Prix de Rome n'est que la plus haute récompense scolaire. En conséquence, la cantate du Concours ne saurait être considérée autrement que comme un devoir d'une classe supérieure. C'est là un fait qu'on est trop souvent enclin à oublier. Il est vrai que ce devoir peut être de valeur. Ainsi la « Cantate de l'Enfant prodigue »... Mais c'est là une exception et lorsque l'on passe en revue la liste des compositions qui valurent à leurs auteurs le titre de 1er Grand Prix, force est de constater que les neuf dixièmes ont sombré — et pour cause — dans l'oubli.

Cette année, c'est M. Jacques Castérède qui, âgé de 27 ans, a remporté la première récompense. La Cantate imposée avait pour titre « La Boîte à Pandore ». Son texte en était, comme pour l'an précédent, de Randal Escalada. Elle comportait trois personnages à traiter musicalement : Pandore, Prométhée et Epiméthée. Avant l'entrée de leur partie chantée, le musicien devait dresser un tableau symphonique évoquant les ardentes et sombres forges d'Hephaïstos, forgeron de l'Olympe. En résumé : un bon texte, et un sujet assez attachant, bien qu'il dût mettre en valeur un seul aspect du talent du compositeur. C'est là d'ailleurs une erreur regrettable que d'imposer aux concurrents un sujet trop exclusivement centré sur un caractère expressif. L'an passé, il fallait être spirituel ; cette année : dramatique. Or un candidat ne se présentant pas forcément l'année où le sujet lui convient le mieux, le concours devient une loterie.

Mais revenons au jeune lauréat 1953.

L'audition de sa Cantate fut, selon l'usage, précédée de celle de quelques œuvres d'ex-Grands Prix de Rome. Sous la Coupole, on est traditionaliste, et le Président de l'Institut prodiguant chaque année ses conseils à l'égard des jeunes en les engageant à profiter des exemples de leurs aînés, il est juste et normal que la voix de ces aînés soit entendue. L'Orchestre de la Société des Concerts, dirigé par P. Dervaux, exécuta donc : quelques pages de Berlioz, Debussy, Gounod, Charpentier représentant chacune une qualité typiquement française. Berlioz, c'est le panache ; Debussy, la distinction ; Gounod, le sens mélodique ; Charpentier : la clarté.

Or, il apparut que la Cantate de Jacques Castérède réunit précisément ces quatre qualités. J. Castérède a le sens du brillant. Le début de sa composition sonne d'une manière très Edmondrostandesque. Son récitatif, lui, est directement issu de « Pelléas ». Enfin, l'ensemble est mélodique, clair, aéré, vivant. Somme toute, fort plaisant à l'oreille.

Ce n'est là qu'un devoir ; mais le devoir méritait une bonne note car il est bien construit. Jacques Castérède l'a obtenue. On ne peut que s'en réjouir.

Claude Chamfray
in Le Guide du concert, 20 novembre 1953

La méthode d'enseignement musical d'Henriette Lafarge

"C'était en 1930, j'avais quatre ans. Mes parents, bien que n'étant pas musiciens, avaient sans doute décelé en moi des dispositions pour la musique, puisqu'ils avaient eu l'idée de me faire apprendre le piano. Ma mère me conduisit donc un jour chez un professeur, Madame Lafarge, qui habitait non loin de chez nous, et dont je ne sais d'ailleurs plus comment elle avait eu l'adresse.

C'est ainsi que je pris le chemin du 84 de la rue Lecourbe. Ce chemin, j'allais continuer à l'emprunter pendant treize ans ; il fut le début d'une grande aventure puisqu'il déboucha sur le choix que je fis, à 17 ans, de me consacrer à la musique.

La famille Lafarge habitait une ancienne maison basse, miraculeusement préservée, comme on en trouvait encore dans le quinzième arrondissement à cette époque, située au fond d'une allée qui se frayait son chemin entre les immeubles de la rue Lecourbe et le mur de séparation des ateliers de construction d'ascenseurs Édoux-Samain. Cette maison était attenante à un jardin où poussaient cerisiers et lilas et où se prélassaient deux ou trois chats.

Aux beaux jours, lorsque les fenêtres étaient ouvertes et que j'attendais le moment de ma leçon dans le jardin, j'entendais parfois un débutant qui jouait - sous l'œil vigilant d'Yvonne, une des filles d'Henriette Lafarge - ses "rythmiques" (on appelait ainsi de petits morceaux à quatre mains composés spécialement par Charlotte, la sœur d'Yvonne). Ces "rythmiques", que de fois les ai-je entendus ! Ils ont bercé mon enfance et j'eusse été capable encore à l'heure actuelle, s'ils n'avaient été conservés, de les récrire intégralement.

Car l'enseignement de Mme Lafarge était basé sur la pratique du piano à quatre mains et c'est au piano à quatre mains, avec la "méthode Lafarge", que j'ai commencé l'étude de cet instrument.

Que cette étude se déroulât sans difficultés, voire comme un jeu - car j'attendais avec impatience le moment des leçons qui étaient pour moi un bonheur - ne m'étonnait nullement ; n'ayant connu d'autre apprentissage que par la méthode Lafarge, je n'imaginais pas qu'il en existât de différents, et l'on m'aurait bien étonné si l'on m'avait parlé de "technique" ou d'exercices... ou de solfège !

Non que l'étude de cette discipline - réputée comme aride - fut négligée, mais, comme Monsieur Jourdain avec la prose, je faisais du solfège sans le savoir. Au fur et à mesure de mes années d'études, la solution des différents problèmes de la technique musicale - intervalles, altérations, rythmes, etc. - m'était donnée lorsque le besoin s'en faisait sentir, et toujours d'une manière pratique.

Dès que je fus en mesure de jouer seul un peu convenablement, ma leçon commençait toujours par une lecture à quatre moins.

J'ai connu ainsi la plupart des symphonies de Beethoven, Mozart, Schumann, bien des ouvertures et autres œuvres symphoniques célèbres au piano à quatre mains avant de les découvrir - bien plus tard - à l'orchestre. J'ai eu l'oreille formée sans être astreint à la former. Sans connaître le nom des accords, ni leur chiffrage, je fus peu à peu familiarisé avec leur sonorité, sensibilisé à leurs enchaînements et à leurs modulations.

Certes, je ne saurais prétendre que cet enseignement m'a conduit jusqu'aux portes du Conservatoire de Paris ; il a bien fallu, à un moment donné, qu'une étude plus traditionnelle du piano et, plus tard, de l'harmonie et du contrepoint, vienne prendre le relais de la méthode Lafarge : c'était normal ; cette méthode n'a jamais prétendu tout résoudre. Mais elle avait préparé le terrain et facilité le chemin sur lequel j'allais m'engager définitivement.

Il est souvent difficile et toujours inutile - de nous demander ce que nous aurions fait si notre vie avait suivi un cours différent. Si je n'avais pas connu Henriette Lafarge, peut-être fusse-je devenu tout de même un musicien professionnel... mais peut-être aussi que, rebuté par un professeur maladroit et par l'aspect rébarbatif du b-a ba musical traditionnel de l'époque, eussé-je fait tout autre chose ; je n'en sais rien. Ce que je sais, par contre, c'est qu'Henriette Lafarge, par son enseignement, a su éveiller en moi et préserver cet amour de la musique qui ne m'a jamais plus quitté. Et je puis témoigner, à travers mon expérience personnelle, que son livre n'est pas le fruit de spéculations intellectuelles abstraites, mais la conséquence d'une expérience dont je peux parler puisque je l'ai vécue moi-même, et qui me semble devoir être plus largement connue qu'elle ne l'a été jusqu'à maintenant, car les réflexions et observations qu'Henriette Lafarge a consignées dans cet ouvrage sont, plus que jamais peut-être, d'actualité.

Jacques Castérède
(Avant-propos in l'ouvrage d'Henriette Lafarge : L'Art de développer le sentiment musical chez l'enfant et pour améliorer  "l'anormal"
(édité par l'Association des Amis d'Henriette Lafarge, 1980)



Jacques Castérède

propos impromptu…

 

 

Dans les propos ici recueillis en 1973 par Brigitte François-Sappey on trouvera les réflexions du professeur qui transmet à la génération montante les connaissances qu'il a reçues de ses maîtres, mais aussi celles du compositeur qui veut se garder fidèle à lui-même dans un monde en agitation.

 

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Après mes études secondaires, je suis entré au Conservatoire national en 1944 dans la classe de piano d’Armand Ferté, puis j’ai suivi la filière normale des classes d'écriture : harmonie, contrepoint, fugue et enfin la classe de composition de Tony Aubin et celle d’analyse musicale d’Olivier Messiaen qui restent les deux professeurs à qui je dois le plus. J’ai concouru deux fois pour le prix de Rome. Jugée avec recul, ma cantate de 1952 me semble plus originale, plus réussie que celle qui me valut le grand prix en 1953, mais elle témoignait de moins de métier. Comme le voulait l’usage, j’ai passé plus de trois ans à la villa Médicis mais, contrairement à une tradition héritée de Berlioz et Debussy, j'ai aimé Rome et j’y ai vécu heureux. Ce séjour me fut très profitable, parce que ces années représentent une plage de calme dans mon existence. Il est parfois salutaire à un artiste de se retirer de la vie active, de se mettre à l’abri, de vivre « en marge » afin de rester seul avec soi-même pour pouvoir « s’écouter », car toute création nécessite cet éloignement, cette autopréservation, ce repli sur soi-même.

 

Ma position est la plus inconfortable qui soit. Aux yeux de ceux qui forment ce que l'on appelle l'avant-garde, je fais figure de réactionnaire et, de ce fait, je ne les intéresse pas, je ne mérite pas même un regard. D’autre part, mon langage, jugé trop audacieux, ne plaît pas aux traditionalistes. Familièrement, cela s’appelle « être assis entre deux chaises » !

 

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Pour moi, la musique reste inséparable de l’expression mélodique. Je n’ai jamais écrit de musique complètement athématique. Elle contient toujours des figures mélodiques renfermant un certain potentiel expressif et suffisamment caractéristiques pour constituer ce qu’on appelle des « thèmes », des rythmes qui s'affirment avec franchise (quoique souvent complexes), le tout exprimé dans un langage qui ne refuse pas des bases tonales ou modales — parfois très lointaines — ou même des accords de type traditionnel. C’est en effet dans l'expression mélodique et dans son contexte harmonique et rythmique que me semble se situer l'essence même de l'émotion musicale, alors que le matériau (timbres et dynamiques) n'apporte que des sensations. Ces deux notions, qui peuvent se conjuguer, restent pourtant différentes. L'émotion musicale est plus secrète, plus intérieure ; sa perception peut s’affiner par l'éducation mais ne peut s’inculquer à celui qui est dépourvu de cette réceptivité intérieure innée qu’on appelle la sensibilité. De plus, cette émotion se renouvelle, s’approfondit à chaque audition, alors que la sensation, plus facilement, plus immédiatement ressentie par tous — même par des personnes musicalement peu cultivées — ne puise sa force d'impact que dans la nouveauté et s’émousse assez vite.

 

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 (photo X)

Dans ma musique, figures mélodiques, rythmiques et couleurs harmoniques conditionnent par leurs transformations ou leurs retours la structure de l’œuvre. Celle-ci se voit déterminée une fois pour toutes. Pas de forme « ouverte » laissant aux interprètes (chef d’orchestre ou instrumentiste) le choix entre plusieurs combinaisons. Ce choix appartient au créateur ; il doit lui-même opter pour la solution qui lui semble la meilleure et prendre ses responsabilités.

