Prix de Rome 1830-1839

Hector BERLIOZ - Alexandre MONTFORT - Éouard MILLAULT - Eugène PRÉVOST - Pierre LAGRAVE - Ambroise THOMAS - Charles-Valentin MOHRANGE dit ALKAN - Alphonse THYS - Adolphe LE CARPENTIER - Antoine ELWART - Hippolyte COLET - Auguste PLACET - Ernest BOULANGER - Vincent DELACOUR - Xavier BOISSELOT - Louis BESOZZI - Louis CHOLLET - Georges BOUSQUET - Edme DELDEVEZ - Charles DANCLA - Charles GOUNOD

1830

Hector Berlioz (1803-1869) à Saint-Petersbourg en 1867.
( Jean Malvaux, d'après une héliogravure allemande. Supplément au Guide musical du 29 novembre 1903. BNF Richelieu )
Hector BERLIOZ (1803-1869)

Principaux repères chronologiques

Critique musicale (Ed. Buchet/Chastel)


Alexandre MONTFORT (1803–1856)

Berlioz, qui pourtant ne goûtait guère la pantomime, rendant compte en 1837 de la première œuvre dramatique de Montfort, un ballet intitulé La Chatte métamorphosée en femme, écrivait dans la " Chronique de Paris " du 8 octobre  : "  Deux répétitions générales ont déjà permis de la juger ; les musiciens la trouvent, dit-on, élégante, facile, et bien écrite. Nous sommes assez portés, en consultant nos souvenirs sur la cantate qui lui valut le prix de 1830, à partager cette opinion sur le talent de M. Montfort ", et pour la petite histoire, l’auteur de la Damnation de Faust ajoute : " Malheureusement c’est de la musique de ballet " ! Le 22 octobre, après la première représentation, cette fois dans la " Revue et gazette musicale de Paris " Berlioz notait : "…nous avons applaudi plusieurs morceaux charmants où M. Montfort a fait preuve d’un talent facile, élégant, gracieux ; ailleurs, c’est à des scènes bien dramatiquement rendues par un orchestre riche et sans être bruyant, que nos applaudissements se sont adressés ". Malgré ces jugements flatteurs de la part d’un des plus grands musiciens français, l’œuvre d’Alexandre Montfort ne lui a pas survécu, même si l’on pensait en 1856, au moment de sa disparition, qu’il laissait " quelques ouvrages qui sauveront son nom de l’oubli ", notamment les opéras Polichinelle, la Jeunesse de Charles-Quint et le ballet La Chatte métamorphosée, qui connurent de brillants succès à l’Opéra-Comique sous la Monarchie de Juillet.

" Charmant artiste, simple de goûts, amical, plein de distinction ", Alexandre Montfort est né à Paris le 29 floréal an XI (12 mai 1803), du légitime mariage d’Alphonse-Louis Montfort et d'Anne-Antoinette Dubois. On lui connaît deux frères : Antoine-Alphonse Montfort, né le 15 germinal an 10 (5 avril 1802) à Paris 3e ancien, et Félix Montfort, dont la date de naissance n'est pas connue, mais que l'on sait avoir été plus tard, au cours des années 1840, un antiquaire, archéologue et numismate installé quai Voltaire.. Entré au Conservatoire de musique et de déclamation, Alexandre Montfort y étudia le piano (1er prix en 1823), l’harmonie et le contrepoint avec Fétis, et la composition avec Berton. En 1829, il se présentait au Concours de Rome et obtint un deuxième Second Grand Prix avec la cantate La Mort de Cléopâtre, sur un livret de P.-A. Vieillard. Berlioz, qui se présentait pour la quatrième fois ne fut même pas récompensé; d’ailleurs aucun Grand Prix ne fut distribué cette année ! L’année suivante, à nouveau admis à l’épreuve ultime du Prix de Rome, Montfort décrocha le Grand Prix de Rome, deuxième nommé derrière Berlioz. Le sujet de la cantate était La dernière nuit de Sardanapale, sur un texte de Gail. Les partitions de Berlioz et de Montfort furent exécutées le 30 octobre 1830 lors de la séance publique de l’Académie royale des Beaux-Arts, sous la direction du chef d’orchestre Jean-Jacques Grasset. Monfort partit ensuite à la Villa Médicis, où il arrivait le 1er février 1831 en même temps que Berlioz, puis visita Rome et Naples, terminant son séjour aux frais du gouvernement par un voyage en Allemagne. Dans ses Mémoires (chapitre XXXIII), Berlioz rapporte ce curieux dialogue dont il fut témoin au cours de sa première soirée à la Villa Médicis ; cela se passait au réfectoire où une vingtaine de pensionnaires était réunie bruyamment autour d’une grande table. L’un d’eux, à sa vue s’écria, et les autres de renchérir:

- Enfin, voilà notre section de musique au complet !
- Eh ! Montfort, voilà ton collègue !
- Eh, Berlioz ! voilà ton fort.
- C’est mon fort.
- C’est son fort.
- C’est notre fort.
- Embrassez-vous.

- Embrassons-nous.
- Ils ne s’embrasseront pas !
- Ils s’embrasseront !
- Ils ne s’embrasseront pas !
- Si !
- Non !...

De retour à Paris en 1835, Alexandre Montfort se lançait dans la composition d’œuvres pour le théâtre et donna à l’Opéra, le 16 octobre 1837, La Chatte métamorphosée en femme, un ballet-pantomime en trois actes de Charles Duveyrier et Jean Corali, édité à Paris chez Jonas, et interprété ce jour là par MM. Quériau, Mazilier, Barrez et Mmes Fanny Elssler et Florentine. Resté au répertoire de l’Opéra durant plusieurs années, curieusement ce ballet fut notamment redonné la même semaine que la création de Benvenuto Cellini (10 septembre 1838), l’opéra en 2 actes de Berlioz ! Cette nouvelle représentation attira ce commentaire quelque peu malicieux d’un journaliste musical : " Mlle Nathalie Fitz-James est toujours une chatte fort espiègle, dont les égratignures sont de très gracieuses caresses, et qui se livre à ses exercices de quadrupède avec toute la légèreté qui caractérise son espèce. Elle s’accroupit avec beaucoup de gentillesse ; il ne manque à cette jolie danseuse qu’un peu d’énergie dans ses mouvements, et dans sa tenue un peu de dignité ".

La Madeleine
Eglise de la Madeleine au XIXe siècle. C'est là que furent célébrées les obsèques d'Alexandre Montfort le 14 février 1856.

S’ensuivirent plusieurs autres ouvrages dramatiques, tous représentés à l’Opéra-Comique : 14 juin 1839 : Polichinelle, un acte, livret de Scribe et Duveyrier (Lemoine) – 1er décembre 1841 : La Jeunesse de Charles-Quint, 2 actes, livret de Mélesville et Duveyrier (Grus) – 29 septembre 1844 : La Sainte-Cécile, 3 actes, livret de Ancelot et Comberousse (Meissonnier) – 13 octobre 1845 : La Charbonnière, 3 actes, livret de Scribe et Mélesville (Beck), - 28 avril 1853 : L’Ombre d’Argentine, un acte, livret de Biéville et Bayard (Colombier) – 8 octobre 1855 : Deucalion et Pyrrha, un acte, livret de Carré et Barbier (Lemoine). Alexandre Montfort composa également des mélodies sur des poèmes de Napoléon Crevel de Charlemagne : La Jeunesse espagnole, Le Retour de la pêche, Le Sereno, Voici le soir, éditées chez Delahante, Latte ou Lemoine, et quelques pièces pour le piano. Parmi celles-ci soulignons plus particulièrement ses 6 Valses brillantes (Lemoine), un Rondoletto (Lemoine), un Quadrille de contredanses pour piano à 4 mains (Bressler) et Les Colombes, recueil de valses pour le piano (Latte), qui " se distinguent par une facture élégante et des mélodies très agréables ". La France musicale, l’hebdomadaire des frères Escudier, mentionnait lors de la sortie de ce recueil en 1838 que " cette œuvre brillante fait honneur à l’auteur de la musique de la Chatte métamorphosée en femme ; elle est travaillée avec soin ; elle peut servir d’étude et faire même briller le jeu de l’exécutant. "

Fin 1842, Alexandre Monfort épousait Marie-Louise-Alexandrine Dacheux. Celle-ci, tout juste âgée de 20 ans, fille de Jean-Charlemagne Dacheux (†1827) et de Françoise Crosnier (†1830), était la nièce du directeur de l'Opéra-Comique, François-Louis Crosnier (1792-1867). Il était d'ailleurs présent lors de la cérémonie de mariage célébrée en l’église Saint-Roch et c'est lui qui conduisit la mariée orpheline à l'autel, Adolphe Adam étant alors à l'orgue. Crosnier, par la suite directeur de l'Opéra (1854-56), député du Loir-et-Cher (1852-1857), Maire de la commune de Lisle (Loir-et-Cher), mourut quelques années plus tard en son château de L'Epau.

Atteint d'une fièvre typhoïde, Alexandre Montfort rendait l’âme le 12 février 1856 à Paris, dans le 1er arrondissement ancien. Il n’avait pas atteint sa 53ème année, mais " par son caractère aimable, sa modestie, ses manières distinguées, autant que par son talent, il s’était fait de nombreux amis ", qui assistèrent en nombre à ses obsèques célébrées le jeudi 14 février à l’église de la Madeleine. Les frères Escudier ont dit de lui que " c’était un musicien laborieux, dont le cœur était à la hauteur de l’imagination. " Le 1er juin 1863 à l’Opéra de Paris, on donnait encore une représentation de son ballet La Chatte métamorphosée. Le succès de cette œuvre avait d’ailleurs incité Offenbach à écrire une nouvelle version, créée à Paris, aux Bouffes-parisiens, le 19 avril 1858 ! Sa veuve lui survécut 40 ans avant de s'éteindre à son tour le 17 août 1896, en son domicile parisien du 37 rue Lafayette, où elle résidait avec son fils Charles-Ernest Montfort, né le 16 août 1847 à Lisle (Loir-et-Cher) au château de son grand-oncle Crosnier.

Denis HAVARD DE LA MONTAGNE
(2003, mise à jour : novembre 2017)

Fichier MP3 Alexandre Montfort, Rondo villageois pour piano, op. 8, dédié “à Mademoiselle Célina Tissot” (Paris, H. Lemoine). Fichier audio Max Méreaux (DR.)


Couverture de "Rudiment musical ou exposé des premiers éléments de la musique..."
(Paris, 1847, Lecoffre/BnF-Gallica) DR.
Édouard MILLAULT (1808-1887)

Violoniste, chef d'orchestre, organiste, compositeur et pédagogue, Laurent-François-Edouard Millault nait à Paris le 13 février 1808 du légitime mariage célébré l'année précédente de Simon Millault et d'Anne Périnot. Il reçoit ses premières leçons de musique de son père, artiste musicien. Celui-ci, né en 1757 à Villecien (Yonne), où ses parents tenaient une auberge, s'était installé à Paris au cours de la période révolutionnaire. C'est là qu'il meurt en septembre 1823, à l'âge de 66 ans, dans son domicile du dixième arrondissement, 26 rue de l'Echiquier.

 

Page de la Chapelle royale sous le règne Louis XVIII depuis 1816 jusqu'en 1824, il Edouard Millault est admis très jeune au Conservatoire de Paris, où il décroche un premier Prix de solfège en 1818, tout juste âgé de 10 ans. Les succès s’ensuivent rapidement : 1er Prix d’harmonie et d’accompagnement en 1821 dans la classe d'Halévy, 2ème Prix de violon en 1825, puis 1er Prix en 1828 dans la classe de Baillot et 1er Prix de contrepoint et fugue la même année dans celle de Lesueur après avoir successivement travaillé ces disciplines dans les classes de Cherubini, Boieldieu et Fétis. Lors des épreuves pour le concours de violon, Fétis écrit dans sa Revue musicale (t. IV, p. 395) : « M. Millault, élève de M. Baillot, a déployé dans le premier morceau d'un concerto de Viotti, les principes de l'excellente école dont il sort. Son jeu est large, son style a de l'élévation, et son intonation est juste... » En 1830, il concourt pour le Prix de Rome avec notamment parmi les autres candidats Berlioz qui se présente pour la quatrième fois ! La cantate (scène à une voix) a pour sujet la Dernière nuit de Sardanapale, sur des paroles de Jean-François Gail. L'épreuve débute le 15 juillet, en pleine révolution et Berlioz dans ses Mémoires (XXIX) relate ainsi cet événement : « L’aspect du palais de l’Institut, habité par de nombreuses familles, était alors curieux ; les biscaïens traversaient les portes barricadées, les boulets ébranlaient la façade, les femmes poussaient des cris, et dans les moments de silence entre les décharges, les hirondelles reprenaient en chœur leur chant joyeux cent fois interrompu. Et j’écrivais, j’écrivais précipitamment les dernières pages de mon orchestre, au bruit sec et mat des balles perdues, qui, décrivant une parabole au-dessus des toits, venaient s’aplatir près de mes fenêtres contre la muraille de ma chambre. Enfin, le 29, je fus libre... » C'est lui qui remporte enfin le premier Grand Prix et Millault le premier Second Grand Prix.

 

Fichier MP3 Edouard Millault, Adagio de la Sonatine-Quatuor pour piano, flûte, clarinette et violon, dédicacée "à Monsieur René Baillot, professeur de la classe d'ensemble instrumentale au Conservatoire" (1813-1889, pianiste, fils du violoniste Pierre Baillot), Paris, H. Lemoine, 1880.
Fichier audio par Max Méreaux (DR.)
(BnF/Gallica) DR.