 

J’apprécie la retenue, la pudeur dans l’expression et redoute une sentimentalité exhibitionniste. Le lyrisme me paraît d'autant plus puissant qu’il se manifeste de façon contenue. Je déteste par-dessus tout, en musique, le côté « racoleur », le gage donné pour se faire bien voir, cela non seulement dans l’esthétique traditionnelle mais — et j’insiste sur ce point — dans le domaine de l’avant-garde où de tels procédés se décèlent plus difficilement. N’en déduisez pas pour autant que j’aime la musique ennuyeuse, froide et compassée. J’ose humblement espérer que mon œuvre apporte la preuve du contraire. Je confesse même un fort penchant pour la bonne musique de variété ! Pourquoi un compositeur cultiverait-il exclusivement la musique « savante » ?

 

Ecrire de la musique légère constitue une sorte d’ascèse à l’envers, elle permet de reprendre contact avec la terre dont la musique sérieuse n’a que trop tendance à décoller ; c’est aussi l’occasion d’un défoulement permettant d’extérioriser d'autres instincts, d’autres aspects de sa personnalité. Cela dit, certaine musique légère, telle la « musique de kiosque » ou celle de bon ton, élégamment encanaillée, écrite par des compositeurs comme Reynaldo Hahn, Messager, Louis Beydts et même Fauré a, je crois, fait son temps. Aujourd’hui, lorsqu'on parle de musique légère, il s’agit plutôt de « variétés » : jazz et ses dérivés, musique sud-américaine, musique pop, chansons en tous genres dont le compositeur dit « classique » ne doit pas dédaigner l’apport. Il peut avant tout en tirer une grande leçon d’authenticité et de simplicité sur le plan des rapports avec le public. Le jazz, la musique pop suscitent des réactions passionnelles dues à une communion directe entre musique, interprètes et public. Sous ces aspects, la musique retrouve ce rôle de « catharsis » qui fait souvent cruellement défaut à la musique sérieuse actuelle, grande dame un peu distante, drapée dans son manteau d’intellectualité, retranchée derrière ses conventions et ses modes.

 

Ce divorce s’accentue encore dans la musique vocale en raison de toute une technique classique que même les plus grands interprètes oublient difficilement et qui fait masque, qui empêche l'émotion directe de passer. La perspective d'entendre, dans un concert de musique contemporaine, chanteur ou chanteuse, met souvent en fuite l'auditeur qui n'est pas un fanatique de l’art vocal, alors que les Bécaud, Brel, Ferré, Nougaro attirent et bouleversent les foules qui vibrent à l’unisson de l’artiste. Quelle leçon pour nous ! Cette authenticité de ton, j’ai tenté de la retrouver dans La Chanson du mal-aimé, le poème d’Apollinaire se prêtant particulièrement à un tel rapprochement. Quant à l’influence du jazz, elle apparaît dans beaucoup de mes œuvres (Danses symphoniques, le ballet But, deuxième Concerto pour piano, etc.). Enfin, la musique pop m’a suggéré dernièrement un Hommage aux Pink Floyd pour guitare.

 

Il est toujours possible à un compositeur d’utiliser des lois mathématiques pour maîtriser le phénomène sonore, l’ordonner, le structurer. Beaucoup l’ont fait. Je travaille actuellement à une œuvre pour percussions, fondée sur les séries de Fibonacci et les propriétés des carrés magiques : moyens techniques qui empêchent la pensée de partir au hasard et qui, par jeu de miroir, stimulent l'imagination en permettant d’entrevoir des solutions auxquelles on n’aurait pas songé. Ces procédés mathématiques, qui doivent, je le répète, rester des moyens et non devenir des buts, ne sont pas les seuls possibles, même aujourd’hui. Il en existe d'autres. Quel était d’ailleurs le rôle des grandes formes classiques : fugue, variation, sonate, etc., sinon celui même de donner un cadre à la pensée tout en la stimulant ? Du reste, la pensée musicale s’apparente parfois à la démarche mathématique. L’écriture contrapunctique, en particulier, implique un esprit d'invention, de déduction, de prévision et aussi une science de la « combinaison » qui aboutit dans certains cas à des résultats d’une complexité impressionnante (je pense, par exemple, aux « fugues miroir » de l’Art de la fugue).

 

En tant qu’analyste, ma formation scientifique m’aide à comprendre la démarche des compositeurs utilisant les techniques que j’évoquais. En tant qu'auditeur de ces mêmes compositeurs, elle n’entre pas en ligne de compte. Seuls m’intéressent alors l’impression globale et le choc émotif que je retire de l’œuvre. La « cuisine », pas du tout. Sauf après coup, dans la mesure où l’œuvre, musicalement réussie, me donne envie de percer ses secrets.

 

Le seul domaine où des connaissances physiques et mathématiques me semblent, sinon indispensables, du moins souhaitables, est celui de la musique électro-acoustique. Au demeurant, une incursion dans ce domaine me passionnerait, mais elle s'avère très difficile, pour ne pas dire impossible, à un « isolé » comme moi. Une telle entreprise nécessite un matériel complexe et coûteux, des techniciens, la possibilité d'expérimenter longuement... toutes choses qui ne sont réalisables que si l’on est intégré à un groupe de recherches.

 

Je dois dire que la matière que j’enseigne, l’analyse, me passionne. Pour communiquer l’analyse d’une œuvre, il faut non seulement la préparer soigneusement à l’avance mais en approfondir les tenants et aboutissants de manière à l’insérer dans son courant historique et esthétique et à pouvoir faire face à toute question désarçonnante. Loin d’atténuer l’amour instinctif que l’on porte à la musique, loin de le dessécher (comme se l’imaginent certains), la découverte des grands maîtres par l’analyse s’avère étonnamment épanouissante. Au plaisir sensible s’ajoute la satisfaction intellectuelle. La découverte d’une technique, souvent prodigieuse, renforce encore l’adhésion instinctive et l’émerveillement que l’on ressent à l’écoute d’une œuvre s’en trouve multiplié.

 

Etant moi-même ancien élève de la classe d’analyse d’Olivier Messiaen, je suis bien placé pour témoigner de l’immense intérêt que suscite un enseignement personnalisé. Ayant conservé mes notes d’alors, je peux transmettre, presque en ligne directe son enseignement à mes élèves, surtout en ce qui concerne l’analyse de ses propres œuvres et cette formation d’analyste reçue chez lui me reste très précieuse à l’heure actuelle.

 

Le plaisir de l’analyse qui consiste à faire découvrir et partager aux autres les richesses, les beautés d’une œuvre se double de la joie d’exprimer, de communiquer sa vision personnelle de celle-ci. Aussi je ne cherche pas à la dissimuler. Cela dit, j’insère dans mon programme des œuvres qui ne correspondent pas à ma sensibilité musicale, mais que je juge d’une importance primordiale et que j’analyse avec autant d’intérêt et de minutie que des œuvres que j’aime. Cependant, mes élèves connaissent parfaitement mes goûts, car je n’en fais pas mystère. La musique, sensible par essence, engendre des impressions et des sentiments irrationnels, je n’en suis donc pas pour une analyse froide et technique, même parfaite. J’aime étoffer une analyse d’images, de comparaisons poétiques qui me paraissent aussi indispensables que des arguments techniques pour faire comprendre une œuvre dans sa réalité vivante.

 

Je trouve très bien qu’un élève émette une opinion personnelle et soit d’un avis différent du mien. Cela prouve qu’il s’intéresse à l’œuvre qu’on analyse et qu’il l’a examinée de près. D’ailleurs, l’analyse ne peut se comparer à une science exacte. La musique étant par définition « mouvante », il existe souvent plusieurs façons d’envisager la logique interne d’une œuvre. Ce n’est qu’après mûre réflexion que j’opte pour une solution, mais si un élève, ayant accompli de son côté un travail aussi approfondi que le mien, me propose une analyse intelligente et la défend bien, je ne vois pas pourquoi je n’en tiendrais pas compte. Nous comparons alors le poids de nos arguments. Il arrive que ceux-ci se neutralisent, mais si la balance vient à pencher de mon côté, ce n’est pas parce que je suis le professeur, mais parce que l’étudiant, de lui-même, reconnaît que mes arguments se révèlent plus solides et plus convaincants que les siens.

 

Les compositeurs avec lesquels je me sens une parenté appartiennent tous à une même famille spirituelle : celle des constructeurs, des architectes, chez qui la pensée mélodique s’exprime clairement au moyen de rythmes francs, vigoureux, voire brutaux, de contrepoints solides qui se heurtent parfois avec rudesse. Je place en premier Béla Bartok. Hindemith me séduit par sa logique constructive et contrapuntique. Honegger m’a également influencé, notamment dans mon oratorio Le Livre le Job. Je dois citer aussi Roussel et Messiaen dont les recherches rythmiques et harmoniques m'ont beaucoup marqué ; d’ailleurs, la plupart des compositeurs de ma génération (jusqu’à celles actuelles) doivent plus ou moins quelque chose à Messiaen, surtout ceux qui, comme moi, profitèrent de son enseignement direct. Les compositeurs qui m'ont influencé ne sont cependant pas les seuls que j’admire, loin de là. J’aime, par exemple, passionnément les romantiques allemands, surtout Schumann et Brahms, j’adore Debussy, Ravel m'attire beaucoup, mais je ne pense pas que leur griffe transparaisse dans ma musique, ou alors seulement en touches très fugitives. J’ai cité l’influence d’Hindemith et pourtant je me passe aisément de sa musique.

 

Ces influences se manifestent dans mes œuvres par certaines parentés stylistiques, mélodiques ou rythmiques avec les compositeurs que j’ai cités plus haut. Cela ne me gêne pas. Il a toujours existé une étroite filiation entre les générations tout au long de I’évolution de la musique. Maintenant, l’on devient très sourcilleux sur le sujet, mais, même à l’ère romantique où la notion de personnalité — je dirais même de propriété — s’accusait chaque jour davantage, les musiciens se montraient beaucoup moins possessifs. Il n’est que d’évoquer la filiation Schumann- Brahms ou la dette de Wagner envers Liszt. De toute façon, je ne pense pas que l’on puisse juger de l’originalité d’une œuvre sur le fait qu’elle rappelle éventuellement ou non quelque chose. Tout créateur subit des influences, il reste à savoir s’il les restitue telles quelles ou s’il les assimile et, à partir de là, crée selon son propre tempérament. Aucune œuvre ne reste libre de toute attache : vouloir le nier aboutirait probablement à écrire une musique qui ne ressemblerait à rien, au sens propre du terme !

 

*

* *

 

La critique musicale

 

Je crois qu’un article très favorable émanant d’un critique écouté peut attirer l’attention sur un jeune compositeur et, avec un peu de chance, donner un premier coup d’envoi à sa carrière. Une fois le compositeur affirmé, le rôle de la critique devient plus difficilement appréciable. Nous connaissons tous des compositeurs qui, collectionnant les critiques les plus détestables, poursuivent une carrière enviable (je pense à Darius Milhaud) et d’autres que de bonnes critiques n’arrivent pas à sortir d’une pénombre bienveillante.

 

Côté public, je regrette l’influence néfaste d’une certaine critique. A force de répéter aux auditeurs, lorsqu’ils protestaient contre certaines œuvres, qu’ils étaient incultes, conservateurs et que lesdites œuvres ne les choquaient que parce que beaucoup trop « en avance » et géniales pour leur pauvre compréhension, ils ont fini par l’admettre. « Souvenez-vous, ajoutait-on pour les achever, que vos pères ont sifflé Pelléas et Le Sacre ». De sorte que ce malheureux public, culpabilisé, ayant perdu toute confiance en son jugement, n’ose plus manifester ses opinions. On voit ainsi des œuvres dont l’amateurisme balbutiant et primaire, enrobé de prétentions esthético- techniques, devrait dresser contre elles une salle indignée, recueillir un succès poli qui peut passer pour flatteur. Je regrette que le public ait perdu la vivacité et la spontanéité de ses réactions, dût-il se tromper (mais qui est infaillible ?).

 

 

S’interpréter soi-même

 

J’ai souvent joué mes œuvres par nécessité : soit qu’on me l’ait expressément demandé, soit que j’aie eu scrupule à imposer à un interprète un travail parfois considérable en vue d’une seule audition… et souvent à titre bénévole. Pourtant, je préfère les entendre jouées par d’autres. D’abord par paresse : rien ne me déprime plus que d’avoir à travailler ma propre musique… souvent très difficile ! Par goût ensuite : je suis toujours curieux de voir ce qu’un autre pianiste va en faire. Il m’arrive ainsi de découvrir ma musique sous un aspect auquel je n’avais pas songé. Impression à la fois déroutante et séduisante. La sagesse consiste souvent à laisser l’interprète exprimer ce qu’il a découvert lui- même…

 

 

Mieux faire

 

Achevée, une œuvre ne correspond jamais exactement à la vision intérieure de son auteur. Entre celle-ci à l’état imaginaire et sa réalisation se creuse généralement un fossé. Source de déception. D’où l’espoir toujours renouvelé que l’œuvre suivante réalisera pleinement ce que l’on attend d’elle. Espoir justifié en ce qui concerne un jeune compositeur, peu maître de sa technique et se laissant encore submerger par la matière, espoir beaucoup plus illusoire quand il s’agit d’un artiste en pleine possession de ses moyens (mais, en règle générale, plus le métier s’affirme, plus le fossé se rétrécit).

 

Malgré cette sorte d’oubli qui recouvre à mes yeux mes productions anciennes et me les font presque considérer comme des œuvres extérieures, en dépit du jugement lucide, dépassionné, qu’avec le recul du temps je porte sur elles et qui me permet d’en mesurer les défauts, je conserve néanmoins pour certaines attachement et tendresse.

 

 

La recherche

 

A l’heure actuelle, on axe tout sur la « recherche », mais, que je sache, les compositeurs en ont toujours fait. Que sont les cahiers d’esquisses de Beethoven, sinon de la recherche ? Seulement, jusqu’à maintenant, les compositeurs estimaient qu’ils ne devaient pas présenter au public leurs balbutiements, leurs essais, mais lui apporter une œuvre mûrie, aussi achevée que possible, et je pense qu’ils avaient raison. Le but final d’une œuvre d’art étant non pas la recherche elle-même mais l’aboutissement de la recherche.

 

Si j’ai opté pour l’esthétique qui est la mienne c’est à la suite d’un choix conscient, guidé par une nécessité intérieure et non par manque d’audace ou peur. Peur de quoi d’ailleurs ? S’il fut un temps où un compositeur risquait, par son audace et sa nouveauté, de choquer public, critiques et officiels, ce me semble tout le contraire aujourd’hui où l’insolite, l’inouï et l’extravagant jouissent immédiatement d’un préjugé favorable. Ceci montre qu’audace et nouveauté sont en musique des notions toutes relatives. Si nous connaissons des époques où la musique pouvait paraître « audacieusement dissonante », pourquoi n’y en aurait-il pas où elle revendiquerait le droit d’être « audacieusement sensible » ? Une seule règle à suivre : rester fidèle à sa véritable nature, obéir à sa nécessité intérieure, dût cette attitude éloigner l’artiste de la tendance générale de son époque. C’est à ce prix qu’il sera véritablement original !

 

L’inspiration nécessaire

 

Il n’y a pas de composition musicale s’il n’y a pas inspiration. Cela dit, il faut démystifier le terme et tenter de l’apercevoir dans son sens véritable ; surtout pas comme une « transe » lors de laquelle le compositeur n’a qu’à prendre en note ce que lui dicte un « démon » intérieur. Pour moi, l’inspiration c’est la vision intérieure immédiate d’une « expression » musicale qui a un caractère d’évidence et qui m’enthousiasme suffisamment pour me donner le désir de la communiquer aux autres, en espérant qu’ils ressentiront eux-mêmes une émotion, un enthousiasme voisin des miens. Cette « inspiration » peut revêtir de multiples aspects : ou bien celui d’un aperçu global de l’œuvre à venir, mais dont le détail restera à préciser, ou bien celui d’une « trouvaille » instantanée d’une ligne mélodique, d’un rythme, d’une sonorité d’orchestre qui deviendra prétexte à une œuvre future. Souvent brève, presque fulgurante, difficile à capter si l’on ne prend pas soin de la noter tout de suite, l’inspiration se montre capricieuse et peut s’imposer aux moments les plus imprévus. Pour autant, elle n’est pas toujours un don du ciel : elle se mérite (par le travail), se provoque (chacun a ses techniques). La plupart du temps, simple donnée de départ, un travail volontaire doit l’étayer sans l’abîmer par un métier envahissant, la prolonger en lui conservant son naturel et son originalité. Un sens critique constamment en éveil doit enfin passer au crible le plus sévère cette donnée immédiate de l’instinct musical où tout n’est pas d’égale qualité.

 

1ère publication in Le Courrier musical de France

n° 44, 4ème trimestre 1973

(réimpression avec l’autorisation de Mme Brigitte François-Sappey)



Pierick HOUDY (1929-2021)

Pierick Houdy
( Photo X )
Pierick Houdy, né le 18 janvier 1929 à Rennes, élève de Duruflé, Milhaud et Messiaen au CNSM, a obtenu un deuxième Second Grand Prix de Rome en 1953 puis un Grand Prix de la Ville de Paris deux ans plus tard. Directeur du Conservatoire de Tours (1955-60), professeur à la Schola Cantorum (1963-64) et à la Maîtrise de Radio-France (1966-69), il a également enseigné la composition à l'Université Laval (Québec) en 1970 et 1971 et au Conservatoire de Québec (à partir de 1971). Chef d'orchestre et également organiste de la basilique St-Martin de Tours, puis de la paroisse des Artistes à l'église St-Roch (Paris), de St-Gervais (Paris) et enfin de l'église de l'Université de Laval (Québec), il est l'auteur de nombreuses œuvres de musique de chambre, de mélodies et chœurs a capella, de musiques de scène et de films, ainsi que de pages orchestrales et de pièces pour chœurs et ensembles d'instruments...

D.H.M. - Notes provisoires

Pierick Houdy est décédé le 22 mars 2021. Ses obsèques ont eu lieu le 26 mars 2021 à 14h30 à Notre-Dame de Locmaria (Morbihan).

1954

Roger BOUTRY (1932-2019)

Roger Boutry
Roger Boutry
( Photo André Nisak. Avec l'aimable
autorisation du compositeur )
Quatuor Jean Ledieu
Parution (avril 2002):
Saxophones, par le Quatuor Jean Ledieu (fondé en 1987)
Fabrice Moretti (soprano), Denis Bardot (alto)
Yann Lemarié (ténor), Jean Ledieu ( baryton)

Roger Boutry, Etincelles
Claude Pascal, Transcription de six fugues de l'Art de la fugue de J.S. Bach, Quatuor de saxophones (1961) et Scherzetto, écrit pour quatuor de flûtes de bambou, transcrit pour quatuor de saxophones par l'auteur.
Jeanine Rueff, Concert en quatuor (1955)
Robert Planel, Burlesque (1939)

( CDpac/Polymnie, POL 490 115
49 bis route de Maisons Blanches, 10800 Buchères
tél. 03 25 41 84 90, fax. 03 25 41 88 04
enregistré à l'UT de Troyes en février 2002 )

Roger Boutry, né le 27 février 1932 à Paris, a fait toutes ses études musicales au Conservatoire national supérieur de musique de Paris, où il remporte six premiers prix, dont un de piano à l'âge de 16 ans et un de direction d'orchestre en 1953 dans la classe de Louis Fourestier. L'année suivante il remporte le Premier Grand Prix de Rome. Pianiste, chef d'orchestre et compositeur, il a reçu en 1963 le Grand Prix musical de la Ville de Paris. On le trouve également à la tête de l'Orchestre de la Garde républicaine de 1970 à 1997, prestigieuse formation fondée, rappelons-le, en 1848 par Paulus (héritière de l'Orchestre de la Garde municipale, qui avait été créée le 4 octobre 1802 par Napoléon.) Cette formation de 120 musiciens, parfois renforcée par le chœur de l'Armée française est répartie en orchestre d'harmonie (80 musiciens) et en orchestre à cordes (40 archets). En tant que compositeur, Roger Boutry est l'auteur de nombreuses pièces pour orchestre ou instruments : Reflets sur Rome pour orchestre, Ouverture-Tableau pour orchestre, Divertimento pour orchestre de chambre, Concerto-Fantaisie pour 2 pianos et orchestre, Quatuor de trombones, Burlesque pour orchestre, Concerto pour flûte, Pastels et Contours pour 5 harpes, Tétrade pour orchestre d'harmonie (imposée au Concours international de la CISM d'Aix-les-Bains en 1997)... On lui doit également des ballets : Le Rosaire des joies, ballet pour récitante, soprano, chœur et orchestre sur un poème de Marie Noël; Passacaille et danse profane, ballet; Chaka, oratorio dramatique et ballet sur un poème de Léopold Senghor, pour récitant, chœur et orchestre..., et de nombreuses pièces didactiques pour divers instruments.

Roger Boutry est décédé le 7 septembre 2019 à l'âge de 87 ans.

D.H.M. (Notes provisoires)

Article: Roger Boutry et la musique d'Harmonie


1955

Pierre-Max DUBOIS (1930-1995) ( article dans la section des Obituaires )

Pierre-Max Dubois
à Chicoutimi, lors du concours 1971 des Festivals de Musique du Québec.
(Photo X..., coll. Lorraine Prieur) DR.

Cet ancien élève de composition de Darius Milhaud au CNSM est mort le 29 août 1995 à Rocquencourt (Yvelines), à l'âge de 65 ans. Premier Grand Prix de Rome en 1955, Grand Prix musical de la ville de Paris en 1964, Grand Prix de la musique symphonique légère à l'ORTF, ce compositeur qui se tenait résolument à l'écart des courants de la musique concrète, dodécaphonique et sérielle pour se situer dans la tradition française avec une musique tonale et mélodique, débuta ses études musicales au Conservatoire de Tours. Il obtenait là un prix de piano à l'âge de 15 ans, en 1945, avant de venir terminer brillamment ses études au CNSM de Paris. Son oeuvre, avec plus de 150 compositions éditées pour la plupart chez Leduc, est vaste et comprend aussi bien de la musique instrumentale, avec des pages pour piano, orchestre, instruments à vent, ou encore orchestre à cordes, que de la musique pour la scène (ballets, ballet-bouffe, opéra) ou de la musique vocale (pièces pour baryton et piano, ténor et orchestre, choeur a cappella). On trouve notamment dans le catalogue des compositions de Pierre-Max Dubois une Suite brève en ut pour deux trompettes et orgue, écrite en 1976.

D.H.M.
N.B. Pierre-Max Dubois a dédié des compositions à des pianistes du Québec: Les fous de Bassan, "Caprice canadien" composé en 1967, à Lorraine Prieur, et une Sonate pour piano à Alain Lefèvre (CD Paris Memories, (Warner Classics paru en 2023, CD ou téléchargement).

Pierre-Max Dubois: sa biographie et son catalogue aux éditions Gérard Billaudot (Paris) : https://www.billaudot.com/_pdf/composers/duboiscatalogue.pdf

René MAILLARD (1931-2012)

René Maillard
René Maillard
( Studio Beaumont, Nice, 2002, coll. René Maillard )


Article et catalogue


1956

Jean AUBAIN (1928-2015)

Jean Aubain
Jean Aubain en 1957
( photo "Musica", in n° 38, mai 1957/coll. Max Méreaux )

Assurément, la vie de Jean Aubain est étroitement liée avec l’histoire du Conservatoire national de région de Versailles, dont il assura la direction de 1963 à 1996. On lui doit la rénovation et le développement de cette école : c’est à lui, par exemple, que revient la création en 1974 d’une classe d’orgue, de laquelle sortira au fil des années toute une pléiade de musiciens de grand talent. Son intérêt pour cet instrument date d’ailleurs du début des années quarante, depuis le jour où il découvrait l’œuvre d’orgue de Bach qu’il interprétait à quatre mains sur l’harmonium d’un petit village des Charentes. Organiste lui-même, il a notamment tenu le grand orgue de l’église St-Louis de Fontainebleau en 1956, l’année même où il obtenait son Prix de Rome.