Répétiteur de solfège au Conservatoire de Paris de 1825 à 1829, il y est nommé en 1830 professeur d'un cours préparatoire de contrepoint et fugue (répétiteur de Fétis) jusqu'en novembre 1832. Parmi ses élèves au cours de cette période, on relève les noms d'Edmé Deldevez (futur lauréat du Prix de Rome en 1838) pour le solfège, Félicien David et Delphin Alard pour le contrepoint. Parallèlement, entré à l’Orchestre de l’Opéra en 1829 comme second violon, il passe premier violon le 1er novembre 1831, alors qu’Habeneck en assure la direction, puis, en 1859 promu 3ème chef, poste qu'il occupe jusqu'à sa retraite prise le 1er janvier 1863 après 33 ans et 6 mois passés dans ce théâtre. Egalement membre de la Société des Concerts du Conservatoire, en tant que violoniste, de février 1832 au 12 octobre 1869, il est encore 1er violon à la musique de la Chambre du Roi depuis sa formation en 1833 et, depuis mai 1838 Maître de chapelle de l'église Sainte-Elisabeth de la rue du Temple, où il succède-la à Barbier de Saint-Preux. Plus tard, il est organiste de l'église Notre-Dame-des-Champs, située 131 rue de Rennes, jusqu'à l'ouverture en 1877 de la nouvelle église construite boulevard du Montparnasse (Paris VIe). Il touche alors un orgue Cavaillé-Coll installé en 1858 et provenant de l'Abbaye aux Bois de la rue de Sèvres. Comme chef d'orchestre, on le rencontre notamment en 1847 au moment de la création par Antoine Elwart d'une « Société de Sainte-Cécile », qui précède de quelques années une autre « Société Sainte-Cécile », plus connue, fondée en 1850 par Charles de Bez. Le dimanche 26 septembre 1847, salle Adolphe Sax, la Société d'Elwart donne son premier concert-spécimen, l'orchestre les chœur étant placés sous la direction de Millault, avec des œuvres de jeunes compositeurs désireux de faire entendre leur production : La Mort de Jeanne d'Arc, scène lyrique de T. Aimon, une Ouverture à grand orchestre de Aimé Maurel, un Larghetto de Turbri, un Caprice sur le chant rustique des Boeufs de Pierre Dupont (exécuté sur le cor par Cugnot), Agnès Sorel, cavatine de Jean-Louis Buzzoni, Caïn maudit, air de Perrot, et Le Duc de Velasquez de José Inzenga. Le jeudi 25 novembre 1847, pour célébrer la fête de la patronne des musiciens, cette même Société chante une messe à l'église Saint-Vincent-de-Paul. Celle-ci, pour chœur et orchestre, dirigée par Millaut, est formée de parties écrites par plusieurs compositeurs : Kyrie par Montcavrel, Gloria par T. Aimon, Credo par Elwart, Offertoire par Hernando, Sanctus par Verrimst, O Salutaris par Berton, Agnus par Desnaux et Sanctus par Poisot. Peu après le 21 novembre, Millault dirige l'orchestre à un concert donné dans la salle du Conservatoire au cours duquel des œuvres d'Elwart sont jouées : La Naissance d'Eve, l'Hommage à Mendelssohn, le Soir, la Crèche, les Petits Savoyards. A l'orgue et en concert, on le rencontre notamment en avril 1874 au Château de Versailles dans un concert organisé par la Présidence de la République, en l'occurrence Mme la maréchale Mac Mahon, au cours duquel il tient la partie pour cet instrument, aux côtés d'Eugène Sauzay (violon), Auguste Franchomme (violoncelle), Jules Tariot (harpe), A. Peruzzi (piano) et le baryton Jules Diaz de Soria dans l'air de l'oratorio Paulus, de Mendelssohn, arrangé par Edouard de Hartog (op. 33 bis, Paris, Brandus et Duffour, 1858).

 

Abbé Sébastien Millault
Abbé Sébastien Millault, frère d'Edouard,
chanoine honoraire de Paris en 1841.
(in "Histoire du Séminaire de Saint-Nicolas-du-Chardonnet" par P. Schoenher, t. II, 1911) DR.

Edouard Millault se livre aussi à l'enseignement de la musique. En dehors du Conservatoire de Paris, où il a autrefois enseigné, il professe à la Maison d'éducation de la Légion d'honneur de Saint-Denis, où on le trouve en 1871, et auparavant, dans les années 1840-1850, au Petit Séminaire de Saint-Nicolas du Chardonnet, alors situé à l'emplacement actuel du 24 rue Saint-Victor à Paris Ve. A cette époque, c'est son frère cadet, l'abbé Sébastien Millault, né le 9 octobre 1809 à Paris, qui est le directeur de cet établissement depuis 1837, après y avoir été préfet de discipline à partir d'octobre 1834. Très féru de musique, également entré en 1821 aux Pages de la Chapelle du roi Louis XVIII et ayant fréquenté le Conservatoire de Paris tout comme son frère et à la même époque (1er prix de solfège en 1820), ordonné prêtre à Noël 1834, il dirige ensuite le Petit Séminaire de Notre-Dame des Champs dès son ouverture en mai 1847 jusqu'en 1861. Cette même année il est nommé Curé de Notre-Dame-de-Bonne-Nouvelle (rue Beauregard, Paris IIe), puis en février 1870 de Saint-Roch (rue Saint-Honoré, Paris Ier), fonction qu'il occupe jusqu'à son décès arrivé le 12 juin 1896. Durant toutes les cérémonies qu'il doit célébrer au cours de ses plus d'un demi-siècle de sacerdoce, il prend toujours grand soin de la partie musicale, parfois conseillé par son frère Edouard. Aussi, lors de la célébration de ses noces de diamant, le jeudi 20 décembre 1894 à Saint-Roch, la cérémonie se termine par le chant d'un Te Deum et le mercredi 1er octobre 1884, à l'office commémoratif du bicentenaire de la mort de Pierre Corneille auquel assiste le Tout-Paris artistique et religieux, on peut entendre pendant la messe le Kyrie de Van Bree, le Dies irae et l'Agnus Dei de Rossini, l'Offertoire de Goltermann, le Pie Jesu de J.B. Faure et la Marche funèbre de Mendelssohn à la Sortie, sous la direction du Maître de chapelle Benjamin Darnault, avec le concours d'Augustin à l'orgue.

 

En tant que compositeur, Edouard Millault est l'auteur d'œuvres pour orchestre, de musique de chambre, de cantates, de romances et de musique religieuse, mais celles-ci sont peu jouées en public, pour preuve ces commentaires qu'Ernest Reyer écrit dans le Journal des débats du 16 novembre 1871, à la suite de l’exécution de sa 2ème Symphonie en la mineur (Introduction, Allegro spirito, Andante, Scherzo, Finale) par Pasdeloup le dimanche 29 octobre au Cirque d'Hiver : « Je voudrais bien savoir ce qu'a éprouvé M. Millault lorsque après quarante ans d'obscurité il est passé tout à coup à la vive lumière des concerts Pasdeloup. C'est au deuxième concert qu'a été exécutée une symphonie de ce compositeur, ancien élève du Conservatoire et lauréat de 1830. Qui donc se souvenait de lui ? qui donc avait jamais entendu prononcer son nom ? La date de cette symphonie, je l'ignore, mais c'est là une œuvre parfaitement écrite, dont l'instrumentation est claire, élégante et d'une bonne couleur classique, dont les idées ont de la distinction et sont développées avec autant de science que d'habileté. Pourquoi M. Millault s'est-il condamné au silence pendant de si longues années ? Quels mystères étranges nous révélerait la biographie des artistes inconnus, et quelles leçons y trouveraient ceux qui ne savent pas se contenter de la célébrité que le hasard leur a donnée ! » Mais le public accueille froidement cette œuvre, tout comme d'ailleurs l'Ouverture de Manfred, de Schumann, donnée à ce même concert au cours duquel sont aussi entendus l'Ouverture de Loreley de V. Wallace, l'Allegro agitato, op. 52, de Mendelssohn et le Septuor pour cordes et vents de Beethoven. La Symphonie de Millault avait cependant soulevé la curiosité de la presse musicale avec Le Ménestrel qui écrivait avant son audition (édition du 29 octobre 1871) : « On dit cette symphonie remarquable ; son auteur est âgé de près de 70 ans, un joli chiffre pour un débutant. Faites-vous donc musicien ! » Néanmoins, quelques partitions de moindre importance sont parfois jouées dans la capitale, entre autres, la barcarole de la Symphonie-Fantaisie pour orchestre intitulée Une scène en mer, en 1835 aux concerts des Champs-Elysées, Hôtel Laffitte, qui fait l'objet la même année d'un arrangement pour deux voix avec accompagnement de piano. Plus tard l'auteur fera éditer une transcription de cette symphonie pour piano à 4 mains, op. 7 (Lemoine, 1881). Parmi les autres œuvres qui nous sont parvenues, on peut mentionner une Sonatine-Quatuor pour piano, flûte, clarinette et violon, op. 10 (H. Lemoine, 1880), un Morceau de salon pour clarinette avec accompagnement de piano, op. 13 (H. Lemoine, 1881) ; des pages pour la voix : Ma gondole. Venise et la Mer, romance à 2 voix (Blanc, 1874), L'Ame damnée, ballade (Blanc, 1874), Le retour dans la patrie, chœur à 3 voix de femmes avec accompagnement de piano, paroles de Béranger (J. Lochem, 1883), Les Matelots, barcarole à 2 voix (J. Lochem, 1891, puis E. Gallet, 1900) ; des pièces pour piano : Les Trois soirées, 6 morceaux de salon pour piano en 3 livres, op. 11 (J. Lochem, 1891, puis H. Lemoine), et des œuvres religieuses : O Salutaris, solo pour voix de ténor ou soprano avec accompagnement d'orgue et de violon ad libitum (Schonenberger, 1858), un autre O Salutaris, solo de mezzo-soprano ou baryton et orgue (1873), Ave Maria pour ténor ou soprano, avec accompagnement de flûte (ou 1er violon), violon (ou 2e violon), orgue et violoncelle (E. Fromont, 1901) et Douze motets, paroles latines, avec accompagnement d'orgue ou d'harmonium, parties de chants séparées (Schonenberger, 1866).  Notons aussi une publication intitulée Œuvres de musique de chambre, dialogue pour deux pianos, parues en 1903 chez E. Fromont et des ouvrages pédagogiques : Rudiment musical, ou Exposé des premiers éléments de la musique, suivi de solfèges faciles et progressifs à l'usage des maisons d'éducation (J. Lecoffre, 1847 et réédition 1855), Vade-mecum des jeunes pianistes ou formules harmoniques suivies de préludes dans tous les tons majeurs et mineurs (Schonenberger, 1861), L'Etude du piano, exercices, gammes, arpèges, formules diverses (Blanc, 1874). Son nom apparaît également, en compagnie d'autres compositeurs, dans deux des six albums populaires pour la jeunesse, avec paroles de A. Vialon, intitulés Musique en chiffres, méthode Gallin-Paris-Chevé : Harmonies chrétiennes (Hymnes à l'Eternel) et Harmonies enfantines (Les Echos du pensionnat, des pensions et des collèges de France) (Paris, chez Alexandre Brullé, 1851). Enfin on trouve mention d'une Ouverture à grand orchestre César, créée en 1828, mais la partition est sans doute égarée de nos jours.

Signature autographe d'Edouard Millault, 1874 (DR.)

 

Mort le 13 avril 1887 à Paris, dans son domicile du 41 rue Saint-Placide, Edouard Millault était veuf depuis quelques années de Zoé Cussac, avec laquelle il avait eu 7 enfants. Celle-ci, d'origine normande, née le 16 août 1811 au Grand-Quevilly près de Rouen, fille de Gabriel Cussac et de Nicole Leyraud des Rouselles, était en effet décédée le 28 janvier 1884. Parmi leurs enfants, Pierre Millault (né en 1854), secrétaire de la Commission des auteurs dramatiques, épousa en 1876 la fille du compositeur Hector Edouard et un autre fils, Hippolyte Millault (1831-1874), élève de l'Ecole des Beaux-Arts (promotion 1850), fit une carrière d'architecte, trop tôt interrompue par une mort prématurée à l'âge de 43 ans. Inspecteur des édifices diocésains de Nevers depuis 1872, il avait été auparavant inspecteur des travaux de la ville de Paris. Il est l'architecte de l'immeuble de la Manufacture d'orgues Cavaillé-Coll construit en 1868 rue du Maine.

 

Denis Havard de la Montagne

(fév. 2001, mise à jour : mars 2018)



1831

Eugène PRÉVOST

On pourra consulter et écouter sa fugue présentée lors de sa première tentative au Concours de Rome en 1829.

Notice sur cette page distincte.

Pierre LAGRAVE (1811-1832)

Quelle triste destinée que celle de Pierre Lagrave qui, promis à un brillant avenir, ne put supporter de voir le premier Grand Prix de Rome lui échapper ; l’émotion fut si forte qu’il en succomba à l’annonce des résultats. Il avait tout juste 22 ans ! Trop jeune pour laisser une œuvre durable, son nom serait même à tout jamais perdu si l’un de ses anciens professeurs, François-Joseph Fétis, n’avait pas écrit les quelques lignes suivantes en juillet 1832[1] ; panégyrique bien modeste, certes, mais qui suffit à nous faire connaître la grandeur d’âme du musicien qu’Atropos enlevait dans la fleur de l’âge :

 

« Les suites du concours de composition musicale de l’Institut ont été funestes cette année, car le jeune Lagrave y a trouvé la mort. Doué de l’imagination la plus brillante et la plus originale, ce jeune artiste, élève de MM. Berton et Fétis, était vraisemblablement destiné à faire un jour la gloire de l’école française. Des quatuors, des symphonies qu’il avait fait entendre avaient donné de lui cette opinion à ceux qui les avaient entendus. L’année dernière il avait obtenu un premier second prix à l’Institut. Tout semblait présager son triomphe au concours de cette année ; mais le premier prix a été adjugé jeudi dernier à M. Thomas, élève de M. Lesueur, par la section de musique. Emu à l’excès par ce jugement qui renversait ses espérances, Lagrave fut frappé d’une attaque de nerfs si violente qu’elle a causé sa mort. Ce cruel événement n’est pas seulement douloureux pour sa famille et ses amis ; elle enlève à la France un artiste qui l’aurait honorée. »

 

Signature autographe de Lagrave père, 1834 (DR.)

Pierre Lagrave est né le 10 mai 1811 à Paris, fils de Pierre Lagrave (Montluçon, 1783 - Toulouse, 1846) et de Marguerite Bougaud. Sa famille était originaire du Bourbonnais avec Etienne Lagrave, son grand-père, marchand bijoutier à Montluçon. Pierre Lagrave père embrassa quant à lui une carrière de musicien, tout d'abord à Paris, puis à Toulouse. C'est lui qui ouvrit son fils à la musique, ainsi d'ailleurs qu'à ses deux autres enfants : Constance, née à Paris le 13 janvier 1813, premier prix de piano du Conservatoire de Paris (1830) et Isidore, né également à Paris, le 3 mai 1820, futur professeur de musique à Toulouse.