Né à Bordeaux le 1er février 1928, sa ville natale le mit souvent à l’honneur dès la fin des années cinquante. En 1957, Roger Lalande, directeur du " Grand Théâtre " montait Le mariage forcé de Molière, dont il avait écrit la musique l’année précédente, et en avril 1959 l’Orchestre philharmonique de Bordeaux, sous la direction du chef Antonio de Almeida, donnait en première audition sa Marche burlesque. A cette occasion Raoul Parisot, dans " Le Guide du Concert " du 1er mai 1959, soulignait que l’esprit de cette œuvre s’apparente à celui de Chabrier et l’écriture savante évoque la patte de Roger-Ducasse...

Candidats au Prix de Rome 1956
Avril 1956, entrée en loge au château de Fontainebleau des six candidats admis à concourir. De gauche à droite : Noël Lancien, René Maillard, Marie-Brigitte Gauthier, Jean Aubain, Jean-Pierre Rivière, Pierre Gabaye.
( coll. René Maillard )

Jean Aubain débute ses études musicales au Conservatoire municipal de sa ville natale auprès de Mlle Lebrout et Jean-François Marandet (solfège), de Mme Doussou, M. Donadou et Mme Paule Carrère Dencausse (piano), d'André Gendreu (contrepoint et fugue), de Julien Vaubourgoin (harmonie, composition) et de Henri Guiraud (musique de chambre). Dans cet établissement, il récolte plusieurs 1er Prix : piano, contrepoint, fugue, composition. Sur les conseils de Roger-Ducasse, rencontré à Bordeaux à la fin des années quarante, après le travail d’écriture qu’il lui fait faire et qui le marquera, Jean Aubain entre au Conservatoire de Paris, où il suit notamment les classes de fugue et de contrepoint de Simone Plé-Caussade, d'analyse esthétique d'Olivier Messiaen, et de composition de Tony Aubin. C'est ce dernier qui l’amène à se présenter au Concours de Rome. Second Prix en 1952 et en 1955, il décroche le premier Grand Prix l’année suivante avec la cantate Le mariage forcé de Charles Clerc ("scène lyrique d'après Molière"). Geneviève de La Salle, dans la revue Musica [n° 38, mai 1957] commente cette oeuvre en ces termes : «L'argument en est l'aventure de Sganarelle, désireux d'épouser Dorimène. Mais l'attitude de celle-ci, bien décidée à jouir dans le mariage d'une entière liberté, lui fait concevoir des doutes sur la certitude de son bonheur... II consulte inutilement des voisins, entre autres (et, dans le livret, le seul) un philosophée pyrrhonien, en la personne duquel Molière se proposait de ridiculiser les doctrines fanatiques de l'époque. Ce dernier, mettant en doute la réalité de tout, se fait rouer de coups par Sganarelle exaspéré. De plus en plus perplexe et hésitant celui-ci se voit imposer le mariage par Dorimène et sa famille, et, sous peine de se voir trancher la gorge par le frère de sa belle, doit enfin se résigner à convoler. [...] Et la truculence des thèmes a l'aide desquels [Jean Aubain] dépeint Sganarelle et le docteur Marphurius, ainsi que les fusées de la belle Dorimène sont dans la meilleure tradition française, depuis les parodies de l'ancienne foire Saint-Germain, jusqu'à Hervé, Bizet et Charles Lecoq, c'est-à-dire l'art "bouffe" par excellence, exactement ce que réclame la pièce de Molière, du genre "farce" le plus pur.» Entre temps, il a le privilège d’être choisi, avec neuf autres candidats, pour faire partie de la 25ème promotion artistique (1954-1955) de la Casa Velasquez de Madrid. Il part ensuite à la Villa Médicis à Rome au début de l’année 1957 et ne revient à Paris qu’en juin 1960. De cette époque datent son Air de ballet pour hautbois et piano (Leduc, 1958), un choeur à 4 voix mixtes : Le joli Printemps, écrit sur une poésie de Maurice Fombeure (Nice, Delrieu, 1958) et une Marche et scherzo pour trompette ut ou si bémol et piano (Leduc, 1958)..

En 1963 Jean Aubain succède à Raymond Gallois Montbrun à la tête du Conservatoire de Versailles. Ce dernier avait lui-même remplacé en 1957 Jean Hubeau, parti au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris. En septembre 1996 Jean Aubain prend sa retraite, laissant son poste de directeur à Paul Méfano. Il est décédé à Versailles le 28 décembre 2015 dans la maison de retraite Saint-Louis. Il avait en effet rejoint cet établissement quelques années auparavant, après avoir longtemps résidé dans un appartement situé au 4e étage du 2 rue Maurepas, proche du Parc de Versailles. A propos de son logement, il avait été l'une des victimes de la tempête de décembre 1999 qui, heureusement, n'avait subi que des dégâts matériels. Il nous avait relaté les faits avec son humour habituel : « ...habitant en face du Parc, deux des cheminées de l'immeuble (en face du bassin de Neptune) se sont écroulées sur ma tête. Il a fallu attendre 10 mois, je m’occupais surtout de bien placer les bassines (20 avec le grenier) et de les vider. C'est dire l'effroyable désordre qui s'en est suivi ! »

Pédagogue, Jean Aubain n’a cependant jamais cessé de composer. Nous lui devons ainsi de nombreuses pages écrites dans la plus pure tradition de l’école française, avec une nette prédilection pour la musique de chambre : Deux études pour contrebasse et piano, pour le concours du CNSMP (Leduc, 1961),Deux études pour hautbois et piano pour le concours du CNSMP (Rideau rouge, 1967), Trois études pour instruments à percussion et piano pour le concours des Conservatoires régionaux de France, degré supérieur(Leduc, 1968), Aria, scherzo et final pour trombone et piano, pour le concours du CNSMP (Leduc, 1969), Sonatine pour cor et piano, pour le concours du CNSMP (Choudens, 1971), Sonatine pour cornet à pistons et piano, pour le concours du CNSMP (Choudens, 1971), Thème et variations pour saxhorn-basse si bémol ou tuba ou trombone basse et piano (Amphion, 1975), Suite pour percussion et piano (Amphion, 1978), Pastorale et scherzo pour clarinette et piano (Amphion, 1979), Trois Notations pour guitare (1983), Concerto pour clarinette et orchestre, avec réduction pour clarinette et piano qui fut au programme du Concours international du Festival de musique de Toulon en 1985 (Billaudot, 1985), 1er Recueil d’œuvres pour trompette et piano : degré débutant (Billaudot, 1986), Invention sur B.A.C.H. pour violoncelle (1994), des Variations pour violoncelle seul (Versailles, Armiane, 1997), Aria pour violoncelle et piano (Ariane, 2007), Adagio et Scherzo pour violon (2007-2008), Psaume II : « Pourquoi des nations en désordre », « Pourquoi ce vain grondement de peuples » pour percussion (2007-2008)...

La maison de disques Quantum (éditeur : Dom disques) a sorti en 1992 un CD intitulé : " Œuvres françaises pour trompette et piano de Enesco, Aubain, Lantier, Hubeau et Schmitt ", interprétées par Dimitri Vassilakis et Pascal Vigneron.

Denis HAVARD DE LA MONTAGNE

CONCERT ANNIVERSAIRE A JEAN AUBAIN

Samedi 2 février 2008, 18h30
Auditorium du Conservatoire de Versailles
24 rue de la Chancellerie, 78000 Versailles (tél. 01 39 50 24 53)
conservatoire@mairie-versailles.fr - www.versailles.fr

¤

Pastorale et scherzo pour clarinette et piano (1979), Jean Aubain
Dalia Levi-Minzi et Christine Rouault

Invention sur B.A.C.H. pour violoncelle (1994), Jean Aubain
Laure de Longevialle

Variations pour violoncelle (1994), Jean Aubain
Barbara Marcinkowska

Homenaje pour guitare, hommage à Claude Debussy (1920), Manuel de Falla
Christian Chanel

Trois Notations pour guitare (1983), Jean Aubain
Christian Chanel

Hommage aux Pink Floyd pour guitare (1973), Jacques Castérède
Christian Chanel

Deux Esquisses pour piano (1917) Roger-Ducasse
Christine Rouault

Adagio et Scherzo pour violon (2007-2008), Jean Aubain
Jezdimir Vujicic

Psaume II pour percussion, "Pourquoi ces nations en désordre",
"Pourquoi ce vain grondement de peuples!" (2007-2008), Jean Aubain
MeiLi Chuang-Gualda


Pierre GABAYE (1930-2019)

Pierre Gabaye
( avec l'aimable autorisation du compositeur )

Compositeur d’un éventail d’œuvres en tout genre allant de la valse musette (Patinage) au poème symphonique (Noquimé), en passant par des œuvres lyriques, des pièces instrumentales et des pages éducatives, Pierre Gabaye, passionné de voyages et d’expéditions dans les pays polaires et les terres volcaniques, ne se veut rattaché à aucune école, ni courant, quoique fidèle au style classique et tonal. Né le 20 février 1930 dans le douzième arrondissement parisien, où son père Maurice était fondé de pouvoir du journal Le Figaro, il vécut longtemps au Vésinet (Yvelines). Il y fréquenta l’école communale avant de rejoindre le Conservatoire de national supérieur de musique de Paris, où il fut notamment l’élève de Simone Plé-Caussade et de Tony Aubin. Il remporta les Prix d’harmonie, contrepoint, fugue et composition, et en 1956 obtenait un premier Second Grand Prix de Rome avec la cantate Le Mariage forcé (Molière). Commençait alors une longue carrière de musicien, qui dès le départ était couronnée de succès : 1er Prix de composition au " Concours des moins de 20 ans " organisé par Le Guide du Concert, deux fois 1er Prix au " Concours de musique symphonique légère " organisé par la RTF en 1955 et 1956, 1er Prix au " Concert référendum Pasdeloup " (public et jury) en 1956, 1er Prix de piano au " Concours international de jazz " organisé par la revue Jazz-hot.

Longtemps cadre de production musicale à Radio-France où il était responsable du service de musique légère entre 1975 et 1990, et professeur attaché au Conservatoire du Vésinet, Pierre Gabaye a pris récemment une retraite bien méritée qu’il partage avec son épouse en Savoie, région qu’il affectionne plus particulièrement et dont la beauté des paysages est source d’inspiration musicale.

Signature autographe de Pierre Gabaye
( Coll. D.H.M. )

Son activité de compositeur se situe principalement dans les années cinquante et soixante, même si quelques ouvrages ont été composés un peu plus tard, son dernier numéro d’opus étant une Marche pommarde pour orchestre d’harmonie, écrite en 1988. Dès la fin des années cinquante ses œuvres étaient au programme des concerts parisiens. C’est ainsi que le 1er février 1959, Salle Gaveau, le public découvrait en première audition par les Concerts Oubradous (Jean-Pierre Rampal à la flûte et Huguette Fernandez au violon) sa Symphonie Concertante pour flûte, hautbois, cor, basson et quintette à cordes, écrite en automne 1958 sur commande du Ministère de l’Education nationale et composée de 3 mouvements : Vivace (construit sur deux thèmes joyeux), Andante (longue mélodie mélancolique), Presto (final plein de fougue qui rappelle le premier mouvement). Dans cette même salle de concerts, le 27 avril , on pouvait cette fois-ci découvrir, interprétée par les Concerts Chouteau, sa Musique pour un ballet supposé, qui, selon l’auteur lui-même, est une suite d’orchestre en 4 parties, dont le style de demi-caractère lui a inspiré le titre et les sous-titres. A l’origine écrite pour un orchestre de chambre de 23 musiciens, cette œuvre avait déjà été créée au printemps 1958 par Radio-Limoges. Réinstrumentée par la suite, principalement par l’adjonction de nouveaux instruments à vent, c’est cette version que pouvait entendre le public parisien avec ses 4 mouvements : Ouverture (présentation des personnages), Nocturne (scène au bord d’un lac), Marche des forains, Finale. Le 30 avril, à la Salle Berlioz de la rue de Madrid, c’était sa Boutade pour trompette (Otto Ketting) que les lauréats du Conservatoire de La Haye jouaient lors d’un " Concert d’échange "... On doit également à Pierre Gabaye de nombreuses autres partitions, dont notamment une Récréation pour trompette, cor, trombone et piano, une Suite Catovienne, une Suite SNCF (son 1er numéro d’opus en 1955), un Feu d’Artifice... et bien d’autres pages : Images Siciliennes, La Ruche magique, Noquimé... Le catalogue chronologique ci-après, donne un aperçu de l’œuvre variée de Pierre Gabaye, bien que n’ont été retenues ici que ses principales compositions. Il est en outre l’auteur d’autres ouvrages signés de ses différents pseudonymes, qui ne figurent pas sur ce relevé.

Discret, fuyant les honneurs et les distinctions, Pierre Gabaye est un digne représentant de cette musique française du XXe siècle, même si la notoriété ne l’a pas encore rejoint.

Pierre Gabaye est décédé le 1er novembre 2019 à Chamonix (Haute-Savoie) à l'âge de 89 ans et a été inhumé au cimetière du Vésinet (Yvelines).

Denis HAVARD DE LA MONTAGNE 1

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1) Nous tenons à remercier ici le compositeur pour son aimable collaboration à la rédaction de cette notice. [ Retour ]

 

CATALOGUE CHRONOLOGIQUE
(ŒUVRES PRINCIPALES)

* Suite SNCF, orchestre à cordes (inédit), 1955
* Noquimé, grand orchestre (inédit), février 1955
* Images siciliennes, orchestre (Peermusic), 1956
* Le Mariage forcé, cantate sur une scène de Molière, soprano, baryton, basse et orchestre (Billaudot), avril 1956
* Suite Catovienne, orchestre (EFM), 1956
* Sonatine Piano Hautbois, piano et hautbois (Leduc), 23 mars 1956
* Scherzo Rhapsodie, orchestre (Billaudot), novembre 1956
* Rivages, orchestre (inédit), mai 1956
* Violons mistral, orchestre (EFM), janvier 1957
* La ruche magique, orchestre et récitant, texte de G. Arbeau Bonnefoy (inédit), novembre 1957
* Fjords, orchestre à cordes (Peermusic), 1958
* Boutade, piano et trompette (Leduc), 1957
* Complainte, piano et trombone (Leduc), 1957
* Etude pour rire, piano et flûte (Leduc), 1957
* Toccatina, piano et basson (Leduc), 1957
* Récréation, trompette, cor, trombone, piano (Leduc), mars 1958
* Galop, orchestre (EFM), novembre 1958
* Suite Gauloise, orchestre d’harmonie, cellos et contrebasse (EFM), février 1959
* Sérénade de Printemps, piano et cor (Leduc), 1959
* Printemps, piano et soprano (Leduc), 1959
* Sonatine Piano Clarinette, piano et clarinette (Leduc), 1959
* Tubabillage, piano, tuba, trombone basse, saxhorn, contrebasse (Leduc), 1959
* Quintette, flûte, hautbois, clarinette, cor, basson (Leduc), novembre 1959
* Maghreb, orchestre (inédit), décembre 1959
* Symphonie Concertante, flûte, hautbois, cor, basson et orchestre de chambre (Leduc), 1960
* Sonatine Piano Trompette, piano et trompette (Leduc), 1961
* Suite RTF, orchestre (inédit), mars 1962
* Sonate Flûte Basson, flûte et basson (Leduc), 1962
* Les Armes de la nuit, orchestre, texte de Vercors (inédit), 26 avril 1964
* Trois aubades, 4 clarinettes (inédit), septembre 1964
* Feu d’artifice, trompette, orchestre et piano (Leduc), 1964
* Mylou " Concerto Harpe ", harpe et orchestre de chambre (Leduc), 1965
* Joyeuses vacances, orchestre (Ahn et Simrock), 1965
* Légende de Marguerite Myvatn, orchestre (Crescendo Berlin), 1965
* Etude de concert, accordéon (Leduc), 1966
* Récital Express, deux pianos (Leduc), 1968
* Spécial pour trombone, piano et trombone (Leduc), 1969
* Quatre pièces tonales, 4 trombones (inédit), mars 1971
* Fleurs de Printemps, orchestre (Ahn et Simrock), 1971
* Pièces tonales (6), piano (Billaudot), 1971
* Les douze tons, piano, harpe et percussion (inédit), 15 janvier 1972
* Marche pommarde, orchestre d’harmonie (Leduc), 1988

 


1957

Alain BERNAUD (1932-2020)

Alain Bernaud
Alain Bernaud, 1969
( Photo X..., coll. A. Bernaud )

Alain Bernaud est né le 8 mars 1932 à Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), d'un père polytechnicien, bon violoniste et altiste, et d'une mère jouant du piano. Celle-ci était la fille de Marcel Chadeigne qui fut autrefois chef des chœurs à l'Opéra de Paris, mais également bon pianiste et accompagnateur recherché. C'était aussi un excellent déchiffreur et réducteur de partitions d'orchestre. Il avait été l'un des fondateurs, au début des années 1900, du groupe "Les Apaches", dont le thème de ralliement était, sifflé, la première phrase de la 2ème Symphonie de Borodine. Parmi ses membres qui se réunissaient chaque semaine chez le peintre Paul Sordes, rue Dulong, puis chez Maurice Delage, rue de Civry, figuraient Maurice Ravel, Déodat de Séverac, Florent Schmitt Paul Ladmirault, Emile Vuillermoz, Désiré Inghelbrecht, Ricardo Vinès, Calvocoressi, Igor Stravinsky,Tristan Klingsor, Léon-Paul Fargue...

Alain Bernaud, en 1957
En 1957, au clavier du piano Pleyel qui avait été offert en 1896 à son grand-père Marcel Chadeigne pour son 1er prix de piano au Conservatoire de Paris
( coll. Alain Bernaud ) DR

Ceci explique que, à l'instar d'Obélix, le jeune Alain soit "tombé dedans" quand il était petit et que tout lui ait semblé facile par la suite. Un bon pianiste, Jacques Lamy, ami de la famille, auquel on doit quelques pages pour piano (Deux pièces dans un style ancien, Première Mazurka, Toccatina, 3 Silhouettes du grand siècle : L'indiscrète, La dolente, La gracieuse, éditées chez Philippo et Lemoine) avait entrepris très tôt d'enseigner la musique au jeune gamin, si bien qu'à l'âge de trois ans ce dernier connaissait l'accord "triton" (quarte à 3 tons complets), appelé parfois "quarte diabolique", et était même capable de le retrouver sur le clavier à la demande...

Durant les années 40, Georges Mouveau, peintre décorateur à l'Opéra de Paris, beau-frère de Marcel Chadeigne et bon violoncelliste, participait en famille et chaque semaine à des séances de quatuor à cordes au cours desquelles tout le repertoire classique et romantique était passé au crible ; bien entendu Alain n'en perdait pas une bouchée. Il avait même, devant l'impossibilité d'en trouver la partition écrite, transcrit d'après le materiel les quatre mouvements du quatuor de Jacques Ibert, tellement cette œuvre le fascinait.

Pendant cette même période, il suivait avec d'autres membres de sa propre famille, des cours de musique de chambre que donnait l'épouse, bonne violoniste, du dessinateur André Marty. Ces cours furent ensuite pousuivis par Amy Dommel-Diény, ce qui lui donna le bonheur de connaître en profondeur une bonne partie du répertoire trios, quatuors et quintettes avec piano, les trésors de la musique de chambre de Mozart à Ravel.

Le reste se passa sans anicroche, avec l'évidence d'une route toute tracée : arrivé à Paris en 1938, il débute le piano et le solfège avec Marie-Louise Boëllmann, écrit bientôt son 1er opus (un quatuor à cordes pour la famille), puis rentre au CNSM de Paris, alors dirigé par Claude Delvincourt. Il fréquente tout d'abord la classe de solfège spécialisé de Lucette Descaves, ou il retrouve Michel Legrand, Roger Boutry, Jean Michel Defay et Alain Weber, puis entre dans les classes de piano de Jules Gentil, où il obtient une 1re  médaille, d'harmonie de Jacques de La Presle (1er prix), de contrepoint et fugue de Noël Gallon (1re médaille et 1er prix), et enfin de composition de Tony Aubin (1er prix en 1953 avec une Ouverture pour 2 pianos et des mélodies sur des poèmes d'Albert Samain et Charles Baudelaire). En 1957, Alain Bernaud décroche le premier Grand Prix de Rome avec la cantate La Fée Urgèle, écrite sur des paroles de Françoise des Varennes d'après Théodore de Banville. C'est ensuite un long séjour de 40 mois à la Villa Médicis, durant lequel il écrit un Quatuor pour saxophones (Durand), 6 mélodies : Les Chants de la jungle pour baryton et orchestre à cordes sur des poèmes de Rudyard Kipling, une Fantaisie en mi pour orgue, une Messe brève pour chœur mixte et orgue, une Symphonie, une Ouverture pour orchestre de chambre, un Nocturne pour orchestre à cordes et Sept Rubaiyat (mélodies) pour soprano et flûte sur des poèmes de Omar Khaiiam.

De retour en France en 1961, Alain Bernaud entame une carrière de compositeur qui l'amène à écrire des partitions pour des films de court ou long métrage et pour la télévision, notamment pour la série de films documentaires et historiques de Jean Chérasse "Présence du passé". Parmi ses nombreuses pages de musiques de films, citons Rien ne va plus de Jean Bacqué (1963), L'Homme de désir de Dominique Lelouche (1969), La Grande cabriole de Nina Campanez (1989), les séries des feuilletons télé Le Trésor des 13 maisons (1961, 13 épisodes), Francis au pays des grands fauves (avec Antoine Duhamel, 1967, 55 épisodes), L'Homme de l'ombre (1968, 6 épisodes), Valmy (1968, 3 épisodes), et les courts-métrages documentaires De la Perse à l'Iran (1962), Yalta ou le partage du monde (1965), Nadar (1968) ainsi que les courts-métrages de fiction : Suzanne et le cambrioleur (1963), Les Sœurs Barenton (1968) et Une petite histoire un peu triste (1978)... Mais ces musiques n'occupent en réalité qu'une partie de son important catalogue commencé voilà plus d'un demi-siècle et qui comporte principalement, en dehors de quelques pages pour la voix, des oeuvres instrumentales : piano, musique de chambre, orchestre.

Parallèlement à ses activités créatrices, Alain Bernaud s'adonne à l'enseignement, tout d'abord comme professeur de solfège pour les instrumentistes au CNSM de Paris, et un peu plus tard, en 1971, comme professeur d'harmonie dans ce même établissement. En 1999, il prend sa retraite et se retire en Bretagne nord, continuant à composer tout en mettant en ordre sa production existante. Il a actuellement en projet (2006) la composition d'un Requiem pour chœur et orchestre, et la rédaction d'un ouvrage pédagogique concernant un recueil de Basses données dans le style de J.S. Bach pour l'étude du contrepoint fugué.