 

Pierre Lagrave rejoignit très jeune le Conservatoire, où il suivit notamment les classes de solfège (1er prix 1822), de violon d’Habeneck, de contrepoint de Fétis et de composition de Berton. N’ayant pas encore atteint l’âge de 20 ans, on donnait déjà de lui en novembre 1830 un O Salutaris au cours d’un concert au Conservatoire. Ce même jour d’ailleurs, sa sœur Constance exécutait un Air varié de Kalkbrenner. En 1828, il avait été admis alto à la Société des Concerts et en juin 1831, également alto à l’orchestre de l’Opéra, alors dirigé par Habeneck, son professeur au Conservatoire. A la même époque, à l’issue de la première épreuve qui avait réuni 11 candidats, il était retenu avec Eugène Prévost, Antoine Elwart, Ambroise Thomas et Joseph Lefébvre pour l'épreuve définitive du Concours de Rome. La cantate La fuite de Bianca Capello, sur un texte du marquis de Pastoret, lui valut alors un premier second Grand Prix, derrière Prévost ; Elwart obtenant le deuxième second Grand Prix, Thomas la mention honorable et Lefébvre non récompensé. L’année suivante, persuadé d’obtenir cette fois-ci la plus haute récompense, il se présenta à nouveau. Le sujet de la cantate était Hermann et Ketty, à nouveau tiré d’un texte du marquis de Pastoret. Hélas, Lagrave ne figura pas même parmi les lauréats : seuls furent primés Ambroise Thomas (premier Premier Grand Prix), ainsi que Xavier Boisselot et Charles Alkan (mention). C’en fut trop, notre jeune artiste trop émotif et impressionnable ne put supporter cette décision et il en mourut ; cela se passait le 12 juillet 1832.

Page de titre du premier numéro (février 1827) de la Revue musicale de François-Joseph Fétis dans laquelle parut le 14 juillet 1832 l'article sur Pierre Lagrave.

 

En dehors de Fétis, plusieurs journaux de la presse musicale rapportèrent aussi ce triste évènement :

 

« Un événement fort triste vient de marquer l'époque du concours de l'Institut pour le grand prix de la composition musicale. Au nombre des concurrents se trouvait M. Pierre Lagrave, considéré par ses professeurs comme un de ces rares génies destinés à exercer sur leur art une influence puissante. Agé de vingt ans, il avait obtenu l'année dernière un premier second prix au même concours. Plein d'espoir, il s'était rendu jeudi dernier à l'Institut pour assister à l'exécution de sa scène et au jugement préparatoire de la section de musique. Au moment où il fut appelé, comme les autres concurrents, pour entendre le résultat de ce jugement, il fut frappé d'une telle douleur en apprenant que le prix ne lui avait pas été décerné qu'il fut atteint sur-le-champ par une attaque de nerfs violente et qu'il perdit la vie après trois heures de souffrances. »

(Le Moniteur universel, 19 juillet 1832).

 

« Un événement aussi triste qu'extraordinaire vient de marquer l'époque du concours de l'Institut pour le grand prix de composition musicale. Au nombre des concurrents se trouvait M. Pierre Lagrave, considéré par ses professeurs et ses camarades comme un artiste de la plus haute espérance. Agé de 20 ans, il avait obtenu l'année dernière un premier second grand prix au même concours, et tout annonçait qu'il triompherait cette année de ses concurrents. Plein d'espoir, il s'était rendu jeudi dernier à l'Institut pour assister à l'exécution de sa scène et au jugement préparatoire de la section de musique. Au moment où il fut appelé, comme les autres concurrents, pour entendre le résultat de ce jugement, il fut frappé d'une telle douleur en apprenant que le prix lui était refusé, qu'il fut atteint sur-le-champ par une attaque de nerfs si violente, qu'il y perdit la vie après trois heures de souffrances. La scène, dernière production de ce jeune et malheureux artiste, sera exécutée à l'Opéra et aux concerts du Conservatoire. Le premier prix a été adjugé à M. Thomas, élève de MM. Lesueur et Reicha. Un des concurrents, M. Elwart, qui avait obtenu un deuxième prix l'année dernière, a été mis hors de concours parce qu'il avait fait quelques changements aux vers de la cantate, qu'on lui avait confiée. Deux mentions honorables ont été accordées, l'une à M. Alkan, élève de M. Zimmerman ; l'autre à M. Boisselot, élève de MM. Lesueur et Fétis. »

(Gazette des théâtres, 19 juillet 1832).

 

« Le premier prix de composition musicale de l'Institut, a été remporté par M. Thomas, élève de M. Lesueur. Des mentions honorables ont été accordées à MM. Alkan, élève de M. Zimmermann, et Boisselot, élève de M. Lesueur. Un événement, peut-être sans exemple, est la mort du jeune Pierre Lagrave, élève de M. Berton, et l'un des concurrents. Aussitôt qu'il eut la certitude que le grand prix ne lui était pas décerné, il monta dans sa loge ; et, bientôt, il éprouva une violente crise nerveuse, à laquelle il succomba au bout de quatre heures. Ce jeune artiste donnait les plus grandes espérances ; il a composé plusieurs quatuors et symphonies. Bien jeune encore, il pouvait espérer obtenir, dans une des années suivantes, le prix auquel il aspirait si vivement, puisque l'on peut concourir jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans inclusivement. Le morceau de concours, par lui composé, sera exécuté à l'Opéra et au Conservatoire. »

(Journal des artistes et des amateurs, 22 juillet 1832).

 

Les quelques rares oeuvres (quelques symphonies et quatuors) que Pierre Lagrave eut le temps de composer au cours de sa courte vie, mentionnées dans ces extraits de presse, semblent être égarées de nos jours. En outre celui-ci, non encore marié, est mort sans laisser de postérité. Néanmoins, sa soeur Constance, décédée à l'âge de 51 ans le 28 février 1864 à Foix (Ariège), qui après avoir obtenu son prix de piano avait enseigné quelque temps le solfège au Conservatoire de Paris (1830-1832), eut une fille de son mariage célébré à Toulouse en 1834 avec Étienne Hazard, professeur de musique et maître de chapelle de la cathédrale de cette ville (1831 à 1853)[2]. Celle-ci, Marie Hazard, née le 30 décembre 1837 à Toulouse, décédée le 6 octobre 1908 à Tonnay-Charente, fit également carrière dans la musique comme professeur de piano ; mariée en 1861 à Charles Villars (1809-1892), officier d'Académie, directeur à Toulouse de l'école Henri IV durant trente ans, puis du collège Sainte-Marie du Caousou, elle a laissé une descendance issue de sa fille Jeanne Villars mariée à Toulouse en 1888 à Léon Bonard.[3] Quant au frère de Pierre Lagrave, Isidore Lagrave, mort à l'âge de 71 ans le 8 novembre 1891 à Saverdun (Ariège), également professeur de musique à Toulouse, puis à Saverdun, son éventuelle postérité n'est pas connue à cette heure.

 

Denis Havard de la Montagne

(avril 2001, mise à jour : janvier 2018)

 



[1] Revue musicale du 14 juillet 1832. Cette revue hebdomadaire, fondée en février 1827 par Fétis, fut l’une des premières du genre en France. En novembre 1835 elle fusionna avec la Gazette musicale de l’éditeur Schlesinger (1833) sous le titre de Revue et Gazette musicale de Paris qui parut jusqu'à la fin du XIXe siècle.

[2] Né le 12 mars 1795 à Toulouse où il est décédé le 20 juin 1853, du mariage d'André Hazard et d'Henriette Dufaur, sa seconde épouse. Son père, originaire de Rieux (Aude) et lui-même musicien, avait enseigné la musique au Collège royal militaire de Sorèze (Tarn) depuis au moins 1770 jusqu'à 1792 avant de poursuive ses activités à Toulouse. Pierre et Janine Salies, in Archistra, n° 29, octobre 1977, p. 80, signalent qu'André Hazard est notamment l'auteur d'une Hymne sur la naissance du Sauveur, chantée à Notre-Dame de la Daurade le 8 janvier 1809, que le 25 décembre 1803, dans cette même église toulousaine, il avait dirigé un Noël à grand orchestre de Giles et que la Bibliothèque Municipale de cette ville conserve également des « Noëls mis en musique par Mr Hazard, artiste en 1812 ».

[3] Né le 19 septembre 1849 à Amiens, décédé vers 1930, ancien élève du Collège de Soréze (1860-1866), il habitait le château l'Anglaiserie à Tonnay-Charente (Charente-Maritime). Fils du vice-amiral Adolphe Bonard (1805-1867), nommé en 1861 par Napoléon III commandant en chef et premier gouverneur de la Cochinchine française, il avait renommé son château du nom de « Bien-Hoa » (actuelle ville du sud-est du Viet Nam), en souvenir de son père qui s'était illustré durant la campagne de Cochinchine à partir de 1859 et termina sa carrière comme préfet maritime de Rochefort (1864).


1832

Ambroise THOMAS (1811-1896)

Portrait d'Ambroise Thomas publié au moment de son décès
dans le journal hebdomadaire illustré La Joie de la maison
 du 20 février 1896 (DR.)

THOMAS (CHARLES-LOUIS-AMBROISE), compositeur de musique français, membre de l'Institut (Académie des Beaux-Arts), directeur du Conservatoire de Musique et de Déclamation, né à Metz, le 5 août 1811.

 

Fils d'un professeur de musique de la ville de Metz, Ambroise Thomas avait déjà fait d'assez fortes études de violon et de piano lorsqu'il fut admis au Conservatoire en 1828. Il fut élève de plusieurs maîtres distingués : de Lesueur, pour la composition ; de Dourlen, pour l'harmonie et l'accompagnement ; de Zimmermann, pour le piano : il reçut aussi de bons conseils de MM. Barbereau et Kalkbrenner.

 

Doué de bonne heure des grandes qualités qui devaient caractériser le maître et possédant déjà un certain talent, il obtint le premier prix de piano (1829), le premier prix d'harmonie (1830), puis le premier grand-prix de composition musicale (1832).

 

Après un voyage en Italie où il séjourna quelques années, Ambroise Thomas revint en France et fit représenter plusieurs de ses œuvres à l'Opéra-Comique, qui eurent, au début, assez de succès.

 

Il donna successivement : la Double Echelle (1837) ; le Perruquier de la Régence (1838) ; le Panier Fleuri (1839) ; Caroline (1840) ; le Comte de Carmagnola (1841) ; le Guérillero (1812) ; Angélique et Médor (1843) ; le Caïd, qui eut un vif succès (1849) ; le Songe d'une Nuit d'été (1850) ; Raymond (1851) ; la Torelli (1853) ; la Cour de Célimène (1855) ; Psyché (1856) ; le Carnaval de Venise (1857) ; le Roman d'Elvire (1860).

 

En 1866, il fit représenter un opéra-comique qui devait immortaliser son nom : Mignon, qui est resté une des œuvres classiques du répertoire de l'Opéra-Comique. — Il donna aussi Gilles et Gillolin en 1874.

 

En 1868, Ambroise Thomas écrivit pour l'Opéra Hamlet, ouvrage grandiose qui fut représenté (9 mars 1868) avec un grand succès. Cet opéra obtint un égal succès dans toutes les villes d'Europe où il fut représenté ainsi qu'aux Etats-Unis. — En 1839, il avait donné à l'Opéra, en collaboration avec M. Benoist, un ballet : la Gypsy.

 

Ambroise Thomas a arrangé en grand opéra, son opéra-comique Mignon pour le théâtre de Bade. Cet opéra, ainsi transformé, a été joué sur toutes les grandes scènes lyriques de l'Allemagne et de la Russie.

 

Le 14 avril 1882, il donna à l'Académie nationale de musique, Françoise de Rimini, opéra en 4 actes — œuvre magistrale avec prologue et épilogue — et le 23 juin 1889, la Tempête, ballet en 4 actes. Ces ouvrages reçurent un chaleureux accueil du monde lyrique.

 

Ambroise Thomas a produit, en dehors de tous les ouvrages que nous venons de citer, qui révèlent tous un grand génie musical, et le meilleur sentiment du goût du public, beaucoup d'œuvres de musique instrumentale : Nocturnes, Fantaisies, Rondos, etc. Etant à Rome, il a aussi écrit un Requiem.

 

En 1851, Ambroise Thomas remplaça Spontini comme membre de l'Académie des Beaux-Arts et, le 8 juillet 1871, Auber comme directeur du Conservatoire.

 

Tout le monde a présent à la mémoire la magnifique soirée qui fut donnée à l'Opéra-Comique en son honneur, à l'occasion de la millième représentation de Mignon. Celte soirée mémorable fut un succès pour l'illustre compositeur, qui, comme le grand poète Victor Hugo, eut son apothéose de son vivant. Toute la presse française et étrangère fut unanime pour célébrer le triomphe du maître, triomphe qu'il avait si largement mérité.

 

Ambroise Thomas doit être considéré, à juste titre, comme un des maîtres de l'Art musical au dix-neuvième siècle. La France s'honore d'avoir produit de tels enfants et l'Art lyrique s'enorgueillit de posséder de tels compositeurs.

 

Ambroise Thomas a été nommé chevalier de la Légion d'honneur le 27avril 1845, promu officier le 3 juillet 1858 et commandeur le 3 août 1868.

 

Il est décédé à Paris, le 12 février 1896. Sa mort ayant laissé vacante la direction du Conservatoire, M. Théodore Dubois fut nommé pour succéder à l'illustre défunt.

 

A. d'Alais

(in Le  Rideau artistique et littéraire,

journal des théâtres, n° 23, 1906)



AMBROISE THOMAS

 

Ambroise Thomas (1811-1896),
Grand Prix de Rome en 1832,
directeur du Conservatoire de Paris
en 1871. Membre de l'Institut dès 1851
au fauteuil de Spontini, premier musicien
élevé à la dignité de Grand-Croix
de la Légion d'honneur en 1894,
il est l'auteur de plusieurs opéras
dont Mignon (1866) qui a connu
plus de deux mille représentations
en moins d'un siècle
( photo Ruck )

Après un repos de près de deux ans, la Françoise de Rimini d'Ambroise Thomas vient de reparaître sur l'affiche de l'Opéra ; la reprise a eu lieu mercredi, et le sur lendemain vendredi on la redonne encore. Voilà de quoi mettre en belle humeur M. Ambroise Thomas. Aussi voit-il tout en rose en ce moment ; il est joyeux et se frotte les mains, Pensez-donc ! sa bienaimée Francesca renaît de ses cendres ; le voilà au comble de ses vœux.

 

On n'ignore pas, en effet, qu'il éprouve pour ce dernier né de sa muse féconde une prédilection marquée.

 

Le père de Francesca ne pouvait croire à un jugement définitif de la part du public qui, au début, avait fait à l'œuvre un accueil quelque peu réservé. Il désirait interjeter appel. Aussi plaida-t-il chaleureusement sa cause, et ses exhortations eurent finalement raison de l'indécision habituelle de M. de Vaucorbeil que la mort vient de frapper si subitement.

 

Les occasions sont rares où l'attention du public est attirée sur M. Ambroise Thomas. Son existence retirée, entièrement consacrée à l'étude ou aux devoirs que lui imposent ses fonctions de directeur du Conservatoire, n'offre guère de prise à l'indiscrétion ou aux bavardages de nos journaux quotidiens. De plus, sa nature, ses goûts se refusent à toute agitation extérieure.