Alain Bernaud est décédé le 5 décembre 2020 à Lanvollon (Côtes d'Armor), à l'âge de 88 ans. Ses obsèques ont été célébrées le 10 décembre au crématorium de Saint-Brieuc.

A.B. et D.H.M.


Alain Bernaud
Au pupitre de chef d'orchestre, 1957
( coll. Alain Bernaud ) DR

OEUVRES PRINCIPALES IMPRIMÉES :

Sonate pour violon et piano (1951)
Ouverture à la française, 2 pianos (1953)
Concerto lyrique, clarinette et orchestre (Leduc, 1955)
Récitatif et air, clarinette et piano (Leduc, 1957)
Capriccio rustique, hautbois et piano (Leduc, 1958)
Nocturne, pour orchestre à cordes (1959)
Messe brève pour chœur mixte et orgue (Kercoz, 1960)
Concertino da caméra, basson et orchestre à cordes (Ricordi 1962)
Pavane et Saltarelle, trompette et piano (Ricordi, 1963)
Humoresque, tuba (ou saxhorn si bémol ou violoncelle) et piano (Max Eschig, 1964)
Diptyque, pour hautbois et piano (Leduc, 1965)
Cadence pour le Concerto de piano K.491 de Mozart (Musimage, 1965)
D'une extrême gravité, 2 pièces pour contrebasse et piano (Leduc, 1966)
Trois pièces pour les percussions (Rideau Rouge, 1967)
Contrastes, alto et piano (Rideau Ronge, 1968)
Réversibilité, violon et piano (concours J. Thibaud 1969, Rideau Rouge)
Phantasmes, clarinette et piano (Rideau Rouge, 1970)
Obliques, violoncelle et piano (Rideau Rouge, 1972)
Incantation et danse, flûte et piano (Rideau Rouge, 1973)
Magyar, violon et piano (concours J. Thibaud 1973, Rideau Rouge)
Sonate pour les deux saxophones, soprano et baryton (Combre, 1974)
Quatuor pour saxophones (Rideau Rouge, 1974)
Le jardin de Gabriel, 6 évocations pour violon et piano (1975)
Scherzo, cor et piano (Max Eschig 1975)
Hommage au capitaine Fracasse, percussions et piano (Rideau Rouge,1976)
Final pour saxophone alto et piano (Choudens, 1977)
Hallucinations, basson et piano (Peermusic - E.M I., 1978)
Crescendo, pièces progressives pour les jeunes pianistes (Kercoz, 1979)
Etude-expression, pour quintette avec clarinette (1979)
Exponentielles, trombone ténor et piano (E.M.I,. 1980)
Variations pour hautbois et piano (Billaudot, 1981)
Rhapsodie pour saxophone alto et piano (Choudens, 1984)
Dies irae Deus misericordiae (Kercoz, 1986)
Le Miroir d'Euterpe, 49 préludes pour quatuor à cordes (Kercoz, 1990)
Catalyses, rhapsodie pour piano (Kercoz, 1997)
Cinq pièces pour quatuor de violoncelles, en hommage à Howard Buten (Kercoz, 2000)
Variazioni Napoli, clavecin baroque (Kercoz, 2004)
Quatre mouvements pour trois archets et douze cordes, trio à cordes (Kercoz, 2005)
Partita pour violoncelle solo (Kercoz, 2005)
La flûte Greco Romaine, 7 pièces de difficulté progressive pour flûte et piano (2008)
Cinq pièces faciles pour guitare (2009)
Cinque intermezzi per piano solo (2009)
33 Basses données pour l'étude du contrepoint fugué (2009)
Suite archaïque, pour hautbois, basson et trio à cordes (2010)
Figures de style ou le Clavier bien partagé, 50 pièces pour piano à quatre mains(2010)
FagKonzert, pour basson et orchestre à cordes (2012)

Jacques Ibert, Alain Bernaud et Tony Aubin (1957)
Jacques Ibert serrant la main d'Alain Bernaud, en présence de son professeur de composition Tony Aubin,
à l'issue du Concours de Rome en 1957
( coll. Alain Bernaud ) DR
 

Pierre Rivière
Jean-Pierre Rivière
( collection Gérard Rousseau )
Jean-Pierre RIVIÈRE (1929-1995)

Compositeur talentueux, lorsque son opéra en un acte intitulé Pour un Don Quichotte [Per un Don Chisciotte] (édit. Ricordi) fut créé en première mondiale à la Piccola Scala de Milan, le 12 mars 1961, les critiques italiens, unanimes dans leurs éloges, n’hésitèrent pas à comparer la musique de Jean-Pierre Rivière à celle de Ravel. Sans doute songeaient-ils à L’Heure espagnole, comédie en un acte dans laquelle Ravel a su si bien composer une musique qui souligne et accompagne admirablement le texte sans l’écraser, et dont la ligne mélodique suit naturellement le déroulement de l’action et le débit des paroles. Dix rappels d’ailleurs saluèrent cette création ce soir là et parvinrent à peine à satisfaire un public enthousiaste. Denise Duval (soprano), Gabriel Bacquier (baryton) et Gianni Oncina (ténor) figuraient à l’affiche, sous la direction du chef italien Nino Sanzogno, créateur notamment des opéras David de Milhaud (1954), L’Ange de feu de Prokofiev (1955) et du Dialogue des Carmélites de Poulenc (1957).

Né le 22 juillet 1929 à Mérignac (Gironde), il fit ses études secondaires au Lycée Montesquieu de Bordeaux, avant de rejoindre le Conservatoire national supérieur de musique de Paris. Elève de Jean Gallon et Henri Challan (harmonie), Noël Gallon (contrepoint et fugue), Nadia Boulanger (accompagnement), Tony Aubin (composition), Olivier Messiaen (analyse), Roland Manuel (esthétique, pédagogie musicale), Norbert Dufourcq (histoire de la musique) et Louis Fourestier (direction d’orchestre), il remporta les premiers prix d’harmonie (1951), de fugue (1952) et de composition (1957). Dès 1954 Jean-Pierre Rivière concourait pour le Prix de Rome de composition musicale, pour lequel il fut récompensé en 1956 par un deuxième Second Grand Prix, puis l’année suivante par un premier Second Grand Prix. Cette année-là, au château de Fontainebleau, la mise en loge du concours d’essai dura du 28 au 30 avril, et celle du concours définitif du 6 mai au 8 juin.

Durant cette même période Jean-Pierre Rivière séjournait deux années (1956-1957) à la Casa Velasquez de Madrid. Cette 27ème promotion artistique accueillait également les peintres Françoise Boudet, Claude Dechézelle, Robert Leboucher, Jean Le Merdy et Pierre Olivier, et les graveurs Jean-Marie Estèbe et Edouard Righetti. La Casa de Velazquez, fondée en 1920, est une Ecole française à l’étranger, au même titre que l’Ecole française de Rome, l’Ecole française d’Athènes, l’Institut d’archéologie orientale du Caire, et l’Ecole française d’Extrême-Orient. De nos jours, elle accueille dans sa section scientifique 18 chercheurs, et dans sa section artistique, 13 artistes. Jean-Pierre Rivière pouvait ainsi bénéficier de ce cadre propice au développement d’échanges et à la création artistique relative au monde ibérique. Le pays de Cervantes lui a ainsi inspiré en 1957 une symphonie intitulée Les Sorcières du Pré au Bouc, sous-titrée " Hommage à Goya ". Henry Barraud, après avoir assisté à la création le 7 mars 1959, à la Salle Pleyel (Paris), du premier mouvement (El Aquelarre) par les Concerts Pasdeloup, écrivait dans " Le Guide du Concert " :

" La volonté de marquer son passage en Espagne, cette terre de sable et de soleil, si riche de passé, et l’impression produite par les toiles extraordinaires de Goya, ont tout de suite décidé Jean-Pierre Rivière à la composition d’un ouvrage sous forme d’un " Hommage à Goya ". Cette symphonie devait prendre prétexte de trois ou quatre tableaux de l’illustre peintre espagnol. Le premier mouvement porte le titre d’une des toiles qui décoraient la Casa del Campo, maison de campagne de l’artiste. Aujourd’hui, nous pouvons admirer cette série fantastique où les plus affreuses sorcières effectuent un Sabbat autour du " Grand Bouc ", au Musée du Prado. Un tragique accident a interrompu la suite de cette œuvre, et seul le premier mouvement est achevé. Malgré cet empêchement, l’auteur espère bien terminer son " Hommage à Goya " dans les mois qui viennent et le présenter dans sa forme définitive ".

Jean-Pierre Rivière à son retour d’Espagne se consacra ensuite à l’enseignement de l’écriture musicale dans plusieurs conservatoires. Il débuta par celui de Bordeaux (1959-1960), avant d’être appelé par François Bernier à celui de Québec où il séjourna durant une année scolaire (1967-1968), puis dirigea l’Ecole nationale de musique de Maçon en 1983-84, et plus tard l’Ecole départementale de musique de Haute-Saône en 1989-1990. Mais c’est principalement au C.N.R. de Nancy, où il fut appelé en 1980, qu’il put former de nombreux élèves à cet art si difficile et pourtant si nécessaire qu’est l’écriture, au cours des 12 années passées dans cet établissement. Parmi ceux-ci notons le jeune compositeur Pierre Thilloy.

N’abandonnant pas pour autant la composition, Jean-Pierre Rivière a composé de la musique de chambre et d’orchestre, parmi lesquelles certaines œuvres furent créées lors de festivals, et d’autres écrites sur commandes du Ministère de la culture et du CNSM. On trouve ainsi dans son catalogue une Rapsodie pour trombone et piano (Billaudot, 1984), une pièce pour tuba et piano tout simplement intitulée Ré mineur (Eschig, 1979), Tenroc pour cornet si bémol ou trompette ut (ou si bémol) et piano (Eschig, 1982), Burlesque (Leduc), Divertimento, Le Chevalier Kurt, Concertino-Sax, Variations... et également une fresque dramatique et musicale en trois tableaux, Géronimo, écrite sur commande Ministère de la culture pour le quintette à vent " Le Concert impromptu ". Dans un style proche de celui de Honegger, Jean-Pierre Rivière a voulu ici raconter la tragédie d’un apache, la vie et la mort d’un peuple, la vie et l’amour de la vie. Cette adaptation des " Mémoires de Géronimo " retrace admirablement le récit de l’œuvre, le compositeur ayant voulu écrire une histoire " aux sons faits de vents et de grands espaces, du bruit de percussions comme ceux des transes pures et sauvages ". L’originalité de cet opéra célébrant le 500e anniversaire de la découverte de l’Amérique, consiste notamment en une participation active des musiciens au spectacle musical, qui sont amenés à parler, crier, chanter, le tout formant un " enchevêtrement de texte et de musique ". Interrogé par un journaliste lors de la création de sa partition le 2 août 1992 au Festival d’Avignon, Jean-Pierre Rivière précisait que " ...cette petite histoire simple a tellement de points communs avec les grandes tragédies grecques, parfois pleines de bruits et de fureur et qui retombent enfin apaisées, où le héros vaincu se révèle vainqueur et même à terre, n’est jamais véritablement battu ". Jouée dans la collégiale de Bollène par " Le Concert impromptu ", composé d’Yves Charpentier (flûte), Anne Chamussy (hautbois), Christophe Tessier (basson), Hervé Cligniez (clarinette) et Didier Velty (cor), la tragédie Géronimo reçut les honneurs de la presse qui n’hésita pas à la qualifier " d’œuvre de génie ".