 

L'auteur d'Hamlet aime l'ombre, le calme, la tranquillité d'esprit, les paisibles joies du foyer, tout ce bonheur enfin qui résulte du libre développement et de la généreuse expansion des plus nobles facultés de l'âme hum due. Il se contine volontiers dans le silence, le recueillement et la méditation, fuit le bruit, se plaît dans la solitude. C'est un contemplatif.

 

Présentez-vous soit chez lui, soit dans son cabinet directorial du Conservatoire, vous le trouverez mollement enfoncé dans son fauteuil. L'attitude est indolente, le regard pensif et rêveur, la physionomie sereine et réfléchie. Le front haut et découvert accuse par les différents traits qui le sillonnent le travail incessant de la pensée. L'œil est pénétrant, mais comme voilé par la mélancolie. Cette belle tête, d'un caractère grave et noble, encadrée par de longs cheveux gris soyeux, rejetés en arrière et souvent caressés par la main, parait désireuse de se soustraire à tout souci matériel ; elle semble tantôt écouter quelque voix intérieure qui l'enchante et l'éloigne de nous, tantôt suivre des chants délicats et harmonieux qui la bercent comme dans un songe.

 

Si vous venez interrompre cette molle quiétude pour vous informer de quelque détail administratif, M. Thomas vous renverra à son secrétaire général, M. Réty, sur lequel il se repose du soin de veiller à la bonne gestion du Conservatoire.

 

Aussi est-ce pour lui une pénible corvée d'avoir à présider les jurys des concours de fin d'année. Il faut le voir alors, dans cette grande loge du fond, entouré de nos principaux artistes et littérateurs, indiquer d'une voix dolente et résignée, soit les mouvements d'un morceau, soit les diverses récompenses obtenues par les élèves.

 

M. Ambroise Thomas s'acquitte de cette tâche en soupirant, mais avec conscience, donnant un louable exemple de la soumission qu'on doit aux lois et aux règlements : Dura lex sed lex !

 

L'homme que je viens de vous présenter est celui que nous voyons aujourd'hui, que nous coudoyons tous les jours. Mais lui aussi a été jeune ; il a été mêlé à la vie turbulente et galante de son temps et s'y montra non pas spectateur passif et indifférent, mais acteur plein de zèle et d'ardeur. Il dut même, paraît-il, en une certaine circonstance, montrer que l'épée lui était non moins familière que la plume. Mais n'anticipons pas sur les événements, et voyons comment s'écoulèrent ses premières années.

 

M. Ambroise Thomas semble avoir été, dès sa naissance, voué à la carrière de compositeur. Son père étant professeur de musique, destinait tout naturellement son fils à exercer la même profession que lui. Mais, désirant aussi le voir arriver à une plus haute situation que celle qu'il occupait, il n'épargna rien pour lui faciliter l'étude de son art.

 

De très bonne heure, il entreprit son éducation musicale. On assure qu'à peine âgé de quatre ans, l'enfant commençait le solfège ; à sept, il exerçait déjà ses petits doigts sur le clavier, et, apprenait à la fois le piano et le violon. Lorsqu'il fut un peu plus avancé, son père le confia aux soins de Kalbrenner, qui avait alors une très grande renommée dans le monde musical comme professeur ; son enseignement du piano était réputé. Kalbrenner s'attacha au petit Thomas, dont il discernait l'intelligence et les belles qualités, et, témoin de ses progrès, l'adressa en 1828 à Cherubini, le priant de l'admettre parmi les élèves du Conservatoire.

 

M. Weckerlin a acquis, en 1878, pour la bibliothèque du Conservatoire, la lettre de recommandation de Kalbrenner à Cherubini. Je la transcris ici, en raison du curieux intérêt qu'elle offre à l'heure actuelle :

 

« Mon cher monsieur Cherubini, Le jeune homme, porteur du présent billet, me semble avoir des dispositions extraordinaires pour la musique et pour le piano, et vous me feriez un bien grand plaisir si vous étiez assez bon pour le faire inscrire pour le concours de places qui vont se trouver vacantes à l'Ecole royale de musique. Il est fils d'un ancien professeur de Metz, et l'unique espoir d'une mère pauvre et âgée. Je sais combien vous êtes bon, et j'espère que cette dernière raison vous décidera à vous intéresser à M. Ambroise Thomas. »

 

M. Ambroise Thomas avait alors dix-sept ans ; il entra dans la classe de piano de Zimmermann, et, dès l'année suivante, il remportait le premier prix. Admis parmi les élèves de Dourlen pour l'harmonie et l'accompagnement au piano, il obtenait, en 1831, le prix d'harmonie.

 

Il suivit aussi avec assiduité la classe de composition de Lesueur, où il se rencontra avec Berlioz. Ce dernier ayant obtenu le grand prix de composition musicale, partit pour Rome en 1830. Deux ans plus tard, et dans cette même classe, M. Ambroise Thomas recevait à son tour la même récompense et, tout fier de ses lauriers, se dirigeait sur la ville éternelle.

 

A Lyon, où il s'arrête, il rencontre Hippolyte Flandrin, avec lequel il continue le voyage. Lorsqu'ils arrivèrent tous deux à Rome, ils furent reçus à bras ouverts par les pensionnaires de la Villa Medici ; les lettres des camarades les avaient déjà fait connaître.

 

M. Thomas, par la douceur de ses manières et l'aménité de son caractère, fut bien vite pris en affection par tous. Il faisait de longues promenades avec le satuaire Jouffroy, les peintres Signol, Paul et Hippolyte Flandrin, qui le conduisaient partout où il y avait quelque œuvre d'art à admirer. Il fréquentait en outre, avec assiduité, les représentations des ouvrages de Rossini, de Mercadante, de Donizetti et de Bellini, était déjà reçu dans l'intimité de la famille Vernet, accompagnait au piano la charmante Louise Vernet. Dans ce salon, il rencontra le célèbre Elleviou, Stendhal, la duchesse Stéphanie de Bade, la princesse de Danemark et... Boïeldieu, une des bêtes noires du fougueux Berlioz.

 

Le nom de Boïeldieu nous remet en mémoire une anecdote piquante et peu connue à laquelle nous avons fait allusion plus haut, qui se place à cette époque même et que raconte M. Escudier en ses Souvenirs. Nous lui laissons la parole... ainsi que la responsabilité de ses assertions :

 

« L'auteur de la Dame Blanche voulut entraîner à Naples M. Thomas. Une aventure mystérieuse, suivie d'un accident fâcheux, se mit à la traverse du voyage projeté. La veille même du jour où M. Ambroise Thomas devait quitter Rome, ses camarades le virent arriver le bras en écharpe et la figure bouleversée. Que s'était-il passé ? S'était-il battu en duel ? Avait-il été obligé de sauter d'un balcon un peu trop élevé ? Il affirma qu'il venait de se laisser choir et qu'il avait été assez maladroit pour se démettre le coude. Ses amis comprirent qu'ils ne devaient pas l'interroger et, comme ils tenaient son caractère en aussi haute estime que son talent, ils adoptèrent la version d'une chute malencontreuse. Seul le sceptique Jouffroy se mit à sourire en fredonnant :

Au pays des Latins

On fait des récits incroyables :

Les femmes sont de vrais lutins

Leurs maris deviennent des diables,

Au pays des Latins. »

 

Cette petite histoire ouvre un jour assez nouveau sur l'existence si calme, depuis, si rangée, de M. Ambroise Thomas.

 

Lorsqu'en 1834, Ingres, nommé directeur de l'Académie de France à Rome, vint prendre possession de son poste, il fut gagné à son tour par la modestie et les bonnes grâces de notre jeune héros ; nous en avons pour preuves les regrets qu'il ne cessa d'exprimer dans ses lettres lorsque M. Thomas fut obligé (les trois années réglementaires écoulées), de revenir à Paris.

 

Le départ de M. Thomas contraria Ingres vivement de même qu'Hippolyte Flandrin qui avait été le compagnon inséparable, l'ami fidèle et dévoué du futur auteur d'Hamlet. Dans une lettre adressée à l'un de ses parents il en parle en ces termes à la date du 15 août 1835 :

 

« J'aurais voulu que tu connusses Thomas, notre musicien, avec qui je me suis lié d'une amitié vraie et sincère. C'est lui qui m'a fait connaître le beau en musique. Tout le monde l'aime, l'estime et M. Ingres par dessus tous les autres. Depuis trois ans nous jouissons de son excellent caractère d'homme et d'artiste, puis de son admirable talent ; mais tout finit. Il faut maintenant qu'il parte, et j'en sens une grande, une prolonge peine. Je vois que nous sommes vraiment bien amis ! L'Académie s'est presque entièrement renouvelée depuis que je suis arrivé ; j'ai eu le temps de me lier avec mes camarades, puis un à un je les ai vus partir et mon Thomas est le dernier : mais c'est aussi la plus sensible perte que je puisse faire. »

 

N'y a-t-il pas dans cette lettre intime, qui, certes, n'était pas destinée à la publicité, comme un tableau touchant de ces amitiés formées entre jeune gens qui s'estiment à la fois pour leur talent et leur caractère, et dans les liens restent indissolubles même pendant les orages de la vie privée, les tourments de la lutte pour l'existence, et les froids égoïsmes de la vieillesse. Lorsqu'une trentaine d'années plus tard mourait Hippolyte Flandrin, M. Ambroise Thomas par un pieux souvenir, faisait entendre à l'église Saint-Germain-des- Prés une messe funèbre, composée des chants religieux qui avaient le plus charmé autrefois l'âme de son défunt ami !...

 

Dès son arrivée à Paris, le premier soin de M. Ambroise Thomas fut de chercher à faire jouer ses œuvres ; il n'attendit pas longtemps, car un an après son retour, en 1836, nous le voyons aborder la scène avec la Double Echelle, un petit acte, interprété par Mlle Prévost et M. Couderc, qui fut joue à l'Opéra Comique non sans succès. Voici ce qu'écrivit à cette occasion Hippolyte Flandrin qui se trouvait alors à Florence :

 

« Mon Thomas, mon ami, depuis longtemps j'étais à l'affût de quelque feuilleton qui vînt nous parler de toi. J'attendais avec impatience, anxiété. Juge de ma joie, lorsque dans le Courrier Français, je vois un article sous ce titre : la Double Echelle, musique de M. Thomas. L'éloge qu'il fait ensuite, nous a émus au dernier point, Paul et moi. Nous étions au café, nous lisions ensemble, et à grands coups de coude nous nous faisions comprendre notre joie mutuelle. »

 

On voit que les amitiés qu'avait formées l'auteur de Françoise de Rimini, pendant son séjour à Rome, étaient de celles qu'une séparation ne peut faire oublier.

 

Ils avaient tous conservé un excellent souvenir de ce jeune musicien qui charmait leurs loisirs en exécutant et commentant même les compositions des grands maîtres.

 

M. Ambroise Thomas, tout bouillant d'ardeur pour son art, produisit, depuis cette Double Echelle, nombre d'opéras et d'opéras-comiques. Je ne puis entrer dans le détail : cela m'entraînerait trop loin. Qu'il me suffise de constater qu'avant d'arriver à Mignon, qui est resté avec Hamlet le terme le plus éclatant, le point le plus brillant de cette longue carrière, nous aurions à mentionner une vingtaine d'ouvrages. Etant donnés les difficultés, les obstacles de toute nature qui se dressent devant un compositeur débutant, il faut avouer que M. Thomas n'a pas conquis sans peine la haute situation qu'il occupe aujourd'hui.

 

Toujours dans ses moindres œuvres, M. Thomas a témoigné d'une parfaite honnêteté, d'une rare sincérité envers son art et a montré un talent distingué, gracieux, élégant, constamment empreint d'une grande délicatesse et d'un goût des plus sûrs. Je ne puis mieux faire ici, du reste, que consigner les propres paroles de Berlioz, qui le connaissait bien, ayant été son camarade de classe. Ce fut à propos de l'"envoi de Rome" de M. Thomas, alors qu'il était pensionnaire de l'Académie de France, que Berlioz ayant à juger dans un journal les compositions de son ancien condisciple, écrivit en 1836 :

 

« M. Thomas est un des lauréats qui honorent le plus le choix de l'Académie. Je le crois un de ces musiciens pleins d'amour pour leur art, prêts à faire pour lui toute espèce de sacrifices, et qui sont, évidemment appelés à s'y distinguer quand nos institutions musicales voudront bien le leur permettre. Sa manière est animée, brillante, souvent, d’une élégance qui ne ressemble en rien à l'afféterie ni aux grâces mesquines qu'un certain public regarde comme le type des bonnes manières et du style fashionable»

 

Ce jugement prononcé par Berlioz il y a quarante-sept ans, reste encore vrai de tous points aujourd'hui. M. Thomas n'a pas cessé de montrer les mêmes qualités qui l'ont placé si haut dans l'estime de tous les amateurs éclairés de l'art. Il a toujours cherché à se rapprocher de la perfection, et ses dernières couvres prouvent que l'évolution qui s'est accomplie dans son esprit le portait incessamment vers un idéal de, plus en plus élevé. Il a mis tous ses efforts à agrandir son horizon et à élargir son vol.

 

Albert Dayrolles

(in Les Annales politiques et littéraires,

16 novembre 1884)



Paru en 2003, ce CD contient notamment en 1er enregistrement mondial les Deux chants de l’ancien Pérou, joués par les Indiens sur La Quena, leur instrument national, harmonisés pour trois saxophones par Ambroise Thomas, interprétés par le Duo Lemarié (Chiharu Inoué et Yann Lemarié) et Jean Ledieu. [Duo Lemarié OLCD-0201].
Ambroise Thomas, Offertoire pour orgue, publiée en 1858 dans le journal de musique religieuse La Maîtrise.
(Rprint Pierre Gouin, éditeur, © Les Editions Outremontaises, 2017, https://imslp.org/wiki/Offertoire_(Thomas%2C_Ambroise)) DR.
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Charles Valentin MOHRANGE dit ALKAN (1813-1888)

Charles-Valentin Alkan en 1860 (BNF/Gallica)
Charles-Valentin Alkan en 1860
( BNF/Gallica ) DR

Alkan (Charles-Valentin), connu sous le nom d’Alkan aîné, né à Paris, au mois de décembre 1813, montra dès ses premières années les dispositions les plus remarquables pour la musique. Admis comme élève au Conservatoire de Paris, il y obtint le premier prix de solfège à l’âge de sept ans et demi. Dans le même temps il exécuta en public un air de Rode sur le violon ; mais dans la suite il abandonna cet instrument. Ses progrès dans l’étude du piano, sous la direction de Zimmerman, ne furent pas moins rapides, car il était à peine âgé de dix ans lorsque le premier prix de cet instrument lui fut décerné dans un concours public.

Devenu l’élève de Dourlen pour l’harmonie, il porta dans l’étude de cette science l’heureuse organisation dont la nature l’avait doué, et pour la troisième fois fut vainqueur de ses rivaux dans l’école qui avait été le théâtre de ses autres succès ; le premier prix lui fut accordé en 1826. Zimmerman, qui avait fait son éducation de pianiste, lui donna ensuite des leçons de contrepoint et de fugue, et ce fut comme élève de ce professeur qu’il parut en 1831 au concours du grand prix de l’Institut, et qu’il y obtint une mention honorable. Depuis lors ce jeune artiste s’est livré à la composition pour son instrument et à l’enseignement du piano. Il s’est fait entendre avec succès dans plusieurs concerts, notamment à l’un de ceux du Conservatoire, où il a exécuté un concerto de sa composition dans la saison de 1831. Doué d’un talent sérieux et original, Alkan n’a pas recherché les succès de vogue, que sa grande habileté lui eût rendu faciles. Les artistes ont une grande estime pour son mérite, et en portent très haut la valeur. Cette opinion est justifiée, car Alkan n’est pas seulement un très habile pianiste et un compositeur plein de fantaisie ; c’est un grand musicien qui a jusqu’au fond du cœur le sentiment du beau. Sa manière est d’une originalité incontestable. Mais sa musique est difficile, et pour en bien saisir l’esprit, il faut la lui entendre jouer : le public ne le connaît pas suffisamment.

M. Alkan a publié jusqu’à ce jour les productions dont les titres suivent : 1°Les Omnibus, variations pour le piano dédiées aux dames blanches ; Paris, Schlesinger. – 2° Variations sur le thème de L’Orage de Steibelt. – 3° Concerto pour le piano avec accompagnement d’orchestre. – 4° Vingt-cinq préludes dans tous les tons majeurs et mineurs pour orgue ou piano, en trois suites, op. 31 ; Paris, Brandus. – 5° Douze études dans tous les tons majeurs, op. 35 ; ibid. – 6° L’Amitié, grande étude ; ibid. – 7° Marche funèbre, op.26 ; ibid. – 8° Marche triomphale, op.28 ; ibid. – 9° Le Chemin de fer, étude pour le piano. – 10° Bourrée d’Auvergne, étude, op. 29 ; ibid. – 11° Les Preux, étude de concert, op. 17 ; ibid. – 12° Nocturne pour piano forte, op. 22 ; ibid. – 13° Saltarelle, idem, op. 23 ; ibid. – 14° Gigue et air de ballet, idem, op.24. ; ibid. – 15° 1er Trio pour piano, violon et violoncelle, op. 30 ; Paris, Richault. – 16° Due fughe da Camera (Jean qui pleure et Jean qui rit) ; ibid. – 17° Partitions pour le piano tirées des œuvres de Marcello, Glück, Haydn, Grétry, Mozart, nos 1 à 6 ; ibid. – 18° Variation-fantaisie à quatre mains sur un thème de Don Juan ; ibid. – 19° Recueil d’Impromptus, op. 32, Nos 1 et 2. – 20° Grande sonate, op. 33. – 21° Scherzo focoso. – 22° Duo concertant pour piano et violon, op. 21. – 23° Etudes caprices, formant les œuvres 12, 13, 15, et 16 et renfermant trois Improvisations dans le style brillant, trois andante romantiques, trois morceaux dans le genre pathétique, dédiés à Liszt, et trois scherzi. – 24° trois marches, quasi da cavaleria, op. 37, 1er et 2ème livres de chants pour piano, op. 38. – 25° Douze études dans les tons mineurs, dédiés à M. Fétis, op. 39. Cet ouvrage est une véritable épopée pour le piano : elle se développe en 276 pages de musique, et l’on y retrouve des pièces de genre absolument nouveau, une symphonie en quatre parties, un concerto en trois divisions, une ouverture, un dernier morceau intitulé Le Festin d’Esope. – 27° Trois marches à quatre mains, op. 40. – 28° Trois fantaisies dédiées à L., op. 41. – 29° Réconciliation, petit caprice en forme de danse basque, op. 42. – 30° Salut, cendres du pauvre! paraphrase, op.45. – 31° Sonate pour piano et violoncelle, op. 47. On a aussi d’Alkan plusieurs ouvrages distingués sans nos d’œuvres, entre autres, Les Mois, qui se composent de douze morceaux, en quatre suite ; trois grandes études pour la main gauche seule ; trois grandes études pour la main droite seule ; étude à mouvement semblable et perpétuel pour les deux mains.


François Joseph Fétis
Biographie universelle des musiciens
et bibliographie générale de la musique
Paris, Firmin-Didot, t. I, pp. 70-71 (1866)

(saisie et numérisation Max Méreaux)

Fichier MP3 Charles-Valentin Alkan, Nocturne pour le piano, op. 22, dédicacé “à Madame Elisa Poussielgue” (Mayence, B. Schott, n° 7728). Fichier audio par Max Méreaux (DR.)


1833

Alphonse THYS (1807-1879)

C'est elle!, mélodie d'Alphonse Thys, paroles d'Auguste Richomme, chantée par M. Lac - Paris, Au Ménestrel, 1843 (DR)C'est elle!, mélodie d'Alphonse Thys, paroles d'Auguste Richomme, chantée par M. Lac - Paris, Au Ménestrel, 1843 (DR)C'est elle!, mélodie d'Alphonse Thys, paroles d'Auguste Richomme, chantée par M. Lac - Paris, Au Ménestrel, 1843 (DR)

C'est elle!, mélodie d'Alphonse Thys, paroles d'Auguste Richomme, chantée par M. Lac
( Paris, Au Ménestrel, 1843 ) DR
Fichier MP3 Fichier audio par Max Méreaux avec transcription de la partie vocale pour clarinette (DR.)
Couverture d'une des nombreuses romances écrites par Alphonse Thys :
La Perle du village, paroles de Eugène Mahon
(Paris, au Ménestrel, 1842) DR.

Si le nom d’Alphonse Thys ne dit probablement plus rien à personne de nos jours, les auteurs, compositeurs et éditeurs de musique lui doivent cependant beaucoup, car avec Ernest Bourget c’est l’un des fondateurs en 1851 de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, plus couramment appelée SACEM ! Il en fut d’ailleurs à l’époque l’un des membres les plus actifs et élu président à plusieurs reprises. Rappelons que si cette société civile composée de sociétaires ne comptait dans ses rangs au départ que 200 sociétaires, de nos jours 80 000 sont membres de la SACEM, et plus de 650 000 œuvres sont créditées de droits. Il ne faut pas oublier également que 180 000 œuvres du monde entiers sont déposées chaque année...

 

Né à Paris le 8 mars 1807, Alphonse Thys est issu d’une famille[1] originaire de Lapugnoy (Pas-de-Calais). C’est là que son père Pierre Thys, tailleur d’habits, était né le 5 mai 1761 avant de s’installer à Paris pour y exercer son métier. Mort dans cette ville le 31 janvier 1829, il avait épousé une Versaillaise, Marie-Louise Eloy (1786-1838). Alphonse débuta l’apprentissage de la musique par le piano et dès l’âge de 14 ans il publiait sa première œuvre : une Polonaise pour piano (Paris, chez l’auteur, 47 rue Saint-Honoré, 1822). Il intégrait ensuite le Conservatoire de Paris à la rentrée d’octobre 1825 et suivit dans cet établissement les classes d’Emile Bienaimé (harmonie) et de Berton (composition). C’est ce dernier qui l’amena en 1833 au Concours du Prix de Rome. Le sujet imposé, la cantate Le Contrebandier espagnol, sur des paroles du marquis de Pastoret, lui valut de décrocher le Grand Prix. Il partit ainsi durant deux années à la Villa Médicis, mais renonça cependant à poursuivre son séjour en Italie et en Allemagne, comme il était de coutume pour tous les pensionnaires du gouvernement. On connaît de lui deux envois de Rome effectués : un O Salutaris (1ère année) et le Final d’un opéra-comique (2ème année). Après avoir regagné Paris en 1835, il commença à se faire un nom comme auteur d’un grand nombre de romances et autres pièces faciles pour le piano, ainsi qu’en écrivant de la musique pour des pièces de théâtre de genre, jouées au Théâtre du Gymnase notamment. On lui doit des airs devenus populaires comme La Belle Limonadière ou La Nuit au sérail dont les motifs servirent longtemps de timbres pour les vaudevilles... Puis il se lança dans une carrière de compositeur dramatique, mais le succès ne fut jamais vraiment au rendez-vous : Alda (opéra en un acte, Opéra-Comique, 1835), Le Roi Margot (comédie à ariettes, Théâtre de la Renaissance, janvier 1839), Oreste et Pylade (opéra-comique en un acte, Opéra-Comique, février 1844), l’Amazone (opéra-comique en un acte, Opéra-Comique, novembre 1845), La Sournoise (opéra-comique en un acte, Opéra-Comique, septembre 1848)... Il est également l’auteur d’un petit opéra de salon : Les Echos de Rosine pour chant et piano, et de plusieurs chœurs pour voix mêlées ou pour voix d’hommes, parmi lesquels Les plaisirs de la chasse, édités à Paris en 1864 chez P. Dupont.

 

Alphonse Thys se livra également à l’enseignement de la musique. Parmi ses nombreux élèves, signalons plus particulièrement le prince Edmond de Polignac (1834-1901), ami de Fauré et de Proust, auteur de musique de chambre. Sans doute utilisait-il pour l’apprentissage du solfège la méthode simplifiée de Pierre Galin, alors en vogue à cette époque ? Il a d’ailleurs préfacé en 1873 l’ouvrage de Sophronyme Loudier sur ce sujet, intitulé La Musique au village. Histoire anecdotique de la méthode Galin-Paris-Chevé (Paris, librairie de l’Echo de la Sorbonne, in-16, VII-104 p., portrait d’E. Chevé).

 

Alphonse Thys, est décédé le 1er août 1879, à Bois-Guillaume, non loin de Rouen (Seine-Maritime). Son corps, ramené à Paris, fut inhumé au cimetière de Montmartre dans un caveau de famille. Il avait épousé dans la capitale, le 27 mai 1834, Zoé Gaugé, née le 23 avril 1810 à Paris, qu’il avait connue pendant ses études au Conservatoire de Paris où elle avait obtenu un 1er prix de solfège en 1827. Puis, après la mort de cette dernière, arrivée le 2 mars 1860, il se remariait en secondes noces, le 22 juin 1861 à Paris, avec Henriette Sircot, une « musicienne de goût ». Sa fille Pauline Thys, née de sa première union, également compositeur de musique, eut quelques succès dans les chansons et autres airs populaires, comme continuatrice de la romance gauloise de Loïsa Puget. Et, tout comme son père, elle se lança dans le théâtre avec bonheur, écrivant elle-même ses livrets la plupart du temps: La pomme de Turquie (opérette en un acte, Bouffes-Parisiens, 9 mai 1857), Quand Dieu est dans le ménage, Dieu le garde (opérette, 1860), La perruque du Bailli (opérette, Salle Herz, 1860), Le pays de Cocagne (opéra-comique en 2 actes, sur un livret de Desforges, Théâtre-Lyrique, 24 mai 1862), Manette (opéra-comique, Vaudeville, 1865), Le cabaret du Pot-cassé (opérette en 3 actes, Alcazar de Bruxelles, octobre 1878), Le Fruit vert (opéra-comique en 3 actes), Le Mariage de Tabarin (opéra-comique en 3 actes, représenté le 5 décembre 1885 au Grand-Théâtre de Reims)... Née le 23 octobre 1835 à Paris, morte le 5 septembre 1909 à Ixelles, près de Bruxelles, après un premier mariage en 1860 à Paris avec Charles Sébault dont elle divorçait 25 ans plus tard, elle se remariait en 1886 à Paris à un militaire, le chef d’escadron Charles Marque de Coin (1826-1906). A la mort de ce dernier, elle avait quitté le seizième arrondissement parisien, où elle résidait, pour terminer ses jours à Forest-les-Bruxelles (Belgique).

 

Denis Havard de la Montagne

(août 2001, mise à jour : janvier 2019)


[1] Le peintre Gaston Thys né le 17 décembre 1863 à Lille, mort à l’âge de 30 ans à Rome le 9 août 1893, Grand Prix de Rome de peinture en 1889 pour son Christ et le Paralytique, appartient à une famille différente de forgerons, installée depuis plusieurs générations à Zele en région flamande, alors que les ancêtres d’Alphonse Thys sont connus en France à Lapugnoy depuis le XVIIe siècle.



Adolphe Le Carpentier, vers 1860
( Estampe, Impr. Bertauts, B.N. Paris )
Adolphe LE CARPENTIER (1809-1869)

Musicien complet, Adolphe Le Carpentier a voué sa vie à l’enseignement de la musique, aux dépens de sa carrière de compositeur et de pianiste concertiste, publiant plusieurs ouvrages pour l’instruction et un grand nombre de pièces de piano faciles pour débutants.

D'où viens-tu beau nuage ? , rêverie de Louis Abadie (1814-1858) transcrite et variée pour piano par Adolphe Le Carpentier, op. 209, dédicacée "à Mademoiselle Louisa Palmer".
(Paris, J. Meissonnier fils, c.1858/coll. DHM) DR.
Partition au format PDF
Fichier MP3 Fichier audio par Max Méreaux (DR.)

Né le 17 février 1809 à Paris, d’un père professeur de violon et auteur d’une Méthode de violon (Paris, Frey), Adolphe-Clair Le Carpentier entra à l’âge de 11 ans, en août 1818, au Conservatoire de musique et de déclamation. Il y étudia le solfège, le piano, l’accompagnement pratique et l’harmonie (1er prix en 1827), le contrepoint et la fugue avec Fétis (1er prix en 1831) et la composition avec Lesueur. C’est ce dernier qui l’amena au Concours de Rome en 1833 pour lequel il remporta un premier Second Prix avec la cantate Le Contrebandier espagnol.