En 1992, une alerte cardiaque obligea Jean-Pierre Rivière a ralentir ses activités et a abandonner l’enseignement. Mais ce qui coûta le plus à cet homme actif, qui était également un grand voyageur intéressé par toutes formes de l’art, fut d’être contraint d’abandonner également l’une des plus belles œuvres de sa vie : un centre culturel en plein essor. En 1987, aidé par l’architecte Gérard Rousseau, Jean-Pierre Rivière avait pu réaliser un vieux rêve, l’ouverture du " Centre International l’Ermitage-Luthézieu ", situé sur la commune de Belmont-Luthézieu, département de l’Ain. Ce centre organisait des concerts et proposait également des stages de musique. Sa notoriété ne faisait que croître au fil des sessions, mais, hélas, au bout de 5 ans il dut fermer ses portes pour raison de santé ! Remo Vescia, l’ancien directeur de communication chez I.B.M., chargé de mission pour le mécénat auprès du Ministère de la culture, qui pense que le mécénat trouve sa cohésion et son sens dans les valeurs humanistes et humanitaires, expose longuement l’action du Centre International l’Ermitage-Luthézieu dans son ouvrage " Le Mécénat ", publié en 1987 par l’éditeur Economica.

Le 17 novembre 1995 dans le T.G.V à Montpellier, Jean-Pierre Rivière s’éteignait d’une crise cardiaque, laissant le souvenir d’un artiste de qualité et d’un homme de cœur.

Denis HAVARD DE LA MONTAGNE


1958

Noël LANCIEN (1934-1999)

Noël Lancien
( Avec l'aimable autorisation de Mme Jeannine Lancien )

Noël Lancien (1934-1999), tout d'abord élève à la Maîtrise de l'ORTF (1945), fit ensuite ses études au CNSM, à partir de 1948, auprès de Melle Dieudonné (solfège), Henri Challan (harmonie), Simone Plé-Caussade (contrepoint, fugue, pédagogie musicale), Olivier Messiaen (analyse musicale), Louis Fourestier (direction d'orchestre) et Tony Aubin ainsi que Darius Milhaud pour la composition. Il obtint en 1958 un Premier Grand Prix de Rome pour son opéra en un acte Une mort de Don Quichotte. Après avoir effectué son séjour à la Villa Médicis, il était nommé en 1964 directeur du CNR de Toulouse, où il créait notamment la classe d'orgue avec Xavier Darasse. En 1970, il prit la tête de celui de Nancy, où là encore il fondait de nouvelles classes tout en dirigeant parallèlement l'Orchestre Symphonique. Il prenait sa retraite en 1997. Noël Lancien laisse un catalogue d'œuvres que certains qualifient de "plaisantes et délicates". Notons parmi celles-ci des pièces de musique de chambre, des chœurs, des scènes lyriques et des pages pour piano, pour trompette ou encore pour guitare. Marié à la fille de la pianiste Germaine Thyssens-Valentin, il laisse quatre enfants qui tous ont fréquenté le CNR de Nancy, avant de faire une carrière dans la musique.

Denis Havard de la Montagne

Article plus détaillé et catalogue des principales oeuvres


Marie-Brigitte GAUTHIER-CHAUFOUR (1928-2001)

Marie-Brigitte Gauthier-Chauffour
Marie-Brigitte Gauthier
( collection Jacques Gauthier )

Mère de quatre enfants et grand-mère de treize petits-enfants, Marie-Brigitte Gauthier a choisi la voie familiale, au fil des années, car la composition musicale réclame une si grande présence de temps et de pensées qu’elle est difficilement conciliable avec les tâches d’une mère de famille. Elle n’a cependant jamais abandonné complètement la musique qui représente une grande partie de sa vie.

Née Marie-Brigitte Chaufour le 31 août 1928 à Paris, elle s’adonne dès l’âge de 5 ans à la musique et apprend le violon auprès de Simone Filon, dédicataire en 1923, avec sa sœur Madeleine, de la Sonate en fa dièse mineur (éd. Sénart) de Mel Bonis. A l’âge de 14 ans, elle intègre la classe de solfège d’André Asselin au Conservatoire national supérieur de musique de Paris et obtient une médaille de solfège en 1946. Cette même année, elle rentre dans la classe de violon de René Benedetti et est récompensée à la fin de l’année scolaire par un premier accessit. Puis c’est un Premier prix d’harmonie obtenu en 1953 chez Henri Challan et deux autres Premiers prix de contrepoint et de fugue l’année suivante chez Noël Gallon. Sous la houlette d’Henri Büsser, elle prépare alors le concours de Rome et en 1958 décroche un deuxième Second Grand Prix, avec sa cantate Une mort de Don Quichotte, écrite sur un texte de Randal Lemoine.

Bien que très prise par sa vie familiale, Marie-Brigitte Gauthier n’arrêta pas pour autant les études musicales. Une fois ses études terminées au C.N.S.M., elle se mit alors à apprendre l’orgue et fréquenta la classe de Suzanne Chaisematin à l’Ecole normale de musique. En 1975 elle en sortait un diplôme d’exécution en poche.

Signature autographe de Marie-Brigitte Gauthier
( Coll. D.H.M. )

Même, si comme nous l’avons souligné cette musicienne n’a pas mené la carrière artistique à laquelle elle pouvait assurément prétendre, elle s’en est pas moins livrée quelque peu à la composition. On lui doit en effet un Concerto pour violoncelle et orchestre, qui fut donné le 3 mars 1956 à la Salle Pleyel, lors d'un " Concert referendum " des Concerts Pasdeloup, par Jacques Michon (direction) et Bernard Michelin (violoncelle)1, un Quatuor à vents, deux Messes : l’une écrite en 1964 et l’autre pour la célébration du mariage (1969), un morceau de concours pour l’épreuve de contrebasse du C.N.S.M., une musique pour illuster un film technique de la Société Dumez, et de nombreuses mélodies.

Violoniste, organiste, compositeur et présidente du jury du Concours Bellan, Marie-Brigitte Gauthier est décédée le 15 juillet 2001.

Denis HAVARD DE LA MONTAGNE

____________

1) Furent également donnés ce jour là Noquimé de Pierre Gabaye, une Symphonie de Ginette Keller et le Requiem gallican de Jacques Canet. On doit à Bernard Michelin l'enregistrement, avec l'Orchestre Philharmonique de Londres, du Concerto pour violoncelle et orchestre de George Barati. [ Retour ]


1959

Croquis d'Alain Margoni par sa mère.
Alain Margoni
( caricature de Mme D. Margoni )
Alain MARGONI (1934)

Musicien polyvalent, ou musicien multicolore comme il aime se définir lui-même, Alain Margoni, qui pratique simultanément plusieurs disciplines, considère que la polyvalence est un signe de vitalité, d’ouverture d’esprit et de courage. Compositeur avant tout, mais aussi musicologue, pianiste, chef d’orchestre, comédien, conférencier, essayiste, il a fréquenté le C.N.S.M. de Paris, l’Ecole du Louvre, la Comédie-Française et a enseigné actuellement l’analyse musicale. Homme courageux, il défend avec conviction ses idées, non sans un certain humour, regrettant que l’enseignement de la composition du Conservatoire, même s’il a « une réputation de sérieux, d’ambition et de haute technicité », ne reflète en réalité « qu’un mince segment de l’activité compositionnelle mondiale. » Son analyse pertinente de l’état actuel de la musique en France se fait encore plus précise avec cette remarque : « Vous avez d’un côté les jeunes compositeurs institutionnels, c’est à dire ceux qui sont en classes de composition, et de l’autre tous ceux qui créent « hors les murs », étudiants en écriture, en improvisation, instrumentistes, jazzmen, etc... »[1]

 

Né le 13 octobre 1934 à Neuilly-Plaisance, près de Paris, Alain Margoni est issu d’une famille où les arts sont vénérés : son père, Eugenio (1903-1979), italien de Porvo (Italie, banlieue de Trente), cordonnier de profession, est aussi un fin musicien et peintre naïf ; sa mère, née Denise Montillier (1911-1987), parisienne montmartroise de naissance, est une artiste peintre et décoratrice de grande renommée issue de l‘Ecole des arts appliqués. Sa sœur cadette, Elisabeth Margoni, née en 1945, ancienne élève du Conservatoire de Paris, se fera un nom comme comédienne et actrice dans le cinéma, la télévision et le théâtre, avec entre autres, parmi sa centaine de rôles sans ces trois domaines le film « Le Professionnel » aux côtés de Belmondo (1981). Mariée à l’acteur de théâtre, cinéma et télévision Yves Beneyton (1946), elle est la mère d’Aurélien Beyneton (1994), issu des Cours Florent et développeur Web.

 

Affiche 1972 - Duo Vocal de Paris
Affiche concert le 13 décembre 1972 à la Salle Rossini (Paris)
avec le Duo Vocal de Paris et Alain Margoni. Quelques semaines après ce concert, la soprano Marion Janson est morte assassinée au Cameroun où elle devait effectuer une série de concerts avec Alain Margoni.
( coll. DHM )

Alain Margoni effectue « de longues et austères » études au Conservatoire national supérieur de musique de Paris : harmonie avec Henri Challan, contrepoint et fugue avec Noël Gallon, direction d’orchestre avec Louis Fourestier, composition avec Tony Aubin, ondes Martenot avec Maurice Martenot, et analyse avec Olivier Messiaen. Après un bref détour par l’Ecole du Louvre, il obtient en 1957 un deuxième Second Prix de Rome avec la cantate La Fée Urgèle, d’après la pièce de Théodore de Banville intitulée « Le baiser », un premier Second Prix l’année suivante, avec la cantate Une mort de Don Quichotte de Randall Escalada, et enfin décroche le Premier Grand Prix en 1959 avec la cantate Dans les Jardins d’Armide, d’après « La Jérusalem Délivrée » du Tasse. C’est la toute-dernière cantate de l’histoire du Prix de Rome, puisque à partir de l’année suivante les candidats devront plancher sur un poème lyrique. S’en suivra un séjour de 4 années à la Villa Médicis dans la Ville Eternelle où il s’imprègne « de la beauté antique et italienne ». Si ce Prix de Rome est à la fois le plus méprisé du monde et le plus admiré, notre musicien se plaît à souligner avec malice que ses plus féroces contempteurs sont bien souvent des candidats malheureux à ce concours redoutable !

 

Durant ses études au Conservatoire de Paris, Alain Margoni reçut les conseils de Florent Schmitt qu’il visitait souvent dans sa maison de Saint-Cloud. Depuis 1950, la famille Margoni s’était en effet installée elle aussi dans une maison de Saint-Cloud, située non loin de celle de Florent Schmitt. C’est par l’intermédiaire de Mme Germaine Henriot-Gounod (1891-1971), petite-fille de Gounod et amie de Florent Schmitt, rencontrée à la chapelle Notre-Dame-des-Airs que les Margoni fréquentaient également, qu’il fut mis en relation avec le compositeur du Psaume XLVII.

 

De retour à Paris, Alain Margoni effectue un séjour de neuf années (1966 à 1974) à la Comédie-Française comme « factotum musical », puis comme directeur de la musique. Il est ensuite nommé au Conservatoire de Paris à une chaire d’analyse musicale, poste qu’il occupe durant deux décennies. Parmi ses nombreux élèves, il convient de citer le chef d’orchestre Fabien Gabel, directeur musical de l’Orchestre Symphonique de Québec depuis 2012. Parallèlement à ces emplois officiels, il exerce de nombreuses autres activités démontrant ainsi une extraordinaire faculté d’adaptation, une énergie débordante et surtout un refus d’appartenir à quelque chapelle que ce soit dans l’activité créatrice. Il effectue ainsi des prestations multiples et variées comme conférencier, comme chef d’orchestre, comme musicologue-pianiste-improvisateur sur les ondes (M6, France-musique...) ou encore comme pianiste-comédien, notamment avec Jérôme Deschamps et Alain Germain. Avec la Compagnie théâtrale de ce dernier il participe à la création du spectacle écrit et mis en scène par Alain Germain : Un piano pour deux pianistes (Espace Jacques Prévert d’Aulnay-sous-Bois, 15 mai 1987) pour lequel il a non seulement écrit la musique originale, mais tient également l’un des deux rôles principaux avec Pascal Le Corre. On lui doit même un essai sur l’auteur de Faust et de Mireille intitulé « En entendant Gounod » (1995, Les Belles-Lettres / Archimbaud). Sur un ton personnel, qui parfois peut surprendre, Alain Margoni propose dans ces pages une relecture de l’œuvre de Gounod, avec des coups de cœur et des coups de sang, le tout baigné dans un humour corrosif, qui nous fait découvrir la fraîcheur et la solidité de l’œuvre du musicien.