Dès lors, Adolphe Le Carpentier se livra à l’enseignement du piano, du solfège et de l’harmonie, jusqu’au moment de son décès arrivé à Paris le 14 juillet 1869. Cet éminent professeur fut longtemps regretté de ses élèves, au point que Marie Escudier dans son journal " La France musicale " du 18 juillet 1869 écrivait : " La mort vient de frapper un musicien de grande valeur et très justement estimé, M. A. Le Carpentier. Quel est le pianiste qui n’a pas joué les compositions de ce maître et qui ne connaît la Méthode Le Carpentier pour le piano ? Cet ouvrage seul suffirait pour sauver son nom de l’oubli. Il emporte dans la tombe les regrets unanimes des artistes et des nombreux amis que son caractère aimable lui avait faits. Ses obsèques ont eu lieu vendredi dernier [16 juillet], dans l’église Notre-Dame-Bonne-Nouvelle, au milieu d’une affluence considérable. "

Adolphe Le Carpentier a laissé un nombre important de pages de piano pour " les commençants " et plusieurs ouvrages pédagogiques dont certains ont été réédités à plusieurs reprises: Ecole d’harmonie et d’accompagnement (Paris, chez l’auteur), Méthode de piano pour les enfants ( Paris, Meissonnier), Solfège pour les enfants (id.), Grammaire musicale (id., 1855)... Parmi son œuvre pianistique, qui comporte plus de 200 numéros d’opus, citons de nombreuses Bagatelles sur Paquita, sur Dom Sébastien, sur Mina, sur Maria di Rohan, sur le Code Noir, et des Fantaisies sur Marie Stuart, sur Ernani, sur le Désert, sur les Hirondelles, sur Dom Sébastien..., toutes éditées " Au Bureau central de musique " 29 place de la Bourse, à Paris.

En 1863, la Compagnie Musicale (E. Gérard et Cie) publiait un Album de Danses n°2, très facile, (pour 1864), contenant notamment un petit quadrille de Le Carpentier sur des motifs de Lucie Lammermoor de Donizetti, « cet opéra ravissant qu'on ne se lasse pas d'entendre » et la Baguette magique, schottisch par le même auteur. On pouvait alors lire sous la plume de Sextius Durand, dans l'hebdomadaire La France musicale du 13 décembre 1863, ces quelques lignes ô combien flatteuses :

« Quant à M. Le Carpentier, il y a longtemps qu'il est passé maître dans cet art de faire du facile sans nuire en rien au charme des mélodies et à la couleur des dessins harmoniques d'un morceau. Il connaît tout ce qui doit être élagué dans une composition sans altérer la pensée de l'auteur et lui enlever son effet. C'est ce qui le rend si cher aux jeunes élèves et l'a fait surnommer la Providence des enfants. »

Denis HAVARD DE LA MONTAGNE


Adolphe Le Carpentier, Exercice à deux voix pour piano,
tiré du 2e volume de la
Méthode de piano pour les enfants, op. 59
(Paris, Meissonnier fils, 1852/numérisation Max Méreaux, 2018) DR.
Fichier MP3 Fichier audio par Max Méreaux. DR.

1834

Antoine ELWART (1808-1877)

Article détaillé sur cette page spécifique.

Hippolyte Colet
Hippolyte Colet
( BNF Richelieu )
Hippolyte COLET

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Auguste PLACET (1816-1888)

Bien qu'il ait obtenu à l'époque quelques succès comme chef d'orchestre et compositeur, voilà encore un musicien dont le nom n’a pas même été retenu dans les annales puisqu’il est ignoré de tous les ouvrages spécialisés. Les présentes informations biographiques, même si elles demandent à être parfois approfondies, ont au moins le mérite de faire renaître la mémoire de ce lauréat du Prix de Rome.

Né aux Ternes (Neuilly-sur-Seine)1 le 14 octobre 1816, Auguste-Francis Placet2, fils de Sébastien Placet (1783-1864), employé au Ministère de l'Intérieur, et de Louise Grison, intègre rapidement le Conservatoire national supérieur de musique. Il y fréquente les classes de Ferdinand Gasse (solfège) dans laquelle il décroche un second prix en 1830 qu'il partage avec Alkan jeune, puis un premier prix l’année suivante, de Paul Guérin (violon), d’Antoine Reicha (contrepoint) et pour la composition, celle de Jean-François Lesueur. En 1834 il se présente au Concours de composition de l’Académie des Beaux-Arts et reçoit une mention honorable pour sa cantate L’Entrée en loge, sur un texte de Gail, derrière Elwart, Colet et Boisselot. La même année, au mois de février il est engagé comme alto à l’orchestre de l’Opéra dirigé par Habeneck, poste qu'il occupe jusqu'au 30 septembre 1839. Entre temps, en 1837 il se présente à nouveau au Concours de Rome. Admis à entrer en loge, aux côtés de Gounod, Deldevez, Chollet et Besozzi avec pour sujet la grande scène lyrique intitulée Marie Stuart et Rizzio, sur des paroles de Léon Halévy, il n’obtient aucune récompense. En novembre 1838 il est admis comme membre de la Société des Concerts du Conservatoire. A cette époque, on le trouve également jouant de son instrument à l’orchestre du Théâtre-Italien, alors installé dans la Salle Favart (place Boieldieu) et à celui du Théâtre du Gymnase-Dramatique situé au numéro 38 du boulevard de Bonne-Nouvelle, où l’on joue principalement des vaudevilles d’Eugène Scribe. C’est dans cette salle que la célèbre tragédienne Rachel (1821-1858) débute le 24 juillet 1837, dans la Vendéenne, une pièce de Paul Duport qui n’eut d’ailleurs aucun succès.

Aux cotés de Théophile Tilmant (violon) et d'Alexandre Tilmant (violoncelle), Auguste Placet se produit très tôt en formation de chambre : le 26 juin 1838 dans la salle Ventadour, ils interprètent le Quintette en ut majeur pour 2 violons, 2 altos et violoncelle de Beethoven accompagnés de Chrétien Urhan (violon) et Anton Bohrer (alto). Le 3 février 1839 dans les salons de Pape, cette fois en compagnie de Charles Lenepveu (violon), les frères Tilmant et Placet jouent le 10e Quatuor de Mozart, et avec Théodore Doehler (piano) qui se joint à eux pour la circonstance un Quintette de Schubert.

A la fin de l'année 1839 Placet quitte Paris pour se rendre au Théâtre de Saint-Pierre, à la Martinique, alors dirigé par Eugène de Peronne. « Artiste musicien », domicilié dans cette ville 46 rue du Petit Versailles, d'une liaison avec l'artiste lyrique Caroline Boucher (c. 1820-1866) il a un fils prénommé Charles, né à Saint-Pierre le 26 juin 1841.3 Mlle Boucher, parisienne de naissance, après la Martinique, se produira en métropole en province, puis à Alger (1860)4, avant d'être engagée en 1862 au Théâtre-Royal d'Anvers, où, notamment comme « duègne, rivalisait d'entrain et de naturel avec M. Moreau. » Retournée à Alger en 1865, elle y meurt en avril 1866 des suites d'une attaque d'apoplexie. Quant à Auguste Placet, en 1847, l'année même ou Eugène de Peronne est nommé directeur du Théâtre-Royal de la Guadeloupe, il en devient le chef d'orchestre.

De retour à Paris, il est engagé au Théâtre-Lyrique comme second chef d'orchestre et en 1852 succède à Alphonse Varney au poste de premier chef. Ce théâtre situé boulevard du Temple et qui avait ouvert ses portes en 1848, alors dirigé par Jules Seveste et plus tard par Léon Carvalho, s’efforçait notamment de donner des œuvres de compositeurs lauréats du Prix de Rome.5 Ayant quitté le Théâtre-Lyrique quelques années plus tard, en mars 1856 il est engagé par l’administration des bains de Dieppe (Seine-Maritime) pour diriger la musique symphonique et le théâtre à compter de sa prochaine saison. A ses côtés sont également engagés Marx pour la direction des bals, et Sourdillon pour les fanfares. L'année suivante, pour l'inauguration de son nouvel établissement de bains de mer un « concert et bal dans la nouvelle et splendide salle bâtie ainsi dire sur la page » sont donnés les samedi et dimanche 25 et 26 juillet avec un feu d'artifice tiré en pleine mer. Une cantate d'Auguste Placet sur des paroles de Dardoise est exécutée par les choeurs du Conservatoire de Paris dirigés par Batiste, avec le baryton de l'Opéra Bussine et Mlle Caye du Théâtre-Lyrique. On joue également « une très agréable » ouverture de son opéra les Cavaliers de la Reine qu'il dirige lui-même à la tête de son orchestre du Casino qu'il va conduire jusqu'en 1873. Durant les hivers, il regagne la capitale et c'est ainsi qu'on le rencontre le 27 janvier 1864 à la Salle Herz pour diriger l'orchestre jouant les Trois rêves et la fantaisie pour piano et orchestre Les Bois d'Emile Prudent, les ouvertures d'Egmont et des Noces de Figaro ; sont également donnés deux oeuvres de Marie Darjou (une élève de Prudent), une Romance sans paroles de Mendelssohn, une Pensée musicale de Schubert et le Scherzo, op. 20, de Chopin ; puis le 11 mars 1866 au Cirque de l'Impératrice (Champs-Elysées) où il conduit le premier concert de la Société philharmonique de Paris avec les choeurs de la Société chorale Chevé. Le 22 novembre de cette même année 1866 à l'église Saint-Vincent de Rouen, pour la fête de Sainte-Cécile une « Messe solennelle à 4 voix en choeur avec solos et grand orchestre », composée pour la circonstance par Amédée Méreaux, est exécutée par 120 chanteurs et instrumentistes sous la direction de Placet « l'habile chef dont le talent est bien connu. » En 1872, le lundi 6 mai au Conservatoire de Paris il conduit l'orchestre Danbé dans la Marche et finale du Concerto pour piano de Weber, avec Antonin Marmontel (piano), lors du concert organisé par la Société des « Orphelins de la guerre ». A cette manifestation s'étaient également jointes d'autres sommités du monde musical, entre autres les pianistes Francis Planté, Louis Diémer et Francis Thomé, la chanteuse Caroline Carvalho, les violonistes Teresa Milanollo-Parmentier, Delle-Sedie, Charles Dancla, Henri Vieuxtemps, Delphin Alard, Jean-Baptiste Cuvillon, Camillo Sivori, le violoncelliste Auguste Franchomme, l'organiste Charles-Marie Wido et l'harmoniumiste Alexandre Félix-Miolan.

Auguste Placet semble avoir terminé sa carrière de musicien comme violon dans l’Orchestre du tout nouveau Eden-Théâtre de Paris, ouvert en 1883 dans la rue Boudreau (IXe) . C'est là d'ailleurs que l’actrice Cécile Sorel (1873-1966) fait ses débuts avant de regagner en 1901 la Comédie-Française. Célibataire, domicilié 57 rue de Dunkerque à Paris, il est décédé le 10 décembre 1888 à l’hospice de la « Maison municipale de santé », 200 rue du Faubourg Saint-Denis à Paris Xe.

Même si les compositions de Placet sont disparues des programmes depuis longtemps, il n'en demeure pas moins qu'elles connurent un certain succès sous le Second Empire jusqu'au milieu de la Troisième République, d'autant qu'elles consistent principalement en mélodies et autres pages légères pour le piano ou pour l'orchestre, pièces très prisées par le public. La BnF en conserve une bonne partie et parmi ses oeuvres, il convient de nommer pour piano : La Reine des Sylphides, cavatine boléro (Paris, Excoffon, 1844), La Créole, valse (Excoffon, 1846), Elodie, valse (Excoffon, 1849), La Ronde du village, quadrille composé sur une romance de A. Lestrelin et sur des motifs originaux (Excoffon, 1849), Corinne, polka des Antilles (Excoffon), J'ai du bon tabac, polka (J.Maho, 1858), Sempronia, polka-mazurka (Paris, J. Maho, 1861), Pilot-boat, polka (1862), Babita, polka (Paris, Emile Chatot, 1863), Les Pléiades, suite de valses (Paris, Choudens, 1863), Jean Bouzard (Paris, G. Hartmann, 1868), Les Secrets de la plage, valse (G. Hartmann, 1868), L'Espoir, valse, op. 51 (Paris, E. Gérard, 1873, puis A. Le Signe, 1891), Le Retour, galop (Paris, Aymard Dignat, 1876, puis Hachette, 1907) ; pour orchestre : Le Retour, galop (Aymard Dignat), Espoir, valse (E. Gérard, 1875, puis A. Le Signe) ; pour voix et piano : Noble Dame si belle !, romance, paroles d'Edmond Rupalley (Paris, Veuve Launer, 1843, puis Excoffon), Chantons nos amours, chant de matelot, La Veille du combat, romance, ces deux oeuvres sur des paroles du même (Vve Launer, 1843), Crains l'orage, romance, id. (Excoffon, 1844, puis L. Vieillot, 1857), Gennaro le gondolier, id. (Excoffon, 1844), Avec toi, id. (Nadaud), Je veille sur toi, romance, id. (Nadaud), Le Remplaçant, chansonnette-romance, paroles de J. L'Héritier (Excoffon, 1845), Le Matelot de Paris, chansonnette, paroles de Laurent Bénic (Excoffon, 1849), Paris et les amours, romance, paroles du même (Excoffon, 1849), Les Ouvriers du tour de France, chansonnette populaire, id. (Excoffon, 1849), Adieu, rêves d'amour, mélodie, paroles de Joseph Pollio (L. Langlois, 1907).


Charles Placet, Musette, polka pour piano
( Paris, F. Schoen, 42 boulevard Malesherbes, 1876 / coll. © Biblioteca Nacional de Espana )
Charles Placet, Patins et fourrures, mazurka pour piano,
dédicace “A Madame Deregnaucourt”
( Paris, F. Schoen, 42 boulevard Malesherbes, 1876 / coll. ©Biblioteca Nacional de Espana )

Auguste Placet, partition: Noble Dame si belle !, romance interprétée par le ténor Gozora, chanteur de salon très en vogue dans les années 1850, dédicacée “à son ami Charles Laurent”,
version pour voix et accompagnement de guitare réalisé par Rigot
( Paris, Excoffon, 1843, Coll. Connecticut College, Charles E. Shain Library, New London, CT, USA ) DR.
Fichier MP3 Fichier audio par Max Méreaux, avec transcription par ses soins de la partie vocale pour clarinette (DR.)

On doit encore à Auguste Placet la musique du ballet en 1 acte de M. Mathieu, les Bergers de Watteau, donné le mardi 24 juin 1856 aux Bouffes-Parisiens avec Mlle Marquitta, un petit drame maritime Balidar, le corsaire de la Manche, paroles de M. Feret, représenté en août 1862 à Dieppe sous la direction du compositeur, un choeur à 4 voix Les Francs-Archers, grande scène chorale, paroles de Francis Tourte (1853), notamment chantée le dimanche 10 mars 1867 aux Champs-Elysées d'hier (Théâtre du Prince Impérial, 46 rue de Malte), avec d'autres oeuvres de Charles Lefebvre, Rossini, Jules Cohen, Eugène Prévost, Henri Vieuxtemps, Charles Gounod et Weber, par la Société des Enfants de Lutèce, sous la direction de Gaubert, et un Ave Maria exécuté le Vendredi Saint (28 avril) 1865 au concert spirituel du Pré-Catalan dans le Bois de Boulogne (Paris XVIe), par un orchestre de symphonie de 100 artistes, avec le concours de la société chorale « Les Glaneurs » et également au programme le Stabat de Rossini, un Hymne d'Haydn, un Oratorio de Mozart, un choeur extrait de l'opéra Joseph de Méhul, une Symphonie de Beethoven, l'O Salutaris de Bordèse et la Marche religieuse de Nicou-Choron. Ajoutons qu'au Concours de 1855 de la Société impériale d’agriculture, sciences et arts de arrondissement de Valenciennes, section musique : « composition musicale sur la cantate Anzin », il avait remporté un 3e prix (médaille d'argent) ex-aequo avec Charles Duhot (1834-1905), de Condé, compositeur à Paris.

Signature autographe d’Auguste Placet, 1841 (DR.)

Son fils Charles Placet fit aussi une carrière musicale après avoir fréquenté le Conservatoire de Paris, où il avait décroché un 1er accessit d'harmonie en 1861. Chef d'orchestre, il succédait en 1873 à Charles Constantin à la tête de l’orchestre du Théâtre-Lyrique de L’Athénée, puis à partir de juillet 1876 prenait la direction de celui du Casino du Tréport (Seine-Maritime). A cette époque, les instrumentistes engagés étaient issus de formations prestigieuses ; c'est ainsi que pour ses débuts au Tréport, Charles Placet avait engagé, entre autres musiciens, Henri Ghys, pianiste et compositeur, Lamoury, violon solo de S. M. le roi de Portugal, Gianini, 1er violon du Théâtre-Italien, Thomas, violoncelle solo de l'Opéra-Comique, Tuvergis, ex-flûte solo du Concert des Champs-Elysées. Plus trad, en 1880, on trouve : Honoré, pianiste (lauréat du Conservatoire du Tréport), Italiander, second chef (1er violon de l'Opéra-Comique), Mlle Marie-Christine Boulanger, violon-solo (1er prix 1873 du Conservatoire de Paris), Moibsen, 2e violon (des Concerts populaires), Ratez, 2e violon (de l'Opéra-Comique), Léonce Cohen, alto (de la Société des Concerts, Grand Prix de Rome 1852), de Mouskoff, violoncelle solo (violoncelle solo de l'Opéra Populaire et de l'Opéra-Italien), Grogaert, 2e violoncelle (des Concerts du Châtelet), Georges Veyret, contrebasse (de la Société des Concerts, 1er prix 1865 du Conservatoire de Paris), Boudin, flûte solo (des Concerts Arban), Garimond, hautbois (du Théâtre-Italien), Henri Paradis, 1ère clarinette (1er prix 1880 du Conservatoire de Paris), Boulanger, 2e clarinette (des Concerts Arban), Pierre Renard, 1er piston (1er prix de trompette 1880 du Conservatoire de Paris), Démaret, 2e piston (chef de la Fanfare du Tréport), Cruchet, trombone (de l'Opéra-Comique). Le programme du mercredi 14 juillet de cette même année nous est connu, il révèle le choix éclectique d'oeuvres d'une certaine importance, parmi d'autres plus légères. Au concert de 16 heures : Le Cheval de Bronze (ouverture), Auber – Dis-moi tu, dis-moi toi (valse), J. Strauss – Sardanapale (ouverture), Joncières – Air de ballet, A. Adam – En poste (galop), Gregh ; à celui de 21 heures : l'Italienne à Alger (ouverture), Rossini – Hymne autrichien, Haydn – Fantaisie sur Guillaume Tell, Rossini – Sérénade hongroise, Joncières – Chant d'Amour, Taubert – Caprice sur les motifs de Faust exécuté sur la flûte par M. Boudin, Herman – La Paloma (habanera), Yradier.

Charles Placet est aussi l'auteur de quelques oeuvres légères : Georgina, polka-mazurka pour piano (Chatot, 1863), Musette, polka pour piano (F. Schoen, 1876), Patins et fourrures, mazurka pour orchestre, et version pour piano (F. Schoen, 1876, puis A. O'Kelly, 1881), Sapeurs-pompiers, polka-marche pour orchestre, et version pour piano (Mackar et Noël, 1895). Marié à Paris en 1879 avec Judith Léon (1861-1890), on leur connaît 2 enfants : Charles-Auguste Placet (1877) dont la destinée est pour l'heure inconnue, et Armand-Jules Placet, mort enfant (1877-1879). A l'époque du décès de son épouse, Charles Placet est alors professeur de musique, domicilié 50 rue Laugier à Paris XVIIe, avant de s'établir en banlieue 11 rue Chevallier à Levallois-Perret ; il est mort en 1907.

Denis Havard de la Montagne
(avril 2001, mise à jour : juillet 2017)

1 Ce n’est qu’en 1860, lors de l’annexion de communes limitrophes par la Ville de Paris, que le hameau des Ternes fut rattaché à la capitale. Il forme actuellement le 17ème arrondissement.

2 Au moment de sa naissance, son grand-père Jean-Pierre Placet (né vers 1753) qui signe le registre de naissance, est fabriquant d'étoffes de soie, demeurant 71 rue de la Roquette à Paris.

3 A la déclaration de naissance sont témoins Eugène de Peronne et Louis-Claude-Marie de Grandfond, chevalier de la Légion d'honneur, chef d'orchestre, âgé de 51 ans.

4 D'une seconde liaison avec Camille Pierrel, machiniste de son état, elle donna naissance à un autre fils, Emile Pierrel, né le 6 septembre 1860 à Alger, mais celui-ci mourut 7 mois plus tard le 5 avril 1861dans cette même ville. Jérôme Bortolotti (1819-1888), chef d'orchestre à Alger, beau-frère du père de l'enfant, avait été l'un des témoins à sa naissance en 1860. En 1866, il est également l'un des deux témoins qui signent à Alger l'acte de décès de Caroline Boucher.

5 Plusieurs ouvrages de Gounod furent créés dans ce théâtre : Le Médecin malgré lui (15 janvier 1858), Faust (19 mars 1859) avec Caroline Miolan-Carvalho dans le rôle de Marguerite, sous la direction de A. Delêtre, Philémon et Baucis (18 février 1860), Mireille (19 mars 1864), Roméo et Juliette (27 avril 1867), ainsi que les Troyens à Carthage de Berlioz (4 novembre 1863).


1835

Ernest BOULANGER (1815–1900)

Ernest Boulanger
Ernest Boulanger
(photo Nadar, coll. Bnf-Gallica) DR.

Fils de musiciens, Ernest Boulanger fut mis très tôt en relation avec d’éminents artistes, notamment Boieldieu et Auber, amis de ses parents. Principalement connu pour ses opéras comiques, il a également enseigné le chant au Conservatoire de Paris et fréquentait Gounod, Saint-Saëns, Massenet et Fauré. Cet homme " d’un accès extraordinairement sympathique et ouvert, très gai ", lauréat du Prix de Rome en 1835, marié à une princesse russe, est le père de Nadia et Lili Boulanger, qui à leur tour deviendront lauréates du même concours, respectivement en 1908 et 1913.

Henri-Alexandre-Ernest Boulanger est né le 16 septembre 1815 à Paris. Son père Frédéric, né à Dresde de parents français, avait autrefois (1797) reçu un 1er prix de violoncelle au Conservatoire de musique de Paris tout nouvellement créé. Il y enseigna d’ailleurs quelque temps au début de la deuxième Restauration et fut surtout attaché à la Chapelle du roi. On lui doit notamment des Stances sur la mort du duc de Berry (Leduc). Sa mère Marie-Julie Hallinger, était une célèbre cantatrice à l’Opéra-Comique où elle avait débuté en 1811, après avoir obtenu un 1er prix de chant dans ce même conservatoire (1809). Entré à son tour en 1830 au Conservatoire de Paris, Ernest Boulanger fit ses études musicales sous la direction de Charles-Valentin Alkan (solfège), François Benoist (orgue), Halévy (contrepoint) et Lesueur (composition). C’est ce dernier qui l’amena à se présenter en 1835 au concours de Rome : sa cantate Achille lui valut le Premier Grand Prix. En février 1836, il arrivait à la Villa Médicis pour y effectuer le traditionnel séjour de plusieurs années, aux frais du gouvernement.

Ernest Boulanger, Le Diable à l'école, opéra-comique en un acte, paroles d'Eugène Scribe, créé le 17 janvier 1842 à l'Opéra-Comique
( Paris, 1842, Mme Lemoine & Cie, éditeurs/coll. Bnf-Gallica  )
Fichier MP3 Morceau détaché n° 1, romance, avec accompagnement de piano par l'auteur (fichier audio par Max Méreaux, transcription pour clarinette de la partie vocale) DR.

De retour à Paris à la fin de l’année 1839, Ernest Boulanger se lança alors dans la composition avec quelques pages pour piano (Quadrille, Valse brillante…), des mélodies (Le son du cor, La réponse devinée, Quand le courage m’abandonne, Sans toi que j’aime...), mais c’est surtout ses opéras-comiques qui lui apportèrent quelques succès : Le Moulin (1840, un acte, paroles d’Eugène de Planard), Fichier MP3 Le Diable à l’école (1842, un acte, paroles d’Eugène Scribe, Lemoine), Les Deux bergères (1843, un acte, paroles d’Eugène de Planard), Wallace ou le Ménestrel écossais (1844, trois actes, Colombier), Une Voix (1845, un acte, paroles de Paul Bayard, Meissonnier), La Cachette (1847, trois actes, paroles d’Eugène de Planard, Meissonnier), Les Sabots de la marquise (1854, un acte, paroles de Michel Carré et Jules Barbier, Grus), Le mariage de Léandre (1859, un acte, paroles de Clément Caraguel)... Fétis, dans sa " Biographie universelle des musiciens ", rapporte que Le Diable à l’école, représenté en janvier 1842, " fut un début heureux, car on y remarqua plusieurs jolis morceaux de bonne facture où le jeune musicien avait fait preuve de sentiment dramatique ". André Boni, critique à " La France musicale ", écrit une vingtaine d’années après : " Sa musique est soignée, bien remplie, sans banalités. M. Boulanger a travaillé et il a réussi. Sa mélodie, en général bien inspirée, ne manque ni de grâce ni de charme, et l’orchestration l’accompagne, modérant ses éclats et remplissant son vrai rôle. C’est spirituel et correct, c’est sage avec un peu de bonheur que n’en a ordinairement la sagesse qui, dans les arts, la laisse souvent à la fantaisie ". C’était à la suite de la première de L’Eventail, en décembre 1860 au Théâtre impérial de l’Opéra-Comique, un autre opéra-comique en un acte, écrit sur des paroles de Jules Barbier et Michel Carré (Escudier) et interprété par Mme Faure-Lefebvre, Mlle Angèle Cordier et MM. Crosti et Ponchard, qui avait attiré les faveurs du public.

Le Grand-Théâtre de St-Petersbourg
Le Grand-Théâtre de Saint-Pétersbourg au XIXe siècle que fréquenta Ernest Boulanger vers 1877

En 1871, Ernest Boulanger succéda à François-Eugène Vauthrot dans sa classe de chant au Conservatoire de musique et de déclamation de Paris, où il restera jusqu’au début de l’année 1895. Quelques années plus tard, le 14 septembre 1877 à Saint-Pétersbourg, en l’église du Régiment des Chasseurs de la Garde impériale, alors âgé de 62 ans, il épousait à une princesse russe de 18 ans, Raïssa Mischetzky, qu’il avait rencontrée précédemment lors d’un concert. Fille du prince Ivan Mischetzky " régistrateur de collège ", elle était venue auparavant à Paris suivre les cours de chant d’Ernest Boulanger au Conservatoire. Installé 35 rue de Maubeuge, puis 30 rue La Bruyère dans le neuvième arrondissement parisien, le couple Boulanger donnera naissance à trois filles : Nina-Juliette, morte enfant en 1886, Juliette-Nadia, née le 16 septembre 1887 et Marie-Juliette-Olga, dite Lili, née le 21 août 1893.

Le 14 avril 1900, dans son appartement de la rue La Bruyère Ernest Boulanger s’éteignait, laissant une jeune veuve de 42 ans qui lui survivra 35 ans, jusqu’à sa mort arrivée en 1935. Fait assez rare pour être souligné ici, 164 ans s’écouleront entre la naissance d’Ernest Boulanger et la mort de sa fille Nadia, survenue le 22 octobre 1979!

Le catalogue de ce compositeur contient pas loin de 80 numéros d’opus. S’il a écrit en 1850 une ouverture pour orchestre destinée au théâtre (Toussaint l’ouverture) et quelques pièces pour le piano, c’est principalement pour la voix qu’il a composé. On lui doit en effet de nombreuses mélodies (la plupart inédites), écrites sur des paroles du comte Eugène de Lonlay (Adieux à la campagne, Sous le balcon, Un regard de toi), Hippolyte Guérin de Litteau (Au paradis, Le Pâtre, Les Petits glaneurs), Jules Barbier (Bonjour mon cœur, Tréport, Souvenez-vous de moi) ou dont il a également écrit les paroles (Quant le courage m’abandonne, Nana, Hier il neigeait sous ma fenêtre, J’écoute encore ce qu’il m’a dit…), des chœurs a cappella (Cyrrhus à Babylone, Les Navigateurs, Les Outils, Les Puritains, Les Voix du dimanche…) édités chez Lory, une cantate : Le 15 août aux champs (1852), et plusieurs opéras-comiques. En plus de ceux déjà mentionnés supra citons encore : La Meunière sans souci, un acte (1863), Le Docteur Magnus, un acte (1864), Don Quichotte, trois actes (1869), Don Mucarade, opéra-bouffe en un acte, paroles de Jules Barbier et Michel Carré, calqué sur le Barbier de Séville (Escudier), créé à l’Opéra-Comique le 10 mai 1875 par Mlles Chevalier (Pépita) et Révilly (Barbara), et MM. Thierry (Don Mucarade), Lefèvre (Don Peblo), Duvernoy (Gabolio), Barnolt (Luc) et Potel (Roch), qui tint l’affiche durant 12 représentations, et Marion, un acte (1877).

Le Musée de la Musique à Paris conserve plusieurs portraits d’Ernest Boulanger, entre autres un buste en plâtre patiné façon bronze, d’après J. Brian (1835) et une mine de plomb anonyme le représentant au pianoforte à la Villa Médicis au milieu de ses condisciples.

Denis HAVARD DE LA MONTAGNE

Vincent DELACOUR (1808-1840)

" Peu de jours après avoir donné un concert dans lequel il avait fait entendre plusieurs ouvrages de sa composition, particulièrement un Sextuor pour divers instruments et des morceaux de chant où l’on remarquait du talent "1, Vincent Delacour rendait l’âme à Paris le 28 mars 1840. Cet artiste, mort au lendemain de ses 32 ans, n’a pu donner le meilleur de lui-même et laisser un nom dans l’Histoire de la musique. On ne lui connaît d’ailleurs que quelques compositions, parmi lesquelles on trouve des romances, très en vogue à l’époque, ainsi qu’un O Salutaris à 3 voix et un Ave verum à 4 voix et orgue.