 

Mais tout cela, toutes ces activités, aux yeux d’Alain Margoni ne sont que plus ou moins de la « décoration ». Seul compte vraiment pour lui, et de loin, le domaine de la composition musicale, dans lequel il avoue lui-même s’être efforcé de cultiver une rigueur sans tristesse, mais sans compromis.  L’œuvre est à l’image de l’homme qui ne s’embarrasse pas de préjugés inutiles, avance contre vents et marées et va droit au but. Il expose ses idées, sans chercher vraiment à convaincre, mais par honnêteté. Faisant sien ce mot de Jacques Castérède : « Se rallier à une doctrine, c’est se mettre en prison », il sait néanmoins s’appuyer sur le passé, pour mieux comprendre le présent et surtout construire l’avenir. Savant, sans être prétentieux, original, sans être excentrique, combatif sans être injuste, Alain Margoni est avant tout un homme sincère et accessible qui écrit une musique à dimension humaine.

 

Les œuvres d’Alain Margoni, éditées principalement chez Billaudot, Chappell, Combre, Hotensia et Leduc sont fréquemment exécutées en France et à l’étranger, notamment par les orchestres de la R.A.I. de Rome et de Milan, par celui de la N.H.K. de Tokyo, ou encore lors de congrès instrumentaux à Londres, Pesaro, Ostende ou Nüremberg... et même à l’Université du Michigan (USA). A l’aise dans tous les genres, on lui doit ainsi plus de 150 partitions de musiques d’illustration (théâtre, télévision, radio), comme par exemple celle du téléfilm en trois parties d’Hervé Baslé, Les Maîtres du pain, diffusé sur TMC Monte Carlo en octobre 2001, puis sur France 2 à partir du 20 décembre 1993, dans lequel joue sa sœur Elisabeth (rôle de Sylvana) ; un conte musical sur la découverte de l’Amérique : L’Ile des Guanahanis (1992), écrit sur un livret de Rémi Laureillard, pour un comédien, un chœur divisé et un ensemble instrumental (Billaudot) ; un opéra sur la glace, Pierrot ou les secrets de la nuit, sur un texte de Michel Tournier ; un oratorio des montagnes, L’Enfant des alpages (1996), qui a été prochainement donné le 27 juillet 2002 à l’Espace de plein air de La Grave (Hautes-Alpes), dans le cadre du 5ème Festival « Messiaen au pays de la Meije », par la Chorale des enfants de La Grave, et un ensemble instrumental et de cors des Alpes ; Quatre chants vénitiens pour soprano, saxophone ténor et piano (Combre, 2001); des pages pour instruments à cordes : Après une lecture d’Hoffmann, improvisation pour contrebasse et piano (Leduc, 1967), Quatre personnages de Calderon pour guitare (Chappell, 1972), Séquence pour un hymne à la nuit pour violoncelle et piano (Concours du C.N.S.M. 1979, Billaudot), Trois eaux-fortes pour alto et piano (Billaudot, 1982), Danse ancienne (chaconne) et danse moderne pour 2 harpes (Hortensia)... ; et de nombreuses pièces pour vents, dont certaines destinées à l’enseignement : Après une lecture de Dreiser pour basson et piano (Leduc, 1969), Après une lecture de Goldoni, fantaisie dans le style du XVIIIe siècle pour trombone basse ou tuba en ut ou saxhorn si b et piano (Leduc, 1964), Cadence et danses pour saxophone alto en mi b et piano (Editions françaises de musique, 1974), Dialogue, détente et stretto pour trompette ou cornet et piano (Rideau rouge, 1980), Le Petit livre de Gargantua pour trombone ténor et piano : vol. 1 (préparatoire), Apprend la saqueboute - vol. 2 (préparatoire), Fête à l’abbaye de Thélème - vol. 3 (moyen), La guerre picrocholine (Billaudot, 1982), Petit théâtre pour hautbois et piano (Concours du C.N.S.M. 1982, Billaudot), Elégie pour trombone ténor et piano (Billaudot, 1983), Sur un thème de John Bull pour cor et piano (Collection panorama, Cor 3, élémentaire, Billaudot),  Les Caractères, variations pour hautbois et piano (3 volumes : débutant 1, débutant 2, moyen 2, Billaudot, 1984), Dix Etudes dans le style contemporain pour clarinette (Billaudot, 1983), Variation et hommage pour clarinette (Billaudot), Premier Quatuor de saxophones (Billaudot, 1991), Promenades romaines pour saxophone alto en mi b et piano : vol. 1 (débutant), A l’aube sur la voie Appienne - vol. 2 (élémentaire), Sur le Palatin - vol. 3 (moyen), Nuit de Noël au Trastevere (Billaudot, 1993-95), Dix Etudes dans le style contemporain : 9 pour saxophone alto et 1 pour soprano (Billaudot, 1999), Sonate pour saxophone baryton (Billaudot), etc...

 

Ajoutons encore quelques œuvres plus tardives : la musique du drame en cinq actes et prose Angèle d’Alexandre Dumas, sur une mise en scène de Gilles Gleizes (Paris, théâtre Silvia Monfort, 15 au 25 avril 2004) ; Quatre chants vénitiens pour voix, saxophone et piano (Combre, 2005) ; Cinéma, pour accordéon (Billaudot, 2006) ; Huit duos progressifs pour saxophones identiques et un pour saxophones alto (Combre, 2009) ; Déités, Suite pour trompette en ut et orgue (Billaudot, 2011) ; Asclepios-Orphée, « improvisation pour violon seul confiée au talent d’Alexis Galpérine » (dans Quatre pièces « In memoriam André David » pour violon seul, avec Werner, Castérède et Chaynes - Delatour, 2014) ; Concerto giocoso, pour saxophone alto et orchestre, réduction pour saxophone alto et piano par l’auteur (Billaudot, 2016).

 

Certaines pièces d’Alain Margoni ont été enregistrées, notamment Pierrot ou les secrets de la nuit par l’Orchestre régional Provence-Alpes-Cote-d’Azur et l’Ensemble orchestral de Briançon, sous la direction de l’auteur (BNL 112777, distribué par Auvidis), 10 Etudes dans le style contemporain par Maurice Gabai, clarinette (CO 1001), 1er Quatuor de saxophones, Promenades romaines, Cadence et danses, et Quatre chants vénitiens (Vérany 796111) ...

 

En tant que pianiste, il s’est notamment produit le 5 mars 2002 au Grand auditorium, Quai François Mauriac à Paris, avec Anne Barbier (soprano) et Catherine Allegret (récitante), sur le thème « Autour... de Boris Vian ». Quelques années plus tard, alors retraité, il se retire dans sa propriété proche de Versailles, avec son épouse la soprano et professeur de chant des conservatoires de Paris, Fusako Kondo, originaire de Saporo (Japon), également ancienne élève du Conservatoire national supérieur de musique de Paris.

 

Denis HAVARD DE LA MONTAGNE [2]

(2002, révision 2023)



[1] Journal du Conservatoire, n° 30, mai 1998.

[2] Nous remercions vivement le compositeur d’avoir accepté de nous livrer quelques souvenirs et pensées.

Françoise COTRON-HENRY (1936-1975)

Fanou Cotron-Henry
Fanou Cotron, vers 1956
( coll. Jean-Claude Henry )

Pianiste prodige, Fanou Cotron n’a pas eu le temps de laisser un nom dans le monde musical puisque la mort l’a cueillie à l’âge de 39 ans. Elle était pourtant promise à un brillant avenir tant la nature l’avait dotée de dons artistiques exceptionnels.

Née le 7 juillet 1936 à Chamalières (Puy-de-Dome), Fanou Cotron débute ses études musicales très jeune auprès de Marguerite Chattenet, professeur de piano au Conservatoire de Clermont-Ferrand. A l’âge de 8 ans, le 13 mars 1945 à l’Opéra de cette ville, elle joue le Concertino pour piano et orchestre d’Arthur Honegger, sous la direction de l’auteur. Quelques mois plus tard, le 3 mars 1946, elle est invitée par l’Association des Concerts Pasdeloup à se produire en soliste au Palais de Chaillot, dans le Concerto en mi b KV 482 de Mozart. Bissée par le public elle interprète alors quelques unes de ses compositions; elle n’a pas encore atteint ses dix ans !

Admise par la suite au Conservatoire de Paris, Fanou Cotron obtient le 7 juillet 1949, jour anniversaire se ses treize ans!, un 1er Prix de piano, bientôt suivi d’un autre 1er Prix de musique de chambre. Elle se perfectionne ensuite auprès de de Magda Tagliaferro, pianiste recherchée pour ses cours d'interprétation qui avait joué avec Fauré en personne, mais se lasse peu à peu du métier de concertiste qu’elle va cependant encore connaître durant quelques années. La composition, qu’elle pratiquait depuis son plus jeune âge, l’attirait davantage et c’est ainsi qu’elle devint l’élève de la classe de composition de Darius Milhaud et de Jean Rivier. En 1959, ses études musicales étaient couronnées par un Second Grand Prix de Rome avec la cantate Dans les jardins d’Armide.

A cette époque les Concerts Pasdeloup organisaient chaque année un " concert référendum " au cours duquel étaient présentées quatre ou cinq œuvres de jeunes ou moins jeunes compositeurs, sélectionnées par un jury. Le 7 mars 1959 à la Salle Pleyel, les Lamentations de Jérémie, pour soli, chœurs et orchestre, de Fanou Cotron, écrites au lendemain de l'invasion de Budapest par les chars russes, et dédiées aux Hongrois martyrs, étaient ainsi créées par l’Orchestre Pasdeloup dirigé par André Girard, avec la participation de la Chorale Elisabeth Brasseur et de Jacques Herbillon, récitant. Mais, c’est le 20 février 1960, lors d’un autre " concert référendum ", qu’elle obtint, cette fois, le Prix du public appelé à voter après l’audition, avec sa Suite concertante sur un argument chorégraphique (écrite en décembre 1959). L’orchestre était à nouveau placé sous la direction d’André Girard; elle-même tenait le piano. Cet ouvrage fut redonné ensuite le 18 décembre 1960 au Théâtre National du Palais de Chaillot, avec l’Orchestre Pasdeloup, dirigé par Pol Mule, puis le 10 août 1961 au Théâtre de Vichy, sous la baguette de Louis de Froment avec à nouveau le compositeur en soliste. La même année, elle épousait le musicien Jean-Claude Henry avec lequel elle aura deux enfants.

Mais un état de santé de plus en plus déficient éloigna progressivement Fanou Cotron de ses activités d’interprète et de compositeur. Après plusieurs années de souffrance, elle s’éteignait le 16 septembre 1975, laissant une œuvre peu abondante, certes, mais de grande qualité. En plus des pièces déjà mentionnées, citons parmi son catalogue : une Sonate pour violon et piano, une Toccata pour piano, une Suite pour un quart d’heure de sommeil pour deux pianos, Pic et pic et Colegram pour récitant et six instruments, Nous sommes pour contralto et orchestre (sur un poème de Paul Eluard), des  Trois Poèmes de Ronsard pour contralto et orchestre (mélodie) et L’Innocent, ballet pour orchestre (commande du Casino de Vichy)...

Denis HAVARD DE LA MONTAGNE


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