Né le 25 mars 1808 à Paris, quelques semaines seulement après l’entrée des troupes françaises à Rome, Vincent-Conrad-Félix Delacour intégrait le Conservatoire de sa ville natale en octobre 1822 ; il avait alors 14 ans. Tout d’abord élève de harpe de François Naderman et d’harmonie de Victor Dourlen, après avoir obtenu un deuxième prix dans cette dernière discipline (1825), il suivait les cours de contrepoint et de fugue de François Fétis. En 1827 il suspendait ses études au Conservatoire pour se rendre en Italie, puis en Allemagne, où on le trouvait comme harpiste au Théâtre royal de Berlin en 1830. Delacour était à cette époque l’un des meilleurs disciples de Nadermann. Harpiste de la Chapelle royale, celui-ci avait été nommé premier professeur de harpe au CNSM lorsque cette classe fut créée en 1825. Il y enseignait la harpe à simple mouvement qu’il fabriquait d’ailleurs lui-même, étant également luthier et même éditeur de musique ! De retour à Paris peu de temps après, il reprit ses études au Conservatoire et en 1833 devenait l’élève de composition de Henri Berton, qui venait de perdre son fils François, chanteur et compositeur agréable, enlevé par le choléra. Deux années plus tard, Vincent Delacour se présentait au Concours de l’Institut. Le sujet imposé était Achille et sa cantate lui rapportait un premier Second Grand Prix.

Collaborateur un temps de Charles Chaulieu, compositeur prolifique auteur d’une multitude de romances et autres pièces légères pour le piano, ils publièrent ensemble un journal de musique intitulé Le Pianiste, journal spécial, analytique et instructif, puis Journal spécial pour le piano, les théâtres lyriques et les concerts, qui n’eut qu’une vie éphémère (novembre 1833 à octobre1835).2

D.H.M.

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1) François-Joseph Fétis, Biographie universelle des musiciens et bibliographie générale de la musique, Paris, Didot, 1860-1881, 10 vol. [ Retour ]

2) Unique périodique, mensuel puis bimensuel, spécialisé à l'époque dans le piano, sa facture et son répertoire, il contenait de nombreux articles variés sur les virtuoses du temps, les formes musicales, l'enseignement, les éditions... Les Editions Minkoff (Genève) ont réimprimé cette publication en 1972 (1 volume in-4 de 460 pages, dont 36 portraits). [ Retour ]


1836

Xavier BOISSELOT (1811 - 1893)

Xavier Boisselot
( photographie Numa fils, 1861, BNF. )
Article sur une page spécifique.



1837

Louis BESOZZI

On peut consulter une notice détaillée dans notre article sur l'église St-Vincent-de-Paul.

Fichier MP3 Louis-Désiré Besozzi, Le Trouble, dédicacé “à Monsieur Auguste Barbereau”, pièce n° 1 des 12 Etudes caractéristiques pour piano, op. 19 (Paris, Grus), fichier audio par Max Méreaux (DR.)

Louis CHOLLET (1815-1851)

Né le 5 juillet 1815 à Paris, il rejoignit le Conservatoire de Paris durant le courant du mois de février 1826, alors âgé de 10 ans. Admis dans la classe de piano de Zimmerman, il obtint un Premier Prix en 1828 et suivit ensuite les cours d’orgue de François Benoist, qui l’amenèrent à recevoir un Premier Prix en 1838. Entre temps, en 1837, il avait obtenu un premier Second Grand Prix de Rome.

Louis Chollet a été longtemps organiste de l’église Saint-Thomas d’Aquin, dans le septième arrondissement parisien. Succédant là en 1834 à Marrigues, il tint les claviers de cet instrument jusqu’à sa mort, arrivée à Paris le 21 mars 1851. C’est Pierre-Edmond Hocmelle qui lui succéda. L’orgue que Chollet touchait était celui construit en 1769 par François-Henri Clicquot pour cette église, alors placée sous le vocable de St-Dominique et dépendant du noviciat des Jacobins. Restauré par Louis-Paul Dallery en 1842, cet instrument sera entièrement reconstruit par Cavaillé-Coll en 1861 et inauguré par Saint-Saëns, avant d’être restauré par Gutschenritter en 1912 et enfin de connaître une nouvelle reconstruction effectuée en 1967 par Schwenkedel. A l’époque de Louis Chollet, il comptait 39 jeux répartis sur 4 claviers et un pédalier.

Même si la mort a emporté ce musicien à l’âge de 35 ans, il avait eu cependant le temps d’écrire quelques compositions de grande valeur. C’est ainsi que l’on a de lui des pièces pour piano : Deux petits duos pour piano à 4 mains (Paris, Aulagnier), Variations pour piano seul sur le thème du " Duc de Reichstatd " (Paris, Mayaud), Fantaisie sur les thèmes de " Parisina " de Donizetti (Paris, Mayaud), Rondo brillant (Paris, Mayaud), Rondo sur la Romanesca (Paris, Meissonnier) ; des œuvres chorales : Chanson napolitaine variée (Paris, Meissonnier), Mélodie suisse variée (Paris, Meissonnier)... et des pages orchestrales : Fantaisie sur le Domino noir, op. 34 (Paris, Brandus), Variations brillantes sur des motifs du Lac des Fées, op. 37, Fantaisie sur le Duc d’Olonne, op. 38, Fantaisie sur la part du Diable, op. 40, toutes éditées à Paris, chez Brandus ; ainsi que de jolies romances, des chansonnettes et des nocturnes.

Comme organiste, il avait été convié le 21 septembre 1841 à participer à la réception à l’église royale de Saint-Denis du grand orgue de 32 pieds construit par Cavaillé-Coll, en même temps que tous les grands organistes de Paris.

D.H.M.

Fichier MP3 Louis Chollet, Le Tournoi, Grande valse pour piano, dédicacée “à Mme J. de Saint Projet” (Paris, Schonenberger, 28 Bd Poissonnière, S. 1269). Fichier audio par Max Méreaux (DR.)
 

1838

Georges BOUSQUET (1818-1854)

Georges Bousquet
( lithographie Léon Noël, 1854, BNF )

Chef d'orchestre et critique musical, Georges Bousquet est né le 12 mars 1818 à Perpignan. Après avoir fait ses études au Conservatoire de Paris, qui furent couronnées par un Premier Grand Prix de Rome en 1838, il fut chef d'orchestre à l'Opéra en 1847, puis au Théâtre-Italien de 1849 à 1851. Membre de la Commission d'études du Conservatoire, c'est surtout comme critique musical qu'il se fit connaître à L'Illustration, Le Commerce et la Gazette musicale de Paris. On lui doit des opéras : L'Hôtesse de Lyon, donné au Conservatoire de Paris en 1844, Le Mousquetaire, monté la même année à l'Opéra-Comique, Tabarin, créé au Théâtre-Lyrique en 1852, ainsi que quelques pièces de musique de chambre, une cantate et des pages de musique religieuse. Il est mort le 15 juin 1854 à Saint-Cloud à l'époque où Gounod fait de fréquents séjours dans cette ville où sa belle-famille possède une villa.

D.H.M.

Paru en août 2018, Editions Talaia à 66140 Cannet-en-Roussillon


Fichier MP3 Georges Bousquet, Les Echos du rivage, barcarolle pour chant et piano, dédicacée "à son ami Normand", paroles de Fernand Huard (1843, Paris, au Bureau de la Symphonie, revue journal, et chez V. de Biville, éditeur - coll. BnF-Gallica) DR.
Fichier audio par Max Méreaux avec transcription de la partie vocale pour clarinette et après correction de fautes de gravure : à la 10e mesure, dans la partie vocale, la dernière note du 2e système est un do (et non un si) ; à la dernière page, dans les couplets 2 et 3, première mesure de la 3e portée : les deux dernières notes sont ré bémol, do (et non do, si bémol) DR.
Partition au format PDF.

Ernest DELDEVEZ (1817-1897)

Ernest Deldevez
Ernest Deldevez en 1857 par Charles Vogt
(lithographie Thierry frères, Paris/coll. BNF-GALLICA) DR.


Couverture 6 Romances sans paroles pour le piano, par E.M.E. Deldevez,
dédicacée "à Francis Planté"
(Paris, S. Richault, 1867/coll. BNF-GALLICA) DR.
Fichier MP3 Fichier audio de la Romance n° 6 par Max Méreaux (DR.)

Signature autographe (1874) DR.

Ernest DELDEVEZ

 

Nous avons le regret d'enregistrer la mort de l'excellent artiste qui avait nom Deldevez et qui fut chef d'orchestre de l'Opéra et de la Société des Concerts et professeur de la classe d'orchestre au Conservatoire. Édouard-Marie-Ernest Deldevez, qui était né à Paris le 31 mai 1817, avait fait au Conservatoire de brillantes études. Elève d'Habeneck, d'Halévy et de Berton, il avait obtenu le premier prix de solfège on 1831, le premier prix de violon en 1833, et en 1838, le premier prix de fugue et le second grand prix de Rome à l'Institut. Il faisait partie dès cette époque de l'orchestre de l'Opéra, et, chose assurément rare, il se vit confier, dans cette situation, la mission d'écrire la musique de plusieurs ballets. C'est ainsi qu'il composa, avec Flotow et Burgmüller, celle de Lady Henriette (21 février 1844), puis, seul, celle d'Eucharis (7 août 1844), de Paquita (1er avril 1846), et avec Tolbecque celle de Vert-Vert (24 novembre 1851). Les compositions de Deldevez sont nombreuses d'ailleurs, et de divers genres, et je ne puis citer que les plus importantes. Elles comprennent trois symphonies, deux quatuors et un quintette pour instruments à cordes, deux trios pour piano, violon et violoncelle, deux ouvertures de concert, une messe de Requiem à la mémoire d'Habeneck, deux ballets inédits : Mazarina et Yanko le bandit, deux grands opéras inédits : Samson, en deux actes, et le Violon enchanté, en un acte, des recueils de chant, etc.

 

En 1839, Deldevez fut nommé coup sur coup second chef d'orchestre à l'Opéra et à la Société des concerts. Au bout de quelques années il se démit du premier de ses emplois ; mais, déjà élu premier chef à la Société des concerts lors de la démission de George Hainl en 1872, il rentra à l'Opéra comme premier chef à la mort de celui-ci, l'année suivante. Cependant il prit sa retraite à ce théâtre en 1876, restant seulement à la tête de la Société des concerts, qu'il ne quitta qu'en 1883. Très instruit dans la pratique et la théorie de son art, il occupa alors ses loisirs à des travaux littéraires relatifs à la musique. Il avait déjà publié deux ouvrages importants Curiosités musicales, notes, analyses, interprétation de certaines particularités contenues dans les oeuvres des grands maîtres (1873), et l'Art du chef d'orchestre (1878) ; il donna par la suite la Société des concerts de 1860 à 1885 (1887), et De l'exécution d'ensemble (1888). Ces divers ouvrages ont été publiés à la librairie Firmin-Didot. Antérieurement, Deldevez avait donné un écrit intitulé la Notation de la musique classique comparée à la notation de la musique moderne, et de l'exécution des petites notes en général, et, sous le titre de Trilogie, une série d'études sur l'harmonie et sur les oeuvres des compositeurs et des violonistes célèbres. On peut dire de Deldevez qu'il fut vraiment un artiste infatigable. Cet homme excellent et un peu misanthrope, depuis longtemps souffrant et valétudinaire, est mort à Paris, dans son petit appartement solitaire de l'avenue Trudaine, le samedi 6 de ce mois, à l'âge de 80 ans.

Arthur Pougin

(Le Ménestrel, 14 novembre 1897)


 

Note de Musica et Memoria : Né à Paris le 31 mai 1817, du légitime mariage de Charles Deldevez (c.1782-1863), horloger, et de Marie-Eléonore Louette (c.1792-1870), Edme (et non Edouard)-Marie-Ernest Deldevez est mort le 5 novembre 1897 dans la soirée (et non le 6 novembre). Célibataire, on lui connaît deux frères et une soeur : François (né le 4 avril 1811 à Paris), Jeanne (née le 15 mars 1813 à Paris), dont les destinées sont inconnues, et Pierre (né le 4 décembre 1823 à Paris), auteur d'une descendance encore représentée de nos jours.



Charles Dancla (1817-1907)
( Lithographie Aubert et Cie, d'après portrait de Marie Alexandre Alophe, vers 1845. Supplément à la France musicale. BNF Richelieu )
Charles DANCLA (1817-1907)

Charles Dancla, deuxième Second Grand Prix de Rome en 1838 avec la cantate la Vendetta, sur des paroles du marquis de Pastoret. Gascon d'origine, élève de Baillot, il deviendra plus tard second violon à l'Opéra-Comique en 1834, violon solo de l'Orchestre de la Société des Concerts du Conservatoire en 1841, membre de la Chapelle Impériale en 1853 et enfin, professeur de violon au Conservatoire de Paris en 1857. Son catalogue, avec plus de 200 numéros d'opus, comprend des sonates pour violon, des trios et des quatuors à cordes et des concertos pour violon. Il est également l'auteur d'ouvrages pédagogiques, dont une Méthode élémentaire et progressive de violon. Ses frères, Arnaud (1819-1862) et Léopold (1822-1895), avec lesquels il organisait des séances de musique de chambre renommées, furent également musiciens; le premier violoncelliste, et le second, violoniste.

Notes provisoires. D.H.M.

Dancla: 2ème Petite Symphonie concertante pour 2 violonsDancla: 2ème Petite Symphonie concertante pour 2 violonsDancla: 2ème Petite Symphonie concertante pour 2 violons
Charles Dancla, Fichier MP3 2ème Petite Symphonie concertante pour 2 violons, op. 109 (fragment),
Editeur E. Gallet, successeur de Colombier, rue Vivienne à Paris, 1870 (coll. Max Méreaux).
Numérisation et enregistrement par Max Méreaux



1839

Charles GOUNOD (pages spécifiques)

Photographie de Charles Gounod
La Bibliothèque nationale du Québec propose en ligne de nombreux enregistrements anciens de musique vocale de Gounod : http://www4.bnquebec.ca/musique_78trs/mc166.htm



Gounod: Matinée de maiGounod: Matinée de mai
Charles Gounod, Matinée de mai (d'après un prélude) pour piano,
"morceau d'exécution aisée, une des plus jolies oeuvres posthumes de Gounod"
( Paris, Choudens, 1896, puis Musica, supplément, juillet 1906, coll. Max Méreaux ) DR
Fichier MP3 Numérisation et fichier mp3 par Max Méreaux (DR.)

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